dimanche 24 mai 2009

Votre thème du week-end, Balzac

En photo : balzac par musiquegirl

Calyste eut mille peines à paraître manger, il éprouvait des mouvements nerveux qui lui ôtaient la faim. Comme chez tous les jeunes gens, la nature était en proie aux convulsions qui précèdent le premier amour et le gravent si profondément dans l'âme. A cet âge, l'ardeur du coeur, contenue par l'ardeur morale, amène un combat intérieur qui explique la longue hésitation respectueuse, les profondes méditations de tendresse, l'absence de tout calcul, attraits particuliers aux jeunes gens dont le coeur et la vie sont purs. En étudiant, quoique à la dérobée, afin de ne pas éveiller les soupçons du jaloux Gennaro, les détails qui rendent la marquise de Rochegude si noblement belle, Calyste fut bientôt opprimé par la majesté de la femme aimée : il se sentit rapetissé par la hauteur de certains regards, par l'attitude imposante de ce visage où débordaient les sentiments aristocratiques, par une certaine fierté que les femmes font exprimer à de légers mouvements, à des airs de tête, à d'admirables lenteurs de geste, et qui sont des effets moins plastiques, moins étudiés qu'on ne le pense. Ces mignons détails de leur changeante physionomie correspondent aux délicatesses, aux mille agitations de leurs âmes. Il y a du sentiment dans toutes ces expressions. La fausse situation où se trouvait Béatrix lui commandait de veiller sur elle−même, de se rendre imposante sans être ridicule, et les femmes du grand monde savent toutes atteindre à ce but, l'écueil des femmes vulgaires. Aux regards de Félicité, Béatrix devina l'adoration intérieure qu'elle inspirait à son voisin et qu'il était indigne d'elle d'encourager, elle jeta donc sur Calyste en temps opportun un ou deux regards répressifs qui tombèrent sur lui comme des avalanches de neige. L'infortuné se plaignit à mademoiselle des Touches par un regard où se devinaient des larmes gardées sur le coeur avec une énergie surhumaine, et Félicité lui demanda d'une voix amicale pourquoi il ne mangeait rien. Calyste se bourra par ordre et eut l'air de prendre part à la conversation. Être importun au lieu de plaire, cette idée insoutenable lui martelait la cervelle. Il devint d'autant plus honteux qu'il aperçut derrière la chaise de la marquise le domestique qu'il avait vu le matin sur la jetée, et qui, sans doute, parlerait de sa curiosité. Contrit ou heureux, madame de Rochegude ne fit aucune attention à son voisin. Mademoiselle des Touches l'ayant mise sur son voyage d'Italie, elle trouva moyen de raconter spirituellement la passion à brûle−pourpoint dont l'avait honorée un diplomate russe à Florence, en se moquant des petits jeunes gens qui se jetaient sur les femmes comme des sauterelles sur la verdure. Elle fit rire Claude Vignon, Gennaro, Félicité elle−même, quoique ces traits moqueurs atteignissent au coeur de Calyste, qui, au travers du bourdonnement qui retentissait à ses oreilles et dans sa cervelle, n'entendit que des mots. Le pauvre enfant ; ne se jurait pas à lui−même, comme certains entêtés, d'obtenir cette femme à tout prix, non, il n'avait point de colère, il souffrait. Quand il aperçut chez Béatrix une intention de l'immoler aux pieds de Gennaro, il se dit : Que je lui serve à quelque chose ! et se laissa maltraiter avec une douceur d'agneau.

Honoré de Balzac, Béatrix ou les amours forcées

***

Brigitte nous propose sa traduction :



THEME BALZAC BEATRIX

A duras penas se esforzó Calyste en comer, sentía movimientos nerviosos que le quitaban el hambre. Como en todos los jóvenes de edad, la naturaleza padecía las convulsiones que suelen preceder el primer amor y grabarlo en lo más hondo del alma.
A esta edad, el ardor del corazón, contenido por el ardor moral, lleva consigo una lucha interior que explica la larga vacilación respetuosa, las profundas meditaciones de ternura, la falta de intención, cualidades peculiares de los jóvenes cuyo corazón y cuya vida son puros.
Al observar, aunque a hurtadillas para no despertar las sospechas del celoso de Gennaro, los pormenores que hacen a la marquesa de Rochegude tan noblemente bella, Calyste pronto se halló agobiado por la majestuosidad de la mujer amada : se sintió rebajado por la altura de ciertas miradas, por la actitud imponente de este rostro en el cual rebosaban los sentimientos aristocráticos, por cierto orgullo que las mujeres dan a expresar con leves movimientos, gestos en el sembante, admirables lentitudes de ademanes, los cuales son efectos menos plásticos, menos estudiados de lo que pensamos.
Estos detalles encantadores de su fisionomía cambiante corresponden a las delicadezas, a los mil alborotos de sus almas. Hay sentimiento en todas estas expresiones.
La falsa situación en la que se hallaba Béatrix exigía que se vigilara a sí misma, que se hiciera imponente sin quedar en ridículo, y las mujeres de la alta sociedad todas saben alcanzar este objetivo cuando es el escollo de las mujeres vulgares.
Al ver las miradas de Félicité, Béatrix adivinó la adoración interior que inspiraba a su vecino, adoración a la que era indigno de su parte animarle, entonces dirigió a Calyste, en el momento oportuno, un par de miradas represivas que se le cayeron encima como avalanchas de nieve.
El desgraciado se quejó a la señorita de Touches por una mirada en la cual se adivinaban unas lágrimas contenidas en el pecho con una energía sobrehumana y Félicité le preguntó con voz amistosa por qué no comía nada.
Calyste se hartó por obligación y pareció tomar parte en la conversación.
Ser importuno en vez de gustar, esta idea insoportable le comía los sesos. Se puso tanto más vergonzoso cuanto que divisó detrás de la silla de la marquesa al criado que había visto esta misma mañana en el muelle, y que sin duda alguna, hablaría de su curiosidad.
Afligido o feliz, la señora de Rochegude, no prestó atención alguna a su vecino ya que la señorita des Touches habiéndola convidado a su viaje a Italia, se puso a contar con humor la pasión súbita con la que la había honrado un diplomata ruso en Florencia, burlándose de esos jovencillos que solían echarse sobre las mujeres como los saltamontes sobre el verdor. Hizo reír a Claude Vignon, a Gennaro, incluso a la misma Felicité, aunque sus dardos alcanzaran a Calyste en pleno corazón, el cual sólo pudo oír palabras por el zumbido que le resonaba a los oídos y en el cerebro.
El pobre chaval no se juraba a sí mismo, como ciertos obstinados, conseguir a esta mujer a toda costa, en absoluto ; no tenía ninguna cólera pero sufría.
Cuando notó en Béatrix la intención de inmolarle a los pies de Gennaro, se dijo : ¡ Que le sirva para algo ! Y se dejó maltratar con la mansedumbre de un cordero.

Aucun commentaire: