Montserrat Aymami Viade est l'actuelle présidente de la Maison de la Catalogne de Grenoble. Elle s'est consacrée à la Communication interculturelle, a été professeur d'espagnol économique et commercial, mais aussi traductrice technique, du français vers l'espagnol et le catalan, ses langues maternelles. Je tiens à la remercier pour toute son attention et pour la sincérité de ses réponses, merci encore !
Pourquoi et comment vous êtes vous lancée dans la traduction ?
J’avais fait des études linguistiques en France, après une formation économique et commerciale en Espagne : je changeais de pays mais aussi de métier ! En effet, il était difficile de reprendre une activité semblable à celle que j’avais en Espagne –assistante exportation- alors que je ne dominais pas encore bien le Français, et que j’avais envie d’être mère. Pendant les neuf années que j’ai eu et commencé à élever mes trois enfants, j’ai donc repris des études supérieures en prenant mon temps. J’ai ainsi abouti au métier de professeur d’Espagnol. Ce métier me permettait d’avoir les mêmes vacances que mes enfants, et de mieux en profiter. Par la suite, je me suis rendue compte que la littérature et les échanges entre cultures étaient –pour moi- infiniment plus intéressants que l’industrie et l’économie.
Quelle a été votre première traduction ? Qu'en pensez-vous aujourd'hui ?
Ma première traduction a été la pièce de théâtre d’Eugène Ionesco « Jeu de massacre », pendant mes études de littérature. Je l’ai traduite du Français au Catalan, une de mes deux langues maternelles, avec l’Espagnol. J’ai un peu souffert, car il fallait trouver beaucoup d’expressions populaires, et je me demandais toujours si c’était juste… Aujourd’hui je trouve cette traduction trop « timide » et trop près du texte ! Je n’ai pas suffisamment pensé au lecteur catalan ! J’ai été un peu déçue lorsque j’ai vu que le directeur du théâtre de Barcelone avait fait relire ma traduction par un autre traducteur, qui en avait changé le titre.
Vous vous êtes plutôt consacrée à la traduction technique, d'après ce que j'ai compris... Est-ce par choix ?
En fait, je n’ai pas choisi. Pendant les années où je poursuivais mes études littéraires, on appréciait surtout ma formation technique et économique. J’avais donc des propositions dans ce domaine, et très peu d’ouverture dans le domaine littéraire. Ceci s’est poursuivi, et mon poste de professeur d’Espagnol économique et commercial dans une grande école de commerce (Grenoble Ecole de Management) me portait plutôt dans cette voie. Mais lorsque j’ai changé de métier, après avoir repris une fois de plus les études, à plus de 40 ans, d’autres voies se sont ouvertes.
En effet, j’ai fait un Master en Relations et Interactions Culturelles Internationales, à la Faculté de Sciences Sociales de Grenoble, et je me suis consacrée essentiellement à la Communication Interculturelle. J’ai donné des cours et des conférences sur ce sujet. Il faut dire que le fait de venir d’une autre culture (catalane par mon père, argentine par ma mère, espagnole par ma jeunesse) m’a attiré vers cette discipline assez récente, née aux USA (Edward T. Hall, ainsi que Claude Lévy-Strauss, Michel Maffesoli, Roland Barthes, Jacques Demorgon, en France… et beaucoup d’autres plus récemment). Cela m’a permis de m’ouvrir à une autre discipline et de ne pas m’enfermer chez les « spécialistes » en littérature ou histoire, par exemple.
Pour quelles structures avez-vous travaillé (entreprises, éditeurs...) ?
Tout d’abord pour des Chambres de Commerce et d’Industrie : Roanne, Annecy, Grenoble, villes où j’ai habité à tour de rôle. Ensuite, dans le cadre de mon activité de professeur dans une école de management, dans des entreprises grenobloises : SOGREAH, IRAM, surtout. Enfin, dernièrement et il y a quatre ans, pour un éditeur grenoblois, Ed. GLENAT, qui m’a choisie pour traduire une thèse sur l’art et le vin, grâce à mon expérience professionnelle multiple et à mes études interculturelles. Cela a été un peu difficile, car le langage hermétique de cette thèse universitaire devait se transformer en texte d’agréable lecture pour le profane… Ce qui m’a un peu peiné, c’est l’attitude de l’auteur, un professeur d’Université qui ne m’a même pas répondu lorsque je l’ai contactée pour lui dire que je traduisais sa thèse…
Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs ? Pensez-vous qu'il y ait des différences avec les éditeurs spécialisés en littérature ?
