Primero era el silencio. Nadie por la llanura. A la derecha, unos cerros bajos. No se veía nada que no fuese de todos los días. Todo normal, pero nadie respiraba como de costumbre. Nos ataban las exageraciones del temor. El ejército, presa fácil del miedo, no tenía más idea que huir. Los oficiales superiores no tenían fuerza para combatir los terrores y abandonaban todas sus funciones militares. Lo único que se les ocurría era enviar partes pidiendo refuerzos para salvar sus banderas y los tristes restos de un ejército destruido por el pavor. Prometían esperar, defenderse hasta morir. Mentían, sabiéndolo. La cobardía se enseñoreaba. Todo eran reuniones vanas.
El horizonte se movía. Surgían las terribles voces infernales:
—¡Estamos cercados!— Todos salían huyendo según sus medios.
Soy de los pocos que, desde cierta altura, ha visto adelantar el ejército enemigo. La impresión de advertir cómo se mueve y anda la tierra es irresistible. El pelo se eriza, las piernas de piedra. Todo se vuelve pasivo. La sensación del riesgo, de la inminencia del peligro incontenible, la amenaza de sentirse vencido sin remedio, de estar con el agua al cuello, paralizado, puede más que todo. Porque la muerte no basta para ellos. Son más. Todos nuestros artificios son inútiles: son más. La mortandad debió ser espantosa, pero pasan, adelantan: son más.
El pánico se retorcía en el aire, como una serpiente enorme, se lo llevaba todo por delante. Pavor, no ante lo desconocido, sino ante lo visible, lo palpable. Ojalá hubiera sido una fabulosa manada de bisontes. Pero esa humanidad fría avanzando, incontenible... Espeluzno invencible.
Yo las he visto, avanzan como un mar, recubriéndolo todo, a ras de tierra. Nada les detiene, menos el agua: pasan los ríos a nado, elegantemente, como si nada.
Todos acoquinados, inútiles, clavados por el horror, mutilados. La vergüenza, la timidez, la cobardía, los temores se anudan y machihembran. ¿Dónde meterse? ¿Quién no se amedrenta viéndolas progresar ininterrumpidamente? Y no tienen problemas de abastecimiento: teniendo hambre se entredevoran y siguen. Es el diablo. ¡Quiera Dios salvarnos!
Avanzan, se rebasan, progresan, renovando sin cesar la vanguardia. Nunca se rezagan, su movimiento progresa uniforme. Millones de cabezas, de ojos, de lenguas, ganando tierra, siempre idénticas, cubriendo cuanto se ve con sus ondulados cuerpos viscosos.
Contaminan la tierra, emponzoñan las mejores obras, revuelven el mundo, tronchan, arruinan estados, asuelan las más principales grandezas, destruyen, deshacen, anonadan, acaban. Progresan. Instrumentos de aniquilación, vuelven en nada, desbaratan, vencen cualquier hueste. Humillan.
Con las cabezas cortadas aún son capaces de matar.
El horizonte se movía. Surgían las terribles voces infernales:
—¡Estamos cercados!— Todos salían huyendo según sus medios.
Soy de los pocos que, desde cierta altura, ha visto adelantar el ejército enemigo. La impresión de advertir cómo se mueve y anda la tierra es irresistible. El pelo se eriza, las piernas de piedra. Todo se vuelve pasivo. La sensación del riesgo, de la inminencia del peligro incontenible, la amenaza de sentirse vencido sin remedio, de estar con el agua al cuello, paralizado, puede más que todo. Porque la muerte no basta para ellos. Son más. Todos nuestros artificios son inútiles: son más. La mortandad debió ser espantosa, pero pasan, adelantan: son más.
El pánico se retorcía en el aire, como una serpiente enorme, se lo llevaba todo por delante. Pavor, no ante lo desconocido, sino ante lo visible, lo palpable. Ojalá hubiera sido una fabulosa manada de bisontes. Pero esa humanidad fría avanzando, incontenible... Espeluzno invencible.
