par Darco TT
Le voilà qui revenait du jardin. Son lieu de prédilection, refuge incompris aux yeux de ses parents, aux yeux de tous sans doute, si ses fréquentations s'étaient étendues au-delà du seul entourage familial. La lueur qui brillaient dans ses yeux hier encore avait totalement disparu.
Hier avait été un jour heureux comme ils n'en avaient pas vécu depuis longtemps. Depuis que le diagnostic avait été vérifié, ses parents ne savaient plus comment l'occuper. Ils se démenaient pour trouver l'activité qui le sortirait de sa solitude. « Le sociabiliser » était le verbe qui revenait dans toutes les bouches. S'ils n'étaient pas d'accord sur les méthodes, les propos de tous les médecins convergeaient vers le résultat. Toutefois, ses parents ne l'avaient pas vu plus malheureux, plus agressif que depuis qu'ils l'avaient scolarisé. Les larmes et les coups pleuvaient à la maison, était-ce réellement le prix à payer, la situation n'était-elle pas assez difficile, tant pour eux que pour lui ? Arriveraient-ils un jour à le comprendre, à savoir ce qu'il éprouve ? Un gouffre immense les séparait, et aucun moyen ne se présenter à eux afin de le combler. Ils avaient pensé à toutes sortes d'occupations mais à l'heure de les pratiquer, aucune n'avait retenu l'attention de François. Et puis un jour, sa mère était allée dans leur potager à la recherche de quelques légumes pour mijoter le plat du midi. François l'avait suivi, d'ordinaire elle l'aurait réprimandé, elle n'aimait pas qu'il sorte de la maison sans que quelqu'un ne le tienne par la main, à force de faire attention, elle s'était laissée aller à la surprotection, mais là elle l'avait surpris en train d'esquisser un sourire. Il lui signalait quelque chose de son annulaire, sa façon à lui de désigner les objets.
« Ouge, ouge », prononça-t-il.
Elle regarda l'endroit que lui indiquait le petit doigt boudiné de son fils : le pied de tomate. Elle rejoignit François, le prit par la main et le guida jusqu'au pied de tomate sur lequel rougissaient déjà quelques fruits. Depuis, tous les jours, ils se rendaient au jardin, allaient arroser le pied. Parfois même elle le laissait seul, il pouvait rester des heures à le contempler. Il l'examinait sous tous les angles, retournait les fruits avec délicatesse, les respirait, caressait. Elle se rassurait en le voyant tisser ce qu'elle considérait comme une vraie relation. Ce qui aurait inquiété d'autres parents lui offrait une sérénité nouvelle. Il lui semblait de nouveau humain et cette sensation n'avait pas de prix après les semaines éprouvantes qu'ils venaient de subir. Toutefois, elle aurait préféré que ses marques d'affection, il lui témoigne, à elle, mais elle devait apprendre à supporter de ne pas vivre dans l'attente d'un retour de l'amour qu'elle lui portait. Réussirait-elle vraiment à se résigner ? Elle en doutait cruellement mais quoiqu'il en soit elle devrait apprendre à faire avec. « Faire avec », était-ce vraiment ce à quoi elle aspirait, la vie dont elle avait rêvé. Et si c'était à refaire ? À n'en pas douter, elle ne le referait pas. Elle se sentait coupable d'héberger de telles pensées mais cette situation ne ressemblait en aucun point à ce qu'elle avait imaginé quand, il y a quelques mois, elle se représentait sa vie de mère. Tout à coup, elle fut tirée de ses réflexions, elle le vit arriver le visage ensanglanté, une espèce de trou sur le front. Elle lui demanda ce qu'il s'était passé. En vain.
« Pu ouge, pu ouge »
Elle courut dans le jardin, sans y prêter attention, ce matin, elle avait accueilli les tomates arrivées à maturité. Le petit, ne les voyant plus, s'était frappé la tête contre le bâton qui maintenait le pied jusqu'à ce que le sang jaillisse. Pourquoi s'infligeait-il pareille souffrance ?
