vendredi 4 décembre 2009

Exercice de version, 17

Me llamo Eva, que quiere decir vida, según un libro que mi madre consultó para escoger mi nombre. Nací en el último cuarto de una casa sombría y crecí entre muebles antiguos, libros en latín y momias humanas, pero eso no logró hacerme melancólica, porque vine al mundo con un soplo de selva en la memoria. Mi padre, un indio de ojos amarillos, provenía del lugar donde se juntan cien ríos, olía a bosque y nunca miraba al cielo de frente, porque se había criado bajo la cúpula de los árboles y la luz le parecía indecente. Consuelo, mi madre, pasó la infancia en una región encantada, donde por siglos los aventureros han buscado la ciudad de oro puro que vieron los conquistadores cuando se asomaron a los abismos de su propia ambición. Quedó marcada por el paisaje y de algún modo se las arregló para traspasarme esa huella.
Los misioneros recogieron a Consuelo cuando todavía no aprendía a caminar, era sólo una cachorra desnuda y cubierta de barro y excremento, que entró arrastrándose por el puente del embarcadero como un diminuto Jonás vomitado por alguna ballena de agua dulce. Al bañarla comprobaron sin lugar a dudas que era niña, lo cual les creó cierta confusión, pero ya estaba allí y no era cosa de lanzarla al río, de modo que le pusieron un pañal para tapar sus vergüenzas, le echaron unas gotas de limón en los ojos para curar la infección que le impedía abrirlos y la bautizaron con el primer nombre femenino que les pasó por la mente. Procedieron a educarla sin buscar explicaciones sobre su origen y sin muchos aspavientos, seguros de que si la Divina Providencia la había conservado con vida hasta que ellos la encontraron, también velaría por su integridad física y espiritual, o en el peor de los casos se la llevaría al cielo junto a otros inocentes. Consuelo creció sin lugar fijo en la estricta jerarquía de la Misión.

Isabel Allende, Eva Luna

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Odile nous propose sa traduction :

Je m'appelle Eva, qui signifie vie, d'après un livre que ma mère avait consulté pour choisir mon prénom. Je suis née dans la chambre du fond d'une maison sombre et j'ai grandi parmi de vieux meubles, des livres en latin et des momies humaines, mais cela ne m'a pas fait de moi quelqu'un de mélancolique, car je suis venue au monde avec un souffle de jungle dans la mémoire. Mon père, un indien aux yeux jaunes, venait de l'endroit où confluent cent rivières, il sentait la forêt et ne regardait jamais le ciel en face, parce qu'il avait grandi sous la frondaison des arbres et la lumière lui paraissait indécente. Consuelo, ma mère, avait passé son enfance dans une région enchantée, où pendant des siècles les aventuriers ont cherché la cité de l'or pur que virent les conquistadores lorsqu'ils descendirent dans les abîmes de leur propre ambition. Elle était restée marquée par le paysage et s'est débrouillée pour me transmettre cette empreinte.
Les missionnaires recueillirent Consuelo alors qu'elle ne marchait pas encore et n' était qu'un chiot nu, couvert de boue et d'excréments, qui arriva en se traînant par le pont de l'embarcadère comme un miniscule Jonas vomi par quelque baleine d'eau douce. Quand ils la lavèrent, ils eurent la confirmation, sans doute possible, que c'était une fille, ce qui les déconcerta un peu, mais à présent elle était là, et il n'était pas question de la jeter au fleuve ; ils la couvrirent donc d'un lange afin de cacher son sexe, lui mirent quelques gouttes de citron dans les yeux pour soigner l'infection qui l'empêchait d'ouvrir les yeux et la baptisèrent du premier prénom féminin qui leur passa par l'esprit. Puis ils l'éduquèrent sans chercher d'explications sur son origine et sans lui manifester trop d'attentions, certains que si la Divine Providence l'avait gardée en vie jusqu'à ce qu'ils la trouvent, elle veillerait aussi sur son intégrité physique et spirituelle, ou, dans le pire des cas, l'emporterait au ciel avec d'autres innocents. Consuelo grandit sans place définie dans la stricte hiérarchie de la Mission.