Strictement aucun. Je considère que nous sommes vus par les éditeurs comme des « fourmis travailleuses » et rémunérés comme telles, c'est-à-dire, très légèrement, puisqu’ils choisissent les traducteurs les moins chers, tout au moins pour les ouvrages peu ou moyennement importants… Ce n’est sûrement pas le cas pour des traducteurs reconnus ou très spécialisés, stade que je n’ai pas atteint.
Quel est, le cas échéant, votre meilleur souvenir en tant que traductrice ?
Ma relation avec les mots. Ma solitude, mon tête à tête face à eux : ils se donnaient à moi, qui allait les transformer, les déformer. J’entrais dans un monde que l’auteur ne connaissait pas, c’était réjouissant ! Penser au lecteur, à la réaction qu’il aurait en lisant ma traduction. Imaginer si cette réaction correspondrait à ce qu’avait voulu dire l’auteur, ou à ce que j’avais ressenti.
Puis-je vous posez une question difficile, mais qui me tient à cœur : qu'est-ce pour vous que le métier de traducteur ? Le traducteur est-il un passeur, ou un auteur, selon vous ?
Le métier de traducteur est assez méconnu. Je considère qu’il est un re-créateur d’un message, ce qui est plus difficile que d’écrire son propre message. Mais j’aime bien le mot de « passeur » que vous proposez ! En tout cas, c’est toujours quelqu’un dans l’ombre, mais qui est indispensable.
Question subsidiaire : avez-vous un conseil à donner à de jeunes traducteurs ?
De vivre à fond leur métier, tout en acceptant la précarité de leur condition. Difficile à dire, mais je ne connais pas beaucoup de traducteurs qui peuvent vivre seulement de leur métier… Alors, l’idéal ? Avoir un temps partiel ailleurs, et se consacrer à fond à la traduction pendant le temps libre. En attendant de pouvoir en vivre pleinement. C’est possible !
Pourquoi et comment vous êtes vous lancée dans la traduction ?
J’avais fait des études linguistiques en France, après une formation économique et commerciale en Espagne : je changeais de pays mais aussi de métier ! En effet, il était difficile de reprendre une activité semblable à celle que j’avais en Espagne –assistante exportation- alors que je ne dominais pas encore bien le Français, et que j’avais envie d’être mère. Pendant les neuf années que j’ai eu et commencé à élever mes trois enfants, j’ai donc repris des études supérieures en prenant mon temps. J’ai ainsi abouti au métier de professeur d’Espagnol. Ce métier me permettait d’avoir les mêmes vacances que mes enfants, et de mieux en profiter. Par la suite, je me suis rendue compte que la littérature et les échanges entre cultures étaient –pour moi- infiniment plus intéressants que l’industrie et l’économie.
Quelle a été votre première traduction ? Qu'en pensez-vous aujourd'hui ?
Ma première traduction a été la pièce de théâtre d’Eugène Ionesco « Jeu de massacre », pendant mes études de littérature. Je l’ai traduite du Français au Catalan, une de mes deux langues maternelles, avec l’Espagnol. J’ai un peu souffert, car il fallait trouver beaucoup d’expressions populaires, et je me demandais toujours si c’était juste… Aujourd’hui je trouve cette traduction trop « timide » et trop près du texte ! Je n’ai pas suffisamment pensé au lecteur catalan ! J’ai été un peu déçue lorsque j’ai vu que le directeur du théâtre de Barcelone avait fait relire ma traduction par un autre traducteur, qui en avait changé le titre.
Vous vous êtes plutôt consacrée à la traduction technique, d'après ce que j'ai compris... Est-ce par choix ?
En fait, je n’ai pas choisi. Pendant les années où je poursuivais mes études littéraires, on appréciait surtout ma formation technique et économique. J’avais donc des propositions dans ce domaine, et très peu d’ouverture dans le domaine littéraire. Ceci s’est poursuivi, et mon poste de professeur d’Espagnol économique et commercial dans une grande école de commerce (Grenoble Ecole de Management) me portait plutôt dans cette voie. Mais lorsque j’ai changé de métier, après avoir repris une fois de plus les études, à plus de 40 ans, d’autres voies se sont ouvertes.
En effet, j’ai fait un Master en Relations et Interactions Culturelles Internationales, à la Faculté de Sciences Sociales de Grenoble, et je me suis consacrée essentiellement à la Communication Interculturelle. J’ai donné des cours et des conférences sur ce sujet. Il faut dire que le fait de venir d’une autre culture (catalane par mon père, argentine par ma mère, espagnole par ma jeunesse) m’a attiré vers cette discipline assez récente, née aux USA (Edward T. Hall, ainsi que Claude Lévy-Strauss, Michel Maffesoli, Roland Barthes, Jacques Demorgon, en France… et beaucoup d’autres plus récemment). Cela m’a permis de m’ouvrir à une autre discipline et de ne pas m’enfermer chez les « spécialistes » en littérature ou histoire, par exemple.
Pour quelles structures avez-vous travaillé (entreprises, éditeurs...) ?
Tout d’abord pour des Chambres de Commerce et d’Industrie : Roanne, Annecy, Grenoble, villes où j’ai habité à tour de rôle. Ensuite, dans le cadre de mon activité de professeur dans une école de management, dans des entreprises grenobloises : SOGREAH, IRAM, surtout. Enfin, dernièrement et il y a quatre ans, pour un éditeur grenoblois, Ed. GLENAT, qui m’a choisie pour traduire une thèse sur l’art et le vin, grâce à mon expérience professionnelle multiple et à mes études interculturelles. Cela a été un peu difficile, car le langage hermétique de cette thèse universitaire devait se transformer en texte d’agréable lecture pour le profane… Ce qui m’a un peu peiné, c’est l’attitude de l’auteur, un professeur d’Université qui ne m’a même pas répondu lorsque je l’ai contactée pour lui dire que je traduisais sa thèse…
Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs ? Pensez-vous qu'il y ait des différences avec les éditeurs spécialisés en littérature ?
Strictement aucun. Je considère que nous sommes vus par les éditeurs comme des « fourmis travailleuses » et rémunérés comme telles, c'est-à-dire, très légèrement, puisqu’ils choisissent les traducteurs les moins chers, tout au moins pour les ouvrages peu ou moyennement importants… Ce n’est sûrement pas le cas pour des traducteurs reconnus ou très spécialisés, stade que je n’ai pas atteint.
Quel est, le cas échéant, votre meilleur souvenir en tant que traductrice ?
Ma relation avec les mots. Ma solitude, mon tête à tête face à eux : ils se donnaient à moi, qui allait les transformer, les déformer. J’entrais dans un monde que l’auteur ne connaissait pas, c’était réjouissant ! Penser au lecteur, à la réaction qu’il aurait en lisant ma traduction. Imaginer si cette réaction correspondrait à ce qu’avait voulu dire l’auteur, ou à ce que j’avais ressenti.
Puis-je vous posez une question difficile, mais qui me tient à cœur : qu'est-ce pour vous que le métier de traducteur ? Le traducteur est-il un passeur, ou un auteur, selon vous ?
Le métier de traducteur est assez méconnu. Je considère qu’il est un re-créateur d’un message, ce qui est plus difficile que d’écrire son propre message. Mais j’aime bien le mot de « passeur » que vous proposez ! En tout cas, c’est toujours quelqu’un dans l’ombre, mais qui est indispensable.
Question subsidiaire : avez-vous un conseil à donner à de jeunes traducteurs ?
De vivre à fond leur métier, tout en acceptant la précarité de leur condition. Difficile à dire, mais je ne connais pas beaucoup de traducteurs qui peuvent vivre seulement de leur métier… Alors, l’idéal ? Avoir un temps partiel ailleurs, et se consacrer à fond à la traduction pendant le temps libre. En attendant de pouvoir en vivre pleinement. C’est possible !
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