[Rappelons que pour l'évaluation de leur année, les étudiants doivent réaliser une « traduction longue », soit 100 pages de 1500 signes d'une œuvre littéraire – choisie par eux]
D'emblée une question se pose : le nom du protagoniste. Ce nom, je ne peux le conserver, le poids du sens est trop important pour le servir tel quel au lecteur. Il faudra donc trouver une solution, une première se présente, incertitude, on m'en propose une deuxième, incertitude, retour à la première, dans un va-et-vient incessant. Élément qui demandera encore de la réflexion... Passons sur le purement « intraduisible » : jeux de mots, paronomases, polysémie inexistante en français... Il me semble finalement que ces points ne sont pas fondamentaux dans la traduction – importants, oui, c'est certain – mais ils ne sont pas le ton, la « voix » du texte. LA voix, si seulement... Il a beau n'y avoir qu'un narrateur, sa voix change, fluctue, tantôt lyrique, exaltée, tantôt distante, froide. Passage du « je » au « il » en un éclair, dans une même phrase ; du discours au récit ; de l'adresse directe aux lecteurs à l'interpellation de ses muses, les femmes que le narrateur a aimées. La plume du traducteur a à peine le temps de s'imprégner d'une voix, de sentir que, ça y est, le ton est là, qu'aussitôt il se retrouve transporté dans un autre univers. Les digressions sont là, qui viennent rompre le rythme, digressions scientifiques, philosophiques, astrologiques, belliqueuses. Chacune son rythme, son vocabulaire spécifique.
Où se trouve la solution : dans la conjugaison, dans la ponctuation, dans le vocabulaire, dans un changement de syntaxe ? Tantôt dans l'un ou dans l'autre. Trouver pour chaque situation, une solution sans pour autant sombrer dans quelque chose d'artificiel, en respectant toujours l'intention de l'auteur. Cette camisole me colle au corps, savoir se mouvoir dedans sans jamais s'en dégager.
Et d'autres questions plus académiques assaillent mon esprit : comment justifier ce changement ? J'entends le capitaine du bateau crier au large « Pourquoi tu changes ? Si tu changes, justifie », puis se fait entendre la voix d'un autre capitaine : « On me demande souvent pourquoi ? Mais la traduction, c'est ça. On sent que c'est bon, qu'on y est, mais je ne sais pas l'expliquer ». Ces deux voix se mêlent, puis-je justifier ce changement ? Non, pour autant vais-je laisser cette tournure qui ne me semble pas correspondre à l'esprit du texte, cette tournure qui accroche ? Les débats intérieurs s'enchaînent, sont ensevelis puis rejaillissent au gré du texte.
Une œuvre, aussi, truffée de références : scientifiques, littéraires, mythologiques, philosophiques. La certitude de passer à côté de certaines sans même m'en rendre compte, de desservir le texte...
Et puis même si, comme dit plus haut, les cas d'« intraduisible » ponctuels ne sont pas l'essence de l'œuvre, peut-être le deviennent-ils lorsqu'ils sont légion, lorsque les jeux de langage fourmillent...
Bilan du troisième jet : la route est encore longue...
D'emblée une question se pose : le nom du protagoniste. Ce nom, je ne peux le conserver, le poids du sens est trop important pour le servir tel quel au lecteur. Il faudra donc trouver une solution, une première se présente, incertitude, on m'en propose une deuxième, incertitude, retour à la première, dans un va-et-vient incessant. Élément qui demandera encore de la réflexion... Passons sur le purement « intraduisible » : jeux de mots, paronomases, polysémie inexistante en français... Il me semble finalement que ces points ne sont pas fondamentaux dans la traduction – importants, oui, c'est certain – mais ils ne sont pas le ton, la « voix » du texte. LA voix, si seulement... Il a beau n'y avoir qu'un narrateur, sa voix change, fluctue, tantôt lyrique, exaltée, tantôt distante, froide. Passage du « je » au « il » en un éclair, dans une même phrase ; du discours au récit ; de l'adresse directe aux lecteurs à l'interpellation de ses muses, les femmes que le narrateur a aimées. La plume du traducteur a à peine le temps de s'imprégner d'une voix, de sentir que, ça y est, le ton est là, qu'aussitôt il se retrouve transporté dans un autre univers. Les digressions sont là, qui viennent rompre le rythme, digressions scientifiques, philosophiques, astrologiques, belliqueuses. Chacune son rythme, son vocabulaire spécifique.
Où se trouve la solution : dans la conjugaison, dans la ponctuation, dans le vocabulaire, dans un changement de syntaxe ? Tantôt dans l'un ou dans l'autre. Trouver pour chaque situation, une solution sans pour autant sombrer dans quelque chose d'artificiel, en respectant toujours l'intention de l'auteur. Cette camisole me colle au corps, savoir se mouvoir dedans sans jamais s'en dégager.
Et d'autres questions plus académiques assaillent mon esprit : comment justifier ce changement ? J'entends le capitaine du bateau crier au large « Pourquoi tu changes ? Si tu changes, justifie », puis se fait entendre la voix d'un autre capitaine : « On me demande souvent pourquoi ? Mais la traduction, c'est ça. On sent que c'est bon, qu'on y est, mais je ne sais pas l'expliquer ». Ces deux voix se mêlent, puis-je justifier ce changement ? Non, pour autant vais-je laisser cette tournure qui ne me semble pas correspondre à l'esprit du texte, cette tournure qui accroche ? Les débats intérieurs s'enchaînent, sont ensevelis puis rejaillissent au gré du texte.
Une œuvre, aussi, truffée de références : scientifiques, littéraires, mythologiques, philosophiques. La certitude de passer à côté de certaines sans même m'en rendre compte, de desservir le texte...
Et puis même si, comme dit plus haut, les cas d'« intraduisible » ponctuels ne sont pas l'essence de l'œuvre, peut-être le deviennent-ils lorsqu'ils sont légion, lorsque les jeux de langage fourmillent...
Bilan du troisième jet : la route est encore longue...
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