(La traductrice en question a préféré rester anonyme… ; nous avons néanmoins souhaité l'interviewer car elle a une grande expérience du métier et des choses intéressantes à en dire)
1) Nancy Benazeth. Vous traduisez l'anglais, pourquoi avez-vous choisi cette langue et comment l'avez-vous apprise ?
Je l’enseigne, ai acquis une familiarité avec l’anglais grâce à de nombreux séjours sur place, et deux années complètes, l’une en Angleterre (j’avais dix neuf ans) et l’autre aux Etats-Unis (vingt-et-un ans), chaque fois dans des conditions exceptionnelles qui ont rendu ces expériences fortes et inoubliables. La langue devenait partie intime de ces partages et souvenirs — la langue des rêves autant que celle de la communication et d’un apprentissage très varié (ainsi les pièces de Shakespeare en Grande-Bretagne ; l’art, la linguistique et le creative writing aux USA). Sans oublier l’affranchissement de la famille, du pays d’origine, l’initiation à la liberté, la découverte, le voyage.
N. B. Traduisez-vous d'autres langues?
Oui, le grec moderne.
N. B. Comment voyez-vous ce métier ? Quels en sont les principaux avantages et inconvénients?
Je n’ai pas légitimité à répondre totalement sur le métier puisque mon métier principal est celui de l’enseignement. Je vois en ce métier la difficulté de trouver des contrats qui fassent vivre sans exploiter le traducteur, et de gérer ce côté matériel et créatif tout à la fois. Le côté le plus positif, c’est l’écriture et cette gymnastique consistant à faire passer dans une autre langue, aux outils et formes d’expression différents, ce perpétuel défi. Et puis le fait qu’on puisse le pratiquer chez soi, en solitaire ou à plusieurs.
N. B. Comment parvenez-vous à introduire la traduction dans votre vie de professeur?
Les vacances, dévolues à la recherche, peuvent l’être à la traduction. Traduire peut être une détente (proche de la drogue) à tout moment de la journée.
N. B. Souhaiteriez-vous ne vous consacrer qu'à la traduction?
Le côté relativement solitaire de la traduction me convient, mais j’aime l’équilibrer avec le côté plus sociable et communicatif de l’enseignement. Mais j’aimerais avoir davantage le temps de traduire.
N. B. Comment êtes-vous devenue traductrice?
D’abord en participant à un collectif de traduction poétique à Bordeaux 3, puis en apprenant le grec moderne, qui m’a conduite à apprendre en traduisant avant de traduire pour traduire et partager.
N. B. Quels sont les outils que vous utilisez pour cette tâche?
Essentiellement les dictionnaires unilingues et bilingues si nécessaire. J’en ai des gros, des petits, es britanniques, américains chez moi, des dictionnaires des synonymes, analogiques, des Thesaurus. Je consulte tout cela. Pour la traduction de textes créolisants, j’ai besoin de m’adjoindre, en dehors des dictionnaires spécialisés, la coopération d’une personne créolophone de naissance et qui connaît parfaitement la culture du pays. L’internet a donné quelques sources útiles (même si elles sont inégalement fiables) pour contextualiser et très rapidement chercher les renseignements pratiques indispensables.
N. B. À quel type de texte avez-vous été essentiellement confronté et quel est celui que vous préférez traduire ?
J’ai traduit surtout de la poésie, de la prose littéraire, mais aussi des textes juridiques, sur l’architecture, très peu sur la pharmacie-pédiatrie. La poésie est sans doute ce que je préfère. Et j’aime beaucoup la traduire à plusieurs, c’est une expérience épanouissante et hédoniste : elle ne se fait que dans le plaisir de la langue et de la partager avec d’autres.
N. B. Enfin, quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un(e) apprenti(e) traducteur(trice) ?
L’humilité, la patience, savoir prendre du recul et se relire à froid. Eviter, si possible, de se charger de textes qui sont trop en dehors de sa spécialité. Mais en même temps, être assez souple pour savoir se convertir si nécessaire et explorer de nouveaux terrains. Ne pas hésiter à contacter l’auteur.e si elle. il vit. Ne pas non plus lui accorder une confiance absolue, par exemple en lui confiant une traduction finie, par amitié, avant sa publication, car il/elle peut ne pas reconnaître le sens de la propriété intellectuelle du travail de traducteur.trice au même titre que pour celui d’auteur(e).
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