par *Joélisa*
Lady Kensington menait une existence en apparence paisible dans la banlieue londonienne. Elle vivait avec sa petite famille dans une demeure du 18ème siècle qui, du haut de la colline, surplombait un grand jardin. La maison comptait plusieurs étages et de nombreuses pièces spacieuses mais Lady Kensington, Margaret de son prénom, n’avait colonisé que la bibliothèque et une salle secrète situées au rez-de-chaussée. Elle partageait ses journées entre les parties de tarot avec ses voisines et ses activités botaniques, on lui devait d’ailleurs le magnifique jardin, fleuri de plusieurs centaines de variétés de plantes, qui entourait le petit château. Cependant, la plus grande partie de ses journées, elle la passait dans la bibliothèque, où personne n’avait le droit de pénétrer, si ce n’est Bastet, son chat. La pièce hébergeait environ deux mille ouvrages, principalement sur l’Egypte car Margaret était passionnée d’égyptologie et passait son temps à déchiffrer les livres qu’elle dénichait chez les antiquaires ou les bouquinistes. Elle avait même effectué de nombreuses fouilles dans la Vallée des Rois quand elle était encore en moyen de se contrôler. Car Margaret souffrait de bipolarité et ses nombreuses crises de schizophrénie l’empêchaient de mener à bien lesdites fouilles, c’est pourquoi elle se plongeait quotidiennement dans les livres.
On ne savait prédire quand Lady Kensington aurait ses crises, on en ignorait le déclencheur mais quand cela se produisait, son esprit était ailleurs. Elle enfilait alors une grande robe blanche au décolleté en or qu’elle avait achetée au bazar Khan-Khalil, dans le centre de la capitale égyptienne, et se parait de nombreux bijoux ramenés clandestinement de ses fouilles, puis elle déambulait dans les couloirs en prononçant des mots dans une langue qu’elle seule était en mesure de comprendre. Selon son époux, qui supportait sa crise quotidienne depuis une quarantaine d’années, elle se croyait l’incarnation contemporaine de Nefertiti, célèbre reine de beauté et mère longtemps présumée de Toutankhamon. La crise ne durant généralement pas plus d’une heure, sa famille et la bonne, peu enclins à l’aider, avaient pris l’habitude de regagner leurs appartements. Un jour, on avait découvert tout à fait par hasard que l’alcool était la potion miracle qui arrivait à calmer ses accès de folie. Malheureusement, Margaret ne supportait pas l’alcool qui lui provoquait de douloureuses coliques. Résolue à ne pas se laisser abattre, Lady Kensington s’était tourné vers une médecine parallèle et avait finalement opté pour l’alchimie. Ses activités dans la bibliothèque consistaient, d’une part, à l’étude des textes anciens, et d’autre part, à la préparation de potions. Elle avait tout essayé et n’avait pas peur d’absorber les différentes préparations qui, faute d’avoir une influence sur son état de santé, finissaient par la rendre folle.
Un soir, alors que toute la maisonnée avait retrouvé chambre et occupations, Lady Kensington expérimentait une nouvelle potion. A son grand étonnement, elle ne provoqua aucun effet, aucune réaction chez quinquénaire : pas un vertige, pas une sensation étrange. Margaret remit ses lunettes et vérifia sur le vieux livre, trouvé dans la tombe d’un scribe, qu’elle avait bien respecté les mesures. Une petite inscription en bas de page attira son attention. Elle s’empara de la loupe et lut à haute voix ce qui s’apparentait à de l’araméen, puis tenta de le traduire : « voyons voir, le premier mot signifie sang… hmm… sang-mêlé plutôt… cycle du soleil… et ça alors, transmutation… voilà qui est étrange ». Elle s’appuya sur le dos de la chaise et ôta ses lunettes. Tout cela l’intriguait. Elle sentit soudain une sorte d’irritation sur son bras gauche et entreprit de se gratter mais elle remarqua que des griffes avaient poussé à la place de ses ongles, que des poils blancs apparaissaient sur ses bras. Elle se sentit soudain étouffer, voulut crier mais les seuls sons qui s’échappaient de sa bouche ressemblaient à des miaulements, et puis plus rien. Le trou noir. Quand elle se réveilla, le lendemain matin, quelque chose était différent, elle ne sut dire quoi, mais elle se sentait étrangement différente. Puis elle comprit, elle était devenue un chat, son chat.
