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Coralie :
L’odeur du premier entrainement, l’odeur de l’effort, l’odeur de la souffrance, tant physique que morale, l’odeur des coups, l’odeur de l’amitié, l’odeur de l’amour, l’odeur du courage, l’odeur de la rage, l’odeur du premier combat, l’odeur de l’angoisse, l’odeur de l’adrénaline, l’odeur de la déception, l’odeur de la fierté, l’odeur de la victoire, l’odeur de l’épanouissement, l’odeur du respect, l’odeur de l’affront, l’odeur d’un univers masculin dans lequel il faut réussir à faire sa place, l’odeur de la complicité, l’odeur du soutien, l’odeur de l’engagement, l’odeur du dépassement de soi, l’odeur d’une salle froide et humide, l’odeur de la chaleur humaine, l’odeur du bien-être, l’odeur du bonheur, l’odeur du cuir, l’odeur de mes gants de boxe… J’aurais pu décrire leur odeur de façon réaliste, une odeur de sueur, acide, forte, repoussante, qui s’empare du tissu sans jamais le libérer… une odeur désagréable. J’aurais pu, mais j’ai préféré souligner toutes les odeurs plaisantes de la passion.
L’odeur du premier entrainement, l’odeur de l’effort, l’odeur de la souffrance, tant physique que morale, l’odeur des coups, l’odeur de l’amitié, l’odeur de l’amour, l’odeur du courage, l’odeur de la rage, l’odeur du premier combat, l’odeur de l’angoisse, l’odeur de l’adrénaline, l’odeur de la déception, l’odeur de la fierté, l’odeur de la victoire, l’odeur de l’épanouissement, l’odeur du respect, l’odeur de l’affront, l’odeur d’un univers masculin dans lequel il faut réussir à faire sa place, l’odeur de la complicité, l’odeur du soutien, l’odeur de l’engagement, l’odeur du dépassement de soi, l’odeur d’une salle froide et humide, l’odeur de la chaleur humaine, l’odeur du bien-être, l’odeur du bonheur, l’odeur du cuir, l’odeur de mes gants de boxe… J’aurais pu décrire leur odeur de façon réaliste, une odeur de sueur, acide, forte, repoussante, qui s’empare du tissu sans jamais le libérer… une odeur désagréable. J’aurais pu, mais j’ai préféré souligner toutes les odeurs plaisantes de la passion.
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Amélie :
Par une chaude après-midi d’été, je déambule dans la maison de ma grand-mère, en quête de fraîcheur et d’occupation. Toutes les pièces sont occupées : cette période de l’année est synonyme de renaissance pour cette ancienne bâtisse, qui assiste à un véritable défilé familial. Je décide donc de me réfugier au grenier, comme quand j’étais plus jeune. Je pouvais y rester des heures sans que l’on vienne me déranger, espérons que cela n’ait pas changé !
Je monte à l’étage, ouvre la trappe, attrape l’échelle, grimpe les quelques barreaux qui me séparent de la tranquillité avant de faire disparaître toute trace de mon passage. Pour la fraîcheur, c’est raté, il fait aussi chaud ici que dans un four, et ce n’est pas le peu d’air qui pénètre par le vasistas qui changera quoi que ce soit. Peu importe. Je me mets à fureter dans le grenier, et là, sous un tas de rideaux et de draps usés, je tombe sur une caisse en bois, contenant les histoires qui ont bercé mon enfance : celles du Club des Cinq.
Je me crée un siège de fortune dans de vieux coussins percés et choisis un livre au hasard dans la collection. Sous la couche de saletés, je distingue le titre sur la tranche rose : Le Club des Cinq et le trésor de l’île. Je l’essuie, faisant tomber à terre toiles d’araignées –sans leurs occupantes, heureusement– et autres moutons, et je l’ouvre à la première page. Je suis alors assaillie par l’odeur caractéristique qui en émane. Il dégage les mêmes senteurs qu’autrefois : les tartelettes à la fraise que Grand-mère me donnait pour le goûter et que je laissais toujours tomber entre les pages, le sable de la plage qui s’y glissait constamment, l’odeur de la mer quand, malencontreusement, on renversait l’eau du seau sur les serviettes, la lessive qui s’y imprégnait quand je m’endormais à une heure avancée de la nuit, le livre ouvert sur l’oreiller… Mais ces odeurs familières, bien qu’elles fassent ressurgir un flot de souvenirs d’enfance, ne sont pas celles qui me touchent le plus ; un autre parfum prend le pas sur elles, un parfum que j’étais incapable d’apprécier étant jeune et qui, à présent, revêt une importance capitale. L’odeur reconnaissable du papier et de l’encre des premiers Bibliothèque Rose, que beaucoup d’enfants nés au XXIe siècle refusent d’ouvrir parce que « ça pue », et que « les pages sont toutes jaunes ». Cette odeur de renfermé qui nous transporte dans l’univers de nos cinq personnages, sur l’île de Kernach, dans les souterrains qui s’emplissent d’eau à marée haute, ou encore dans les multiples passages secrets de la ferme. Après avoir vécu de telles aventures à leurs côtés, qui voudrait relire ces mêmes épopées sur papier glacé ?
Seule dans le grenier, je cherche à définir cette senteur particulière mais, comme toujours, j’en suis incapable. C’est vraiment difficile à décrire : je la respire, je sais à quoi elle correspond, mais je ne peux la décomposer. Elle fait partie intégrante de l’âme du livre que j’ai entre les mains, chaque livre a sa propre odeur, et chaque personne ressent l’odeur d’un livre différemment. C’est peut-être pour cela qu’elle est aussi difficile à saisir, à détailler, à analyser : elle est unique. En faire un objet d’études serait la faire disparaître un petit peu, lui retirer les rêveries et les trésors qu’elle garde cachés, lui ôter toute authenticité et toute singularité. Imaginez s’il existait un parfum nommé « Senteur de livre d’antan » ?
Par une chaude après-midi d’été, je déambule dans la maison de ma grand-mère, en quête de fraîcheur et d’occupation. Toutes les pièces sont occupées : cette période de l’année est synonyme de renaissance pour cette ancienne bâtisse, qui assiste à un véritable défilé familial. Je décide donc de me réfugier au grenier, comme quand j’étais plus jeune. Je pouvais y rester des heures sans que l’on vienne me déranger, espérons que cela n’ait pas changé !
Je monte à l’étage, ouvre la trappe, attrape l’échelle, grimpe les quelques barreaux qui me séparent de la tranquillité avant de faire disparaître toute trace de mon passage. Pour la fraîcheur, c’est raté, il fait aussi chaud ici que dans un four, et ce n’est pas le peu d’air qui pénètre par le vasistas qui changera quoi que ce soit. Peu importe. Je me mets à fureter dans le grenier, et là, sous un tas de rideaux et de draps usés, je tombe sur une caisse en bois, contenant les histoires qui ont bercé mon enfance : celles du Club des Cinq.
Je me crée un siège de fortune dans de vieux coussins percés et choisis un livre au hasard dans la collection. Sous la couche de saletés, je distingue le titre sur la tranche rose : Le Club des Cinq et le trésor de l’île. Je l’essuie, faisant tomber à terre toiles d’araignées –sans leurs occupantes, heureusement– et autres moutons, et je l’ouvre à la première page. Je suis alors assaillie par l’odeur caractéristique qui en émane. Il dégage les mêmes senteurs qu’autrefois : les tartelettes à la fraise que Grand-mère me donnait pour le goûter et que je laissais toujours tomber entre les pages, le sable de la plage qui s’y glissait constamment, l’odeur de la mer quand, malencontreusement, on renversait l’eau du seau sur les serviettes, la lessive qui s’y imprégnait quand je m’endormais à une heure avancée de la nuit, le livre ouvert sur l’oreiller… Mais ces odeurs familières, bien qu’elles fassent ressurgir un flot de souvenirs d’enfance, ne sont pas celles qui me touchent le plus ; un autre parfum prend le pas sur elles, un parfum que j’étais incapable d’apprécier étant jeune et qui, à présent, revêt une importance capitale. L’odeur reconnaissable du papier et de l’encre des premiers Bibliothèque Rose, que beaucoup d’enfants nés au XXIe siècle refusent d’ouvrir parce que « ça pue », et que « les pages sont toutes jaunes ». Cette odeur de renfermé qui nous transporte dans l’univers de nos cinq personnages, sur l’île de Kernach, dans les souterrains qui s’emplissent d’eau à marée haute, ou encore dans les multiples passages secrets de la ferme. Après avoir vécu de telles aventures à leurs côtés, qui voudrait relire ces mêmes épopées sur papier glacé ?