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Amélie nous propose sa traduction :

Je m’appelle Eva, ce qui signifie vie, à en croire un livre que ma mère avait consulté pour choisir mon prénom. Je naquis dans la chambre du fond d’une maison sombre et je grandis parmi des meubles anciens, des livres en latin et des momies humaines, mais cela ne me rendit pas mélancolique pour autant, parce que je vins au monde avec un souffle de jungle dans la mémoire. Mon père, un indien aux yeux jaunes, venait de l’endroit où confluent cent fleuves, il sentait la forêt et ne regardait jamais le ciel en face, car il avait été élevé à l’ombre des arbres et la lumière lui semblait indécente. Consuelo, ma mère, avait passé son enfance dans une région enchantée, où, pendant des siècles, les aventuriers ont cherché la ville d’or pur que les conquérants avaient vue en se penchant vers les abîmes de leur propre ambition. Elle est restée marquée par le paysage et, d’une certaine manière, s’était arrangée pour me transmettre cette empreinte.
Les missionnaires avaient recueilli Consuelo alors qu’elle n’avait pas encore appris à marcher, elle n’était rien qu’un petit animal nu, couvert de boue et d’excréments, qui arriva sur le pont de l’embarcadère en se traînant, comme un minuscule Jonas vomi par quelque baleine d’eau douce. Quand ils lui donnèrent son bain, ils constatèrent que c’était une fille –aucun doute n’était permis–, ce qui sema le trouble en eux, mais maintenant qu’elle était là, il n’était pas question de la jeter dans le fleuve ; ils l’enveloppèrent alors de langes pour cacher son intimité, lui mirent quelques gouttes de citrons dans les yeux pour soigner l’infection qui l’empêchait de les ouvrir puis la baptisèrent du premier prénom féminin qui leur passa par la tête. Ils entreprirent de l’éduquer sans chercher d’explications au sujet de son origine et sans faire de manières, certains que si la Divine Providence l’avait gardée en vie jusqu’à ce qu’ils la trouvent, elle veillerait également sur son intégrité physique et spirituelle ou, dans le pire des cas, elle l’emporterait au ciel aux côtés d’autres innocents. Consuelo avait grandit sans place stable au sein de la stricte hiérarchie de la Mission.

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Sonita nous propose sa traduction :

Je m’appelle Eva, ce qui veut dire vie, d’après un livre que ma mère a consulté pour choisir mon nom. Je suis née dans la dernière chambre d’une maison sombre et j’ai grandi entre meubles anciens, livres en latin et momies humaines, mais cela n’a pas réussi à me rendre mélancolique, parce que je suis venue au monde avec un souffle de jungle dans la mémoire. Mon père, un indigène aux yeux jaunes, venait de ce lieu où se rejoignent les cent rivières, il sentait la forêt et il ne regardait jamais le ciel en face, parce qu’il avait grandi sous la coupole des arbres et la lumière lui semblait indécente. Consuelo, ma mère, a passé son enfance dans une région enchantée, où pendant des siècles les aventuriers ont cherché la ville de l’or pur qu’ont vu les conquistadors quand ils se sont penchés sur les abîmes de leur propre ambition. Elle fut marquée par ce paysage et d’une certaine façon elle s’est arrangée pour me transmettre cette empreinte. Les missionnaires ont recueilli Consuelo quand elle n’apprenait pas encore à marcher, elle n’était qu’un petit chiot nu, couvert de boue et d’excrément, qui est entrée en se traînant à travers le pont de l’embarcadère comme un petit Jonas vomi par une quelconque baleine d’eau douce. En la lavant ils se sont rendus compte, sans équivoque, que c’était une petite fille, ce qui leur a causé une certaine confusion, mais elle était déjà là et il n’était pas question de la jeter dans la rivière, de telle sorte qu’ils lui ont mis une couche pour cacher ses parties intimes, lui ont mis quelques gouttes de citron dans les yeux pour la guérir de l’infection qui lui empêchait de les ouvrir et ils l’ont baptisé avec le premier nom féminin qui leur est passé par la tête. Ils l’ont éduquée sans chercher des explications sur son origine et sans beaucoup de simagrées, certain que si la Divine Providence l’avait maintenue en vie jusqu’à ce qu’ils la trouvent, elle veillerait aussi sur son intégrité physique et spirituelle ou, dans les pire des cas, l’emmènerait au ciel avec d’autres innocents. Consuelo grandit sans une place fixe dans l’hiérarchie de la Mission.

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