Poncho K, Manolito Caramierda
http://www.youtube.com/watch?v=pY5EJjK9dtY
Plateforme communautaire et participative de traduction espagnol / français ; français / espagnol – Université Paris Nanterre
mardi 30 novembre 2010
Pour les slogans
Voici le mail que je reçois :
Voici nos propositions communes (Alexis, Vanessa, Auréba, Perrine, Stéphanie, et moi-même) :
1) Tradabordo, trad' à gogo
2) Tradabordo, par amour des mots
3) Tradabordo, un pied dans le tombeau
4 Tradabordo, c'est rigolo
5) Sur Tradabordo, creusez vous le cerveau
6) Tradabordo, tu l'as dans la peau
7) Imagination, Création, Traduction
8) Sans passion, pas de traduction
9) La traduction ou l'art de la séduction
10) Soumission, humiliation, manipulation, flagellation, en un mot... traduction
À toi de jouer !
Voici nos propositions communes (Alexis, Vanessa, Auréba, Perrine, Stéphanie, et moi-même) :
1) Tradabordo, trad' à gogo
2) Tradabordo, par amour des mots
3) Tradabordo, un pied dans le tombeau
4 Tradabordo, c'est rigolo
5) Sur Tradabordo, creusez vous le cerveau
6) Tradabordo, tu l'as dans la peau
7) Imagination, Création, Traduction
8) Sans passion, pas de traduction
9) La traduction ou l'art de la séduction
10) Soumission, humiliation, manipulation, flagellation, en un mot... traduction
À toi de jouer !
***
Où je dis non… Comme d'habitude, je souhaite que nous tranchions collectivement. Que chacun fasse son classement (dans les commentaires) et nous opterons pour le gagnant.
Je vous précise que je voterai en dernier ;-)
Je vous précise que je voterai en dernier ;-)
Rappel !
Nous sommes le 30 novembre ; autant dire que j'attends 7 slogans pour Tradabordo. Je sais que l'opération n'est pas aisée, mais je veux que les jeux avec les mots n'aient plus de secrets pour vous et, surtout, que plus rien ne vous fasse peur quand il s'agit d'écrire. Allez, allez… !
Pour information…
Je viens de publier la proposition de traduction de Laëtitia Sworzil (promo Aline Schulman) pour le thème de CAPES 2010-2011.
Bravo aux courageuses !
Bravo aux courageuses !
Entretien avec Laëtitia Sworzil (promo Aline Schulman), réalisé par Perrine Huet
1) Quel livre as-tu choisi pour ta traduction longue ?
J’ai choisi « Ojos de agua » de Domingo Villar. Il s’agit d’un roman policier, écrit à la fois en galicien et en castillan. C’est le premier livre de l’auteur. Publié aux éditions Siruela en 2006, il est à ce jour traduit en plusieurs langues : anglais, allemand, italien, russe et bulgare. Depuis, il y a eu une suite. Le second volet des aventures de l’inspecteur Caldas et de l’agent Estévez (le tandem de héros) est paru en 2009. Il s’intitule : « La playa de los ahogados ».
2) Pourquoi ce choix ?
J’ai trouvé ce livre par hasard, au détour de mes flâneries dans quelques librairies en Espagne. Au départ, j’ai beaucoup interrogé les libraires et les vendeurs. Tel avis, tel coup de cœur peuvent se révéler toujours précieux ! Mais tous me conseillaient des livres d’auteurs connus dont je savais qu’ils étaient déjà traduits en français ou fort susceptibles de l’être. On m’en a même proposé un qui avait été traduit par notre tuteur Jean-Marie Saint-Lu ! J’ai donc décidé de m’en remettre à mon flair…
3) Lorsque tu t’es sérieusement mise à cette traduction, as-tu regretté ce choix ?
Eh bien, oui… De là, le risque de miser sur son flair et sur les stocks des libraires… ! Certes, le roman m’avait tenue en haleine jusqu’à la dernière minute, ce qui est après tout la principale attente d’un lecteur de polar. Certains personnages étaient un peu légers voire caricaturaux, mais dans l’ensemble attachants. Quelques passages étaient assez drôles. Et le cadre de l’intrigue, la ville de Vigo et les Rías Bajas galiciennes, à la fois inhabituelles (mais dépaysantes et séduisantes) et parfaitement adaptées à l’atmosphère criminelle. D’où une première lecture plutôt positive. Le problème s’est posé – environ à partir du troisième jet – lorsque j’ai délaissé le fond de l’histoire pour la forme. Suspense ou pas, humour ou pas, il y a un moment où on se heurte vraiment à la langue. J’ai alors découvert que la qualité littéraire du texte n’était pas vraiment au rendez-vous…
4) Comment t’es-tu organisée pour effectuer ce travail ? As-tu réussi à gérer ton temps ?
J’ai eu du mal à m’astreindre à une organisation stricte. Avec le recul, je me rends compte que les premiers jets ont été un peu désordonnés, ce qui m’a fait perdre beaucoup de temps par la suite. Ensuite, j’ai continué à travailler par couches successives, mais pas d’un seul trait (de la première à la dernière page), plutôt par grandes parties. Enfin, dans les dernières semaines, il aurait fallu que je laisse reposer la traduction. Quand je l’ai rendue, j’étais encore trop à chaud…
5) Quels ont été les problèmes majeurs que tu as rencontrés au cours de la traduction ?
Les principaux problèmes ont concerné la traduction des dialogues, très nombreux et truffés d’expressions familières et d’un vocabulaire grossier. Rendre l’oralité avec naturel est un exercice bien plus difficile qu’il n’y paraît ! De plus, il a fallu gérer les inlassables répétitions de verbes « pauvres » ou banals tout au long du texte. J’ai d’ailleurs tenu des comptes d’apothicaire ! J’ai listé, page par page, tous ces verbes afin d’y voir clair puis je les ai tous retravaillés.
6) Et quelles ont été tes satisfactions ?
Il me semble que je ne me suis pas trop mal débrouillée pour les passages de récit. En outre, mes incessantes relectures (autant de la V.O. pour traquer la moindre coquille que de la VF pour veiller à l’orthographe, la grammaire…) m’ont permis de rendre un texte « propre ». Un petit conseil au passage : ne pas sous-estimer la phase technique des opérations. En effet, les étapes préliminaires (scanner le texte original, le passer à l’OCR, en corriger toutes les erreurs et le mettre en page) demandent beaucoup de temps. Sans compter la phase de découpage afin de placer les deux textes en pendant (VO en page de gauche et VF correspondante en page de droite). Attention aussi aux surprises de calibrage (les fameux 150 000 signes) : tant que le texte n’est pas sous Word (ou équivalent…), on ne peut pas être sûr d’avoir arrêté le nombre de pages suffisant. Dans mon cas, il manquait 30 pages par rapport au calcul initial.
7) En ce qui concerne les ateliers de tutorat, avec qui les as-tu réalisés ? Que t’ont-ils apporté ?
J’ai suivi les ateliers de tutorat avec Jean-Marie Saint-Lu. Nous avons particulièrement insisté sur le respect scrupuleux de la lettre, une analyse fine du texte afin de faire émerger des solutions de traduction, un travail attentif sur la correction de la langue, l’acquisition et la mobilisation au fil des textes de réflexes de traduction. Pour plus de précisions, je me permets de citer mon article « Mes ateliers de traduction avec Jean-Marie Saint-Lu : les dix commandements du traducteur littéraire » où j’expose de façon synthétique la pensée de notre tuteur en la matière. (Il est paru sur le blog Tradabordo le 13 mars 2010.)
8) Où as-tu effectué ton stage ? En quoi consistaient tes tâches ?
J’ai effectué mon stage aux Éditions Monsieur Toussaint Louverture. J’ai travaillé pendant un mois au côté de l’assistante d’édition de la maison. Voici dans l’ensemble les tâches qui m’ont été confiées : préparation des commandes, traduction d’articles journalistiques ou littéraires, rédaction de fiches de lecture, relecture de traductions et recherches documentaires diverses.
9) Pendant ton stage, avais-tu suffisamment de temps pour t’occuper de ta traduction longue ?
Non, le stage m’a demandé plus de temps que prévu, notamment parce que je ramenais souvent du travail à la maison le soir ou le week-end. Il a fallu jongler avec les deux. Et puis, lorsque la période de stage est courte, on se dit qu’il faut mettre les bouchées doubles pour découvrir un maximum de choses.
10) Pour finir, comment définirais-tu ton année d’apprentie traductrice ?
Une année aussi intensive qu’instructive à la fin de laquelle on est fier de mesurer le chemin parcouru, même si on se dit que fichtre, la route est encore longue !
J’ai choisi « Ojos de agua » de Domingo Villar. Il s’agit d’un roman policier, écrit à la fois en galicien et en castillan. C’est le premier livre de l’auteur. Publié aux éditions Siruela en 2006, il est à ce jour traduit en plusieurs langues : anglais, allemand, italien, russe et bulgare. Depuis, il y a eu une suite. Le second volet des aventures de l’inspecteur Caldas et de l’agent Estévez (le tandem de héros) est paru en 2009. Il s’intitule : « La playa de los ahogados ».
2) Pourquoi ce choix ?
J’ai trouvé ce livre par hasard, au détour de mes flâneries dans quelques librairies en Espagne. Au départ, j’ai beaucoup interrogé les libraires et les vendeurs. Tel avis, tel coup de cœur peuvent se révéler toujours précieux ! Mais tous me conseillaient des livres d’auteurs connus dont je savais qu’ils étaient déjà traduits en français ou fort susceptibles de l’être. On m’en a même proposé un qui avait été traduit par notre tuteur Jean-Marie Saint-Lu ! J’ai donc décidé de m’en remettre à mon flair…
3) Lorsque tu t’es sérieusement mise à cette traduction, as-tu regretté ce choix ?
