dimanche 11 janvier 2009

Devoirs de vacances (Noël), 22

En photo : Crímenes Ejemplares par cemepé

À faire en 2h30, sans dictionnaire

Si no duermo ocho horas soy hombre perdido; y me tenía que levantar a las siete... Eran las dos y no se marchaban: repantigados en los sillones, tan contentos. Y sabe Dios que no había tenido más remedio que invitarlos a cenar. Y hablaban por los codos, por las coyunturas, a chorros, lazándose el uno al otro la hebra, enredándola a borbotones, despotricando de cosas insubstanciales, y venga tomar copas de coñac y otra taza de café. De pronto, a ella se le ocurrió que, un poco más tarde, podríamos tomar unas sopas de ajo. (Mi cocinera tiene reputación.) Yo no podía más. Los invité a cenar porque no tenía más remedio, porque soy una persona bien educada. Llegaron, más o menos puntualmente, a las nueve y media, y eran las dos de la mañana y no tenían trazas de marcharse. Yo no podía apartar mi pensamiento del reloj, porque mirarlo no podía, ya que ante todo está la buena educación. Yo me tenía que levantar a las siete, y si no duermo ocho horas pasó todo el día hecho un guiñapo; además lo que decían no me importaba nada, absolutamente nada. Claro está que podía haber procedido como un grosero y haberles dicho de una manera o de otra que se fueran. Pero eso no reza conmigo. Mi mamá, que se quedó viuda joven, me ha inculcado los mejores principios. Lo único que tenía eran ganas de dormir. Lo demás me importaba poco. No es que tuviera mucho sueño: pensaba en el que tendría al día siguiente... Mi educación me impedía simular bostezos, que es medida corriente en personas ordinarias.
Y usted por aquí, y usted por allá... y aquél y el de más allá. El gin rommy, el ajedrez, el poker... Ginger Rogers, Lana Turner, Dolores del Río (odio el cine). El sábado en Cuernavaca (odio Cuernavaca). ¡Ay, la casa de Acapulco! (en aquel momento odiaba Acapulco), y Mengano perdía tanto y tanto, ¿a usted qué le parece? A usted, a usted, a usted... Y el Presidente, y el ministro, y la ópera (odio la ópera). Y el casimir inglés, don Pedro, la chamba, las llantas
Y aquel veneno tan parecido de color al coñac...

Max Aub, Crímenes ejemplares

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La traduction « officielle » de Crímenes ejemplares, réalisée par Danièle Guibbert, pour les éditions Phébus, libretto, 1997, p.52-53 :

Si je n’ai pas mes huit heures de sommeil je suis un homme perdu, et je devais me lever à sept heures… Il était deux heures et ils ne partaient pas, ils étaient vautrés dans les fauteuils, béats. Et Dieu sait que je n’avais pu faire autrement que de les inviter à dîner. Ils jacassaient comme des pies, ils caquetaient à n’en plus finir et se relançaient l’un à l’autre la conversation, ils l’emmêlaient de bredouillis et parlaient à tort et à travers de choses inutiles. Et je devais porter verres de cognac et autres tasses de café. Soudain il lui vint à l’idée, à elle, que nous pourrions prendre un peu plus tard une soupe à l’ail. (Ma cuisinière est très réputée). Je n’en pouvais plus. Je les avais invités à dîner parce que je ne pouvais faire autrement, parce que je suis bien élevé. Ils étaient arrivés plus ou moins à neuf heures et demie, il était deux heures du matin et ils ne semblaient pas vouloir s’en aller. Je ne pouvais chasser la pendule de ma pensée, parce que je ne pouvais y jeter un œil car, au-delà de tout : je suis bien élevé. Je devais me lever à sept heures et si je ne dors pas mes huit heures je suis une loque toute la journée, et de surcroît ce qu’ils racontaient ne m’intéressait pas, absolument pas. Bien entendu j’aurais pu agir comme un être grossier et d’une façon ou d’une autre leur dire de s’en aller. Mais ce n’est pas dans ma manière. Ma mère qui fut veuve très jeune m’a inculqué les meilleurs principes. Je n’avais qu’une seule envie : dormir, et le reste m’importait peu. Je n’avais pourtant pas tellement sommeil, je pensais seulement à l’envie que j’en aurais le lendemain… Mon éducation m’empêchait de simuler ces bâillements qui sont le moyen habituel des personnes ordinaires.
Et vous par-ci et vous par-là… et ça et le reste. Le gin-rummy, les échecs, le poker… Ginger Rogers, Lana Turner, Dolores del Rio (je déteste le cinéma). Le samedi à Cuernavaca (je déteste Cuernavaca). Ah ! la maison d’Acapulco ! (à ce moment-là je détestais aussi Acapulco)… et Mengano qui perdait et perdait…
Et vous, qu’en pensez-vous ? Et vous, et vous et vous… Et le Président, et le ministre, et l’opéra (je déteste l’opéra). Et le cashmere anglais, Don Pedro, et le gazon, les choux…
Et ce poison qui ressemblait tellement au cognac.