Seule dans le grenier, je cherche à définir cette senteur particulière mais, comme toujours, j’en suis incapable. C’est vraiment difficile à décrire : je la respire, je sais à quoi elle correspond, mais je ne peux la décomposer. Elle fait partie intégrante de l’âme du livre que j’ai entre les mains, chaque livre a sa propre odeur, et chaque personne ressent l’odeur d’un livre différemment. C’est peut-être pour cela qu’elle est aussi difficile à saisir, à détailler, à analyser : elle est unique. En faire un objet d’études serait la faire disparaître un petit peu, lui retirer les rêveries et les trésors qu’elle garde cachés, lui ôter toute authenticité et toute singularité. Imaginez s’il existait un parfum nommé « Senteur de livre d’antan » ?
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Laëtitia So :
Je voudrais qu’elle dure toujours qu’elle ne me quitte pas, qu’elle ne se retrouve pas perdue dans les méandres de ma mémoire. Parfois, je peux la sentir ou plutôt j’en ai l’impression, j’en suis même persuadée. C’est un peu de javel mélangée à de l’eau de rose, ou à un steak trop frit, à du lait caillé. Elle vient souvent le samedi, au marché sans crier gare entre les effluves de menthe et de naphtaline. Sans que je le l’aie invitée, elle vient. Je peux aussi l’invoquer, les jours de pluie, assise devant la fenêtre ouverte en mangeant un yaourt nature et des biscuits secs. Elle aime faire la sourde oreille mais le simple fait d’y penser me réconforte. Elle s’accompagne de la sensation d’être enveloppée, protégée, dorlotée. Et me voilà transportée plus de vingt ans auparavant, dans la cour d’une école aujourd’hui détruite à grand coup de pelleteuse et autres machines barbares ; ou dans le jardin public si agréable à l’époque et plein d’enfants de mon âge devenu le terrain de prédilection de tous les dealers, junkies et macros du quartier. Et, lorsque je me rends compte qu’elle n’est plus que le souvenir d’une odeur, qu’aucune de ses molécules n’a effleuré mes narines, que mon imagination l’a inventée, je dois fournir un effort surhumain pour m’accrocher à elle et la faire exister encore.
Je voudrais qu’elle dure toujours qu’elle ne me quitte pas, qu’elle ne se retrouve pas perdue dans les méandres de ma mémoire. Parfois, je peux la sentir ou plutôt j’en ai l’impression, j’en suis même persuadée. C’est un peu de javel mélangée à de l’eau de rose, ou à un steak trop frit, à du lait caillé. Elle vient souvent le samedi, au marché sans crier gare entre les effluves de menthe et de naphtaline. Sans que je le l’aie invitée, elle vient. Je peux aussi l’invoquer, les jours de pluie, assise devant la fenêtre ouverte en mangeant un yaourt nature et des biscuits secs. Elle aime faire la sourde oreille mais le simple fait d’y penser me réconforte. Elle s’accompagne de la sensation d’être enveloppée, protégée, dorlotée. Et me voilà transportée plus de vingt ans auparavant, dans la cour d’une école aujourd’hui détruite à grand coup de pelleteuse et autres machines barbares ; ou dans le jardin public si agréable à l’époque et plein d’enfants de mon âge devenu le terrain de prédilection de tous les dealers, junkies et macros du quartier. Et, lorsque je me rends compte qu’elle n’est plus que le souvenir d’une odeur, qu’aucune de ses molécules n’a effleuré mes narines, que mon imagination l’a inventée, je dois fournir un effort surhumain pour m’accrocher à elle et la faire exister encore.