Eh bien, oui… De là, le risque de miser sur son flair et sur les stocks des libraires… ! Certes, le roman m’avait tenue en haleine jusqu’à la dernière minute, ce qui est après tout la principale attente d’un lecteur de polar. Certains personnages étaient un peu légers voire caricaturaux, mais dans l’ensemble attachants. Quelques passages étaient assez drôles. Et le cadre de l’intrigue, la ville de Vigo et les Rías Bajas galiciennes, à la fois inhabituelles (mais dépaysantes et séduisantes) et parfaitement adaptées à l’atmosphère criminelle. D’où une première lecture plutôt positive. Le problème s’est posé – environ à partir du troisième jet – lorsque j’ai délaissé le fond de l’histoire pour la forme. Suspense ou pas, humour ou pas, il y a un moment où on se heurte vraiment à la langue. J’ai alors découvert que la qualité littéraire du texte n’était pas vraiment au rendez-vous…
4) Comment t’es-tu organisée pour effectuer ce travail ? As-tu réussi à gérer ton temps ?
J’ai eu du mal à m’astreindre à une organisation stricte. Avec le recul, je me rends compte que les premiers jets ont été un peu désordonnés, ce qui m’a fait perdre beaucoup de temps par la suite. Ensuite, j’ai continué à travailler par couches successives, mais pas d’un seul trait (de la première à la dernière page), plutôt par grandes parties. Enfin, dans les dernières semaines, il aurait fallu que je laisse reposer la traduction. Quand je l’ai rendue, j’étais encore trop à chaud…
5) Quels ont été les problèmes majeurs que tu as rencontrés au cours de la traduction ?
Les principaux problèmes ont concerné la traduction des dialogues, très nombreux et truffés d’expressions familières et d’un vocabulaire grossier. Rendre l’oralité avec naturel est un exercice bien plus difficile qu’il n’y paraît ! De plus, il a fallu gérer les inlassables répétitions de verbes « pauvres » ou banals tout au long du texte. J’ai d’ailleurs tenu des comptes d’apothicaire ! J’ai listé, page par page, tous ces verbes afin d’y voir clair puis je les ai tous retravaillés.
6) Et quelles ont été tes satisfactions ?
Il me semble que je ne me suis pas trop mal débrouillée pour les passages de récit. En outre, mes incessantes relectures (autant de la V.O. pour traquer la moindre coquille que de la VF pour veiller à l’orthographe, la grammaire…) m’ont permis de rendre un texte « propre ». Un petit conseil au passage : ne pas sous-estimer la phase technique des opérations. En effet, les étapes préliminaires (scanner le texte original, le passer à l’OCR, en corriger toutes les erreurs et le mettre en page) demandent beaucoup de temps. Sans compter la phase de découpage afin de placer les deux textes en pendant (VO en page de gauche et VF correspondante en page de droite). Attention aussi aux surprises de calibrage (les fameux 150 000 signes) : tant que le texte n’est pas sous Word (ou équivalent…), on ne peut pas être sûr d’avoir arrêté le nombre de pages suffisant. Dans mon cas, il manquait 30 pages par rapport au calcul initial.
7) En ce qui concerne les ateliers de tutorat, avec qui les as-tu réalisés ? Que t’ont-ils apporté ?
J’ai suivi les ateliers de tutorat avec Jean-Marie Saint-Lu. Nous avons particulièrement insisté sur le respect scrupuleux de la lettre, une analyse fine du texte afin de faire émerger des solutions de traduction, un travail attentif sur la correction de la langue, l’acquisition et la mobilisation au fil des textes de réflexes de traduction. Pour plus de précisions, je me permets de citer mon article « Mes ateliers de traduction avec Jean-Marie Saint-Lu : les dix commandements du traducteur littéraire » où j’expose de façon synthétique la pensée de notre tuteur en la matière. (Il est paru sur le blog Tradabordo le 13 mars 2010.)
8) Où as-tu effectué ton stage ? En quoi consistaient tes tâches ?
J’ai effectué mon stage aux Éditions Monsieur Toussaint Louverture. J’ai travaillé pendant un mois au côté de l’assistante d’édition de la maison. Voici dans l’ensemble les tâches qui m’ont été confiées : préparation des commandes, traduction d’articles journalistiques ou littéraires, rédaction de fiches de lecture, relecture de traductions et recherches documentaires diverses.
9) Pendant ton stage, avais-tu suffisamment de temps pour t’occuper de ta traduction longue ?
Non, le stage m’a demandé plus de temps que prévu, notamment parce que je ramenais souvent du travail à la maison le soir ou le week-end. Il a fallu jongler avec les deux. Et puis, lorsque la période de stage est courte, on se dit qu’il faut mettre les bouchées doubles pour découvrir un maximum de choses.
10) Pour finir, comment définirais-tu ton année d’apprentie traductrice ?
Une année aussi intensive qu’instructive à la fin de laquelle on est fier de mesurer le chemin parcouru, même si on se dit que fichtre, la route est encore longue !
lundi 29 novembre 2010
Apprentissage de lexique… l'aventure continue
Le premier qui me donne la définitive de « valétudinaire » recevra un prix spécial (une Montoise, par exemple). Allez !
Entretien avec Natacha Niemants, traductrice (italien)
Comment êtes-vous venue à la traduction ?
J’habite en Italie depuis que je suis très petite, mais étant donné que mes parents étaient belges et que leur niveau d’italien était très bas, jusqu’à l’âge de trois ans je n’ai parlé que le français à la maison. Mon premier rapport avec l’italien, et avec la traduction, date du jour où j’ai commencé l’école maternelle et j’ai appris à passer d’une langue à l’autre. Les études qui ont suivi (lycée linguistique, licence en traduction, master en interprétation de conférence, doctorat en langues et cultures comparées) n’ont fait que confirmer cette première vocation naturelle.
Votre première traduction : qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
Ma première traduction rémunérée était un contrat pour une (maintenant célèbre) mannequin qui devait signer son premier contrat avec une agence française. À l’époque je fréquentais la première année de l’école pour interprètes et traducteurs de Forlì (Université de Bologne). J’ignorais toute politique des prix et je n’avais aucune expérience en la matière. Mais une profonde humilité a fait que j’ai demandé des renseignements et que j’ai travaillé durement, plusieurs jours de la filée, pour rendre un travail qui était profondément imparfait, si j’y pense ex post, mais qui démontrait déjà la rigueur et le sérieux de mon travail. Ce premier client a du le comprendre... quand je pense qu’il fait encore partie de ma clientèle.
Comment voyez-vous aujourd’hui la profession de traducteur ?
Difficile, car contrairement aux attentes, les nouvelles technologies (CAT Tools) ont des effets pervers. Je veux dire qu’elles ont sans doute diminué les difficultés et les temps de travail, mais elles ont fait chuter également les prix. Ce pourquoi je travaille rarement pour des agences, et je n’accepte des traductions que s’il y a un minimum de correspondance entre l’effort et le tarif. En d’autres termes, je préfère moins de traductions bien payées plutôt que plus de traductions mal rémunérées.
Quels sont vos rapports avec les auteurs – si vous en avez ?
Je suis à présent penchée sur la traduction d’un article littéraire écrit par un professeur de littérature italienne que je connais et j’estime. Nos conversations sur son texte se déroulent en grande partie par email et en moindre partie à table, puisque nous cherchons à nous rencontrer assez régulièrement pour faire le point. Je m’aperçois que en s’efforçant de répondre à mes questions l’auteur se découvre lui-même, mais je fais attention à ne pas le bombarder de requêtes. En effet, je crains toujours qu’il puisse formuler un jugement négatif sur la base de mes multiples questions…au fond je crains qu’il fasse comme Italo Calvino, qui jugeait ses traducteurs sur la base des questions qu’ils lui adressaient.
Quels sont vos rapports avec les éditeurs pour lesquels vous travaillez ?
Je n’ai pas de rapports directs avec les éditeurs. Je traduis pour des agences, ou des clients, qui ont le rapport direct avec les maisons d’édition. Par contre, quand je traduis pour le web, j’entretiens des rapports avec les agences qui s’occupent de la réalisation du site. Le menu de navigation peut faire l’objet de discussions sur la « longueur » des traductions, le français étant généralement plus long de l’anglais et nécessitant parfois soit de raccourcis de ma part soit d’adaptation graphiques de leur part.
Votre meilleur souvenir de traductrice ? Et le moins agréable ?
Le meilleur est la présentation de ma traduction d’un poème de L.S. Senghor à une rencontre avec la communauté sénégalaise. Je n’oublierai jamais la gratitude des quelques représentants de ce peuple incroyable. Le moins agréable... ; il n’y a rien qui me vienne à l’esprit quant’ à mes traductions (à l’exception des cas où Trados m’a abandonnée et j’ai dû presque tout refaire). Mais je me souviens d’un jour où un client a contesté un texte que j’avais rédigé en Italien pour le site web de son hôtel (et que je devais ensuite traduire en français et en anglais). Il avait souligné des mots en disant qu’ils n’existaient pas. Or, il s’agissait de mots courants en Italien, que j’ai tout de même « corrigés », car j’ai appris à me plier à l’ignorance de certains clients. Pourvu qu’ils paient. Ce qui n’est pas toujours le cas.