Quand elle eut repris ses esprits, elle tenta de réfléchir et repensa à la formule inscrite au bas de la potion. Elle bondit sur le bureau, posa la patte sur l’interrupteur et relit la traduction qu’elle avait faite. Soudain, tout se fit lumière dans sa tête : plus tôt dans l’après-midi, elle s’était coupée avec le sécateur et avait ensuite soigné une plaie sur la cuisse de son chat, voilà qui expliquait l’histoire du sang-mêlé… La potion avait donc provoqué un échange de sa forme corporelle avec celle de Bastet et était condamnée à vivre ainsi pendant une journée environ… Que faire… Elle avança timidement et se mit à parcourir la maison. Elle commençait à trouver ça amusant de tout voir avec les yeux de son chat. Elle profita de son agilité et sa légèreté retrouvées pour monter les marches du grand escalier et se promener à l’étage où vivait sa famille : son mari, ses deux enfants et sa belle-mère. Arrivée en haut des marches, elle s’assit, se lécha la patte et se demanda par quelle porte commencer.
Elle poussa la porte située sur sa gauche, la chambre de son époux et ne put contenir un miaulement d’effroi : son cher et tendre s’envoyait sauvagement la bonne. Elle resta passivement, au pied du lit, à observer ce qu’elle considérait comme la décadence humaine, la déchéance de cette masse qui s’adonnait aussi bassement aux plaisirs de la chair. Son Andrew, le pantalon aux chevilles, était debout et tenait Marie par les cheveux. Elle voulut protester mais seuls des miaulements sortaient de sa bouche, couverts par les bruits du coït d’ailleurs. Elle ne savait que faire, elle voulait intervenir quand soudain, une idée traversa son esprit, mais il fallait attendre le bon moment. Elle s’assit alors et regarda le spectacle. Quand Andrew était sur le point de venir, elle bondit, toutes griffes sorties, sur le fessier tendu de son mari et s’y accrocha. La réaction fut sans appel : un hurlement épouvantable vint interrompre les râles de bonheur du couple. Elle entendit même Marie lui dire qu’il en faisait trop et que son cri de jouissance n’était pas crédible. Le pauvre Andrew, était paralysé, bloqué, crispé et ne put se retirer, au grand malheur de la jeune femme qui voulait se défaire du lourd corps de son amant. Quand elle jugea le moment bon, Margaret sauta sur le tapis et laissa, immobile, son époux et la bonne qui tentait de le repousser sur le côté, en vain. Lady Kensington sortit de la pièce sur la pointe des coussins et s’arrêta sur le palier. Elle eut soudain une révélation : pendant ses heures passées dans la bibliothèque, son mari s’envoyait la bonne sans qu’elle ne le sache. Mais que faisaient les autres membres de la famille ? Elle décida de vérifier sur le champ les occupations de chacun.
Elle passa la tête dans la pièce d’à côté et crut que son cœur allait s’arrêter de battre. Ce qu’elle vit dépassait la réalité. Elle s’était toujours demandé comment sa fille, oisive, fainéante et incapable de ses deux mains, pouvait gagner assez d’argent pour s’offrir de tels vêtements. Elle avait la réponse devant les yeux : sa douce fille, en plein dans l’âge de la puberté, arrondissait ses fins de mois en montrant ses parties intimes à des inconnus sur internet. Apparemment ça rapporte ! Les enchères n’arrêtaient pas de monter. Margaret décida que le petit jeu avait assez duré et, au moment où sa fille Rebecca allait accepter le chèque des enchères, minou Kensington débrancha l’ordinateur ! Non mais… S’en suivit une succession de jurons, blasphèmes et autres paroles inclassables sortis tout droit de la bouche de la jeune fille, régulièrement inscrite dans une école catholique. Margaret décida de sortir de la pièce avant que Rebecca ne s’en prenne à elle, donc au chat.
