samedi 4 septembre 2010

Exercice d'écriture : « Animaux dangereux », par Auréba Sadouni

En photo : peur, par abracadabulle

Avant de franchir la porte d’entrée du territoire terrestre, afin que son séjour se passe pour le mieux, Xzwagzwa, qui était extrêmement prudente, se connecta au réseau intergalactique et interrogea la banque de données de l’association des exploratrices…
Devant ses micro-capteurs visuels frontaux, apparut un écran tactile deca-dimensionnel qu’elle seule pouvait voir et toucher.
Elle vit un globe bigarré virtuel autour duquel il y avait un phylactère, virtuel lui aussi, portant le message suivant : terrae territorie habitato. Ne comprenant rien à ce langage, elle fit fonctionner son interpréteur, qui soit dit en passant, était tellement intelligent qu’il était capable de traduire même les langues qui n’existaient pas.
En l’espace d’une nanoseconde, elle apprit que la Terre était habitée de végétaux, de minéraux et d’animaux, et d’autres choses étranges qui n’avaient pas forcément été baptisées. Elle pointa de son laser couleur grenadine le mot « animaux ». S’afficha alors toute une liste de représentations iconographiques éparses dont certaines étaient reliées les unes aux autres dans une sorte de réseau très complexe, des milliards de milliards de fois plus complexe qu’un plan de métro parisien. Etant donné que ce qui intéressait Xzwagzwa était de savoir ce qui était dangereux, elle pensa avec insistance à la notion « dangereux ». Tout de suite après, autour de quasiment tous les animaux, des phylactères apparurent portant au recto l’inscription suivante : « animal dangereux ».
Avec son laser couleur bleu océan, elle retourna un de ces messages flottants. Au verso, il y avait un petit texte : « le tigre est un félin dangereux. Quand il saute sur sa proie, c’en est fini pour elle. Ses griffes et ses dents affilées constituent des armes redoutables. ». Elle retourna un autre message flottant : « Le crocodile est un reptile dangereux. Attention lorsque tu traverses certains lacs, à ne pas finir dans sa gueule. ». Puis un autre : « La mygale est un arachnide dangereux. Elle est capable d’immobiliser son adversaire de diverses manières. Lorsqu’elle te mord, son venin peut t’empêcher de respirer, tu te sens très mal, et lorsqu’elle projette ses poils sur toi, ça te gratte énormément. ». Puis un autre : « L’éléphant est un pachyderme dangereux. Si tu te retrouves face à un troupeau, fuis avant de te faire rentrer dedans. ». Puis un autre : « L’ours est très fort. Evite de camper et de pique-niquer n’importe où. ». Puis un autre : « Le loup est un canidé dangereux. Attention quand tu te promènes dans les bois. ». Encore un autre : « Le taureau est un animal dangereux. Avec ses cornes, il peut défoncer tout ce qui bouge, y compris certains hommes qui aiment se frotter au danger en le provoquant. ». Le mot homme clignotait. Il y avait là un lien. Elle pensa alors très fort à la notion « homme » et tomba sur un symbole représentant l’être humain : deux jambes, un buste, deux bras et une tête.
Ça, ça ressemble à un animal, pensa-t-elle. Elle lut donc le phylactère qui accompagnait le dessin. Il contenait un message très long écrit en tous petits caractères. Elle commença à le lire, mais au milieu du texte, elle bloqua sur trois mots, homo, homini, et lupus, qui demeuraient non traduits. Elle se mit à réfléchir et se dit que « homo » et « homini » faisaient penser à « homme », et lupus, à « loup ». Elle pensa très fort aux deux mots « homme » et « loup » jusqu’à ce qu’apparaisse devant elle la phrase suivante : « L’homme est un loup pour l’homme ». Une phrase signée Hobbes. Intriguée et voulant comprendre pourquoi ceci, elle reprit la lecture du texte parlant de l’homme, et retint plusieurs éléments. Elle lut que certains humains avaient été comparés à des animaux dangereux : la veuve noire tuant son partenaire, l’humain à la langue de vipère, dont les paroles peuvent être venimeuses…et bien d’autres encore.
« Les humains se différencient des animaux par leur culture et leur savoir qui les rend capables de changer profondément leur environnement. Certains pensent qu’ils résultent de l’évolution du singe, d’autres, qu’ils n’ont rien à voir avec l’espèce animale. Un humain répondant au nom d’Aristote a dit que l’homme était un animal politique… ». Après avoir lu ces quelques phrases, Xzwagzwa, confuse, se dit que pour elle, tous les hommes étaient des animaux dangereux, et hésita encore avant de franchir la porte de la Terre…
Après avoir bien réfléchi, elle se dit que toutes les espèces étaient complexes, intéressantes et dangereuses à la fois. Xzwagzwa se déconnecta et passa de l’autre côté de la porte comme un toréador faisant son entrée dans une arène. Elle prit différentes formes, expérimenta diverses sensations et émotions. Elle vit que le danger était partout, mais que c’était à elle de choisir si l’esquiver ou l’affronter. Elle vécut de belles expériences auprès des dits dangereux animaux et apprit une bonne fois pour toutes à affronter ses peurs ; des peurs qui en fin de compte étaient plus dangereuses que n’importe quel animal, pour la simple et bonne raison qu’elles la paralysaient dans la vie…

Aucun commentaire: