Le texte écrit par Alexis dans le cadre de l'atelier d'écriture de Stéphanie Benson.
Merci !
Un meurtre qui a fait couler beaucoup d'encre
Arthur était allongé sur le tapis, un coussin sous la nuque et fixait le plafond. La pièce n’était éclairée que par quelques bougies disposées çà et là dans le salon. Ses doigts tapotaient sa poitrine. Dans sa tête commençait à naître un plan pour s’enfuir, pour partir loin, très loin. Il rêvait d’aller dans le désert, ses dunes, ses étendues de sable, sa solitude. Gêné par un courant d’air sur son épaule, Arthur frissonna et se leva pour aller fermer la fenêtre, restée entre-ouverte. Dehors, son attention fut attirée par un homme se tenant sur le trottoir et dont le chapeau cachait le visage, se tenant sur le trottoir. Arthur ne devait plus perdre de temps à réfléchir, il fallait prendre une décision.
—J’arrive toujours pas à comprendre pourquoi tu veux partir. On est pas bien ici ?
Arthur fut tiré de ses pensées par la voix rauque de Gabriel, son colocataire. Il avait totalement oublié que lui aussi se trouvait là, dans le salon.
—Tu comprends pas, j’étouffe, répondit Arthur, toujours posté devant la fenêtre. Il finit par se retourner, regarda Gabriel et poursuivit. Il faut absolument que je me tire d’ici. Et puis, je sais pas ce qui se prépare mais je le sens mal.
—Très bien, très bien, dit Gabriel, et tu vas t’y prendre comment ? Tu sais que le chef ne te laissera pas faire.
—T’inquiète, j’ai mon idée là-dessus.
Puis les deux garçons retombèrent dans un mutisme profond, chacun évitant le regard de l’autre. Seul le tic-tac de l’horloge venait rompre le silence qui avait envahi la pièce. Arthur regarda autour de lui : les étagères, la bibliothèque. Il avait l’impression de se trouver dans un musée. Gabriel possédait des objets, des livres, des babioles qu’il avait entreposé ici. Toutes ces affaires placées dans un ordre bien particulier, cette idée venait sûrement du chef. Avec ses petites statuettes, morceaux de papyrus et autres fresques, le couloir de l’entrée pourrait s’appeler Antiquités Egyptiennes. La cuisine, elle, remplie de posters et de sculptures miniatures porterait selon Arthur la mention Antiquités Gréco-romaines. Le salon, quant à lui, avec les rideaux aux tons rouge orangés, les motifs persans des tapis, la décoration touareg et les couleurs chaudes des tableaux au mur englobait l’Afrique et l’Orient. Non sans esquisser un léger sourire, Arthur se rappela que les toilettes et la salle de bains étaient envahis d’objets divers mais tous ramenés du Japon et de Chine. « La boucle est presque bouclée » se disait-il.
—Si tu veux partir, je t’aiderai, lança Gabriel en saisissant la part de pizza laissée sur la table.
—Mais comment ? demanda Arthur surpris. Tu sais que tant que le chef est là, je ne peux pas m’enfuir.
Gabriel ne répondit pas, il ne semblait même pas avoir entendu la question. Sa mâchoire broyait machinalement la pizza aux anchois et ses yeux fixaient le smiley jaune imprimé sur le t-shirt d’Arthur Il inspira profondément. Le bâton d’encens avait fini de se consumer. Arthur aimait cette odeur musquée et apaisante qui avait rempli l’appartement.
—Précisément, finit par répondre Gabriel, précisément. Tant que le chef est là, on ne peux rien faire. Il marqua une nouvelle pause. Soit, débarrassons-nous du chef !
En prononçant ces mots, il avait adressé à Arthur un sourire malicieux, lequel le fixa du regard, incrédule. Nous débarrasser du chef. Bien sûr, Gabriel a trouvé la solution. Même si nous risquons notre vie. Nous appartenons au chef, il fait de nous tout ce qu’il veut. Oui, il faut le liquider.
Arthur sortit dans la nuit froide et arpenta les rues sombres de la ville. Une ville imaginée de toutes pièces par un écrivain fou. Un décor unique qui se répétait à l’infini : les murs sales, les rues étroites, les mendiants menaçants et il faisait toujours nuit. La ville semblait cependant presque déserte, comme abandonnée : aucun bruit ne s’élevait, aucune rumeur ne l’envahissait. Seuls le murmure de la bise glaciale, le miaulement des chats de gouttière et le résonnement des pas d’Arthur lui donnait un semblant de vie. Depuis le début du roman, il ne s’était encore jamais aventuré dans cette partie de la ville, dans ces quartiers malfamés, ces bas-fonds qui paraissaient annoncer au passant que la mort les guettait, toute proche, au prochain coin de rue, à la prochaine rencontre. Le visage enfoncé dans le col de son manteau et caché sous un chapeau, Arthur serrait dans sa main gauche un morceau de papier sur lequel il avait noté l’adresse d’un prêtre vaudou. Gabriel la lui avait donnée. Il espérait pouvoir jeter des sorts à la poupée dans laquelle il aurait insufflé l’esprit de l’écrivain. En traversant le pont de pierre, il souriait, persuadé que sa libération n’était plus qu’une question de temps. Il arriva devant une porte en bois sur laquelle était pendue une tête de poule fraîchement tranchée. Il frappa trois fois, comme le lui avait conseillé Gabriel. La porte n’était pas fermée et s’ouvrit en grinçant. Il y avait un long couloir et, au bout, une pièce à peine éclairée par la lueur de bougies vacillantes. En s’approchant, Arthur entendit une voix.
—Entrez jeune homme, je vous attendais, dit la voix qui un vieil homme barbu. Il avait les cheveux courts, portait une grande tunique et ressemblait plus à un moine tibétain qu’à un prêtre vaudou. Arthur fit quelques pas et s’assit sur un fauteuil posé au centre du cercle de bougies. Il sortit de sa poche un cil de l’écrivain qu’il avait récupéré à la surface d’une page. Le vieux sorcier colla le cil à une poupée et la plongea dans le sang de la poule sacrifiée tout en fredonnant des paroles dans une langue venue d’ailleurs. Arthur réprima un frisson. Puis le vieux barbu s’approcha de lui, la poupée dans la main droite, une aiguille dans la main gauche.
—Maintenant, l’esprit de ton ennemi est prisonnier dans cette poupée, prononça-t-il comme s’il scandait une formule magique. Plante l’aiguille où tu le désires et sa douleur sera terrible.
Arthur s’empara des deux objets et partit aussitôt, avant que l’écrivain ne se rende compte de son absence. Quand il pénétra dans son appartement, rien n’avait changé. Il se dit que sa sortie était passée inaperçue. Gabriel ronflait sur le canapé, une part de pizza posée sur le ventre. Arthur ôta son manteau et posa la poupée et l’aiguille sur la table basse. Il se sentait prêt. Prêt à affronter son destin. Il essuya machinalement ses mains moites sur son jean, prit la poupée dans une main, l’aiguille dans l’autre. Il était prêt. Lentement, il approcha l’aiguille de l’esprit de son ennemi. Puis, soudain, il s’arrêta. Où piquer ? Quelle torture lui infliger ? Lui planter l’aiguille dans la main aurait un effet handicapant, il ne pourrait plus écrire. Mais cela suffisait-il ? Arthur ferma les yeux quelques secondes puis, de toutes ses forces, enfonça la pointe dans le cœur de la poupée. De la plaie profonde jaillit un jet de sang. Arthur retira sa main, effrayé, puis tout s’accéléra.
En s’effondrant sur la page 158, la tête de l'auteur fit un bruit assourdissant. Les murs de l’appartement tremblèrent comme si la terre elle-même avait bougé. Gabriel se réveilla en sursaut. La magie avait fait effet. L’écrivain se tordit de douleur, le souffle coupé par souffrance qui paralysait son cœur. Il s’écroula et, dans sa chute, renversa l’encrier sur la page à moitié remplie. Rien ni personne ne pouvait désormais empêcher Arthur de s’enfuir de ce roman sordide. C’était le moment. Il fallait partir maintenant. Arthur, heureux de pouvoir enfin goûter à la liberté, saisit sa petite valise et se lança d’un pas pressé vers la porte qu’il ne prit pas la peine de fermer derrière lui. Il descendit quelques marches, puis s’arrêta net dans la cage d’escalier.
—Arthur, murmura Gabriel dans son dos. Je ne me sens pas très bien.
—Moi non plus, avoua Arthur.
Quand ils comprirent, il était déjà trop tard. Autour d’eux tout disparaissait, les murs devenaient noirs, les détails s’évanouissaient sous la nappe obscure et la page 158 toute entière sombrait petit à petit sous la vague d’encre noire. Tout alla si vite, Gabriel avait déjà disparu. R. Arthur était tout seul. U. Sa vision commençait à devenir floue. H. Il se mit à trembler. Même mort, l’écrivain qui avait juré sa perte avait trouvé le moyen de le faire disparaître. T. Avant de se retrouver le visage sous le niveau du liquide noir, Arthur tenta de regarder la page, R. Maintenant, c’est fini. A.
Merci !
Un meurtre qui a fait couler beaucoup d'encre
Arthur était allongé sur le tapis, un coussin sous la nuque et fixait le plafond. La pièce n’était éclairée que par quelques bougies disposées çà et là dans le salon. Ses doigts tapotaient sa poitrine. Dans sa tête commençait à naître un plan pour s’enfuir, pour partir loin, très loin. Il rêvait d’aller dans le désert, ses dunes, ses étendues de sable, sa solitude. Gêné par un courant d’air sur son épaule, Arthur frissonna et se leva pour aller fermer la fenêtre, restée entre-ouverte. Dehors, son attention fut attirée par un homme se tenant sur le trottoir et dont le chapeau cachait le visage, se tenant sur le trottoir. Arthur ne devait plus perdre de temps à réfléchir, il fallait prendre une décision.
—J’arrive toujours pas à comprendre pourquoi tu veux partir. On est pas bien ici ?
Arthur fut tiré de ses pensées par la voix rauque de Gabriel, son colocataire. Il avait totalement oublié que lui aussi se trouvait là, dans le salon.
—Tu comprends pas, j’étouffe, répondit Arthur, toujours posté devant la fenêtre. Il finit par se retourner, regarda Gabriel et poursuivit. Il faut absolument que je me tire d’ici. Et puis, je sais pas ce qui se prépare mais je le sens mal.
—Très bien, très bien, dit Gabriel, et tu vas t’y prendre comment ? Tu sais que le chef ne te laissera pas faire.
—T’inquiète, j’ai mon idée là-dessus.
Puis les deux garçons retombèrent dans un mutisme profond, chacun évitant le regard de l’autre. Seul le tic-tac de l’horloge venait rompre le silence qui avait envahi la pièce. Arthur regarda autour de lui : les étagères, la bibliothèque. Il avait l’impression de se trouver dans un musée. Gabriel possédait des objets, des livres, des babioles qu’il avait entreposé ici. Toutes ces affaires placées dans un ordre bien particulier, cette idée venait sûrement du chef. Avec ses petites statuettes, morceaux de papyrus et autres fresques, le couloir de l’entrée pourrait s’appeler Antiquités Egyptiennes. La cuisine, elle, remplie de posters et de sculptures miniatures porterait selon Arthur la mention Antiquités Gréco-romaines. Le salon, quant à lui, avec les rideaux aux tons rouge orangés, les motifs persans des tapis, la décoration touareg et les couleurs chaudes des tableaux au mur englobait l’Afrique et l’Orient. Non sans esquisser un léger sourire, Arthur se rappela que les toilettes et la salle de bains étaient envahis d’objets divers mais tous ramenés du Japon et de Chine. « La boucle est presque bouclée » se disait-il.
—Si tu veux partir, je t’aiderai, lança Gabriel en saisissant la part de pizza laissée sur la table.
—Mais comment ? demanda Arthur surpris. Tu sais que tant que le chef est là, je ne peux pas m’enfuir.
Gabriel ne répondit pas, il ne semblait même pas avoir entendu la question. Sa mâchoire broyait machinalement la pizza aux anchois et ses yeux fixaient le smiley jaune imprimé sur le t-shirt d’Arthur Il inspira profondément. Le bâton d’encens avait fini de se consumer. Arthur aimait cette odeur musquée et apaisante qui avait rempli l’appartement.
—Précisément, finit par répondre Gabriel, précisément. Tant que le chef est là, on ne peux rien faire. Il marqua une nouvelle pause. Soit, débarrassons-nous du chef !
En prononçant ces mots, il avait adressé à Arthur un sourire malicieux, lequel le fixa du regard, incrédule. Nous débarrasser du chef. Bien sûr, Gabriel a trouvé la solution. Même si nous risquons notre vie. Nous appartenons au chef, il fait de nous tout ce qu’il veut. Oui, il faut le liquider.
Arthur sortit dans la nuit froide et arpenta les rues sombres de la ville. Une ville imaginée de toutes pièces par un écrivain fou. Un décor unique qui se répétait à l’infini : les murs sales, les rues étroites, les mendiants menaçants et il faisait toujours nuit. La ville semblait cependant presque déserte, comme abandonnée : aucun bruit ne s’élevait, aucune rumeur ne l’envahissait. Seuls le murmure de la bise glaciale, le miaulement des chats de gouttière et le résonnement des pas d’Arthur lui donnait un semblant de vie. Depuis le début du roman, il ne s’était encore jamais aventuré dans cette partie de la ville, dans ces quartiers malfamés, ces bas-fonds qui paraissaient annoncer au passant que la mort les guettait, toute proche, au prochain coin de rue, à la prochaine rencontre. Le visage enfoncé dans le col de son manteau et caché sous un chapeau, Arthur serrait dans sa main gauche un morceau de papier sur lequel il avait noté l’adresse d’un prêtre vaudou. Gabriel la lui avait donnée. Il espérait pouvoir jeter des sorts à la poupée dans laquelle il aurait insufflé l’esprit de l’écrivain. En traversant le pont de pierre, il souriait, persuadé que sa libération n’était plus qu’une question de temps. Il arriva devant une porte en bois sur laquelle était pendue une tête de poule fraîchement tranchée. Il frappa trois fois, comme le lui avait conseillé Gabriel. La porte n’était pas fermée et s’ouvrit en grinçant. Il y avait un long couloir et, au bout, une pièce à peine éclairée par la lueur de bougies vacillantes. En s’approchant, Arthur entendit une voix.
—Entrez jeune homme, je vous attendais, dit la voix qui un vieil homme barbu. Il avait les cheveux courts, portait une grande tunique et ressemblait plus à un moine tibétain qu’à un prêtre vaudou. Arthur fit quelques pas et s’assit sur un fauteuil posé au centre du cercle de bougies. Il sortit de sa poche un cil de l’écrivain qu’il avait récupéré à la surface d’une page. Le vieux sorcier colla le cil à une poupée et la plongea dans le sang de la poule sacrifiée tout en fredonnant des paroles dans une langue venue d’ailleurs. Arthur réprima un frisson. Puis le vieux barbu s’approcha de lui, la poupée dans la main droite, une aiguille dans la main gauche.
—Maintenant, l’esprit de ton ennemi est prisonnier dans cette poupée, prononça-t-il comme s’il scandait une formule magique. Plante l’aiguille où tu le désires et sa douleur sera terrible.
Arthur s’empara des deux objets et partit aussitôt, avant que l’écrivain ne se rende compte de son absence. Quand il pénétra dans son appartement, rien n’avait changé. Il se dit que sa sortie était passée inaperçue. Gabriel ronflait sur le canapé, une part de pizza posée sur le ventre. Arthur ôta son manteau et posa la poupée et l’aiguille sur la table basse. Il se sentait prêt. Prêt à affronter son destin. Il essuya machinalement ses mains moites sur son jean, prit la poupée dans une main, l’aiguille dans l’autre. Il était prêt. Lentement, il approcha l’aiguille de l’esprit de son ennemi. Puis, soudain, il s’arrêta. Où piquer ? Quelle torture lui infliger ? Lui planter l’aiguille dans la main aurait un effet handicapant, il ne pourrait plus écrire. Mais cela suffisait-il ? Arthur ferma les yeux quelques secondes puis, de toutes ses forces, enfonça la pointe dans le cœur de la poupée. De la plaie profonde jaillit un jet de sang. Arthur retira sa main, effrayé, puis tout s’accéléra.
En s’effondrant sur la page 158, la tête de l'auteur fit un bruit assourdissant. Les murs de l’appartement tremblèrent comme si la terre elle-même avait bougé. Gabriel se réveilla en sursaut. La magie avait fait effet. L’écrivain se tordit de douleur, le souffle coupé par souffrance qui paralysait son cœur. Il s’écroula et, dans sa chute, renversa l’encrier sur la page à moitié remplie. Rien ni personne ne pouvait désormais empêcher Arthur de s’enfuir de ce roman sordide. C’était le moment. Il fallait partir maintenant. Arthur, heureux de pouvoir enfin goûter à la liberté, saisit sa petite valise et se lança d’un pas pressé vers la porte qu’il ne prit pas la peine de fermer derrière lui. Il descendit quelques marches, puis s’arrêta net dans la cage d’escalier.
—Arthur, murmura Gabriel dans son dos. Je ne me sens pas très bien.
—Moi non plus, avoua Arthur.
Quand ils comprirent, il était déjà trop tard. Autour d’eux tout disparaissait, les murs devenaient noirs, les détails s’évanouissaient sous la nappe obscure et la page 158 toute entière sombrait petit à petit sous la vague d’encre noire. Tout alla si vite, Gabriel avait déjà disparu. R. Arthur était tout seul. U. Sa vision commençait à devenir floue. H. Il se mit à trembler. Même mort, l’écrivain qui avait juré sa perte avait trouvé le moyen de le faire disparaître. T. Avant de se retrouver le visage sous le niveau du liquide noir, Arthur tenta de regarder la page, R. Maintenant, c’est fini. A.
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