Chaque jour le gouffre s'agrandissait, chaque pas qu'elle faisait vers lui les séparait davantage.
Hier avait été un jour heureux comme ils n'en avaient pas vécu depuis longtemps. Depuis que le diagnostic avait été vérifié, ses parents ne savaient plus comment l'occuper. Ils se démenaient pour trouver l'activité qui le sortirait de sa solitude. « Le sociabiliser » était le verbe qui revenait dans toutes les bouches. S'ils n'étaient pas d'accord sur les méthodes, les propos de tous les médecins convergeaient vers le résultat. Toutefois, ses parents ne l'avaient pas vu plus malheureux, plus agressif que depuis qu'ils l'avaient scolarisé. Les larmes et les coups pleuvaient à la maison, était-ce réellement le prix à payer, la situation n'était-elle pas assez difficile, tant pour eux que pour lui ? Arriveraient-ils un jour à le comprendre, à savoir ce qu'il éprouve ? Un gouffre immense les séparait, et aucun moyen ne se présenter à eux afin de le combler. Ils avaient pensé à toutes sortes d'occupations mais à l'heure de les pratiquer, aucune n'avait retenu l'attention de François. Et puis un jour, sa mère était allée dans leur potager à la recherche de quelques légumes pour mijoter le plat du midi. François l'avait suivi, d'ordinaire elle l'aurait réprimandé, elle n'aimait pas qu'il sorte de la maison sans que quelqu'un ne le tienne par la main, à force de faire attention, elle s'était laissée aller à la surprotection, mais là elle l'avait surpris en train d'esquisser un sourire. Il lui signalait quelque chose de son annulaire, sa façon à lui de désigner les objets.
« Ouge, ouge », prononça-t-il.
Elle regarda l'endroit que lui indiquait le petit doigt boudiné de son fils : le pied de tomate. Elle rejoignit François, le prit par la main et le guida jusqu'au pied de tomate sur lequel rougissaient déjà quelques fruits. Depuis, tous les jours, ils se rendaient au jardin, allaient arroser le pied. Parfois même elle le laissait seul, il pouvait rester des heures à le contempler. Il l'examinait sous tous les angles, retournait les fruits avec délicatesse, les respirait, caressait. Elle se rassurait en le voyant tisser ce qu'elle considérait comme une vraie relation. Ce qui aurait inquiété d'autres parents lui offrait une sérénité nouvelle. Il lui semblait de nouveau humain et cette sensation n'avait pas de prix après les semaines éprouvantes qu'ils venaient de subir. Toutefois, elle aurait préféré que ses marques d'affection, il lui témoigne, à elle, mais elle devait apprendre à supporter de ne pas vivre dans l'attente d'un retour de l'amour qu'elle lui portait. Réussirait-elle vraiment à se résigner ? Elle en doutait cruellement mais quoiqu'il en soit elle devrait apprendre à faire avec. « Faire avec », était-ce vraiment ce à quoi elle aspirait, la vie dont elle avait rêvé. Et si c'était à refaire ? À n'en pas douter, elle ne le referait pas. Elle se sentait coupable d'héberger de telles pensées mais cette situation ne ressemblait en aucun point à ce qu'elle avait imaginé quand, il y a quelques mois, elle se représentait sa vie de mère. Tout à coup, elle fut tirée de ses réflexions, elle le vit arriver le visage ensanglanté, une espèce de trou sur le front. Elle lui demanda ce qu'il s'était passé. En vain.
« Pu ouge, pu ouge »
Elle courut dans le jardin, sans y prêter attention, ce matin, elle avait accueilli les tomates arrivées à maturité. Le petit, ne les voyant plus, s'était frappé la tête contre le bâton qui maintenait le pied jusqu'à ce que le sang jaillisse. Pourquoi s'infligeait-il pareille souffrance ?
Chaque jour le gouffre s'agrandissait, chaque pas qu'elle faisait vers lui les séparait davantage.
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