Une jeune traductrice de l'allemand en littérature et sciences humaines, qui souhaite garder l'anonymat, a eu la gentillesse de me répondre.
Après avoir débuté un cursus « classique » d'études germaniques, elle a obtenu deux bourses successives qui lui ont permis d'étudier en Allemagne. C'est son mémoire final de master professionnel « Métiers de la traduction littéraire » qui lui a permis de rencontrer les personnes grâce auxquelles elle a pu commencer à être publiée.
Comment es-tu venue à la traduction ?
Techniquement : par les voies universitaires.
Plus personnellement : ma motivation résulte de ma fascination pour la variété des langues. Depuis que je connais des langues étrangères, je ne peux m'empêcher de rechercher « l'équivalent de la différence ».
Comment choisis-tu les textes que tu traduis ?
Au hasard des librairies principalement. J'y trouve les nouveautés ; quand un livre inédit me plaît et que je sais qu'aucun traducteur ne travaille déjà dessus, je prépare des fiches de lecture et éventuellement un échantillon de traduction à soumettre à des éditeurs susceptibles d'être preneurs. Mais jusqu'à présent, mes publications ont essentiellement répondu à des contrats soumis par les éditeurs eux-mêmes, c'est donc d'eux que venait le choix.
Quels sont les principaux outils que tu utilises ?
Les dictionnaires unilingues, à savoir le Petit Robert et son homologue allemand, le Duden. Évidemment, j'ai aussi recours à internet, pour chercher la fréquence de certaines occurrences notamment, ou trouver le sens de certaines expressions régionales (nombreuses en Allemagne, Suisse et Autriche).
Lorsque tu rencontres une difficulté et que tu es bloquée, comment procèdes-tu ?
Dans presque tous les cas, je laisse reposer. Bien souvent il suffit de revenir plus tard sur la difficulté, et la solution s'impose alors comme allant de soi. Il arrive qu'on bute par simple manque d'inspiration, par fatigue, parce qu'on n'est plus assez concentré ou trop immergé dans la langue-source (ce qui est mon cas actuellement puisque je vis en Autriche). Pour les cas où je reste démunie, je contacte toujours un natif. Ma question est alors souvent : à quel point cette formule, ou cette phrase, est-elle « bizarre », hors norme ? – afin d'évaluer dans quelle mesure je devrai à mon tour faire preuve de créativité pour transmettre cette étrangeté.
Comment vois-tu le métier de traducteur aujourd’hui ?
Comme une passion qui permet de passer outre toutes les difficultés ou ingratitudes inhérentes à cette activité. C'est par ailleurs un métier que je n'envisage absolument pas d'exercer à plein temps : j'ai trop besoin d'interaction avec des humains pour trouver un équilibre dynamique.
Quels rapports entretiens-tu avec les éditeurs ?
Je n'en connais qu'une poignée ; en France, en Allemagne et en Autriche. Mais globalement je peux dire qu'avec chacun d'entre eux, il y a un rapport chaleureux, cordial, bienveillant. Éditeurs et traducteurs ont des points communs qui les rapprochent : nous sommes des intermédiaires entre un auteur et un public, nous cherchons à faire passer des textes, des idées. Ceux avec qui je travaille directement m'ont fait confiance malgré ma jeune expérience, cela crée un lien de reconnaissance fort et donne du courage, du cœur à l'ouvrage aussi.
Quels rapports éventuels entretiens-tu avec les auteurs que tu traduis ?
La première auteure que j'ai traduite est devenue mon amie, et c'est grâce à elle que j'ai été publiée pour la première fois.
Quel est ton meilleur souvenir, en tant que traductrice ?
Il y a trois ans, j'ai envoyé à l'auteure (dont il est question dans la réponse précédente) la traduction que j'avais réalisée à partir de son essai (elle connaît le français). Mon travail l'a touchée, elle m'a alors dit se reconnaître entièrement dans sa voix française.
Y a-t-il un texte en particulier que tu aimerais traduire ou que tu aurais aimé traduire ?
Une pile de romans m'attend sur la table. Il s'agit de livres qui m'ont marquée dans leur originalité, je chercherai à les proposer en France dès que le temps me le permettra. Quant aux livres regrettés, il y en a bien un : l'an dernier, j'ai soumis un essai autrichien à une éditrice parisienne. Elle en était enchantée, à tel point qu'elle le publie cette année mais après avoir confié le travail à son traducteur attitré et chevronné...
Le traducteur est-il pour toi un auteur ou un passeur ?
Un auteur est un artiste qui crée un texte neuf à partir de ses réflexions, de ses émotions et de son rapport à sa langue. Le traducteur de son côté, travaille sa langue maternelle pour rendre ce souffle créateur. Il faut indéniablement des qualités d'écriture pour traduire de la littérature, mais dire que le traducteur est un auteur me semble un débat un peu mégalomane : je vois plutôt le traducteur comme un artisan de la langue.
Traduire a-t-il fait de toi une lectrice différente? Et si oui, quelle lectrice ?
Je deviens une lectrice différente lorsque je tiens entre mes mains le livre à traduire. Je me transforme en femme de ménage qui soulève les tapis et regarde dessous, inspecte les angles et les virgules, déplace les meubles. Je deviens attentive à tout. Le traducteur connaît une œuvre mieux que n'importe quel autre lecteur car il a regardé partout en détail.
Quel(s) conseil(s) pourrais-tu donner à un(e) apprenti(e) traducteur(trice) ?
Avec ma maigre expérience, mon principal conseil se contentera probablement d'être assez bateau : si c'est une affaire de vocation passionnée, il faut de la persévérance pour ne pas se laisser décourager par les difficultés à se faire publier, à pénétrer le milieu éditorial. Le traducteur travaille dans l'ombre, ses rencontres avec les acteurs du livre en sont d'autant plus déterminantes. Il faut savoir s'ouvrir aux autres pour partager cette passion ; si elle est vraie et nourrie d'un minimum de talent, elle ne passera pas éternellement inaperçue.
Après avoir débuté un cursus « classique » d'études germaniques, elle a obtenu deux bourses successives qui lui ont permis d'étudier en Allemagne. C'est son mémoire final de master professionnel « Métiers de la traduction littéraire » qui lui a permis de rencontrer les personnes grâce auxquelles elle a pu commencer à être publiée.
Comment es-tu venue à la traduction ?
Techniquement : par les voies universitaires.
Plus personnellement : ma motivation résulte de ma fascination pour la variété des langues. Depuis que je connais des langues étrangères, je ne peux m'empêcher de rechercher « l'équivalent de la différence ».
Comment choisis-tu les textes que tu traduis ?
Au hasard des librairies principalement. J'y trouve les nouveautés ; quand un livre inédit me plaît et que je sais qu'aucun traducteur ne travaille déjà dessus, je prépare des fiches de lecture et éventuellement un échantillon de traduction à soumettre à des éditeurs susceptibles d'être preneurs. Mais jusqu'à présent, mes publications ont essentiellement répondu à des contrats soumis par les éditeurs eux-mêmes, c'est donc d'eux que venait le choix.
Quels sont les principaux outils que tu utilises ?
Les dictionnaires unilingues, à savoir le Petit Robert et son homologue allemand, le Duden. Évidemment, j'ai aussi recours à internet, pour chercher la fréquence de certaines occurrences notamment, ou trouver le sens de certaines expressions régionales (nombreuses en Allemagne, Suisse et Autriche).
Lorsque tu rencontres une difficulté et que tu es bloquée, comment procèdes-tu ?
Dans presque tous les cas, je laisse reposer. Bien souvent il suffit de revenir plus tard sur la difficulté, et la solution s'impose alors comme allant de soi. Il arrive qu'on bute par simple manque d'inspiration, par fatigue, parce qu'on n'est plus assez concentré ou trop immergé dans la langue-source (ce qui est mon cas actuellement puisque je vis en Autriche). Pour les cas où je reste démunie, je contacte toujours un natif. Ma question est alors souvent : à quel point cette formule, ou cette phrase, est-elle « bizarre », hors norme ? – afin d'évaluer dans quelle mesure je devrai à mon tour faire preuve de créativité pour transmettre cette étrangeté.
Comment vois-tu le métier de traducteur aujourd’hui ?
Comme une passion qui permet de passer outre toutes les difficultés ou ingratitudes inhérentes à cette activité. C'est par ailleurs un métier que je n'envisage absolument pas d'exercer à plein temps : j'ai trop besoin d'interaction avec des humains pour trouver un équilibre dynamique.
Quels rapports entretiens-tu avec les éditeurs ?
Je n'en connais qu'une poignée ; en France, en Allemagne et en Autriche. Mais globalement je peux dire qu'avec chacun d'entre eux, il y a un rapport chaleureux, cordial, bienveillant. Éditeurs et traducteurs ont des points communs qui les rapprochent : nous sommes des intermédiaires entre un auteur et un public, nous cherchons à faire passer des textes, des idées. Ceux avec qui je travaille directement m'ont fait confiance malgré ma jeune expérience, cela crée un lien de reconnaissance fort et donne du courage, du cœur à l'ouvrage aussi.
Quels rapports éventuels entretiens-tu avec les auteurs que tu traduis ?
La première auteure que j'ai traduite est devenue mon amie, et c'est grâce à elle que j'ai été publiée pour la première fois.
Quel est ton meilleur souvenir, en tant que traductrice ?
Il y a trois ans, j'ai envoyé à l'auteure (dont il est question dans la réponse précédente) la traduction que j'avais réalisée à partir de son essai (elle connaît le français). Mon travail l'a touchée, elle m'a alors dit se reconnaître entièrement dans sa voix française.
Y a-t-il un texte en particulier que tu aimerais traduire ou que tu aurais aimé traduire ?
Une pile de romans m'attend sur la table. Il s'agit de livres qui m'ont marquée dans leur originalité, je chercherai à les proposer en France dès que le temps me le permettra. Quant aux livres regrettés, il y en a bien un : l'an dernier, j'ai soumis un essai autrichien à une éditrice parisienne. Elle en était enchantée, à tel point qu'elle le publie cette année mais après avoir confié le travail à son traducteur attitré et chevronné...
Le traducteur est-il pour toi un auteur ou un passeur ?
Un auteur est un artiste qui crée un texte neuf à partir de ses réflexions, de ses émotions et de son rapport à sa langue. Le traducteur de son côté, travaille sa langue maternelle pour rendre ce souffle créateur. Il faut indéniablement des qualités d'écriture pour traduire de la littérature, mais dire que le traducteur est un auteur me semble un débat un peu mégalomane : je vois plutôt le traducteur comme un artisan de la langue.
Traduire a-t-il fait de toi une lectrice différente? Et si oui, quelle lectrice ?
Je deviens une lectrice différente lorsque je tiens entre mes mains le livre à traduire. Je me transforme en femme de ménage qui soulève les tapis et regarde dessous, inspecte les angles et les virgules, déplace les meubles. Je deviens attentive à tout. Le traducteur connaît une œuvre mieux que n'importe quel autre lecteur car il a regardé partout en détail.
Quel(s) conseil(s) pourrais-tu donner à un(e) apprenti(e) traducteur(trice) ?
Avec ma maigre expérience, mon principal conseil se contentera probablement d'être assez bateau : si c'est une affaire de vocation passionnée, il faut de la persévérance pour ne pas se laisser décourager par les difficultés à se faire publier, à pénétrer le milieu éditorial. Le traducteur travaille dans l'ombre, ses rencontres avec les acteurs du livre en sont d'autant plus déterminantes. Il faut savoir s'ouvrir aux autres pour partager cette passion ; si elle est vraie et nourrie d'un minimum de talent, elle ne passera pas éternellement inaperçue.
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