Yo las he visto, avanzan como un mar, recubriéndolo todo, a ras de tierra. Nada les detiene, menos el agua: pasan los ríos a nado, elegantemente, como si nada.
Todos acoquinados, inútiles, clavados por el horror, mutilados. La vergüenza, la timidez, la cobardía, los temores se anudan y machihembran. ¿Dónde meterse? ¿Quién no se amedrenta viéndolas progresar ininterrumpidamente? Y no tienen problemas de abastecimiento: teniendo hambre se entredevoran y siguen. Es el diablo. ¡Quiera Dios salvarnos!
Avanzan, se rebasan, progresan, renovando sin cesar la vanguardia. Nunca se rezagan, su movimiento progresa uniforme. Millones de cabezas, de ojos, de lenguas, ganando tierra, siempre idénticas, cubriendo cuanto se ve con sus ondulados cuerpos viscosos.
Contaminan la tierra, emponzoñan las mejores obras, revuelven el mundo, tronchan, arruinan estados, asuelan las más principales grandezas, destruyen, deshacen, anonadan, acaban. Progresan. Instrumentos de aniquilación, vuelven en nada, desbaratan, vencen cualquier hueste. Humillan.
Con las cabezas cortadas aún son capaces de matar.
Max Aub, « La invasión »
***
Sonita nous propose sa traduction :
D’abord c’était le silence. Personne dans la plaine. À droite, quelques petites collines. On ne voyait rien qui n’était pas coutumier jour après jour. Tout était normal, mais personne ne respirait comme d’habitude. Nous étions liés par les exagérations de la crainte. L’armée, proie facile de la peur, n’avait d’autre idée que de fuir. Les officiers supérieurs n’avaient pas la force de combattre les terreurs et abandonnaient toutes leurs fonctions militaires. La seule chose qui leur venait à l’idée était d’envoyer des faire-part en demandant des renforts pour sauver leurs drapeaux et les tristes restes d’une armée détruite par la panique. Ils promettaient d’attendre, de se défendre jusqu’à la mort. Ils mentaient, tout en le sachant. La couardise dominait. Toutes les réunions étaient vaines. L’horizon bougeait. Les terribles voix infernales surgissaient alors :
—Nous sommes assiégés. — Tous sortaient en fuyant selon leurs moyens. Je suis des rares qui, à partir d’un certain moment, a vu l’armée ennemie avancer. La sensation de constater comment la terre bouge et avance est irrésistible. On a la chair de poule, les jambes flageolantes. Tout devient passif. La sensation du risque, l’imminence du danger irrépressible, la menace de se sentir vaincu sans autre issue, d’être dans l’eau jusqu’au cou, paralysé, est plus fort que tout. Parce que la mort n’est pas suffisante pour eux. Ils sont plus nombreux. Tous nos artifices sont inutiles : ils sont plus nombreux. La mortalité a dû être épouvantable, mais ils passent, ils avancent : ils sont plus nombreux. La panique se tordait dans l’air, telle un énorme serpent, qui fauchait tout ce qui lui apparaissait devant. Épouvante non pas face à l’inconnu, mais face au visible, au palpable. Qu’est-ce que cela aurait été bien s’ils avaient été un fabuleux troupeau de bisons. Mais cette humanité froide en train d’avancer, irrépressible… Frisson invincible. Moi, je les ai vues, elles avancent comme une mer, recouvrant tout, au ras de la terre. Rien ne les arrête, encore moins l’eau : elles traversent les fleuves à la nage, élégamment, comme si rien n’était. Tous intimidés, des bons à rien, stupéfiés par l’horreur, mutilés. La honte, la timidité, la couardise, les peurs se nouent et s’assemblent. Où se cacher ? Qui ne prend pas peur en les voyant progresser sans arrêt ? Et elles n’ont pas de problèmes de ravitaillement : quand elles ont faim elles se dévorent entre elles et elles continuent. C’est le diable. Puisse Dieu nous sauver ! Elles avancent, se dépassent, progressent, renouvelant sans arrêt l’avant-garde. Elles ne prennent jamais de retard, leur mouvement progresse uniforme. Des millions de têtes, d’yeux, de langues, qui s’approprient la terre, toujours identiques, couvrant tout ce que l’on voit avec leurs corps onduleux et visqueux. Elles polluent la terre, empoisonnent les meilleures œuvres, mettent le monde sens dessus dessous, brisent, ruinent des états, ravagent les principales grandeurs, détruisent, défont, anéantissent, terminent. Progressent. Des instruments d’annihilation, transforment en poussière, bouleversent, vainquent n’importe quelle armée. Humilient.