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Laëtitia Sw. :
La campagne s’étendait sur des kilomètres en coteaux, en champs, en bois sombres, où l’aube pour l’instant régnait en maître absolu. Des effluves de terre mouillée remontaient du sol que Martin foulait d’un bon pas. Surtout tenir le rythme. Il devait absolument arriver chez le vieux Léonard avant le jour. Continuer à se faufiler dans la fraîcheur des herbes hautes. Et rester sur le qui-vive. On ne savait jamais. Malgré le calme apparent, n’importe quel homme embusqué pouvait surgir brusquement. Les fourrés n’étaient pas sûrs dans la région... Donc, laisser sa lampe éteinte et marcher aussi vite que possible, en évitant le moindre bruit. Ne pas commettre une malheureuse imprudence qui pourrait le trahir. Il connaissait ces terres par cœur. Il saurait bien se repérer, même sans lumière. Pas de chance... De gros cumulus, qui s’étaient massés à l’horizon, s’avançaient maintenant rapidement, déroulant dans le ciel un épais tapis d’ombres. La pluie allait être de la partie. De quel droit s’invitait-elle, celle-là, à l’improviste, au dernier moment. Au camp, on lui avait assuré que la nuit serait claire. Tu parles d’une information... Il allait lui être encore plus difficile à présent de trouver son chemin dans ces conditions. Et puis, même s’il ne voulait pas se l’avouer, il avait toujours eu peur de l’orage. Il redoutait en particulier ces longues minutes pendant lesquelles il se préparait : les grondements annonciateurs du tonnerre, les premiers éclairs, l’air chargé d’électricité, les nuages se massant furieusement, se gonflant jusqu’au paroxysme, menaçant à chaque instant de lâcher leur eau. Ce poids en suspension au-dessus de sa tête lui donnait une impression intense d’étouffement. Alors, comme ça, les éléments naturels s’étaient donnés le mot pour venir le ralentir dans sa course ; ils avaient décidé eux aussi de se dresser contre lui pour l’empêcher d’accomplir sa mission. Soudain, au loin, derrière la colline, retentit le craquement significatif d’une explosion à retardement. Encore un pont qui avait dû sauter. Il accéléra. Il y était presque. Plus que quelques centaines de mètres. Il serra un peu plus contre sa poitrine la chemise en carton gris qui contenait les précieux documents. Il essayait de refréner les battements capricieux de son cœur. Il pestait intérieurement. Quand verrait-il la fin de ce poison de guerre ? Il respirait de plus en plus mal. Non, ne pas haleter. Il essaya de se calmer. Prendre de profondes inspirations. Ce qu’il pouvait détester cette odeur pénétrante de poudre, de peine, de peur, de perdant.
La campagne s’étendait sur des kilomètres en coteaux, en champs, en bois sombres, où l’aube pour l’instant régnait en maître absolu. Des effluves de terre mouillée remontaient du sol que Martin foulait d’un bon pas. Surtout tenir le rythme. Il devait absolument arriver chez le vieux Léonard avant le jour. Continuer à se faufiler dans la fraîcheur des herbes hautes. Et rester sur le qui-vive. On ne savait jamais. Malgré le calme apparent, n’importe quel homme embusqué pouvait surgir brusquement. Les fourrés n’étaient pas sûrs dans la région... Donc, laisser sa lampe éteinte et marcher aussi vite que possible, en évitant le moindre bruit. Ne pas commettre une malheureuse imprudence qui pourrait le trahir. Il connaissait ces terres par cœur. Il saurait bien se repérer, même sans lumière. Pas de chance... De gros cumulus, qui s’étaient massés à l’horizon, s’avançaient maintenant rapidement, déroulant dans le ciel un épais tapis d’ombres. La pluie allait être de la partie. De quel droit s’invitait-elle, celle-là, à l’improviste, au dernier moment. Au camp, on lui avait assuré que la nuit serait claire. Tu parles d’une information... Il allait lui être encore plus difficile à présent de trouver son chemin dans ces conditions. Et puis, même s’il ne voulait pas se l’avouer, il avait toujours eu peur de l’orage. Il redoutait en particulier ces longues minutes pendant lesquelles il se préparait : les grondements annonciateurs du tonnerre, les premiers éclairs, l’air chargé d’électricité, les nuages se massant furieusement, se gonflant jusqu’au paroxysme, menaçant à chaque instant de lâcher leur eau. Ce poids en suspension au-dessus de sa tête lui donnait une impression intense d’étouffement. Alors, comme ça, les éléments naturels s’étaient donnés le mot pour venir le ralentir dans sa course ; ils avaient décidé eux aussi de se dresser contre lui pour l’empêcher d’accomplir sa mission. Soudain, au loin, derrière la colline, retentit le craquement significatif d’une explosion à retardement. Encore un pont qui avait dû sauter. Il accéléra. Il y était presque. Plus que quelques centaines de mètres. Il serra un peu plus contre sa poitrine la chemise en carton gris qui contenait les précieux documents. Il essayait de refréner les battements capricieux de son cœur. Il pestait intérieurement. Quand verrait-il la fin de ce poison de guerre ? Il respirait de plus en plus mal. Non, ne pas haleter. Il essaya de se calmer. Prendre de profondes inspirations. Ce qu’il pouvait détester cette odeur pénétrante de poudre, de peine, de peur, de perdant.
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