par Damien [Phototrend.fr]
Trahie, humiliée, blessée. Ces trois adjectifs me collent à la peau depuis bien trop longtemps déjà. Tant que le procès n'aura pas lieu, il me sera impossible de m'en défaire. Telle est ma conviction. Le cercle vicieux se referme sur moi : trahie, donc humiliée, donc blessée, ce qui me ramène aux raisons pour lesquelles je suis blessée, et c'est reparti pour un tour...
La date fatidique a été fixée au 12 décembre, jour d'anniversaire de notre mariage ; ironie du destin ou simple coïncidence ? Seul Dieu le sait.
Il reste donc encore soixante-trois jours à souffrir intérieurement, à essayer de dissimuler ce déchirement au plus profond de moi. Surtout, ne pas m'effondrer devant les enfants, il n'ont pas besoin de subir ça. En puis, c'est grâce à eux que je tiens le coup, que je continue de me lever chaque jour, de faire semblant ; si je les plonge dans mon désarroi, aucun de nous ne sortira indemne de cet enfer.
Plongée dans ma rêverie, je n'ai pas entendu Zoé pénétrer dans le salon. Elle se love contre moi et me murmure tout bas : « Dis, maman, tu crois qu'un jour papa reviendra ? ». Le coup de massue, une fois de plus. Quoi répondre à ce petit ange qui n'a qu'un désir, celui de voir à nouveau ses parents réunis sous le même toit ? Je lui explique, bien entendu, que tout ira bien, qu'on l'aime quoi qu'il arrive, et toutes ces foutaises qui rassurent les enfants. Elle me rétorque alors, à ma grande surprise : « Je te crois pas ! J'ai trouvé ce papier tout à l'heure, et même si je comprends pas tout,c'est écrit dessus le nom de papa et le tien, et j'ai aussi reconnu le mot « avocat », et tu vois, moi je sais ce que c'est un avocat, c'est celui qui s'occupe des divorces, et moi, moi je veux pas que papa et toi vous divorcez ! ».
Elle me tend une feuille toute froissée, recouverte par mon écriture. Je reconnais immédiatement la première lettre formulée à mon avocat, datée du 12 mars, que j'ai retouchée des dizaines de fois avant d'envoyer la version définitive, dont je n'ai jamais vraiment été satisfaite. Je la relis, passant outre l'en-tête, sous le regard furieux et interrogateur de ma fille.
« Cher Maître,
Je me permets de prendre contact avec vous, sous les conseils de ma sœur Annette Dupuis, afin que vous étudiez mon cas et que vous me veniez en aide.
Cela fait plus de huit ans que je suis mariée à Yves Vernet, dentiste de profession. Nous avons toujours été heureux, jusqu'à ce que j'apprenne, il y a trois mois, qu'il a une liaison avec sa secrétaire, affaire très classique, je présume. Niant tout, évidemment, il me promet monts et merveilles et m'assure qu'il n'y a que moi, je cite, “ pour qui [s]on cœur bat ”. J'ai alors feins de le croire, me réinvestissant dans notre histoire d'amour, tout en enquêtant secrètement sur ses éventuelles “ conquêtes ”. Et il s'avéra que j'avais raison, que mes accusations étaient plus que fondées, puisqu'il n'avait pas qu'une maîtresse, mais trois.
Je décide donc, Maître, d'entamer une procédure de divorce contre mon mari, et souhaiterais que vous me représentiez, comme vous l'avez si bien fait pour ma sœur.
Dans l'attente d'une réponse de votre part, je vous prie de croire, Maître, à l'expression de mes sentiments distingués.
Christine Vernet »
Première réaction : je ne suis toujours pas convaincue par mon talent d'expression et d'argumentation.
Deuxième réaction : quelle idée d'avoir mis une citation d'Yves !
Troisième réaction : comment Zoé a-t-elle mis la main sur cette lettre ?
Quatrième et ultime réaction : je sers fort ma petite chérie dans mes bras et profite de sa douceur pour m'endormir et faire abstraction l'espace d'un instant de cette malheureuse existence.
La date fatidique a été fixée au 12 décembre, jour d'anniversaire de notre mariage ; ironie du destin ou simple coïncidence ? Seul Dieu le sait.
Il reste donc encore soixante-trois jours à souffrir intérieurement, à essayer de dissimuler ce déchirement au plus profond de moi. Surtout, ne pas m'effondrer devant les enfants, il n'ont pas besoin de subir ça. En puis, c'est grâce à eux que je tiens le coup, que je continue de me lever chaque jour, de faire semblant ; si je les plonge dans mon désarroi, aucun de nous ne sortira indemne de cet enfer.
Plongée dans ma rêverie, je n'ai pas entendu Zoé pénétrer dans le salon. Elle se love contre moi et me murmure tout bas : « Dis, maman, tu crois qu'un jour papa reviendra ? ». Le coup de massue, une fois de plus. Quoi répondre à ce petit ange qui n'a qu'un désir, celui de voir à nouveau ses parents réunis sous le même toit ? Je lui explique, bien entendu, que tout ira bien, qu'on l'aime quoi qu'il arrive, et toutes ces foutaises qui rassurent les enfants. Elle me rétorque alors, à ma grande surprise : « Je te crois pas ! J'ai trouvé ce papier tout à l'heure, et même si je comprends pas tout,c'est écrit dessus le nom de papa et le tien, et j'ai aussi reconnu le mot « avocat », et tu vois, moi je sais ce que c'est un avocat, c'est celui qui s'occupe des divorces, et moi, moi je veux pas que papa et toi vous divorcez ! ».
Elle me tend une feuille toute froissée, recouverte par mon écriture. Je reconnais immédiatement la première lettre formulée à mon avocat, datée du 12 mars, que j'ai retouchée des dizaines de fois avant d'envoyer la version définitive, dont je n'ai jamais vraiment été satisfaite. Je la relis, passant outre l'en-tête, sous le regard furieux et interrogateur de ma fille.
« Cher Maître,
Je me permets de prendre contact avec vous, sous les conseils de ma sœur Annette Dupuis, afin que vous étudiez mon cas et que vous me veniez en aide.
Cela fait plus de huit ans que je suis mariée à Yves Vernet, dentiste de profession. Nous avons toujours été heureux, jusqu'à ce que j'apprenne, il y a trois mois, qu'il a une liaison avec sa secrétaire, affaire très classique, je présume. Niant tout, évidemment, il me promet monts et merveilles et m'assure qu'il n'y a que moi, je cite, “ pour qui [s]on cœur bat ”. J'ai alors feins de le croire, me réinvestissant dans notre histoire d'amour, tout en enquêtant secrètement sur ses éventuelles “ conquêtes ”. Et il s'avéra que j'avais raison, que mes accusations étaient plus que fondées, puisqu'il n'avait pas qu'une maîtresse, mais trois.
Je décide donc, Maître, d'entamer une procédure de divorce contre mon mari, et souhaiterais que vous me représentiez, comme vous l'avez si bien fait pour ma sœur.
Dans l'attente d'une réponse de votre part, je vous prie de croire, Maître, à l'expression de mes sentiments distingués.
Christine Vernet »
Première réaction : je ne suis toujours pas convaincue par mon talent d'expression et d'argumentation.
Deuxième réaction : quelle idée d'avoir mis une citation d'Yves !
Troisième réaction : comment Zoé a-t-elle mis la main sur cette lettre ?
Quatrième et ultime réaction : je sers fort ma petite chérie dans mes bras et profite de sa douceur pour m'endormir et faire abstraction l'espace d'un instant de cette malheureuse existence.
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