Pensez-vous que votre nom sur un livre, en tant que traductrice, c’est un moyen de passer à la postérité ?
Non, je ne crois pas, en tout cas pas en tant que traductrice qui travaille dans l’ombre pour rendre un service à l’auteur. Mais je souhaite voir mon nom sur un livre en tant qu’auteur, ça oui. Là, alors, je passerai peut-être à la postérité.
Quelle leçon ?
Amusez-vous !
Les erreurs de frappe sont toujours aux aguets : demander à quelqu’un de nous relire n’indique pas un manque de professionnalisme, mais une conscience de ses propres limites. Sans quoi, les pêchés de présomption se paient chers.
Quelle est la place de la littérature dans votre vie ?
Il y a des vagues de littérature dans mon parcours. Lorsque je fréquentais le lycée, elle faisait partie de ma vie de tous les jours. Pendant mes études à l’école pour interprètes et traducteurs, j’ai l’ai en quelque sorte mise de côté, en privilégiant le langage courant, la technique, les thèmes d’actualité. Maintenant la littérature c’est ce qui me permet de me retrouver, de temps en temps, et de récupérer le regard à 360° qui était le mien avant que je me renferme dans le langage scientifique de mes recherches de doctorat. Quand je tombe sur un texte littéraire, comme celui de Franco Nasi (http://www.dailynterpreter.com/archives/1849), l’auteur que j’ai l’honneur de traduire en français, je me souviens de qui je suis et d’où je viens. Voilà pourquoi il y a une section de ma bibliothèque qui est entièrement consacrée aux livres de littérature, de façon a en avoir toujours quelques-uns à disposition au moment où je me perdrai à nouveau.
Quels conseils donneriez-vous à des apprentis traducteurs ?
Je leur conseille de lire sans arrêt et surtout sans déplacer leurs lectures à demain, aux vacances, à un moment où ils auront plus de temps. Ce moment pourrait ne jamais arriver, où de toute façon il ne suffira pas à récupérer tous les propos qu’on a reportés. Je leur conseille également d’alimenter leur curiosité et de suivre les pistes de réflexion qu’ouvre la « serendipity », en partageant les fruits de leurs découvertes avec d’autres traducteurs. Contrairement à nombre de mes collègues, pour qui un glossaire est chose sacrée, je crois que « celui qui reçoit une idée de moi, reçoit de l'instruction par lui-même sans me dépouiller de la mienne. De la même manière que celui qui allume sa torche sur la mienne reçoit la lumière sans me faire de l'ombre » (Jefferson). Ce qui est d’ailleurs le sens de mon site internet (http://www.dailynterpreter.com/), qui ne fait que reproduire, à l’échelle plus vaste, le réseau de rapports qui sont à la base de chacune de mes lectures, rédactions et traductions. Seuls ces rapports, à savoir les liens que nous avons crées et détruits, nous permettront, je crois, de passer à la postérité. Sans quoi, notre nom sur un livre restera lettre morte.
J’habite en Italie depuis que je suis très petite, mais étant donné que mes parents étaient belges et que leur niveau d’italien était très bas, jusqu’à l’âge de trois ans je n’ai parlé que le français à la maison. Mon premier rapport avec l’italien, et avec la traduction, date du jour où j’ai commencé l’école maternelle et j’ai appris à passer d’une langue à l’autre. Les études qui ont suivi (lycée linguistique, licence en traduction, master en interprétation de conférence, doctorat en langues et cultures comparées) n’ont fait que confirmer cette première vocation naturelle.
Votre première traduction : qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
Ma première traduction rémunérée était un contrat pour une (maintenant célèbre) mannequin qui devait signer son premier contrat avec une agence française. À l’époque je fréquentais la première année de l’école pour interprètes et traducteurs de Forlì (Université de Bologne). J’ignorais toute politique des prix et je n’avais aucune expérience en la matière. Mais une profonde humilité a fait que j’ai demandé des renseignements et que j’ai travaillé durement, plusieurs jours de la filée, pour rendre un travail qui était profondément imparfait, si j’y pense ex post, mais qui démontrait déjà la rigueur et le sérieux de mon travail. Ce premier client a du le comprendre... quand je pense qu’il fait encore partie de ma clientèle.
Comment voyez-vous aujourd’hui la profession de traducteur ?
Difficile, car contrairement aux attentes, les nouvelles technologies (CAT Tools) ont des effets pervers. Je veux dire qu’elles ont sans doute diminué les difficultés et les temps de travail, mais elles ont fait chuter également les prix. Ce pourquoi je travaille rarement pour des agences, et je n’accepte des traductions que s’il y a un minimum de correspondance entre l’effort et le tarif. En d’autres termes, je préfère moins de traductions bien payées plutôt que plus de traductions mal rémunérées.
Quels sont vos rapports avec les auteurs – si vous en avez ?
Je suis à présent penchée sur la traduction d’un article littéraire écrit par un professeur de littérature italienne que je connais et j’estime. Nos conversations sur son texte se déroulent en grande partie par email et en moindre partie à table, puisque nous cherchons à nous rencontrer assez régulièrement pour faire le point. Je m’aperçois que en s’efforçant de répondre à mes questions l’auteur se découvre lui-même, mais je fais attention à ne pas le bombarder de requêtes. En effet, je crains toujours qu’il puisse formuler un jugement négatif sur la base de mes multiples questions…au fond je crains qu’il fasse comme Italo Calvino, qui jugeait ses traducteurs sur la base des questions qu’ils lui adressaient.
Quels sont vos rapports avec les éditeurs pour lesquels vous travaillez ?
Je n’ai pas de rapports directs avec les éditeurs. Je traduis pour des agences, ou des clients, qui ont le rapport direct avec les maisons d’édition. Par contre, quand je traduis pour le web, j’entretiens des rapports avec les agences qui s’occupent de la réalisation du site. Le menu de navigation peut faire l’objet de discussions sur la « longueur » des traductions, le français étant généralement plus long de l’anglais et nécessitant parfois soit de raccourcis de ma part soit d’adaptation graphiques de leur part.
Votre meilleur souvenir de traductrice ? Et le moins agréable ?
Le meilleur est la présentation de ma traduction d’un poème de L.S. Senghor à une rencontre avec la communauté sénégalaise. Je n’oublierai jamais la gratitude des quelques représentants de ce peuple incroyable. Le moins agréable... ; il n’y a rien qui me vienne à l’esprit quant’ à mes traductions (à l’exception des cas où Trados m’a abandonnée et j’ai dû presque tout refaire). Mais je me souviens d’un jour où un client a contesté un texte que j’avais rédigé en Italien pour le site web de son hôtel (et que je devais ensuite traduire en français et en anglais). Il avait souligné des mots en disant qu’ils n’existaient pas. Or, il s’agissait de mots courants en Italien, que j’ai tout de même « corrigés », car j’ai appris à me plier à l’ignorance de certains clients. Pourvu qu’ils paient. Ce qui n’est pas toujours le cas.
Pensez-vous que votre nom sur un livre, en tant que traductrice, c’est un moyen de passer à la postérité ?
Non, je ne crois pas, en tout cas pas en tant que traductrice qui travaille dans l’ombre pour rendre un service à l’auteur. Mais je souhaite voir mon nom sur un livre en tant qu’auteur, ça oui. Là, alors, je passerai peut-être à la postérité.
Quelle leçon ?
Amusez-vous !
Les erreurs de frappe sont toujours aux aguets : demander à quelqu’un de nous relire n’indique pas un manque de professionnalisme, mais une conscience de ses propres limites. Sans quoi, les pêchés de présomption se paient chers.
Quelle est la place de la littérature dans votre vie ?
Il y a des vagues de littérature dans mon parcours. Lorsque je fréquentais le lycée, elle faisait partie de ma vie de tous les jours. Pendant mes études à l’école pour interprètes et traducteurs, j’ai l’ai en quelque sorte mise de côté, en privilégiant le langage courant, la technique, les thèmes d’actualité. Maintenant la littérature c’est ce qui me permet de me retrouver, de temps en temps, et de récupérer le regard à 360° qui était le mien avant que je me renferme dans le langage scientifique de mes recherches de doctorat. Quand je tombe sur un texte littéraire, comme celui de Franco Nasi (http://www.dailynterpreter.com/archives/1849), l’auteur que j’ai l’honneur de traduire en français, je me souviens de qui je suis et d’où je viens. Voilà pourquoi il y a une section de ma bibliothèque qui est entièrement consacrée aux livres de littérature, de façon a en avoir toujours quelques-uns à disposition au moment où je me perdrai à nouveau.
Quels conseils donneriez-vous à des apprentis traducteurs ?
Je leur conseille de lire sans arrêt et surtout sans déplacer leurs lectures à demain, aux vacances, à un moment où ils auront plus de temps. Ce moment pourrait ne jamais arriver, où de toute façon il ne suffira pas à récupérer tous les propos qu’on a reportés. Je leur conseille également d’alimenter leur curiosité et de suivre les pistes de réflexion qu’ouvre la « serendipity », en partageant les fruits de leurs découvertes avec d’autres traducteurs. Contrairement à nombre de mes collègues, pour qui un glossaire est chose sacrée, je crois que « celui qui reçoit une idée de moi, reçoit de l'instruction par lui-même sans me dépouiller de la mienne. De la même manière que celui qui allume sa torche sur la mienne reçoit la lumière sans me faire de l'ombre » (Jefferson). Ce qui est d’ailleurs le sens de mon site internet (http://www.dailynterpreter.com/), qui ne fait que reproduire, à l’échelle plus vaste, le réseau de rapports qui sont à la base de chacune de mes lectures, rédactions et traductions. Seuls ces rapports, à savoir les liens que nous avons crées et détruits, nous permettront, je crois, de passer à la postérité. Sans quoi, notre nom sur un livre restera lettre morte.
