« À la page 65 »
À l’intérieur il y avait quand-même un marque-pages, bon sang ! Une bande, rectangulaire, de papier d’amate dont le rose, le bleu et le vert se mariaient harmonieusement pour offrir une magnifique illustration réalisée dans les règles de l’art mexicain. L’utiliser, n’était pourtant pas sorcier : il suffisait de le placer à la page où la lecture avait été interrompue.
Mais non. Il fallait qu’il la déforme, cette page ! Et que croyez-vous qu’il a fait ? Qu’il a simplement écorné un petit bout de papier au haut ou en bas de la feuille ? Et bien non ! Il l’a pliée à la moitié !
Il faut vraiment ne pas aimer les livres, être un lecteur indigne, pour leur infliger une torture pareille. Marquée à vie, la page 65 de ce livre que je chéris tant, source inépuisable d’inspiration depuis dix ans maintenant, ne s’en remettra jamais et moi non plus !
Une page brisée par un individu dépourvu de sensibilité, dépourvu d’amour pour ces compagnons de vie, guides avisés du voyage intérieur, de la réflexion ou encore de l’apprentissage. Petite Croix, dans sa quête de la couleur bleue, aura sans doute frissonné de tout son être en sentant cet effroyable pliage au moment même où les nuages s’apprêtaient à venir la voir. Sans doute se sont-ils dissous à cet instant, et moi, je ne pourrai peut-être plus jamais sentir leur caresse froide.
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