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Nathalie nous propose sa traduction (et me signale au passage des coquilles :
l.7 « lazándose el uno al otro la hebra » pour « lanzándose » (ou alors c’est moi qui ai mal compris le texte puisque après la virgule, on trouve un verbe synonyme de lazar, « enredándola »…) et l.17 « pasó » pour « paso ») :

Si je ne dors pas mes huit heures, je suis foutu ; et je devais me lever à sept heures… Il était deux heures du matin et ils ne se décidaient toujours pas à partir : si confortablement installés dans leur fauteuil, pleinement satisfaits de leur sort. Et Dieu sait que je n’avais pas pu faire autrement que de les inviter à dîner. Là, on aurait dit des pies qui jacassaient, ça n’en finissait pas, chacun reprenant à son compte le fil de la conversation, pour mieux l’entremêler sous un flot de paroles, pérorant sur des choses insignifiantes, et hop ! quelques verres de cognac et une autre tasse de café. Sans crier gare, voilà-t-y pas qu’elle nous propose de prendre une soupe à l’ail, chez moi, un peu plus tard. (Ma cuisinière a bonne réputation). Moi, je n’en pouvais plus. Je les ai invités à dîner parce que je n’avais pas d’autre choix, parce que je suis quelqu’un de bien élevé. Ils sont arrivés, presque ponctuels, à neuf heures et demie : il était deux heures du matin et ils n’avaient pas l’air de vouloir partir. Je ne pouvais pas penser à autre chose qu’à ma montre, mais je ne pouvais évidemment pas la regarder, l’éducation avant tout. Je devais me lever à sept heures et si je ne dors pas mes huit heures, le lendemain, je suis une loque ; sans compter que ce qu’ils racontaient ne m’intéressait pas, mais vraiment pas. Bien sûr, j’aurais pu me conduire comme un grossier personnage et leur dire de ficher le camp, d’une manière ou d’une autre. Mais ma religion me l’interdit. Ma chère maman, qui s’est retrouvée veuve très jeune, m’a inculqué les meilleurs principes. Tout ce dont j’avais envie, c’était de dormir. Le reste m’importait peu. Ce n’est pas que j’avais vraiment sommeil, mais je pensais déjà à la fatigue qui se ferait sentir dans la journée. Mon éducation m’empêchait de simuler de faux bâillements, ce qui est une pratique courante chez les gens normaux.
Et un « vous » par-ci, et un « vous » par-là… et lui, et l’autre. Le gin rummy, les échecs, le poker… Ginger Rogers, Lana Turner, Dolores del Río( je déteste le cinéma). Le samedi à Cuernavaca (je déteste Cuernavaca). Ah, la maison d’Acapulco ! (à ce moment-là, je me mis à détester Acapulco), et Untel avait perdu tant et tant, qu’est-ce que vous en pensez ? Et vous, et vous, et vous… Et le Président, et le ministre, et l’opéra (je déteste l’opéra). Et le cachemire anglais, don Pedro, la chance, les jantes… Et ce poison qui avait la couleur du cognac…

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Brigitte nous propose tout de même sa traduction :

Si je n’ai pas mes huit heures de sommeil, je suis un homme perdu ; et il fallait que je me lève à sept heures… Il était deux heures et ils ne s’en allaient pas, vautrés dans les fauteuils, aux anges.
Et Dieu sait que je n’avais pas pu faire autrement que de les inviter à dîner.
Et c’étaient de vrais moulins à paroles, ils parlaient de la pluie et du beau temps, débitant des flots de paroles, se renvoyant les répliques comme on se renvoie un lasso de main en main, en l’emmêlant , parlaient à gros bouillons, déblatérant sur des futilités.
Et allez, encore un verre de cognac et une tasse de café.
Soudain, il lui vint à l’idée qu’un peu plus tard, on pourrait manger une soupe à l’ail*.(Ma cuisinière a bonne presse).Moi, je n’en pouvais plus. Je les avais invités à dîner parce que je n’avais pas le choix, parce que je suis quelqu’un de bien élevé. Ils étaient arrivés, plus ou moins ponctuels, à neuf heures et demie ; il était deux heures du matin et rien ne semblait indiquer qu’ils étaient sur le départ.
Je ne pouvais détourner ma pensée de ma montre parce que je ne pouvais pas la regarder, puisqu’avant tout c’est la bonne éducation qui prime.
Je devais me lever à sept heures, et si je ne dors pas huit heures, je suis une vraie loque toute la journée; en plus, je n’avais rien à faire de tout ce qu’ils racontaient, absolument rien à faire. Bien sûr, j’aurais pu me comporter comme un grossier personnage et leur dire d’une façon ou d’une autre qu’ils s’en aillent. Mais je ne suis pas comme ça. Ma maman, restée veuve très jeune, m’a inculqué les bonnes manières. La seule chose c’est que j’avais envie de dormir. Le reste ne m’importait guère. Ce n’est pas que j’avais tellement sommeil : je pensais surtout que j’aurais très sommeil le lendemain…Mon éducation m’interdisait de simuler des bâillements, ce qui est chose courante chez les gens mal élevés.
Et que je te donne du vous par ci et encore du vous par là… Et celui-ci et celui-là. Le gin rommy, les échecs, le poker…Ginger Rogers, Lana Turner, Dolores del Río (Je déteste le ciné). Le samedi à Cuernavaca (Je déteste Cuernavaca). Ah, la villa d’Acapulco ! (En cet instant précis, je détestais Acapulco), et un tel perdait tant et tant, et vous, qu’en dites-vous ? Et vous, et vous, et vous….Et le Président, et le ministre, et l’opéra (Je déteste l’opéra). Et le casimir anglais, don Pedro, la veine, le boulot.
Et ce poison si ressemblant par sa couleur au cognac…

* La soupe à l’ail s’appelle aussi le tourain. Pourrait-on utiliser un tel mot dans ce contexte ?
Le tourain est une soupe blanchie à l’ail que les fêtards tardifs consomment parfois au petit matin (ou portent à leurs amis déjà couchés !), tout comme la soupe à l’oignon.

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Blandine nous propose sa traduction :

Si je ne dors pas huit heures par nuit, je suis un homme perdu ; et je devais me lever à sept heures… Il était deux heures du matin et ils ne partaient toujours pas : avachis dans les fauteuils, si contents. Et Dieu sait que je n’avais eu d’autre moyen que de les inviter à dîner. Ils avaient la langue bien pendue, sur les conjonctures, à grand flot, se répondant l’un à l’autre d’une traite, s’embrouillant précipitamment, parlant à tort et à travers de choses sans intérêt, et ils prenaient encore un ballon de cognac et une autre tasse de café. Soudain, elle eut l’idée, qu’un peu plus tard, nous pourrions prendre une soupe à l’ail. (Ma cuisinière a bonne réputation). Je n’en pouvais plus. Je les ai invités à dîner parce que je n’avais pas le choix, parce que je suis une personne bien élevée. Ils arrivèrent, plus ou moins à l’heure, à neuf heures et demie, il était deux heures du matin et ils n’avaient pas l’air de vouloir partir. Je n’arrivais pas à écarter mon esprit de l’horloge, car je ne pouvais la regarder, comme le voulait la bonne éducation. Je devais me lever à sept heures, et si je ne dors pas huit heures, je passe le reste de la journée comme une loque, de plus, ce qu’ils racontaient, ne m’intéressait en rien, mais absolument en rien. Bien entendu, j’aurai pu me conduire de façon grossière et leur dire d’une manière ou d’une autre qu’ils s’en aillent. Mais cela ne me correspond pas. Ma mère, qui est devenue veuve jeune, m’a inculqué les meilleurs principes. La seule chose qui m’intéressait, était de dormir. Le reste, je m’en fichais un peu. Ce n’est pas que j’avais beaucoup sommeil : je pensais à celui que j’aurai le jour suivant. Mon éducation m’empêchait de feindre des bâillements, ce qui est monnaie courante chez les personnes ordinaires. Et un vous par ci, un vous par là…et celui-ci et celui-là. Le gin rommy, le jeu d’échecs, le poker… Ginger Rogers, Lana Turner, Dolores del Río (je déteste le ciné). Le samedi à Cuernavaca (je déteste Cuernavaca). Ay, la maison d’Acapulco ! (à ce moment-là, je détestais Acapulco), et Mengano perdait tant et tant, et vous qu’en pensez-vous ? Et vous, et vous, et vous… et le Président, et le ministre, et l’opéra (je déteste l’opéra). Et le cachemire anglais, don Pedro, le travail, les pneus.
Et ce poison à la couleur semblable du cognac…

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Odile nous propose sa traduction :

Si je n'ai pas mes huit heures de sommeil, je suis un homme perdu; et je devais me lever à sept heures... Il était deux heures et ils ne partaient pas: affalés sur les fauteuils, satisfaits. Et Dieu sait que je n'avais pu faire autrement que de les inviter à dîner. Et ils jacassaient comme des pies, à flots continus, se lançant la balle de l'un à l'autre, mélangeant tout et à toute vitesse, déblatérant sur des choses idiotes et allez, ils buvaient encore des verres de cognac, une autre tasse de café. Soudain, elle eut l'idée qu'un peu plus tard, nous pourrions manger une soupe à l'ail. (Ma cuisinière est fameuse). Je n'en pouvais plus. Je les avais invités à dîner parce que je ne pouvais faire autrement, parce que je suis une personne bien éduquée. Ils arrivèrent, avec plus ou moins de ponctualité, à neuf heures et demie, il était deux heures de matin et ils ne manifestaient aucun signe de vouloir partir. Je ne pouvais m'enlever la montre de l'esprit car je ne pouvais la regarder, avant tout par bonne éducation. Moi, je devais me lever à sept heures et si je ne dors pas huit heures, le lendemain je suis une loque; de plus, ce qu'ils disaient ne m'intéressait en rien, absolument en rien. Bien sûr, j'aurais pu me comporter comme un grossier personnage et leur dire, d'une manière ou d'une autre, qu'ils partent. Mais ce n'est pas dans ma façon d'agir. Ma mère, qui se retrouva veuve très tôt, m'a inculqué de bons principes. Je n'avais qu'une envie, c'était de dormir. Le reste m'importait peu. Ce n'est pas que j'avais très sommeil; je pensais à celui que j'aurai le lendemain... Mon éducation m'empêchait de simuler des bâillements, ce qui se fait couramment chez les gens mal éduqués. Et vous ceci, et vous cela... et celui-ci et celui-là. Le gin rummy, les échecs, le poker....Ginger Rogers, Lana Turner, Dolores del Río (je hais le cinéma). Le samedi à Cuernavaca (je hais Cuernavaca)? Ah! la maison d'Acapulco! (à cet instant, je haïssais Acapulco), et Untel perdait tant et tant, et vous, vous en pensez quoi? Et vous, et vous, et vous..... Et le Président, et le ministre, et l'opéra (je hais l'opéra). Et le cashemire anglais, don Pedro, le boulot, les ???
Et ce poison qui ressemble tant au cognac par sa couleur…

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