Avec les têtes coupées elles sont encore capables de tuer.
D’abord c’était le silence. Personne dans la plaine. À droite, quelques petites collines. On ne voyait rien qui n’était pas coutumier jour après jour. Tout était normal, mais personne ne respirait comme d’habitude. Nous étions liés par les exagérations de la crainte. L’armée, proie facile de la peur, n’avait d’autre idée que de fuir. Les officiers supérieurs n’avaient pas la force de combattre les terreurs et abandonnaient toutes leurs fonctions militaires. La seule chose qui leur venait à l’idée était d’envoyer des faire-part en demandant des renforts pour sauver leurs drapeaux et les tristes restes d’une armée détruite par la panique. Ils promettaient d’attendre, de se défendre jusqu’à la mort. Ils mentaient, tout en le sachant. La couardise dominait. Toutes les réunions étaient vaines. L’horizon bougeait. Les terribles voix infernales surgissaient alors :
—Nous sommes assiégés. — Tous sortaient en fuyant selon leurs moyens. Je suis des rares qui, à partir d’un certain moment, a vu l’armée ennemie avancer. La sensation de constater comment la terre bouge et avance est irrésistible. On a la chair de poule, les jambes flageolantes. Tout devient passif. La sensation du risque, l’imminence du danger irrépressible, la menace de se sentir vaincu sans autre issue, d’être dans l’eau jusqu’au cou, paralysé, est plus fort que tout. Parce que la mort n’est pas suffisante pour eux. Ils sont plus nombreux. Tous nos artifices sont inutiles : ils sont plus nombreux. La mortalité a dû être épouvantable, mais ils passent, ils avancent : ils sont plus nombreux. La panique se tordait dans l’air, telle un énorme serpent, qui fauchait tout ce qui lui apparaissait devant. Épouvante non pas face à l’inconnu, mais face au visible, au palpable. Qu’est-ce que cela aurait été bien s’ils avaient été un fabuleux troupeau de bisons. Mais cette humanité froide en train d’avancer, irrépressible… Frisson invincible. Moi, je les ai vues, elles avancent comme une mer, recouvrant tout, au ras de la terre. Rien ne les arrête, encore moins l’eau : elles traversent les fleuves à la nage, élégamment, comme si rien n’était. Tous intimidés, des bons à rien, stupéfiés par l’horreur, mutilés. La honte, la timidité, la couardise, les peurs se nouent et s’assemblent. Où se cacher ? Qui ne prend pas peur en les voyant progresser sans arrêt ? Et elles n’ont pas de problèmes de ravitaillement : quand elles ont faim elles se dévorent entre elles et elles continuent. C’est le diable. Puisse Dieu nous sauver ! Elles avancent, se dépassent, progressent, renouvelant sans arrêt l’avant-garde. Elles ne prennent jamais de retard, leur mouvement progresse uniforme. Des millions de têtes, d’yeux, de langues, qui s’approprient la terre, toujours identiques, couvrant tout ce que l’on voit avec leurs corps onduleux et visqueux. Elles polluent la terre, empoisonnent les meilleures œuvres, mettent le monde sens dessus dessous, brisent, ruinent des états, ravagent les principales grandeurs, détruisent, défont, anéantissent, terminent. Progressent. Des instruments d’annihilation, transforment en poussière, bouleversent, vainquent n’importe quelle armée. Humilient.
Avec les têtes coupées elles sont encore capables de tuer.
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