lundi 3 décembre 2012

Entretien avec le traducteur (Espagnol / Français) François Géal – par Kévin Cipollini

1) Kévin Cipollini. Comment êtes-vous venu à la traduction ?
François Géal. J'aimais beaucoup la version latine, au lycée. Je me suis ensuite spécialisé en littérature espagnole, et après avoir longtemps préféré le thème, j'ai pris de plus en plus goût à la version, ou plutôt à la traduction, car il y a à mes yeux une différence de degré entre traduire de courts extraits d'oeuvres souvent choisies pour les "pièges" qu'elles recèlent, et traduire toute une oeuvre qu'on a choisie pour sa beauté ou sa profondeur.

2) K. V. Quelle a été votre première traduction ? Qu'en pensez-vous aujourd'hui ?
F. G. Un roman de Gabriel Miró intitulé Niño y grande (1922) (titre français : D'un âge l'autre). Je ne l'ai pas relue depuis, mais je m'étais appliqué, et je pense qu'elle tient encore la route!

3) K. V. Choisissez-vous les textes que vous traduisez ?
F. G. Toujours, du moins depuis une dizaine d'années. Avant, il m'est arrivé de faire des traductions "alimentaires"...

4) K. V. Exercez-vous ce métier à plein temps ?
F. G. Non, je suis Maître de conférence dans l'enseignement supérieur.

5) K. V. Comment voyez-vous le métier de traducteur aujourd’hui ?
F. G. Un beau métier, mais lorsqu'on l'exerce à plein temps, à mes yeux on se retrouve fréquemment dans la situation pénible qui consiste à devoir traduire beaucoup (et donc trop vite) pour subsister.

6) K. V. Quels rapports entretenez-vous avec les auteurs que vous traduisez ? Et avec les éditeurs ?
F. G. Jusqu'ici, j'ai toujours eu affaire à des auteurs disparus. Je ne suis évidemment pas hostile à l'idée de traduire des contemporains, mais si le cas se présentait, leur avis m'intéresserait peu (à cet égard, les questions posées par A. Alonso à Pablo Neruda concernant son recueil Residencia en la Tierra suggère qu'un écrivain n'est pas le mieux placé pour commenter sa propre oeuvre). Globalement, je n'ai pas beaucoup d'estime pour les éditeurs français. Ceux qui font bien leur métier sont une minorité. Pour une traduction que je voulais publier il y a quelques années, j'en ai contacté plus de 45, pas même la moitié ont daigné répondre me une ligne. Ils passent leur temps à se plaindre, alors que leurs bénéfices se sont plutôt accrus (cf. sur ce point le rapport Assouline). Cela dit, j'ai rencontré aussi des gens exceptionnels, comme par exemple Thierry Boizet et son épouse, éditeurs de la petite maison Finitude.

7) K. V. Quel est votre meilleur souvenir, en tant que traducteur ?
F. G. J'ai beaucoup d'excellents souvenirs dans le cadre de l'atelier de traduction collective que je dirige chaque semaine à l'Ecole Normale Supérieure. Notamment lorsque, après plusieurs relectures, en fin de cycle, le visage serein de chaque participant suggère que notre traduction "fonctionne" et qu'elle a de bonnes chances d'être accueillie avec intérêt par le public.

8) K. V. Traduire a-t-il fait de vous un lecteur différent ? Et si oui, quel lecteur ?
F. G. Traduire (et notamment dans le cadre de l'expérience évoquée ci-dessus) m'a rendu extrêmement pointilleux vis-à-vis de mes confrères traducteurs : en effet, je repère très vite les maladresses typiques de traducteurs gauches, y compris dans les langues (anglais, italien par exemple) que je lis mais que je ne traduis pas. Il faut dire que la plupart des traductions laissent à désirer…, 

9) K. V. Quel(s) conseil(s) pourriez-vous donner à un(e) apprenti(e) traducteur(trice) ?
F. G. Lire beaucoup de littérature française !

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