« Maison d’hôtes »
Dans leur nouvelle maison, les Rochard et leurs trois enfants menaient une vie paisible. Cette famille était arrivée à Claveau il y a de cela six mois suite à leur décision de rénover l’ancienne école et la reconvertir en maison d’hôtes. Drôle d’endroit pour un tel projet, pourrait-on penser, mais au diable les mauvaises langues, car même dans la campagne picarde, les gens étaient de plus en plus nombreux à venir passer quelques jours en pension chez les Rochard. Le bouche-à-oreille semblait fonctionner car leur projet connaissait un franc succès et ils auraient bientôt fini de rembourser les emprunts qu’ils avaient contractés pour le mener à bien.
Mais, comme dans toutes les petites bourgades, les nouveaux arrivants suscitent en général un certain émoi et les commentaires vont bon train. Cette maison d’hôtes….curieuse idée, selon certains…Qui voudrait s’installer à Claveau ? On y naissait, on y grandissait, et, faute d’avoir trouvé une opportunité pour quitter le village, on y restait. Des gens qui partaient, il y en avait, mais jamais personne ne venait s’y installer. Figure d’exception, la famille Rochard éveilla donc la méfiance des villageois avant même qu’elle n’ait eu le temps de s’installer. Des gens normaux et sans histoire ne seraient pas arrivés dans ce recoin perdu au fin fond de la Picardie. Mais qui étaient-ils vraiment ? Il y avait forcément une raison qui les avait poussés à en arriver là. Chacun y allait donc de son explication.
Pour certains, le mari aurait été impliqué dans une série de meurtres et, avant que les enquêteurs ne remontent jusqu’à lui, il avait décidé de fuir dans un endroit où personne ne pourrait le retrouver, en prenant soin de changer son identité pour que la police perde sa trace. Mais comment avait-il justifié ce changement d’identité devant sa petite famille ? Pour les enfants, c’était facile, ils étaient jeunes et, qui n’aime pas les jeux de rôle à cet âge-là ? Mais pour la femme, après des mois d’enquête, les habitants en étaient arrivés à deux conclusions possibles : soit elle était complice, soit elle était stupide. Personne ne parvint à opter définitivement pour l’une de ces deux options.
Pour d’autres, c’était une histoire à peu près similaire, sauf que la cause de la fuite n’était pas d’ordre criminel mais financier. Au cours des dix dernières années, la famille aurait détourné d’énormes sommes d’argent et, même si au début, les quantités auraient pu passer inaperçues, leur folie des grandeurs avaient fini par trahir ces opérations illicites. Le dénouement était alors semblable à la première version car la répression des fraudes était venue mettre son nez dans cette affaire, obligeant une fois de plus la famille Rochard à changer d’identité. Le rôle de la mère suscitait toujours l’interrogation des villageois.
Bien d’autres théories faisaient parler les habitants de Claveau, au comptoir du troquet, dans la file du boucher ou de la boulangerie. Mais le jour de la fête communale, Madame Claveau profita du Conseil Municipal pour annoncer qu’elle invitait les habitants à se rendre à la Maison d’Hôte afin de faire plus ample connaissance, le tout autour d’un dîner préparé par ses soins.
Assassins ou truands, si les gens venaient de loin pour se retrouver à la table des Rochard, les villageois trouvaient dommage de ne pas en profiter aussi.
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