Rien moins qu'une traductrice (anglais), une enseignante (Professeur des universités), la responsable du parcours anglais et la directrice de notre Master pro « Métiers de la traduction » bordelais.
Merci à Stéphanie d'avoir réalisé cet entretien, qui nous en apprend plus…
1) Comment et pourquoi ce master ?
L'idée est venue de Mme Raguet et de M. Mondot. Cependant Mme Raguet étant partie tout de suite enseigner à Paris, j'ai effectué la première rentrée.
La maquette du master s'inspire en partie de celle du DESS/Master de traduction de l'anglais de Paris 7. D'emblée, nous avons ouvert la formation avec les parcours anglais et allemand.
Le parcours espagnol, quant à lui, a ouvert en 2008. Nous avons dans l'idée d'élargir la formation à d'autres langues comme le basque, le russe, le japonais, etc., mais nous rencontrons des problèmes financiers. Ouvrir un parcours coûte cher : même si les différents parcours ont des enseignements communs, il faut financer chacun des parcours.
Il existe, concernant l'ouverture de nouveaux parcours, un véritable intérêt de notre part, une réelle pertinence professionnelle, le marché manque de traducteurs de langues dites « rares » ou « modimes » ; cependant le manque de moyens représente un obstacle majeur. Ce projet fort est donc, à la date d'aujourd'hui, à l'étude.
2) Comment avez-vous opéré le choix des matières ?
Les étudiants des différents parcours suivent des enseignements communs comme la stylistique et la formation « métiers du livre », qui, jusque-là, était délivrée par une seule et même personne ; cette année, nous avons décidé d'éclater cet enseignement, de le partager entre divers intervenants extérieurs de différents horizons (traducteurs, éditeurs...). Nous aurons la chance d'accueillir Cécile Deniard, spécialiste des questions juridiques. Ces différentes interventions sont réparties sur toute l'année universitaire. Cette manière de procéder nous semble plus intéressante.
3) Quels sont, selon vous, les atouts du master de Bordeaux ?
Nous avons pensé la traduction littéraire de manière large, ainsi nous avons inclus la traduction des essais et des livres pratiques, proposant une ouverture en terme de corpus.
Nous faisons intervenir à parité chercheurs et professionnels. Bien qu'elle soit réglementaire, cette norme n'est pas respectée partout.
Nous offrons aussi plusieurs parcours linguistiques, ce qui est plutôt rare au sein des formations actuelles.
De plus, ce master est proposé dans une université qui par différents biais s’intéresse de près à la traduction. Nombre de collègues accordent une grande place à la traduction dans leurs recherches : anglicistes, hispanistes, comparatistes, des chercheurs en stylistique, en basque, russe... Des manifestations autour de la traduction ont donc lieu à l'université, journées d'étude auxquelles les étudiants du master ont accès.
4) À la date d'aujourd'hui, quelle est la part des anciens étudiants qui ont réussi à s'insérer dans le monde de la traduction/édition ?
C'est une question compliquée. Pour le moment, il existe deux moyens d'obtenir ce type d'informations. D'une part, le biais institutionnel : un observatoire étudiant est chargé de réunir les données nécessaires afin d'établir des statistiques concernant l'insertion professionnelle des anciens étudiants. Pour ce faire, des mails sont envoyés aux étudiants. Ce système est confronté à plusieurs problèmes : les étudiants sollicités ne répondent pas toujours et les résultats ne mentionnent pas la date à laquelle l'étudiant est parvenu à s'insérer ni la fonction qu'il exerce.
D'autre part, depuis cinq ou six ans, je conserve les adresses mails des étudiants (parcours anglais), mes collègues font de même avec leur parcours. Je sollicite les étudiants afin de savoir où ils en sont aujourd'hui. Je rencontre le même problème que l'observatoire, je n'ai pas souvent de réponse.
