vendredi 4 janvier 2013

Entretien avec l'éditeur Laurent Tranier (« Toute Latitude »)


Laurent Tranier et sa maison d'édition « Toute Latitude »  ont été présentés précédemment sur le blog.

1- Nancy Benazeth. Comment êtes-vous devenu éditeur et comment est née votre  maison d'édition ?
Laurent Tranier. Je suis entré dans la vie professionnelle au moment de la bulle Internet, en 2001, dans ce que l'on appelait alors une « start-up » (entreprise de nouvelle technologie à fort potentiel),  spécialisée dans le contenu culturel pour Internet. Au moment de l'éclatement de cette bulle Internet, chacun s'est rendu compte qu'Internet n'était pas un Eldorado, et l'activité de la société dans laquelle je me trouvais s'est diversifiée vers la « vieille économie ». Nous avons créé une collection de livres de divertissement culturel à vocation encyclopédique et c'est moi qui m'en suis occupé. J'ai appris ce métier sur le tas, même si j'ai toujours eu un intérêt pour ce secteur et si ma formation (Sciences-Po, Droit, Lettres) n'en était pas éloignée. Quand j'ai quitté cette société,  j'ai créé une maison d'édition, en 2005 : les Editions Toute Latitude.

2- N. B. Quels sont, selon vous, les avantages et les inconvénients de ce métier ?
L. T. Question difficile… Ce métier peut recouvrir des réalités très différentes suivant le secteur dans lequel on l'exerce (édition professionnelle, littérature, jeunesse, références, etc.) et la taille de la structure dans laquelle on l'exerce. En général, un des grands intérêts est la polyvalence dont on doit faire preuve entre compétences éditoriales (la langue, la maquette, la fabrication, etc.),  commerciales, de gestion et de communication. Un « inconvénient » est la conjoncture économique dans laquelle évolue l'édition. Mais cela oblige à être créatif,  à faire évoluer l'offre et à intégrer les nouveaux usages des lecteurs et les nouvelles technologies.

3- N. B. Qu'est-ce qui motive votre choix de publier des ouvrages d'Amérique Latine ?
L. T. Les Editions Toute Latitude publient dans plusieurs domaines : l'Amérique latine et les livres de région sont les principaux. Le choix s'est porté sur l'Amérique latine, dès la création, en partant du constat que l'offre était relativement faible en librairie sur cette aire culturelle, et qu'il y avait donc une niche à explorer avec des textes de qualité accessibles à une nouvelle maison d'édition. C'était aussi un intérêt personnel. Le succès de ce domaine en librairie a confirmé que c'était un bon choix.

4- N. B. Quels sont vos critères de sélection d'une œuvre ?
L. T. Restons dans le domaine de l'Amérique latine : nous avons défini 4 collections, assez précisément (Pays latino, Roman latino, Esprit latino et Regard latino). Nous avons 2 sources de textes : je sollicite certains auteurs,  identifiés selon leurs compétences, pour qu'ils rédigent un texte correspondant à une collection,  et nous recevons aussi des manuscrits par courrier. Il y a, pour le choix définitif, 2 conditions : le potentiel commercial et la qualité. Le sujet doit être large,  fédérateur,  accessible et, si-possible, susceptible de provoquer des partenariats autour du livre (promotion ou achats). La promesse de Toute Latitude, c'est « qualité et plaisir ». Quand tous les critères sont réunis, ce qui est rare, nous pouvons publier.

5- N. B. Quel est le premier livre que vous avez édité et qu'en pensez-vous aujourd'hui ?
L. T. Très bonne question… Au départ, nous avons publié simultanément 2 livres, aux destins très différents : Prenez mon cœur, un roman dans la collection « Intrigues » écrit par un auteur français reconnu, accompagné d'un partenariat original avec une maison de disques qui a publié « la BO du roman ». Nous avons eu du mal à percer… L'autre livre, Mexique. Entre l'abîme et le sublime, a lancé la collection Pays latino. Il est devenu une référence sur ce pays !

6- N. B. Comment envisagez-vous l'évolution de "toute latitude" ?
L. T. Après avoir beaucoup exploré (polar, documents, etc.), Toute Latitude est à présent identifié dans le domaine latino, et dans le domaine régional, avec la marque « Terres d'excellence ». Ces 2 domaines ont un important potentiel de développement. Et nous allons aussi explorer prochainement le domaine jeunesse.

7- N. B. Quels rapports entretenez-vous avec les auteurs ?
L. T. Des rapports de proximité. Nous travaillons étroitement ensemble, sur la préparation du livre comme sur la promotion.

8- N. B. Comment travaillez-vous avec les traducteurs ?
L. T. La traduction représente un coût important dans le budget du livre. On peut aussi avoir des aides. Le rapport doit là aussi être très proche et le professionnalisme est indispensable.

9- N. B. Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un(e) traducteur(trice) qui commence sa carrière et qui souhaiterait travailler avec une maison d'édition ?
L. T. A ma connaissance,  le métier de traducteur s'exerce encore très largement en free-lance. Pour de la traduction littéraire, il est indispensable,  je crois,  que le traducteur ait une connaissance pointue de l'aire linguistique depuis laquelle il traduit vers le français. Qu'il surveille de très prêt la création dans cette langue, qu'il connaisse aussi parfaitement les goûts du public français et qu'il puisse être force de proposition auprès d'un éditeur français, en pensant à tous les paramètres : goûts du public,  qualité du texte,  potentiel de l'auteur,  coûts (achat des droits et traduction). Il doit aussi parfaitement connaître les éditeurs francophones susceptibles de publier ces auteurs. Il y a je pense un intérêt fort à connaître personnellement des auteurs,  à être proche d'eux, voire à « miser » sur eux, mais aussi à connaître les agents, pour savoir décrire le travail de tel ou tel auteur. Il faut enfin s'investir, proposer aux éditeurs des traductions ou des extraits de traduction afin de prouver la pertinence de ce que l'on propose. Traduire de la littérature générale est un difficile mais beau métier !

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