Un nouveau-né dans la blogosphère : le blog d'Auréba
Je vous donne l'adresse de mon blog :
http://tradaureba.blogspot.com
Eh oui, j'ai un peu copié pour le nom ! C'est quand même un bébé de tradabordo !
http://tradaureba.blogspot.com
Eh oui, j'ai un peu copié pour le nom ! C'est quand même un bébé de tradabordo !
Entretien avec Jacqueline Daubriac (promo Anne Dacier), réalisé par Vanessa Canavesi
J'ai rencontré Jacqueline, ancienne apprentie de la promo Anne Dacier, pour discuter avec elle autour du thème de la traduction longue et du stage. Elle a gentiment proposé de répondre à mes nombreuses questions par écrit. Voici donc son texte, publié comme une lettre ouverte, récit de son expérience enrichissante. Je la remercie encore vivement.
« […] L’échange amical que nous avons eu il y a quelques heures m’a beaucoup intéressée, car si je doute que le récit de mon expérience puisse t’être d’un quelconque secours – cela peut s’écouter comme une histoire plus ou moins enjolivée d’ailleurs, comme toute histoire, mais de mon point de vue cela ne peut s’entendre comme un modèle à suivre ou à ne pas suivre –, en revanche, je réalise la chance que grâce à toi j’ai de refaire un bout de chemin en arrière : ma philosophie et le temps qui me presse ne me conduisent pas volontiers à retourner sur mes pas et c’est une question intéressante, en tout cas qui m’intéresse, de voir si mon regard a changé sur ce temps de vie que j’ai consacré à Tradabordo, pour le dire ainsi.
Tu me poses deux séries de questions, sur mon stage d’une part, et sur la traduction longue d’autre part, qui sont évidemment les deux pierres d’achoppement de tout apprenti traducteur.
Le stage, donc. Je l’ai terminé en juin 2009, j’ai à présent assez de recul pour avoir un regard dénué de passion et ce que je peux dire de plus vrai aujourd’hui, est que si c’était à refaire, je le referais. Je crois en effet que ce n’était pas un mauvais choix ; pour répondre à ta question, il me semble qu’il vaut mieux, quand cela est réalisable, faire son stage dans une maison d’édition qui bouge, où des choses se passent, et de ce point de vue-là, j’ai été comblée ! Cette expérience m’a appris qu’un travail dans le privé, à ce niveau, dans ce secteur, n’ouvre pas droit à l’erreur mais que si on accepte de l’aborder en se disant qu’on ne sait rien et qu’on a tout à apprendre, si on retrousse ses manches et qu’on laisse de côté toute susceptibilité, alors oui, on peut faire de belles rencontres et se tailler une toute petite place au soleil, même à Paris ! J’ai gardé pour ma part en mémoire quelques-unes d’entre elles, avec deux auteurs dont un directeur de collection dont j’avais relu les tapuscrits, avec rédaction d’une note de lecture à la clé, avec un autre auteur dont j’avais corrigé le manuscrit, avec mes responsables directs que j’ai sollicités sans arrêt pour glaner le plus d’informations possible, avec des collègues que j’ai revus déjà plusieurs fois depuis la fin de mon stage : c’est un moment de ma vie que j’ai plaisir à me rappeler. Bien sûr rédige ton rapport de stage le plus tôt possible quand tout est frais à ta mémoire – tape Jacqueline dans Tradabordo et tu auras la réponse à ta question pour les problèmes techniques – et cultive des relations, c’est essentiel dans ce milieu.
Pour ce qui est de la traduction, je ne saurais te conseiller assez de t’y mettre dès maintenant, c’est beaucoup plus long qu’on ne pense, et c’est très frustrant au bout du compte de s’apercevoir qu’on aurait pu faire mieux avec un peu plus de temps. La gestion du temps a donc été une de mes difficultés. Ce que j’en ai retiré ? L’exigence, celle d’un travail soigné et sans cesse questionné.
Depuis, qu’ai-je fait ? Une première année de licence de portugais, qui m’a beaucoup intéressée ; cette année, je suis en deuxième année, consacrée au brésilien, encore une découverte, et puis nous allons aborder l’Afrique lusophone et j’attends ces cours avec gourmandise. J’ai fait aussi beaucoup de corrections de manuscrits et la traduction d’un mémoire de recherches. Bien sûr ce sont des tâches « alimentaires » mais pas seulement, rien n’est inutile, on apprend toujours. Impossible pour l’instant d’envisager une traduction longue à éditer ; même si j’ai en projet celle d’un ouvrage portugais, en collaboration avec une de mes enseignantes, je ne maîtrise pas assez mon emploi du temps pour m’engager plus avant. Mais dans le secret de mon cabinet, je traduis – de l’espagnol – chaque fois que je peux grappiller un peu de temps. C’est mon jardin secret et je le cultive avec bonheur.
Tu me demandes si cela a été plus ou moins difficile par rapport à ce que j’avais imaginé ? D’abord, j’aime la difficulté, elle me stimule et, non bien sûr, l’année de master n’a pas été un long fleuve tranquille ; mais au bout du compte elle a changé mon regard qui n’était pourtant pas celui d’une jouvencelle. J’ai gardé le réflexe post, un traducteur, une traductrice est pour moi avant tout quelqu’un de curieux et qui fait son miel de tout. Eh bien je ne jette rien, je fais mon miel de tout. Tu veux un exemple ? J’ai participé il y a quelques jours à un colloque intitulé La signature, organisé par mon directeur de recherches de master recherche ; a priori, rien à voir avec la traduction, sauf qu’un des intervenants qui, soit dit en passant, a monté une maison d’éditions spécialisée en province, a fait une communication fort intéressante sur « La marque, une signature typographique », mais je l’ignorais avant de venir ; eh bien, j’ai appris plein de choses sur la typographie et je me suis surprise à penser à Tradabordo et à me dire que cela aurait pu faire un post intéressant ; puis à la pause-café, je me suis présentée à cet enseignant, nous avons parlé de sa maison d’éditions, de ses difficultés, voilà, tu vois, ces réactions sont typiquement des réactions Tradabordo.
Tu auras donc compris, chère Vanessa, que l’année Tradabordo, débarrassée des scories inhérentes à tous les contacts humains, a été pour moi une année positive. Je te souhaite la même chance. Enfin, me demandes-tu : « question subsidiaire : deux ans après, continues-tu à visiter Tradabordo ? » Très peu en vérité. Ce n’est pas une forme de désintérêt, c’est de la sagesse, une page s’est tournée, place aux autres, mais tu le vois, je n’hésite pas à répondre présente quand c’est possible. [...]
Amicalement,
Jacqueline »
« […] L’échange amical que nous avons eu il y a quelques heures m’a beaucoup intéressée, car si je doute que le récit de mon expérience puisse t’être d’un quelconque secours – cela peut s’écouter comme une histoire plus ou moins enjolivée d’ailleurs, comme toute histoire, mais de mon point de vue cela ne peut s’entendre comme un modèle à suivre ou à ne pas suivre –, en revanche, je réalise la chance que grâce à toi j’ai de refaire un bout de chemin en arrière : ma philosophie et le temps qui me presse ne me conduisent pas volontiers à retourner sur mes pas et c’est une question intéressante, en tout cas qui m’intéresse, de voir si mon regard a changé sur ce temps de vie que j’ai consacré à Tradabordo, pour le dire ainsi.
Tu me poses deux séries de questions, sur mon stage d’une part, et sur la traduction longue d’autre part, qui sont évidemment les deux pierres d’achoppement de tout apprenti traducteur.
Le stage, donc. Je l’ai terminé en juin 2009, j’ai à présent assez de recul pour avoir un regard dénué de passion et ce que je peux dire de plus vrai aujourd’hui, est que si c’était à refaire, je le referais. Je crois en effet que ce n’était pas un mauvais choix ; pour répondre à ta question, il me semble qu’il vaut mieux, quand cela est réalisable, faire son stage dans une maison d’édition qui bouge, où des choses se passent, et de ce point de vue-là, j’ai été comblée ! Cette expérience m’a appris qu’un travail dans le privé, à ce niveau, dans ce secteur, n’ouvre pas droit à l’erreur mais que si on accepte de l’aborder en se disant qu’on ne sait rien et qu’on a tout à apprendre, si on retrousse ses manches et qu’on laisse de côté toute susceptibilité, alors oui, on peut faire de belles rencontres et se tailler une toute petite place au soleil, même à Paris ! J’ai gardé pour ma part en mémoire quelques-unes d’entre elles, avec deux auteurs dont un directeur de collection dont j’avais relu les tapuscrits, avec rédaction d’une note de lecture à la clé, avec un autre auteur dont j’avais corrigé le manuscrit, avec mes responsables directs que j’ai sollicités sans arrêt pour glaner le plus d’informations possible, avec des collègues que j’ai revus déjà plusieurs fois depuis la fin de mon stage : c’est un moment de ma vie que j’ai plaisir à me rappeler. Bien sûr rédige ton rapport de stage le plus tôt possible quand tout est frais à ta mémoire – tape Jacqueline dans Tradabordo et tu auras la réponse à ta question pour les problèmes techniques – et cultive des relations, c’est essentiel dans ce milieu.