Cependant, d'après les informations récoltées, peu d'anciens étudiants vivent entièrement de la traduction, certains vivent de la traduction et d'autre chose. D'autres se sont insérés dans le monde de l'édition. D'autres encore sont rédacteurs multilingues. Les entreprises considèrent comme un atout les capacités rédactionnelles acquises au cours de la formation, l'aptitude à corriger, à rédiger un texte.
C'est un mensonge que de dire qu'il n'y a pas de débouchés, tout comme ce serait un mensonge que d'affirmer que chaque étudiant diplômé trouve un emploi à la sortie de la formation. Toutefois, j'ai déjà entendu des éditeurs dire qu'ils préfèrent recruter des gens issus de masters traduction, plutôt que des élèves d'IUT métiers du livre, car ils ont un niveau BAC +5, ils maîtrisent leur langue maternelle et ils dominent au moins une langue étrangère.
5) Quelles étaient vos attentes en créant ce master ?
D'année en année, nous notons un intérêt croissant des étudiants pour la traduction.
Il me semble nécessaire de donner la possibilité aux étudiants de développer certaines compétences, d'autant plus que les compétences acquises, même si elles ne sont pas directement utilisées dans le domaine de la traduction, peuvent être transposables. Il est difficile de cerner un type d'emploi en particulier. Les études littéraires ne forment pas à un métier en particulier. Les formations littéraires façonnent l'individu, forment des esprits. Cette agilité d'esprit acquise au fil des années peut ouvrir certaines portes. Lors de tables rondes, on a entendu dire que les entreprises préfèrent parfois recruter une personne ayant des compétences générales, pour ensuite la spécialiser, l'inverse étant nettement moins aisé.
La traduction est, de toute façon, une activité formatrice, elle constitue un apprentissage de la rigueur et de la discipline tout en stimulant la créativité de l'étudiant.
6) Quelles perspectives pour le master ?
A priori, le master est ré-habilité pour 5 ans. Nous attendons le retour du ministère. Cependant, l'établissement peut toujours décider, si nous connaissons un manque d'effectif ou de moyens, de fermer un parcours, ou même la formation.
La maquette ne connaîtra pas de changements majeurs. Certains coefficients changeront : la part accordée au stage sera plus importante qu'elle ne l'est actuellement.
Nous attendons aussi des retours sur la possible ouverture de nouveaux parcours sous réserve d’en avoir les moyens financiers.
7) Et vous, alors, comment en êtes-vous venue à la traduction ?
J'ai eu la chance de décrocher mon premier contrat assez tôt. D'ailleurs, avant même mon premier contrat, j'aimais beaucoup la version latine (lorsque j'étais dans le secondaire, il n'y avait pas de version de langues vivantes). J'ai donc obtenu mon premier contrat alors que j'étais en maîtrise, c'était pour une maison d'édition, située à Toulouse, Ombres. Ensuite, un professeur m'a proposé de traduire un ouvrage de sciences humaines aux PUF. Puis j'ai été démarchée par des éditeurs comme Gallimard, Actes Sud, Le Rouergue...
J'ai aussi traduit des textes de catalogues d'art pour des musées parisiens. J'ai aussi traduit des articles de philosophie, des romans, dont Villette de Charlotte Brönte qui devrait sortir en 2011 ou 2012 chez Gallimard et dernièrement Perturbations atmosphériques de Rivka Galchen chez Jacqueline Chambon.
J'éprouve de l'intérêt pour tous les pans de la traduction : romans, nouvelles, théâtre, philosophie, beaux-arts. C'est l'activité en elle-même que j'affectionne. Je préfère évidemment me confronter à une « véritable » écriture mais j'ai de l'intérêt pour tout. Je ne refuse jamais d'œuvre, sauf par manque de temps.
Il me reste au moins un terrain à explorer, la traduction de poésie. Mais je vais peut-être relever le défi cette année avec un poète américain.
7) Quelle a été votre première traduction et quel souvenir en gardez-vous ?
Confessions d'Arthur Symons, un texte assez mal écrit d'ailleurs. Je ne savais pas si je devais l'améliorer ou pas. J'ai fini par faire le choix de garder certaines de ses faiblesses.
J'avais alors 21 ans, je me suis sentie honorée, flattée, c'était une véritable chance, d'autant plus que je m'entendais bien avec l'éditeur pour lequel je travaillais. Il était très intéressé par le fait de collaborer avec de jeunes traducteurs.
8) Choisissez-vous les textes que vous traduisez ?
Étant donné que j'exerce un autre métier, je ne suis pas en demande de traduction permanente. J'ai donc la possibilité de choisir. J'ai eu la chance que l'on me propose des choses qui m'intéressent sans avoir à me battre.
Je n'ai pas refusé beaucoup de contrats. L'année dernière, j'ai dû refuser une œuvre pour une question de délai. En effet, le livre abordait une problématique que je n'avais jamais abordée, le parler noir dans le Sud des Etats-Unis. Je n'aurais pas pu me pencher sérieusement sur la question en si peu de temps.
J'ai opposé deux autres refus car les conditions de rémunération étaient scandaleuses : une fois, lorsque j'étais jeune traductrice, et une autre, il y a trois ans...
9) Quel type de littérature traduisez-vous le plus ?
Ça varie selon les propositions.
Dernièrement, j'ai effectué la retraduction de Villette de Charlotte Brontë, le travail a été long et difficile, mais c'est extraordinaire de faire revivre un texte. La traduction précédente souffrait d'un certain nombre de défauts. Il a donc fallu ressusciter le texte, faire revivre tout un pan de l'œuvre qui avait été occulté. Il s'agit donc d'apporter une nouvelle vie au texte, c'est merveilleux.
10) Entretenez-vous de bons rapport avec les éditeurs ?
J'entretiens en règle générale de bons rapports. N'étant pas seulement traductrice, je pense que les rapports sont facilités, car j'ai une autre source de revenus. Cependant, je n'hésite pas à faire valoir les droits légitimes du traducteur, notamment en ce qui concerne la rémunération. J'ai parfois besoin de négocier ma rémunération.
11) D'après vous, le traducteur est-il un auteur ou un passeur ?
« Passeur » ne me semble pas être un terme adapté. Pour ce faire, il faudrait avoir quelque chose à faire passer. Or, une œuvre est une chose instable, une mise en mouvement à travers l'écriture. Ce n'est pas un objet qu'on transporte d'un lieu A vers un lieu B.
Toutefois, le traducteur n'est pas un auteur non plus. D'après moi, une des choses qui fait la beauté de la traduction, c'est de ne pas à avoir à se poser la question de l'autorité, c’est cette forme d'irresponsabilité mêlée à une forme de responsabilité. La traduction ne met pas au monde un corpus, elle donne une deuxième vie, une autre vie au texte, un second souffle.
Si l'on entend « passer » dans le sens de faire connaître la littérature étrangère, alors oui, le traducteur est un passeur.
12) Traduire a-t-il fait de vous une lectrice différente ?
Oui ! Je suis très attentive au détail des formules, au style, aux tournures. Je suis une lectrice exigeante. Lorsque je lis de la littérature étrangère, il est fréquent que je sursaute et lorsque je lis de la littérature française, je suis très sensible à la créativité. Je suis une lectrice analytique qui s'intéresse à la ponctuation, par exemple.
13) Votre meilleur souvenir en tant que traductrice ?
Boucler une œuvre comme Villette. Se dire que la traduction tient debout. Avoir un bon feedback des premiers lecteurs, des relecteurs. Se dire que la traduction a réussi à reproduire l'univers de Brontë.
14) Un conseil aux apprentis traducteurs ?
Au vu d'un certain nombre de commentaires d'anciens élèves, il faut savoir persister dans ce domaine. Se faire une place est devenu très difficile, alors mieux vaut une bonne dose de passion.
