vendredi 28 février 2014

Entretien avec la traductrice Sophie Bastide-Foltz (Anglais / Français)

1) Émeline Bénard. Comment êtes-vous devenue traductrice ? 
Sophie Bastide-Foltz. En répondant à une annonce il y a trente ans. Parce que je revenais des Etats Unis où j’avais passé cinq ans, que j’avais fait deux ans de journalisme et qu’on cherchait des traducteurs pour des livres techniques journalistiques.

2) É. B. Quel souvenir gardez-vous de votre première traduction ? Votre méthode a-t-elle évoluée depuis ?
S. B.-F. Ce n’était pas une traduction littéraire, donc oui, bien sûr. Je n’ai pas de méthode. Pour chaque livre, c’est différent. Il va de soi qu’on n’aborde pas un livre difficile comme on aborde un livre grand public.

3) É. B. Comment considérez-vous le métier de traducteur aujourd’hui ? 
S. B.-F. La question n’est pas claire pour moi. Je pense que pour le littéraire il aura tendance à presque disparaître. En revanche il a de beaux jours devant lui pour les traductions courantes et techniques.

4) É. B. À quels genres vous êtes-vous confrontées jusqu’ici ? Avez-vous une préférence ?
S. B.-F. Je me suis confrontée à tous les genres sauf la littérature enfantine. Ma préférence ? C’est impossible à dire. Elle va aux bons livres, c’est tout, peut importe le genre. Ou en tout cas aux livres que j’aime. Cela dit, il m’arrive de traduire des livres qui m’intéressent moins, par fidélité envers un directeur de collection qui me fait régulièrement travailler, par exemple. Ou parce que j’en ai besoin financièrement.

5) É. B. Choisissez-vous les textes que vous traduisez et, le cas échéant, de quelle façon ?
S. B.-F. Je ne choisis que parmi ceux qu’on me propose. Il m’arrive de refuser. Mais je ne suis allée voir un éditeur avec un livre que j’aurais aimé traduire qu’une seule fois, sans succès.

6) É. B. Quels sont les outils que vous utilisez ?
S. B.-F. Tous les outils qu’offre la toile et ils sont nombreux. Je suis d’une génération qui devait se rendre en bibliothèque pour faire la moindre recherche. Aujourd’hui l’outil internet est formidable et nous facilite grandement la vie. J’utilise tous les dictionnaires qui sont à ma disposition sur la toile, plus les dictionnaires électroniques que j’ai achetés.

7) É. B. Que faites-vous face à une difficulté qui vous résiste ?
S. B.-F. Je laisse reposer. En général, ça suffit pour trouver la solution. Sinon je demande autour de moi, aux amis, à l’ATLF…

8) É. B. Quelles sont vos relations avec les auteurs que vous traduisez ? Et avec les éditeurs ?
S. B.-F. Avec les auteurs, généralement excellentes. Ils n’ont jamais refusé de m’aider quand je leur demandais des précisions. Avec les éditeurs, je n’en ai que très peu. Pour eux, les traducteurs existent à peine. Nous avons affaire à des directeurs de collection essentiellement. Il m’est arrivé de travailler pour un éditeur sans jamais rencontrer personne de la maison. Maintenant qu’on rend notre travail directement par internet, c’est devenu fréquent. Il faut vraiment vouloir avoir des contacts pour en avoir.

9) É. B. En tant que traductrice, quel serait votre meilleur souvenir ? 
S. B.-F. La toute première fois où j’ai vu mon nom en couverture d’un bon, très bon roman. Une émotion qui était très forte.


10) É. B. La traduction a-t-elle fait de vous une lectrice différente ? Si oui, en quoi ?

S. B.-F. Oui, bien sûr, je lis avec une attention d’un autre ordre. Je m’imprègne davantage du rythme, j’analyse davantage la structure d’une phrase. Je suis plus critique, aussi, mais c’est normal au bout de presque trente ans de métier.


11) É. B. Enfin, quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un jeune traducteur ?

S. B.-F. Je lui donnerais le conseil de se spécialiser dans le technique s’il veut gagner correctement sa vie. Je ne crois pas qu’on peut arriver à gagner sa vie en faisant du bon travail littéraire. C’est la raison pour laquelle la plupart des traducteurs sont des traductrices. Je n’aurais jamais pu élever deux enfants seule avec les aléas du métier (on ne sait jamais si on va encore avoir du travail après le prochain) et la rémunération, qui est très peu conséquente, sauf si on traduit vite, et donc souvent mal.

Je lui conseillerais de se faire plaisir avec un livre de temps à autre, s’il peut, mais de s’assurer un travail régulier avec des organismes comme l’ONU par exemple. Et je lui donnerais le conseil, s’il veut faire du littéraire, de prendre le temps, justement, de ne pas aller trop vite. Et de se faire plaisir en prenant des livres qu’il aime. Mais attention. L’époque n’est pas favorable à la littérature, et même si on l’aime comme nous, il faut que nous soyons lucides. Je conseillerais donc à un jeune traducteur d’être le plus lucide possible. Et je lui souhaiterais bonne chance, tout de même !

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