Pour ce qui est de la traduction, je ne saurais te conseiller assez de t’y mettre dès maintenant, c’est beaucoup plus long qu’on ne pense, et c’est très frustrant au bout du compte de s’apercevoir qu’on aurait pu faire mieux avec un peu plus de temps. La gestion du temps a donc été une de mes difficultés. Ce que j’en ai retiré ? L’exigence, celle d’un travail soigné et sans cesse questionné.
Depuis, qu’ai-je fait ? Une première année de licence de portugais, qui m’a beaucoup intéressée ; cette année, je suis en deuxième année, consacrée au brésilien, encore une découverte, et puis nous allons aborder l’Afrique lusophone et j’attends ces cours avec gourmandise. J’ai fait aussi beaucoup de corrections de manuscrits et la traduction d’un mémoire de recherches. Bien sûr ce sont des tâches « alimentaires » mais pas seulement, rien n’est inutile, on apprend toujours. Impossible pour l’instant d’envisager une traduction longue à éditer ; même si j’ai en projet celle d’un ouvrage portugais, en collaboration avec une de mes enseignantes, je ne maîtrise pas assez mon emploi du temps pour m’engager plus avant. Mais dans le secret de mon cabinet, je traduis – de l’espagnol – chaque fois que je peux grappiller un peu de temps. C’est mon jardin secret et je le cultive avec bonheur.
Tu me demandes si cela a été plus ou moins difficile par rapport à ce que j’avais imaginé ? D’abord, j’aime la difficulté, elle me stimule et, non bien sûr, l’année de master n’a pas été un long fleuve tranquille ; mais au bout du compte elle a changé mon regard qui n’était pourtant pas celui d’une jouvencelle. J’ai gardé le réflexe post, un traducteur, une traductrice est pour moi avant tout quelqu’un de curieux et qui fait son miel de tout. Eh bien je ne jette rien, je fais mon miel de tout. Tu veux un exemple ? J’ai participé il y a quelques jours à un colloque intitulé La signature, organisé par mon directeur de recherches de master recherche ; a priori, rien à voir avec la traduction, sauf qu’un des intervenants qui, soit dit en passant, a monté une maison d’éditions spécialisée en province, a fait une communication fort intéressante sur « La marque, une signature typographique », mais je l’ignorais avant de venir ; eh bien, j’ai appris plein de choses sur la typographie et je me suis surprise à penser à Tradabordo et à me dire que cela aurait pu faire un post intéressant ; puis à la pause-café, je me suis présentée à cet enseignant, nous avons parlé de sa maison d’éditions, de ses difficultés, voilà, tu vois, ces réactions sont typiquement des réactions Tradabordo.
Tu auras donc compris, chère Vanessa, que l’année Tradabordo, débarrassée des scories inhérentes à tous les contacts humains, a été pour moi une année positive. Je te souhaite la même chance. Enfin, me demandes-tu : « question subsidiaire : deux ans après, continues-tu à visiter Tradabordo ? » Très peu en vérité. Ce n’est pas une forme de désintérêt, c’est de la sagesse, une page s’est tournée, place aux autres, mais tu le vois, je n’hésite pas à répondre présente quand c’est possible. [...]
Amicalement,
Jacqueline »
Pour information…
Je viens de publier la proposition de traduction de Brigitte Leroy (promo Anne Dacier) pour le thème du CAPES. Vous en avez donc à présent deux comme base de travail…
dimanche 28 novembre 2010
Version pour le 6 décembre… petit changement
Afin de vous laisser le temps de travailler sur la version du CAPES, remettons à plus tard le texte initialement prévu pour le 6 décembre… La date limite demeure la même. Bon courage ! Faites cela avec sérieux… Plusieurs petits Bordelais inscrits au concours attendent avec impatience et inquiétude de voir ce que vous proposez.
Entretien avec Émeline Laduche (promo Aline Schulman), réalisé par Auréba Sadouni
1) Parle- moi de ta traduction longue. Quel livre as-tu choisi de traduire ?
J’ai choisi un essai littéraire : Formas breves de Ricarco Piglia.
2) Pourquoi ce choix ?
Le point intéressant, c’est que c’est une réflexion sur la littérature argentine et contemporaine. Il y a aussi une partie autobiographique. L’aspect fragmentaire du texte aussi est intéressant.
3) Quelles difficultés de traduction as-tu rencontrées ?
Des problèmes dans le choix du temps. Comment délimiter la différence entre chaque partie, entre chaque forme de discours. Beaucoup de recherche du point de vue culturel, sur la littérature, et des auteurs que je ne connaissais pas forcément. Il a un style assez fluide. C’est un problème parce que je n’ai pas réussi à m’éloigner. Je suis restée trop littérale. À un moment, j’aurais dû prendre du recul, choisir d’autres mots et d’autres structures grammaticales.
4) Y as-tu pris du plaisir ?
C’était génial. J’ai adoré ça, passer six mois sur un même livre.
5) Pourquoi as-tu choisi un essai ?
Par pur hasard. J’ai choisi sur Qué leer, une revue littéraire en ligne. Ils proposaient et commentaient plusieurs livres. J’ai lu le résumé. Je suis tombée amoureuse de ce bouquin parce que ça explique énormément de choses sur la littérature argentine et européenne. C’est déjà une forme d’écriture particulière, c’est fragmenté, et c’est Piglia. C’est un monument de la littérature argentine, et traduire Piglia, c’est déjà un défi en soi.
6) Comment faisais-tu tes recherches ?
J’ai beaucoup utilisé Google Maps du fait qu’il y a énormément de lieux mentionnés. Puis j’ai dû faire des recherches sur les hôpitaux psychiatriques de Buenos Aires. Il y a une partie où Ricardo Piglia parle de littérature et de psychanalyse. Il parle aussi d’une femme qui sort d’un « hospicio »(en français, ça veut dire plusieurs choses : hôpital psychiatrique, maison de retraite…). J’ai dû rechercher tous les hôpitaux qu'il y avait. J’ai aussi dû lire les œuvres complètes de Borges, des résumés sur internet et des études sur certains livres. Il y avait quelques critiques sur le livre. Ça fait partie du travail préliminaire avant de traduire, se renseigner sur l’auteur.
7) As-tu regretté ton choix ?
Pendant une période, oui. Après ma soutenance, j’ai regretté mon choix, le fait que je n’aie pas pris le bon angle d’attaque. Même si j’ai complètement raté ma traduction, c’était très intéressant, difficile. Je ne vois pas ce que j’aurais pu traduire d’autre. Je n’ai pas eu un déclic sur un autre roman.
8) Que t’a apporté la formation de traduction littéraire ?
Une approche différente de la traduction, une ouverture sur la littérature et un travail sur la langue, aussi bien la langue espagnole que française. Beaucoup de culture, aussi.
9) As-tu amélioré ton usage du français ?
Oui. On apprend des mots dont on ne soupçonnait pas l’existence, une syntaxe particulière. On voit certains aspects grammaticaux qui deviennent des automatismes.
10) Comment se passaient tes ateliers de traduction ?
C’est ce qu’il y a de plus intéressant dans la traduction, le travail en groupe. Tu t’enrichis de ce que disent les autres. Caroline n’est jamais d’accord avec toi (ou presque), c’est ce qui te fait avancer. Tout est bon à prendre.
11) Et le tutorat ?
C’était avec Caroline. Ça revenait aux ateliers de traduction. On a travaillé sur ses textes et sur les nôtres.
12) Est-ce que la gestion du temps a été difficile pour toi ?
C’était difficile, parce que je travaillais à côté. Jusque vers novembre, décembre, ça va, mais après, quand il y a la traduction longue, une traduction par semaine et un exercice d’écriture, et les autres cours qui s’ajoutent… c’est difficile.
13) Comment s’est passé ton stage ?
Malheureusement, l’éditeur chez qui j’ai fait mon stage n’avait que très peu de temps à m’accorder et n’avait pas d’œuvre en cours de publication. Mon travail a consisté à créer une page web pour la maison d’édition. Ce stage n’a donc pas répondu à mes attentes dans le sens où je n’ai pas appris à corriger un manuscrit, ni appréhendé la chaîne du livre, ni appris non plus comment une petite maison d’édition arrive à survivre grâce à une autre activité ou aux subventions (de quel type, sommes allouées etc.).
14) As- tu envie de te remettre à la traduction ?
Peut-être. Là, j’ai besoin d’une pause. Je n’ai pas eu la possibilité de prendre des cours de traduction cette année, mais ça me manque. Caroline m’a proposé de venir aux ateliers… mais je me connais, j’y passerais trop de temps… et puis je prépare un mémoire. (Ça ne m’empêche pourtant pas d’aller sur Tradabordo tous les jours). Si j’arrive à avoir 14 de moyenne au master, je tenterai une thèse centrée sur la linguistique et les problèmes en traduction. Je prépare actuellement un mémoire sur la traduction. Je travaille sur l’argot. Je vois les aspects linguistiques, les aspects théoriques et pratiques.
15) As-tu des conseils à donner aux nouveaux apprentis ?
Ne jamais manger les Dragibus jaunes ni les verts. Amener une boîte de Quality Street à Caroline pour Noël. Etre toujours à l’affût de tout ce qui est outils utiles (dictionnaires, pages de lexique, textes de réflexion sur la traduction). Ne vivre que pour la traduction, respirer traduction, manger traduction, se laver traduction. De toute façon, si vous ne pensez pas au moins une dizaine de fois par jour à votre traduction en cours ou à un problème de traduction, c’est que ce n’est pas normal. Surtout, ne jamais hésiter à parler de ses problèmes de traduction, que ce soit avec les apprentis ou avec les professeurs. Quand vous avez une casserole (une énorme difficulté), faites-vous aider. Écouter les critiques des professeurs, surtout Caroline, car elle a une grande expérience dans la traduction. Le meilleur conseil que je pourrais donner, c’est de toujours assumer ce que vous faites. Assumez vos choix de traduction même si vous pouvez être critiqués à cause de ça.
J’ai choisi un essai littéraire : Formas breves de Ricarco Piglia.
2) Pourquoi ce choix ?
Le point intéressant, c’est que c’est une réflexion sur la littérature argentine et contemporaine. Il y a aussi une partie autobiographique. L’aspect fragmentaire du texte aussi est intéressant.
3) Quelles difficultés de traduction as-tu rencontrées ?
Des problèmes dans le choix du temps. Comment délimiter la différence entre chaque partie, entre chaque forme de discours. Beaucoup de recherche du point de vue culturel, sur la littérature, et des auteurs que je ne connaissais pas forcément. Il a un style assez fluide. C’est un problème parce que je n’ai pas réussi à m’éloigner. Je suis restée trop littérale. À un moment, j’aurais dû prendre du recul, choisir d’autres mots et d’autres structures grammaticales.
4) Y as-tu pris du plaisir ?
C’était génial. J’ai adoré ça, passer six mois sur un même livre.
5) Pourquoi as-tu choisi un essai ?
Par pur hasard. J’ai choisi sur Qué leer, une revue littéraire en ligne. Ils proposaient et commentaient plusieurs livres. J’ai lu le résumé. Je suis tombée amoureuse de ce bouquin parce que ça explique énormément de choses sur la littérature argentine et européenne. C’est déjà une forme d’écriture particulière, c’est fragmenté, et c’est Piglia. C’est un monument de la littérature argentine, et traduire Piglia, c’est déjà un défi en soi.
6) Comment faisais-tu tes recherches ?
J’ai beaucoup utilisé Google Maps du fait qu’il y a énormément de lieux mentionnés. Puis j’ai dû faire des recherches sur les hôpitaux psychiatriques de Buenos Aires. Il y a une partie où Ricardo Piglia parle de littérature et de psychanalyse. Il parle aussi d’une femme qui sort d’un « hospicio »(en français, ça veut dire plusieurs choses : hôpital psychiatrique, maison de retraite…). J’ai dû rechercher tous les hôpitaux qu'il y avait. J’ai aussi dû lire les œuvres complètes de Borges, des résumés sur internet et des études sur certains livres. Il y avait quelques critiques sur le livre. Ça fait partie du travail préliminaire avant de traduire, se renseigner sur l’auteur.
7) As-tu regretté ton choix ?
Pendant une période, oui. Après ma soutenance, j’ai regretté mon choix, le fait que je n’aie pas pris le bon angle d’attaque. Même si j’ai complètement raté ma traduction, c’était très intéressant, difficile. Je ne vois pas ce que j’aurais pu traduire d’autre. Je n’ai pas eu un déclic sur un autre roman.
8) Que t’a apporté la formation de traduction littéraire ?
Une approche différente de la traduction, une ouverture sur la littérature et un travail sur la langue, aussi bien la langue espagnole que française. Beaucoup de culture, aussi.
9) As-tu amélioré ton usage du français ?
Oui. On apprend des mots dont on ne soupçonnait pas l’existence, une syntaxe particulière. On voit certains aspects grammaticaux qui deviennent des automatismes.
10) Comment se passaient tes ateliers de traduction ?
C’est ce qu’il y a de plus intéressant dans la traduction, le travail en groupe. Tu t’enrichis de ce que disent les autres. Caroline n’est jamais d’accord avec toi (ou presque), c’est ce qui te fait avancer. Tout est bon à prendre.
11) Et le tutorat ?
C’était avec Caroline. Ça revenait aux ateliers de traduction. On a travaillé sur ses textes et sur les nôtres.
12) Est-ce que la gestion du temps a été difficile pour toi ?
C’était difficile, parce que je travaillais à côté. Jusque vers novembre, décembre, ça va, mais après, quand il y a la traduction longue, une traduction par semaine et un exercice d’écriture, et les autres cours qui s’ajoutent… c’est difficile.
13) Comment s’est passé ton stage ?
Malheureusement, l’éditeur chez qui j’ai fait mon stage n’avait que très peu de temps à m’accorder et n’avait pas d’œuvre en cours de publication. Mon travail a consisté à créer une page web pour la maison d’édition. Ce stage n’a donc pas répondu à mes attentes dans le sens où je n’ai pas appris à corriger un manuscrit, ni appréhendé la chaîne du livre, ni appris non plus comment une petite maison d’édition arrive à survivre grâce à une autre activité ou aux subventions (de quel type, sommes allouées etc.).
14) As- tu envie de te remettre à la traduction ?
Peut-être. Là, j’ai besoin d’une pause. Je n’ai pas eu la possibilité de prendre des cours de traduction cette année, mais ça me manque. Caroline m’a proposé de venir aux ateliers… mais je me connais, j’y passerais trop de temps… et puis je prépare un mémoire. (Ça ne m’empêche pourtant pas d’aller sur Tradabordo tous les jours). Si j’arrive à avoir 14 de moyenne au master, je tenterai une thèse centrée sur la linguistique et les problèmes en traduction. Je prépare actuellement un mémoire sur la traduction. Je travaille sur l’argot. Je vois les aspects linguistiques, les aspects théoriques et pratiques.
15) As-tu des conseils à donner aux nouveaux apprentis ?
Ne jamais manger les Dragibus jaunes ni les verts. Amener une boîte de Quality Street à Caroline pour Noël. Etre toujours à l’affût de tout ce qui est outils utiles (dictionnaires, pages de lexique, textes de réflexion sur la traduction). Ne vivre que pour la traduction, respirer traduction, manger traduction, se laver traduction. De toute façon, si vous ne pensez pas au moins une dizaine de fois par jour à votre traduction en cours ou à un problème de traduction, c’est que ce n’est pas normal. Surtout, ne jamais hésiter à parler de ses problèmes de traduction, que ce soit avec les apprentis ou avec les professeurs. Quand vous avez une casserole (une énorme difficulté), faites-vous aider. Écouter les critiques des professeurs, surtout Caroline, car elle a une grande expérience dans la traduction. Le meilleur conseil que je pourrais donner, c’est de toujours assumer ce que vous faites. Assumez vos choix de traduction même si vous pouvez être critiqués à cause de ça.
Références culturelles, 655 : Bernardino de Sahagún
En photo : Fray Bernardino de Sahagun
par miguel angel1995
Bernardino de Sahagún
une idée d'Odile
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernardino_de_Sahag%C3%BAn
par miguel angel1995
Bernardino de Sahagún
une idée d'Odile
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernardino_de_Sahag%C3%BAn
samedi 27 novembre 2010
Exercice d'écriture : « Il n'a pas deux sous d'idée », par Olivier Marchand
Volet 3 de sa nouvelle :
Toute la journée du lendemain, la théorie du psychopathe, exposée par le psychiatre, avait trotté dans la tête de Dover : si le tueur n'était pas motivé par une vengeance personnelle, si cette soif de cruauté était le seul leitmotiv de l'assassin, comment le retrouver ? Les connexions, déjà faibles, qui existaient entre les deux victimes ne seraient plus d'aucune utilité. Comment mettre la main sur une personne dont on ignore l'identité, dont la motivation n'est qu'instinctive et les victimes désignées au hasard des rencontres ? L'inspecteur pouvait toutefois se raccrocher à certains faits. La scène du crime par exemple : les deux victimes avaient été trouvées dans le quartier d'Islington, chacune dans un parc différent. Il fouilla dans le tiroir de son bureau et sortit un plan de la ville, afin de jeter un coup d'œil au différents parcs qui entouraient le commissariat d'Islington. Caledonian Park, Paradise Park, Tornhill Square Garden, Coram's Field,… : les espaces verts aux abords du commissariat étaient bien plus nombreux qu'il n'aurait imaginé. Il n'aurait pas assez d'hommes pour les faire tous surveiller. À l'évidence, il fallait abandonner l'idée d'un déploiement de policiers dans tout le quartier : les moyens étaient, de toute façon, insuffisants et le maire verrait d'un très mauvais œil la présence des agents de police aux quatre coins de la ville. Et, étant donné les sermons généreusement distribués de la part de Mc Fear, mieux valait jouer la carte de la discrétion.
Dover essaya de faire le vide dans son esprit et de réfléchir sereinement. Tout le quartier avait été passé au peigne fin et cela n'avait rien donné. Ou le tueur n'était pas du quartier, ce qui était difficilement imaginable, puisqu'il connaissait parfaitement les deux parcs dans lesquels les victimes avaient été découvertes, ou l'équipe à laquelle on avait attribué l'affaire avait commis un certain nombre d'erreurs et oublié d'interroger des individus dont le témoignage aurait pu s'avérer capital dans l'enquête.
La journée n'apporta de nouveau à l'inspecteur. Les rapports d'autopsie étaient parfaitement détaillés, les entretiens qui avaient été faits auprès des membres du voisinage avaient été rondement bien menés et les scènes de crimes étudiées avec minutie. Mais, malheureusement pour lui, on n'avait rien trouvé, absolument rien. Pas la moindre fibre de tissu à analyser, pas le moindre cheveu à examiner, pas le moindre objet auquel se raccrocher. De plus, la confrontation entre rapport d'expertise psychologique de l'assassin et rapport médico-légal de l'autopsie ne faisait que rendre l'enquête encore plus obscure. Le premier mettait en avant l'étude des lacérations, seul point commun, mis à part les armes, entre les 2 meurtres, alors que le second expliquait clairement que ces blessures n'étaient que pure futilité et seulement destinées à brouiller les pistes. Si même les deux experts auxquels le commissaire avait fait appel n'étaient pas capables de se mettre d'accord, comment pourrait-il, lui, résoudre l'enquête ?