Merci à Stéphanie d'avoir réalisé cet entretien, qui nous en apprend plus…
1) Comment et pourquoi ce master ?
L'idée est venue de Mme Raguet et de M. Mondot. Cependant Mme Raguet étant partie tout de suite enseigner à Paris, j'ai effectué la première rentrée.
La maquette du master s'inspire en partie de celle du DESS/Master de traduction de l'anglais de Paris 7. D'emblée, nous avons ouvert la formation avec les parcours anglais et allemand.
Le parcours espagnol, quant à lui, a ouvert en 2008. Nous avons dans l'idée d'élargir la formation à d'autres langues comme le basque, le russe, le japonais, etc., mais nous rencontrons des problèmes financiers. Ouvrir un parcours coûte cher : même si les différents parcours ont des enseignements communs, il faut financer chacun des parcours.
Il existe, concernant l'ouverture de nouveaux parcours, un véritable intérêt de notre part, une réelle pertinence professionnelle, le marché manque de traducteurs de langues dites « rares » ou « modimes » ; cependant le manque de moyens représente un obstacle majeur. Ce projet fort est donc, à la date d'aujourd'hui, à l'étude.
2) Comment avez-vous opéré le choix des matières ?
Les étudiants des différents parcours suivent des enseignements communs comme la stylistique et la formation « métiers du livre », qui, jusque-là, était délivrée par une seule et même personne ; cette année, nous avons décidé d'éclater cet enseignement, de le partager entre divers intervenants extérieurs de différents horizons (traducteurs, éditeurs...). Nous aurons la chance d'accueillir Cécile Deniard, spécialiste des questions juridiques. Ces différentes interventions sont réparties sur toute l'année universitaire. Cette manière de procéder nous semble plus intéressante.
3) Quels sont, selon vous, les atouts du master de Bordeaux ?
Nous avons pensé la traduction littéraire de manière large, ainsi nous avons inclus la traduction des essais et des livres pratiques, proposant une ouverture en terme de corpus.
Nous faisons intervenir à parité chercheurs et professionnels. Bien qu'elle soit réglementaire, cette norme n'est pas respectée partout.
Nous offrons aussi plusieurs parcours linguistiques, ce qui est plutôt rare au sein des formations actuelles.
De plus, ce master est proposé dans une université qui par différents biais s’intéresse de près à la traduction. Nombre de collègues accordent une grande place à la traduction dans leurs recherches : anglicistes, hispanistes, comparatistes, des chercheurs en stylistique, en basque, russe... Des manifestations autour de la traduction ont donc lieu à l'université, journées d'étude auxquelles les étudiants du master ont accès.
4) À la date d'aujourd'hui, quelle est la part des anciens étudiants qui ont réussi à s'insérer dans le monde de la traduction/édition ?
C'est une question compliquée. Pour le moment, il existe deux moyens d'obtenir ce type d'informations. D'une part, le biais institutionnel : un observatoire étudiant est chargé de réunir les données nécessaires afin d'établir des statistiques concernant l'insertion professionnelle des anciens étudiants. Pour ce faire, des mails sont envoyés aux étudiants. Ce système est confronté à plusieurs problèmes : les étudiants sollicités ne répondent pas toujours et les résultats ne mentionnent pas la date à laquelle l'étudiant est parvenu à s'insérer ni la fonction qu'il exerce.
D'autre part, depuis cinq ou six ans, je conserve les adresses mails des étudiants (parcours anglais), mes collègues font de même avec leur parcours. Je sollicite les étudiants afin de savoir où ils en sont aujourd'hui. Je rencontre le même problème que l'observatoire, je n'ai pas souvent de réponse.
Cependant, d'après les informations récoltées, peu d'anciens étudiants vivent entièrement de la traduction, certains vivent de la traduction et d'autre chose. D'autres se sont insérés dans le monde de l'édition. D'autres encore sont rédacteurs multilingues. Les entreprises considèrent comme un atout les capacités rédactionnelles acquises au cours de la formation, l'aptitude à corriger, à rédiger un texte.
C'est un mensonge que de dire qu'il n'y a pas de débouchés, tout comme ce serait un mensonge que d'affirmer que chaque étudiant diplômé trouve un emploi à la sortie de la formation. Toutefois, j'ai déjà entendu des éditeurs dire qu'ils préfèrent recruter des gens issus de masters traduction, plutôt que des élèves d'IUT métiers du livre, car ils ont un niveau BAC +5, ils maîtrisent leur langue maternelle et ils dominent au moins une langue étrangère.
5) Quelles étaient vos attentes en créant ce master ?
D'année en année, nous notons un intérêt croissant des étudiants pour la traduction.
Il me semble nécessaire de donner la possibilité aux étudiants de développer certaines compétences, d'autant plus que les compétences acquises, même si elles ne sont pas directement utilisées dans le domaine de la traduction, peuvent être transposables. Il est difficile de cerner un type d'emploi en particulier. Les études littéraires ne forment pas à un métier en particulier. Les formations littéraires façonnent l'individu, forment des esprits. Cette agilité d'esprit acquise au fil des années peut ouvrir certaines portes. Lors de tables rondes, on a entendu dire que les entreprises préfèrent parfois recruter une personne ayant des compétences générales, pour ensuite la spécialiser, l'inverse étant nettement moins aisé.
La traduction est, de toute façon, une activité formatrice, elle constitue un apprentissage de la rigueur et de la discipline tout en stimulant la créativité de l'étudiant.
6) Quelles perspectives pour le master ?
A priori, le master est ré-habilité pour 5 ans. Nous attendons le retour du ministère. Cependant, l'établissement peut toujours décider, si nous connaissons un manque d'effectif ou de moyens, de fermer un parcours, ou même la formation.
La maquette ne connaîtra pas de changements majeurs. Certains coefficients changeront : la part accordée au stage sera plus importante qu'elle ne l'est actuellement.
Nous attendons aussi des retours sur la possible ouverture de nouveaux parcours sous réserve d’en avoir les moyens financiers.
7) Et vous, alors, comment en êtes-vous venue à la traduction ?
J'ai eu la chance de décrocher mon premier contrat assez tôt. D'ailleurs, avant même mon premier contrat, j'aimais beaucoup la version latine (lorsque j'étais dans le secondaire, il n'y avait pas de version de langues vivantes). J'ai donc obtenu mon premier contrat alors que j'étais en maîtrise, c'était pour une maison d'édition, située à Toulouse, Ombres. Ensuite, un professeur m'a proposé de traduire un ouvrage de sciences humaines aux PUF. Puis j'ai été démarchée par des éditeurs comme Gallimard, Actes Sud, Le Rouergue...
J'ai aussi traduit des textes de catalogues d'art pour des musées parisiens. J'ai aussi traduit des articles de philosophie, des romans, dont Villette de Charlotte Brönte qui devrait sortir en 2011 ou 2012 chez Gallimard et dernièrement Perturbations atmosphériques de Rivka Galchen chez Jacqueline Chambon.
J'éprouve de l'intérêt pour tous les pans de la traduction : romans, nouvelles, théâtre, philosophie, beaux-arts. C'est l'activité en elle-même que j'affectionne. Je préfère évidemment me confronter à une « véritable » écriture mais j'ai de l'intérêt pour tout. Je ne refuse jamais d'œuvre, sauf par manque de temps.
Il me reste au moins un terrain à explorer, la traduction de poésie. Mais je vais peut-être relever le défi cette année avec un poète américain.
7) Quelle a été votre première traduction et quel souvenir en gardez-vous ?