Elle fonça alors vers la chambre de son fils. Ce qu’elle aperçut lui fit détester sa famille du plus profond de ses entrailles. Elle pénétra dans la chambre, s’avança lentement, sans un bruit, et s’assit au pied du bureau. Elle observa attentivement son fils Lloyd s’appliquer à une tâche très noble : le plaisir physique de son professeur particulier d’anatomie. Ces deux idiots n’avaient même pas pris la peine de s’installer, confortablement, sur le lit. Ce détail finit par irriter Margaret : d’une part car elle mettait toute son attention à avoir une literie des plus agréables et que ces deux énergumènes ne lui faisaient pas honneur, et d’autre part car elle redoutait que le précieux tapis persan installé à la descente de lit de Lloyd et, qui plus est, avait couté une fortune, ne finisse pas se couvrir de tâches mystérieuses impossibles à ravoir au lavage. C’en était trop. Excédée par l’attitude décevante de son fils, elle voulut se jeter, comme pour son mari, sur le corps imberbe du professeur et s’appliquer à le griffer profondément. Mais elle eut une autre idée, plus sournoise. Elle passa sous le lit, rejoint l’autre côté de la chambre et s’approcha de la grosse boîte en verre déposée sur le sol. Dedans, une affreuse mygale d’Afrique. Ou peut-être bien d’Asie. Peu importe, l’heure n’était à la réflexion géographique. Elle la traîna comme elle put et, alors qu’elle se trouvait, cachée sous le lit, à quelques centimètres de celui qui pervertissait son fils, elle ouvrit la cage et laissa l’horrible animal achever son œuvre. Sans surprise, la bestiole immonde se lança droit sur le méchant bonhomme qui hurla d’effroi, se rhabilla aussi vite que montèrent les enchères de sa fille et sortit en jurant de ne plus jamais revenir.
Elle sortit de la chambre et décida de finir son inspection générale par la belle-mère. Elle n’avait toujours pas compris comment son Andrew avait pu la convaincre d’héberger cette sorcière sous son toit. Cette vieille morue n’avait rien d’humain. Margaret trotta jusqu’à la chambre, poussa du bout des griffes la porte et fut stupéfaite. La vieille dondon était assise sur son fauteuil et fumait un gros pétard. Les fenêtres fermées de surcroît. Lady Kensington avait en horreur l’odeur du tabac dans la maison et eut envie de réprimander sérieusement la vieille femme, mais à quoi bon, elle ne pourrait que miauler. Elle rentra dans la pièce, observant autour d’elle le capharnaüm environnant créé par les vêtements en pagaille, les livres de Barbara Cartland ou les gaines non lavées. La vieille folle se laissait aller, pensa Margaret. Soudain, sans même avoir le temps de comprendre, la belle-mère empoigna le chat et lui colla le pétard dans la gueule. « Lâchez-moi, espèce de phacochère ! Vous n’avez pas honte, faire ça à un chat !!! ». Margaret la griffa au visage et la vieille la jeta contre l’armoire. C’est alors que Margaret découvrit, dans le placard, l’énorme plantation de marijuana que la belle-mère cultivait à l’abri des regards indiscrets. Elle alla même jusqu’à imaginer que ladite belle-mère revendait sa cam à Lloyd et Rebecca.
Elle en avait trop vu, elle ne voulait plus rien savoir. D’ailleurs, que pouvait-elle apprendre de plus ? Elle sortit de la chambre, galopa jusqu’à la bibliothèque et se cacha sous son bureau. Elle allait attendre patiemment que la potion n’eût plus d’effet. Et demain matin, les choses allaient changer dans cette maison.
On ne savait prédire quand Lady Kensington aurait ses crises, on en ignorait le déclencheur mais quand cela se produisait, son esprit était ailleurs. Elle enfilait alors une grande robe blanche au décolleté en or qu’elle avait achetée au bazar Khan-Khalil, dans le centre de la capitale égyptienne, et se parait de nombreux bijoux ramenés clandestinement de ses fouilles, puis elle déambulait dans les couloirs en prononçant des mots dans une langue qu’elle seule était en mesure de comprendre. Selon son époux, qui supportait sa crise quotidienne depuis une quarantaine d’années, elle se croyait l’incarnation contemporaine de Nefertiti, célèbre reine de beauté et mère longtemps présumée de Toutankhamon. La crise ne durant généralement pas plus d’une heure, sa famille et la bonne, peu enclins à l’aider, avaient pris l’habitude de regagner leurs appartements. Un jour, on avait découvert tout à fait par hasard que l’alcool était la potion miracle qui arrivait à calmer ses accès de folie. Malheureusement, Margaret ne supportait pas l’alcool qui lui provoquait de douloureuses coliques. Résolue à ne pas se laisser abattre, Lady Kensington s’était tourné vers une médecine parallèle et avait finalement opté pour l’alchimie. Ses activités dans la bibliothèque consistaient, d’une part, à l’étude des textes anciens, et d’autre part, à la préparation de potions. Elle avait tout essayé et n’avait pas peur d’absorber les différentes préparations qui, faute d’avoir une influence sur son état de santé, finissaient par la rendre folle.
Un soir, alors que toute la maisonnée avait retrouvé chambre et occupations, Lady Kensington expérimentait une nouvelle potion. A son grand étonnement, elle ne provoqua aucun effet, aucune réaction chez quinquénaire : pas un vertige, pas une sensation étrange. Margaret remit ses lunettes et vérifia sur le vieux livre, trouvé dans la tombe d’un scribe, qu’elle avait bien respecté les mesures. Une petite inscription en bas de page attira son attention. Elle s’empara de la loupe et lut à haute voix ce qui s’apparentait à de l’araméen, puis tenta de le traduire : « voyons voir, le premier mot signifie sang… hmm… sang-mêlé plutôt… cycle du soleil… et ça alors, transmutation… voilà qui est étrange ». Elle s’appuya sur le dos de la chaise et ôta ses lunettes. Tout cela l’intriguait. Elle sentit soudain une sorte d’irritation sur son bras gauche et entreprit de se gratter mais elle remarqua que des griffes avaient poussé à la place de ses ongles, que des poils blancs apparaissaient sur ses bras. Elle se sentit soudain étouffer, voulut crier mais les seuls sons qui s’échappaient de sa bouche ressemblaient à des miaulements, et puis plus rien. Le trou noir. Quand elle se réveilla, le lendemain matin, quelque chose était différent, elle ne sut dire quoi, mais elle se sentait étrangement différente. Puis elle comprit, elle était devenue un chat, son chat.
Quand elle eut repris ses esprits, elle tenta de réfléchir et repensa à la formule inscrite au bas de la potion. Elle bondit sur le bureau, posa la patte sur l’interrupteur et relit la traduction qu’elle avait faite. Soudain, tout se fit lumière dans sa tête : plus tôt dans l’après-midi, elle s’était coupée avec le sécateur et avait ensuite soigné une plaie sur la cuisse de son chat, voilà qui expliquait l’histoire du sang-mêlé… La potion avait donc provoqué un échange de sa forme corporelle avec celle de Bastet et était condamnée à vivre ainsi pendant une journée environ… Que faire… Elle avança timidement et se mit à parcourir la maison. Elle commençait à trouver ça amusant de tout voir avec les yeux de son chat. Elle profita de son agilité et sa légèreté retrouvées pour monter les marches du grand escalier et se promener à l’étage où vivait sa famille : son mari, ses deux enfants et sa belle-mère. Arrivée en haut des marches, elle s’assit, se lécha la patte et se demanda par quelle porte commencer.
Elle poussa la porte située sur sa gauche, la chambre de son époux et ne put contenir un miaulement d’effroi : son cher et tendre s’envoyait sauvagement la bonne. Elle resta passivement, au pied du lit, à observer ce qu’elle considérait comme la décadence humaine, la déchéance de cette masse qui s’adonnait aussi bassement aux plaisirs de la chair. Son Andrew, le pantalon aux chevilles, était debout et tenait Marie par les cheveux. Elle voulut protester mais seuls des miaulements sortaient de sa bouche, couverts par les bruits du coït d’ailleurs. Elle ne savait que faire, elle voulait intervenir quand soudain, une idée traversa son esprit, mais il fallait attendre le bon moment. Elle s’assit alors et regarda le spectacle. Quand Andrew était sur le point de venir, elle bondit, toutes griffes sorties, sur le fessier tendu de son mari et s’y accrocha. La réaction fut sans appel : un hurlement épouvantable vint interrompre les râles de bonheur du couple. Elle entendit même Marie lui dire qu’il en faisait trop et que son cri de jouissance n’était pas crédible. Le pauvre Andrew, était paralysé, bloqué, crispé et ne put se retirer, au grand malheur de la jeune femme qui voulait se défaire du lourd corps de son amant. Quand elle jugea le moment bon, Margaret sauta sur le tapis et laissa, immobile, son époux et la bonne qui tentait de le repousser sur le côté, en vain. Lady Kensington sortit de la pièce sur la pointe des coussins et s’arrêta sur le palier. Elle eut soudain une révélation : pendant ses heures passées dans la bibliothèque, son mari s’envoyait la bonne sans qu’elle ne le sache. Mais que faisaient les autres membres de la famille ? Elle décida de vérifier sur le champ les occupations de chacun.
Elle passa la tête dans la pièce d’à côté et crut que son cœur allait s’arrêter de battre. Ce qu’elle vit dépassait la réalité. Elle s’était toujours demandé comment sa fille, oisive, fainéante et incapable de ses deux mains, pouvait gagner assez d’argent pour s’offrir de tels vêtements. Elle avait la réponse devant les yeux : sa douce fille, en plein dans l’âge de la puberté, arrondissait ses fins de mois en montrant ses parties intimes à des inconnus sur internet. Apparemment ça rapporte ! Les enchères n’arrêtaient pas de monter. Margaret décida que le petit jeu avait assez duré et, au moment où sa fille Rebecca allait accepter le chèque des enchères, minou Kensington débrancha l’ordinateur ! Non mais… S’en suivit une succession de jurons, blasphèmes et autres paroles inclassables sortis tout droit de la bouche de la jeune fille, régulièrement inscrite dans une école catholique. Margaret décida de sortir de la pièce avant que Rebecca ne s’en prenne à elle, donc au chat.
Elle fonça alors vers la chambre de son fils. Ce qu’elle aperçut lui fit détester sa famille du plus profond de ses entrailles. Elle pénétra dans la chambre, s’avança lentement, sans un bruit, et s’assit au pied du bureau. Elle observa attentivement son fils Lloyd s’appliquer à une tâche très noble : le plaisir physique de son professeur particulier d’anatomie. Ces deux idiots n’avaient même pas pris la peine de s’installer, confortablement, sur le lit. Ce détail finit par irriter Margaret : d’une part car elle mettait toute son attention à avoir une literie des plus agréables et que ces deux énergumènes ne lui faisaient pas honneur, et d’autre part car elle redoutait que le précieux tapis persan installé à la descente de lit de Lloyd et, qui plus est, avait couté une fortune, ne finisse pas se couvrir de tâches mystérieuses impossibles à ravoir au lavage. C’en était trop. Excédée par l’attitude décevante de son fils, elle voulut se jeter, comme pour son mari, sur le corps imberbe du professeur et s’appliquer à le griffer profondément. Mais elle eut une autre idée, plus sournoise. Elle passa sous le lit, rejoint l’autre côté de la chambre et s’approcha de la grosse boîte en verre déposée sur le sol. Dedans, une affreuse mygale d’Afrique. Ou peut-être bien d’Asie. Peu importe, l’heure n’était à la réflexion géographique. Elle la traîna comme elle put et, alors qu’elle se trouvait, cachée sous le lit, à quelques centimètres de celui qui pervertissait son fils, elle ouvrit la cage et laissa l’horrible animal achever son œuvre. Sans surprise, la bestiole immonde se lança droit sur le méchant bonhomme qui hurla d’effroi, se rhabilla aussi vite que montèrent les enchères de sa fille et sortit en jurant de ne plus jamais revenir.
Elle sortit de la chambre et décida de finir son inspection générale par la belle-mère. Elle n’avait toujours pas compris comment son Andrew avait pu la convaincre d’héberger cette sorcière sous son toit. Cette vieille morue n’avait rien d’humain. Margaret trotta jusqu’à la chambre, poussa du bout des griffes la porte et fut stupéfaite. La vieille dondon était assise sur son fauteuil et fumait un gros pétard. Les fenêtres fermées de surcroît. Lady Kensington avait en horreur l’odeur du tabac dans la maison et eut envie de réprimander sérieusement la vieille femme, mais à quoi bon, elle ne pourrait que miauler. Elle rentra dans la pièce, observant autour d’elle le capharnaüm environnant créé par les vêtements en pagaille, les livres de Barbara Cartland ou les gaines non lavées. La vieille folle se laissait aller, pensa Margaret. Soudain, sans même avoir le temps de comprendre, la belle-mère empoigna le chat et lui colla le pétard dans la gueule. « Lâchez-moi, espèce de phacochère ! Vous n’avez pas honte, faire ça à un chat !!! ». Margaret la griffa au visage et la vieille la jeta contre l’armoire. C’est alors que Margaret découvrit, dans le placard, l’énorme plantation de marijuana que la belle-mère cultivait à l’abri des regards indiscrets. Elle alla même jusqu’à imaginer que ladite belle-mère revendait sa cam à Lloyd et Rebecca.
Elle en avait trop vu, elle ne voulait plus rien savoir. D’ailleurs, que pouvait-elle apprendre de plus ? Elle sortit de la chambre, galopa jusqu’à la bibliothèque et se cacha sous son bureau. Elle allait attendre patiemment que la potion n’eût plus d’effet. Et demain matin, les choses allaient changer dans cette maison.
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