1) Elise Poullain. Comment êtes-vous venue à la traduction ?
Brigitte Torres-Pizzetta. Par amour de la langue, du jeu, et le plaisir de « rentrer » dans un texte. Et par ailleurs, le souhait, l’envie de faire connaître, partager les découvertes littéraires, les auteurs admirés…
2) E. P. Exercez-vous ce métier à plein temps ?
B. T.-P. Non, je suis professeur-documentaliste, dans l’immédiat, je ne traduis « que » pour le plaisir.
3) E. P. Comment voyez-vous le métier de traducteur aujourd’hui ?
B. T.-P. En ce qui concerne la traduction littéraire, une aventure, un challenge… pas évident d’en vivre…
4) E. P. Choisissez-vous et, le cas échéant, comment les textes que vous traduisez ?
B. T.-P. Oui, je ne fais… « que ce qu’il me plaît » ! Je peux me le permettre, puisque je ne vis pas de la traduction. Le problème, c’est que le temps passe vite et que beaucoup de textes me plaisent Je « fouille », je cherche de beaux inconnus (via internet, en ce qui concerne les auteurs latino-américains), et en m’entourant de conseillers… telle mon amie, Cristina Madero !
5) E. P. Quels sont les principaux outils que vous utilisez ?
B. T.-P. Les dictionnaires.
6) E. P. Lorsque vous rencontrez une difficulté, voire que vous êtes bloquée (inquiétude majeure des apprentis traducteurs), comment procédez-vous ?
B. T.-P. Au risque de vous sembler très bête, selon la gravité : je tourne et retourne, je lis à haute voix, parfois j’attends… et parfois, je vous assure, l’étincelle arrive ! et bien sûr, je n’hésite pas à demander conseil…
7) E. P. Quel est votre meilleur souvenir, en tant que traductrice ?
B. T.-P. La rencontre avec Luisa, bien sûr, qui m’a toujours soutenue, encouragée, aidée et puis… le courrier de l’éditeur qui accepte le manuscrit !
8) E. P. Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
B. T.-P. Sans fausse modestie, je considère le traducteur comme un passeur. L’auteur reste pour moi le seul vrai créateur, même si une traduction ne peut échapper à une interprétation, évidemment propre à la lecture du traducteur.
9) E. P. Partagez-vous l'avis de ces traducteurs qui se décrivent avant tout comme des petits artisans ?
B. T.-P. Artisans en opposition à « artiste » ? Justement parce qu’il ne « crée » pas ? parce qu’il manie cet « outil » qu’est pour lui la langue ?... Non, je ne me sens pas rentrer dans le cadre d’un artisanat, parce que je ne trouve, dans la traduction, aucune notion de « fabrication » inhérente à l’artisanat. Je me trompe peut-être, qu’en pensez-vous, vous qui vous destinez à ce métier ?
10) E. P. Traduire a-t-il fait de vous une lectrice différente ? Et si oui, quelle lectrice ?
B. T.-P. Oui, incontestablement. De manière très insidieuse, sans que j’en sois vraiment consciente, il me semble me positionner perpétuellement dans le cadre d’une traduction (que je lise en français ou en espagnol). Je me surprends à enregistrer des mots, des expressions, des formes… Je me surprends à avoir un regard critique, et je me surprends à me poser sans cesse la question : comment est-ce que je traduirais cela ?…
11) E. P. Vous avez traduit Cambio de armas de Luisa Valenzuela, pouvez-nous en dire quelques mots ?
B. T.-P. Outre la rencontre avec Luisa, dont je vous ai parlé plus haut (vous ai-je raconté le hasard extraordinaire de cette rencontre ?) j’ai été très profondément touchée de la rencontre avec le texte. Vous savez peut-être qu’elle parle « d’écrire avec le corps », je vous assure que, en « rentrant » dans le texte, j’ai eu des émotions de deux sortes : émotions quasiment physiques en abordant certains passages particulièrement durs, et fascination face au grand art de l’écriture propre à Luisa (qui m’a, par ailleurs, causé bien des soucis !!!.) Par ailleurs, j’ai choisi, avec son accord, cet ensemble de nouvelles parce qu’il forme un tout, qu’on y trouve un éventail des multiples variétés et capacités d’écriture de Luisa mais aussi et surtout parce qu’il est fondamentalement représentatif de son combat (féministe, mais pas uniquement) contre toutes les formes de dictatures.
12) E. P. Quel(s) conseil(s) pourriez-vous donner à un(e) apprenti(e) traducteur(-trice) ?
B. T.-P. De conserver toujours l’amour de ce travail, l’enthousiasme, la persévérance et… je reprendrais un mot de Claude Bleton : « Parfois, il faut accepter de s’avouer vaincu » !
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