Confessions d'Arthur Symons, un texte assez mal écrit d'ailleurs. Je ne savais pas si je devais l'améliorer ou pas. J'ai fini par faire le choix de garder certaines de ses faiblesses.
J'avais alors 21 ans, je me suis sentie honorée, flattée, c'était une véritable chance, d'autant plus que je m'entendais bien avec l'éditeur pour lequel je travaillais. Il était très intéressé par le fait de collaborer avec de jeunes traducteurs.
8) Choisissez-vous les textes que vous traduisez ?
Étant donné que j'exerce un autre métier, je ne suis pas en demande de traduction permanente. J'ai donc la possibilité de choisir. J'ai eu la chance que l'on me propose des choses qui m'intéressent sans avoir à me battre.
Je n'ai pas refusé beaucoup de contrats. L'année dernière, j'ai dû refuser une œuvre pour une question de délai. En effet, le livre abordait une problématique que je n'avais jamais abordée, le parler noir dans le Sud des Etats-Unis. Je n'aurais pas pu me pencher sérieusement sur la question en si peu de temps.
J'ai opposé deux autres refus car les conditions de rémunération étaient scandaleuses : une fois, lorsque j'étais jeune traductrice, et une autre, il y a trois ans...
9) Quel type de littérature traduisez-vous le plus ?
Ça varie selon les propositions.
Dernièrement, j'ai effectué la retraduction de Villette de Charlotte Brontë, le travail a été long et difficile, mais c'est extraordinaire de faire revivre un texte. La traduction précédente souffrait d'un certain nombre de défauts. Il a donc fallu ressusciter le texte, faire revivre tout un pan de l'œuvre qui avait été occulté. Il s'agit donc d'apporter une nouvelle vie au texte, c'est merveilleux.
10) Entretenez-vous de bons rapport avec les éditeurs ?
J'entretiens en règle générale de bons rapports. N'étant pas seulement traductrice, je pense que les rapports sont facilités, car j'ai une autre source de revenus. Cependant, je n'hésite pas à faire valoir les droits légitimes du traducteur, notamment en ce qui concerne la rémunération. J'ai parfois besoin de négocier ma rémunération.
11) D'après vous, le traducteur est-il un auteur ou un passeur ?
« Passeur » ne me semble pas être un terme adapté. Pour ce faire, il faudrait avoir quelque chose à faire passer. Or, une œuvre est une chose instable, une mise en mouvement à travers l'écriture. Ce n'est pas un objet qu'on transporte d'un lieu A vers un lieu B.
Toutefois, le traducteur n'est pas un auteur non plus. D'après moi, une des choses qui fait la beauté de la traduction, c'est de ne pas à avoir à se poser la question de l'autorité, c’est cette forme d'irresponsabilité mêlée à une forme de responsabilité. La traduction ne met pas au monde un corpus, elle donne une deuxième vie, une autre vie au texte, un second souffle.
Si l'on entend « passer » dans le sens de faire connaître la littérature étrangère, alors oui, le traducteur est un passeur.
12) Traduire a-t-il fait de vous une lectrice différente ?
Oui ! Je suis très attentive au détail des formules, au style, aux tournures. Je suis une lectrice exigeante. Lorsque je lis de la littérature étrangère, il est fréquent que je sursaute et lorsque je lis de la littérature française, je suis très sensible à la créativité. Je suis une lectrice analytique qui s'intéresse à la ponctuation, par exemple.
13) Votre meilleur souvenir en tant que traductrice ?
Boucler une œuvre comme Villette. Se dire que la traduction tient debout. Avoir un bon feedback des premiers lecteurs, des relecteurs. Se dire que la traduction a réussi à reproduire l'univers de Brontë.
14) Un conseil aux apprentis traducteurs ?
Au vu d'un certain nombre de commentaires d'anciens élèves, il faut savoir persister dans ce domaine. Se faire une place est devenu très difficile, alors mieux vaut une bonne dose de passion.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire