(il va de soi que tous ceux qui le souhaitent peuvent la faire)
Gustavo Barceló era un viejo colega de mi padre, dueño de una librería cavernosa en la calle Fernando que capitaneaba la flor y nata del gremio de libreros de viejo. Vivía perpetuamente adherido a una pipa apagada que desprendía efluvios de mercado persa y se describía a sí mismo como el último romántico. Barceló sostenía que en su linaje había un lejano parentesco con lord Byron, pese a que él era natural de la loicalidad de Caldas de Montbuy. Quizá con ánimo de evidenciar esta conexión, Barceló vestía invariablemente al uso de un dandi decimonónico, luciendo fular, zapatos de charol blanco y un monóculo sin graduación que según las malas lenguas no se quitaba ni en la intimidad del retrete. En realidad, el parentesco más significativo en su haber era el de su progenitor, un industrial que se había enriquecido por medios más o menos turbios a finales del siglo XIX. Según me explicó mi padre, Gustavo Barceló estaba, técnicamente, forrado, y lo de la librería era más pasión que negocio. Amaba los libros sin reserva, y aunque él lo negaba rotundamente, si alguien entraba en su librería y se enamoraba de un ejemplar cuyo precio no podía costearse, lo rebajaba hasta donde fuese necesario, o incluso lo regalaba si estimaba que el comprador era un lector de casta y no un diletante mariposón. Al margen de estas peculiaridades, Barceló posía una memoria de elefante y una pedantería que no desmerecía en porte o sonoridad, pero si alguien sabía de libros extraños era él. Aquella tarde, después de cerrar la tienda, mi padre sugirió que nos acercásemos hasta el café de Els Quatre Gats en la calle Montsió, donde Barceló y sus compinches mantenían una tertulia bibliófila sobre poetas malditos, lenguas muertas y obras maestras abandonadas a merced de la polilla.
Gustavo Barceló era un viejo colega de mi padre, dueño de una librería cavernosa en la calle Fernando que capitaneaba la flor y nata del gremio de libreros de viejo. Vivía perpetuamente adherido a una pipa apagada que desprendía efluvios de mercado persa y se describía a sí mismo como el último romántico. Barceló sostenía que en su linaje había un lejano parentesco con lord Byron, pese a que él era natural de la loicalidad de Caldas de Montbuy. Quizá con ánimo de evidenciar esta conexión, Barceló vestía invariablemente al uso de un dandi decimonónico, luciendo fular, zapatos de charol blanco y un monóculo sin graduación que según las malas lenguas no se quitaba ni en la intimidad del retrete. En realidad, el parentesco más significativo en su haber era el de su progenitor, un industrial que se había enriquecido por medios más o menos turbios a finales del siglo XIX. Según me explicó mi padre, Gustavo Barceló estaba, técnicamente, forrado, y lo de la librería era más pasión que negocio. Amaba los libros sin reserva, y aunque él lo negaba rotundamente, si alguien entraba en su librería y se enamoraba de un ejemplar cuyo precio no podía costearse, lo rebajaba hasta donde fuese necesario, o incluso lo regalaba si estimaba que el comprador era un lector de casta y no un diletante mariposón. Al margen de estas peculiaridades, Barceló posía una memoria de elefante y una pedantería que no desmerecía en porte o sonoridad, pero si alguien sabía de libros extraños era él. Aquella tarde, después de cerrar la tienda, mi padre sugirió que nos acercásemos hasta el café de Els Quatre Gats en la calle Montsió, donde Barceló y sus compinches mantenían una tertulia bibliófila sobre poetas malditos, lenguas muertas y obras maestras abandonadas a merced de la polilla.
Carlos Ruiz Zafón, La sombra del viento, Barcelona, Planeta, 2001
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Merci à Amélie de nous procurer la traduction officielle, réalisée en 2004 par François Maspéro, pour le comptes des éditions Grasset & Fasquelle.
Gustavo Barceló était un vieil ami de mon père, propriétaire d’une librairie caverneuse dans la rue Fernando. La fleur de la corporation des libraires d’ancien le considérait comme son maître. Il vivait perpétuellement collé à une pipe éteinte qui répandait des effluves de marché persan, et se décrivait lui-même comme le dernier romantique. Bien que natif de la localité de Caldas de Montbuy, Barceló excipait d’une lointaine parenté avec lord Byron. Peut-être dans le but de faire ressortir ce lien, il était toujours habillé à la manière d’un dandy du xixe siècle, portant foulard, souliers vernis blancs et un monocle parfaitement inutile dont les mauvaises langues disaient qu’il ne le quittait jamais, même dans l’intimité des cabinets. En réalité, la seule parenté dont il pouvait se targuer était celle de son géniteur, un industriel qui s’était enrichi par des procédés plus ou moins douteux à la fin du siècle précédent. D’après mon père, Gustavo vivait, sur le plan matériel, à l’abri du besoin, et la librairie était pour lui plus une passion qu’un commerce. Il aimait les livres à la folie et, bien qu’il le niât catégoriquement, quand quelqu’un entrait dans sa boutique et tombait amoureux d’un ouvrage dont il ne pouvait payer le prix, il baissait celui-ci autant qu’il le fallait, ou en faisait cadeau, s’il estimait que l’acheteur était un authentique lecteur et non un éphémère dilettante. Ces particularités mises à part, Barceló possédait une mémoire d’éléphant, et était d’une pédanterie qui éclatait dans toute sa personne ; mais si quelqu’un s’y connaissait en livres bizarres, c’était bien lui. Cette après-midi-là, après avoir fermé la librairie, mon père suggéra de faire quelques pas en direction du café Els Quatre Gats – Les Quatre Chats –, rue Montsió, où Barceló et ses compères se réunissaient pour discuter poètes maudits, langues mortes et chefs-d’œuvre abandonnés à la merci des mites.
Gustavo Barceló était un vieil ami de mon père, propriétaire d’une librairie caverneuse dans la rue Fernando. La fleur de la corporation des libraires d’ancien le considérait comme son maître. Il vivait perpétuellement collé à une pipe éteinte qui répandait des effluves de marché persan, et se décrivait lui-même comme le dernier romantique. Bien que natif de la localité de Caldas de Montbuy, Barceló excipait d’une lointaine parenté avec lord Byron. Peut-être dans le but de faire ressortir ce lien, il était toujours habillé à la manière d’un dandy du xixe siècle, portant foulard, souliers vernis blancs et un monocle parfaitement inutile dont les mauvaises langues disaient qu’il ne le quittait jamais, même dans l’intimité des cabinets. En réalité, la seule parenté dont il pouvait se targuer était celle de son géniteur, un industriel qui s’était enrichi par des procédés plus ou moins douteux à la fin du siècle précédent. D’après mon père, Gustavo vivait, sur le plan matériel, à l’abri du besoin, et la librairie était pour lui plus une passion qu’un commerce. Il aimait les livres à la folie et, bien qu’il le niât catégoriquement, quand quelqu’un entrait dans sa boutique et tombait amoureux d’un ouvrage dont il ne pouvait payer le prix, il baissait celui-ci autant qu’il le fallait, ou en faisait cadeau, s’il estimait que l’acheteur était un authentique lecteur et non un éphémère dilettante. Ces particularités mises à part, Barceló possédait une mémoire d’éléphant, et était d’une pédanterie qui éclatait dans toute sa personne ; mais si quelqu’un s’y connaissait en livres bizarres, c’était bien lui. Cette après-midi-là, après avoir fermé la librairie, mon père suggéra de faire quelques pas en direction du café Els Quatre Gats – Les Quatre Chats –, rue Montsió, où Barceló et ses compères se réunissaient pour discuter poètes maudits, langues mortes et chefs-d’œuvre abandonnés à la merci des mites.
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