En sortant du commissariat à 18h, l'inspecteur se dit qu'il était, malgré tout, bien content de rentrer chez lui dans le quartier de Lambeth, de retrouver la paisible tranquillité de son petit appartement au cœur de Londres, suffisamment loin de l'endroit où il travaillait pour n'avoir rien à y craindre. C'est alors que la phrase, prononcée dans la matinée par le collègue qu'on lui avait, de force, attribué – à savoir Green –, lui revint en tête : « On a interrogé tous les gens qui habitent dans le quartier… ». On avait interrogé, certes, tous les habitants du quartier et tous les médecins, les bouchers, et autres professionnels ayant un rapport plus ou moins évident avec le corps humain, mais qu'en était-il de ceux qui, comme l'inspecteur travaillaient à Islington, mais n'y habitaient pas. Tous ces gens étaient-ils passés à travers les mailles du filet ? Il lui faudrait, dès le lendemain, vérifier l'identité des personnes interrogées et confronter la liste avec celle où étaient recensés tous les individus qui, pour le travail, fréquentaient le quartier.. « Ah, ce Green, il n'a pas deux sous d'idée, mais c'est peut-être grâce à lui qu'on va résoudre tout ça. » se dit Dover, en fermant la portière de sa voiture.
Après une nuit de sommeil agité et des recharges suffisantes en caféine pour affronter la dure journée qui l'attendait, l'inspecteur entra dans son bureau et sortit la liste des personnes ayant répondu aux questions des différents inspecteurs. L'investigation menée dans le quartier avait été exhaustive, mais incomplète. Ce qui avait trotté dans sa tête depuis hier soir et qui l'avait empêché de fermer l'œil de la nuit se confirma sous ses yeux : un bâtiment, un seul, avait échappé aux interrogatoires des policiers et c'était celui-là même qui renfermait la clef de l'enquête.
Le soleil chatouillant ses doigts de pieds, la fenêtre ouverte apportant l'air frais de la mer, le corps détendu et l'esprit léger, l'inspecteur profitait enfin de sa maison d'été. On entendait, dans la pièce d'à côté, la femme de l'inspecteur s'affairer dans la cuisine. Hormis les quelques bruits de cuisine, le silence régnait. Exeunt les bruits de klaxons, les cris des passants, les sonneries de téléphone et les portes qui claquent. Les prochaines années auraient comme musique de fond les cris des mouettes, les remous de l'océan et le souffle du vent. L'enquête qui avait failli le priver de ces instants de bonheur bien mérité avait été classée sans suite par le magistrat du parquet deux semaines auparavant. Faute d'indice, l'inspecteur n'avait pu réussir à faire coincer celui dont il connaissait l'identité : cet homme méthodique qu'il avait côtoyé pendant des années et qui avait réussi à passer, comme tant d'autres avant lui, à travers les mailles du filet.
Toute la journée du lendemain, la théorie du psychopathe, exposée par le psychiatre, avait trotté dans la tête de Dover : si le tueur n'était pas motivé par une vengeance personnelle, si cette soif de cruauté était le seul leitmotiv de l'assassin, comment le retrouver ? Les connexions, déjà faibles, qui existaient entre les deux victimes ne seraient plus d'aucune utilité. Comment mettre la main sur une personne dont on ignore l'identité, dont la motivation n'est qu'instinctive et les victimes désignées au hasard des rencontres ? L'inspecteur pouvait toutefois se raccrocher à certains faits. La scène du crime par exemple : les deux victimes avaient été trouvées dans le quartier d'Islington, chacune dans un parc différent. Il fouilla dans le tiroir de son bureau et sortit un plan de la ville, afin de jeter un coup d'œil au différents parcs qui entouraient le commissariat d'Islington. Caledonian Park, Paradise Park, Tornhill Square Garden, Coram's Field,… : les espaces verts aux abords du commissariat étaient bien plus nombreux qu'il n'aurait imaginé. Il n'aurait pas assez d'hommes pour les faire tous surveiller. À l'évidence, il fallait abandonner l'idée d'un déploiement de policiers dans tout le quartier : les moyens étaient, de toute façon, insuffisants et le maire verrait d'un très mauvais œil la présence des agents de police aux quatre coins de la ville. Et, étant donné les sermons généreusement distribués de la part de Mc Fear, mieux valait jouer la carte de la discrétion.
Dover essaya de faire le vide dans son esprit et de réfléchir sereinement. Tout le quartier avait été passé au peigne fin et cela n'avait rien donné. Ou le tueur n'était pas du quartier, ce qui était difficilement imaginable, puisqu'il connaissait parfaitement les deux parcs dans lesquels les victimes avaient été découvertes, ou l'équipe à laquelle on avait attribué l'affaire avait commis un certain nombre d'erreurs et oublié d'interroger des individus dont le témoignage aurait pu s'avérer capital dans l'enquête.
La journée n'apporta de nouveau à l'inspecteur. Les rapports d'autopsie étaient parfaitement détaillés, les entretiens qui avaient été faits auprès des membres du voisinage avaient été rondement bien menés et les scènes de crimes étudiées avec minutie. Mais, malheureusement pour lui, on n'avait rien trouvé, absolument rien. Pas la moindre fibre de tissu à analyser, pas le moindre cheveu à examiner, pas le moindre objet auquel se raccrocher. De plus, la confrontation entre rapport d'expertise psychologique de l'assassin et rapport médico-légal de l'autopsie ne faisait que rendre l'enquête encore plus obscure. Le premier mettait en avant l'étude des lacérations, seul point commun, mis à part les armes, entre les 2 meurtres, alors que le second expliquait clairement que ces blessures n'étaient que pure futilité et seulement destinées à brouiller les pistes. Si même les deux experts auxquels le commissaire avait fait appel n'étaient pas capables de se mettre d'accord, comment pourrait-il, lui, résoudre l'enquête ?
En sortant du commissariat à 18h, l'inspecteur se dit qu'il était, malgré tout, bien content de rentrer chez lui dans le quartier de Lambeth, de retrouver la paisible tranquillité de son petit appartement au cœur de Londres, suffisamment loin de l'endroit où il travaillait pour n'avoir rien à y craindre. C'est alors que la phrase, prononcée dans la matinée par le collègue qu'on lui avait, de force, attribué – à savoir Green –, lui revint en tête : « On a interrogé tous les gens qui habitent dans le quartier… ». On avait interrogé, certes, tous les habitants du quartier et tous les médecins, les bouchers, et autres professionnels ayant un rapport plus ou moins évident avec le corps humain, mais qu'en était-il de ceux qui, comme l'inspecteur travaillaient à Islington, mais n'y habitaient pas. Tous ces gens étaient-ils passés à travers les mailles du filet ? Il lui faudrait, dès le lendemain, vérifier l'identité des personnes interrogées et confronter la liste avec celle où étaient recensés tous les individus qui, pour le travail, fréquentaient le quartier.. « Ah, ce Green, il n'a pas deux sous d'idée, mais c'est peut-être grâce à lui qu'on va résoudre tout ça. » se dit Dover, en fermant la portière de sa voiture.
Après une nuit de sommeil agité et des recharges suffisantes en caféine pour affronter la dure journée qui l'attendait, l'inspecteur entra dans son bureau et sortit la liste des personnes ayant répondu aux questions des différents inspecteurs. L'investigation menée dans le quartier avait été exhaustive, mais incomplète. Ce qui avait trotté dans sa tête depuis hier soir et qui l'avait empêché de fermer l'œil de la nuit se confirma sous ses yeux : un bâtiment, un seul, avait échappé aux interrogatoires des policiers et c'était celui-là même qui renfermait la clef de l'enquête.
Le soleil chatouillant ses doigts de pieds, la fenêtre ouverte apportant l'air frais de la mer, le corps détendu et l'esprit léger, l'inspecteur profitait enfin de sa maison d'été. On entendait, dans la pièce d'à côté, la femme de l'inspecteur s'affairer dans la cuisine. Hormis les quelques bruits de cuisine, le silence régnait. Exeunt les bruits de klaxons, les cris des passants, les sonneries de téléphone et les portes qui claquent. Les prochaines années auraient comme musique de fond les cris des mouettes, les remous de l'océan et le souffle du vent. L'enquête qui avait failli le priver de ces instants de bonheur bien mérité avait été classée sans suite par le magistrat du parquet deux semaines auparavant. Faute d'indice, l'inspecteur n'avait pu réussir à faire coincer celui dont il connaissait l'identité : cet homme méthodique qu'il avait côtoyé pendant des années et qui avait réussi à passer, comme tant d'autres avant lui, à travers les mailles du filet.
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Habituellement, nous proposons notre traduction du sujet de version donné au CAPES ; or une tradition étant une tradition, je vous invite à le travailler et à m'envoyer ensuite vos textes, avec la précision aux lecteurs réguliers ou non du blog que cela ne doit en aucun cas être considéré comme un corrigé. Je l'ai dit et je le répète, le jury fait son barème et sa grille d'évaluation en fonction de critères souvent très différents de ceux qui sont les nôtres en traduction littéraire…
La version du CAPES – session 2010-2011
Papa me contó que el Fresador Vila había salido de Málaga en 1937. Su padre era un fotógrafo comunista que, asustado por las barbaridades que pudieran cometer las tropas africanas al entrar en la ciudad, había montado en un carro, del que él mismo iba a tirar, un par de colchones enrollados, varios atillos de ropa, una caja de hierro con su material fotográfico, y a su hijo Jesús, que apenas tendría unos cinco o seis años y que salió de Málaga con los ojos abiertos de par en par, cubierto por una especie de abrigo de astracán y una misteriosa gorra de plato demasiado grande y que podría abarcar dos cabezas como la suya. Así lo fotografió su padre frente a las playas de El Palo el día que salían de la ciudad.
Despavorido pero serio, con un cierto aire soviético. Le Petit Bolchevique.
Todavía conservamos esa foto que desde que la vi por primera vez ya era de color sepia y tenía los bordes comidos. A mí, ni entonces ni nunca después, me habló Jesús de aquel éxodo por la costa mediterránea, desde Málaga hasta Almería, su padre tirando del carro, volcado hacia delante, y su madre agarrada a una cuerda que colgaba de la parte trasera, como si de pronto se hubiera quedado ciega. (...)
Era a Papa a quien le contaba sus recuerdos difusos de entre los que sobresalían algunas imágenes nítidas, como su padre avanzaba entre una multitud cargada con las cosas más extrañas y que caminaba con las tropas republicanas, y como aquella gente se convertía en un hormiguero alocado, roto por el zapato de un niño, cuando a lo lejos se oía el zumbido de los aviones franquistas.
Despavorido pero serio, con un cierto aire soviético. Le Petit Bolchevique.
Todavía conservamos esa foto que desde que la vi por primera vez ya era de color sepia y tenía los bordes comidos. A mí, ni entonces ni nunca después, me habló Jesús de aquel éxodo por la costa mediterránea, desde Málaga hasta Almería, su padre tirando del carro, volcado hacia delante, y su madre agarrada a una cuerda que colgaba de la parte trasera, como si de pronto se hubiera quedado ciega. (...)
Era a Papa a quien le contaba sus recuerdos difusos de entre los que sobresalían algunas imágenes nítidas, como su padre avanzaba entre una multitud cargada con las cosas más extrañas y que caminaba con las tropas republicanas, y como aquella gente se convertía en un hormiguero alocado, roto por el zapato de un niño, cuando a lo lejos se oía el zumbido de los aviones franquistas.
Antonio Soler, Lausana, Mondadori, 2010
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Sonita nous propose sa traduction [QUI NE VAUT PAS POUR CORRIGÉ… ET NE PRÉJUGE EN RIEN DE LA FAçON DONT VOUS SEREZ NOTÉS PAR LE JURY] :
Papa me raconta que Fresador Vila était parti de Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités que les troupes africaines pouvaient perpétrer en entrant dans la ville, avait mis dans une voiture, qu’il allait lui-même tirer, une paire de matelas enroulés, plusieurs piles de vêtements, une boîte en fer avec son matériel photographique et son fils Jesus qui n’avait que cinq ou six ans et qui partit de Malaga avec les yeux grand ouverts, couvert d’une sorte de manteau astrakan et un mystérieux couvre-chef trop grand pour lui où on aurait pu mettre deux têtes comme la sienne. C’est dans cet accoutrement que son père le prit en photo, devant les plages d’El Palo, le jour où ils quittèrent la ville.
Épouvanté mais sérieux, avec un certain air soviétique. Le Petit Bolchévique.
Nous avons toujours cette photo qui était déjà en couleur sépia et avait les bords vieillis le jour où je la vis pour la première fois. Ni alors, ni jamais après, Jesus me parla de cet exode à travers la côte méditerranéenne, depuis Malaga jusqu’à Almería, son père tirant la voiture, penché en avant et sa mère accrochée à une corde qui pendait à l’arrière de la voiture, comme si soudain elle était devenue aveugle. (…)
C’était à Papa qu’il racontait ses souvenirs diffus parmi lesquels ressortaient quelques images précises, comme celle de son père avançant entre une multitude chargée avec les choses les plus étranges et qui marchait avec les troupes républicaines, ou alors comment ces gens-là se transformaient en une fourmilière étourdie, écrasée par la chaussure d’un enfant, quand ils entendaient au loin de bourdonnement des avions franquistes.
Papa me raconta que Fresador Vila était parti de Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités que les troupes africaines pouvaient perpétrer en entrant dans la ville, avait mis dans une voiture, qu’il allait lui-même tirer, une paire de matelas enroulés, plusieurs piles de vêtements, une boîte en fer avec son matériel photographique et son fils Jesus qui n’avait que cinq ou six ans et qui partit de Malaga avec les yeux grand ouverts, couvert d’une sorte de manteau astrakan et un mystérieux couvre-chef trop grand pour lui où on aurait pu mettre deux têtes comme la sienne. C’est dans cet accoutrement que son père le prit en photo, devant les plages d’El Palo, le jour où ils quittèrent la ville.
Épouvanté mais sérieux, avec un certain air soviétique. Le Petit Bolchévique.
Nous avons toujours cette photo qui était déjà en couleur sépia et avait les bords vieillis le jour où je la vis pour la première fois. Ni alors, ni jamais après, Jesus me parla de cet exode à travers la côte méditerranéenne, depuis Malaga jusqu’à Almería, son père tirant la voiture, penché en avant et sa mère accrochée à une corde qui pendait à l’arrière de la voiture, comme si soudain elle était devenue aveugle. (…)
C’était à Papa qu’il racontait ses souvenirs diffus parmi lesquels ressortaient quelques images précises, comme celle de son père avançant entre une multitude chargée avec les choses les plus étranges et qui marchait avec les troupes républicaines, ou alors comment ces gens-là se transformaient en une fourmilière étourdie, écrasée par la chaussure d’un enfant, quand ils entendaient au loin de bourdonnement des avions franquistes.
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Julie nous propose sa traduction :
Papa m’a raconté que Fresador Vila était parti de Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités qu’avaient pu commettre les troupes africaines en entrant dans la ville, avait mis dans une voiture, qu’il allait lui-même conduire, une paire de matelas enroulés, plusieurs balluchons de vêtements, une boîte en fer contenant son matériel photographique et son fils Jesús, qui devait avoir à peine cinq ou six ans et qui partit de Malaga les yeux grand-ouverts, couvert d’une espèce de manteau d’astrakan et d’une mystérieuse casquette officier trop grande, pouvant accueillir deux têtes comme la sienne. C’est ainsi que son père le prit en photo devant les plages d’El Palo, le jour où ils quittaient la ville. Épouvanté mais sérieux, avec un petit air soviétique. Le Petit Bolchevique. Nous avons encore cette photo qui, quand je l’ai vue pour la première fois, était déjà couleur sépia et avait les coins rognés. Jesús ne parla jamais avec moi, ni à cette époque ni après, de cet exode par la côte méditerranéenne, de Malaga à Almeria, avec son père conduisant la voiture, courbé en avant, et sa mère agrippée à une corde qui pendait de l’arrière, comme si tout à coup, elle était devenue aveugle. (…)
C’est à papa qu’il racontait ses souvenirs diffus d’entre lesquels ressortaient quelques images nettes, comme celle de son père qui avançait au milieu d’une foule chargée des objets les plus étranges et qui marchait avec les troupes républicaines, ou comme ces gens qui devenaient une fourmilière étourdie, écrasée par la chaussure d’un enfant, quand au loin, on entendait le bourdonnement des avions franquistes.
Papa m’a raconté que Fresador Vila était parti de Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités qu’avaient pu commettre les troupes africaines en entrant dans la ville, avait mis dans une voiture, qu’il allait lui-même conduire, une paire de matelas enroulés, plusieurs balluchons de vêtements, une boîte en fer contenant son matériel photographique et son fils Jesús, qui devait avoir à peine cinq ou six ans et qui partit de Malaga les yeux grand-ouverts, couvert d’une espèce de manteau d’astrakan et d’une mystérieuse casquette officier trop grande, pouvant accueillir deux têtes comme la sienne. C’est ainsi que son père le prit en photo devant les plages d’El Palo, le jour où ils quittaient la ville. Épouvanté mais sérieux, avec un petit air soviétique. Le Petit Bolchevique. Nous avons encore cette photo qui, quand je l’ai vue pour la première fois, était déjà couleur sépia et avait les coins rognés. Jesús ne parla jamais avec moi, ni à cette époque ni après, de cet exode par la côte méditerranéenne, de Malaga à Almeria, avec son père conduisant la voiture, courbé en avant, et sa mère agrippée à une corde qui pendait de l’arrière, comme si tout à coup, elle était devenue aveugle. (…)
C’est à papa qu’il racontait ses souvenirs diffus d’entre lesquels ressortaient quelques images nettes, comme celle de son père qui avançait au milieu d’une foule chargée des objets les plus étranges et qui marchait avec les troupes républicaines, ou comme ces gens qui devenaient une fourmilière étourdie, écrasée par la chaussure d’un enfant, quand au loin, on entendait le bourdonnement des avions franquistes.
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Vanessa nous propose sa traduction :
Papa me raconta que le fraiseur Vila avait quitté Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités que pouvaient commettre les troupes africaines en entrant dans la ville, avait chargé sur un chariot, qu'il allait lui-même tirer, une paire de matelas enroulés, plusieurs ballots de vêtements et une caisse en fer contenant son matériel de photographie, ainsi que son fils Jesús, âgé d'à peine cinq ou six ans, qui sortit de Malaga les yeux grands ouverts, couvert d'une sorte de manteau d'astrakan et d'un mystérieux képi trop grand pour lui, où deux têtes comme la sienne auraient pu tenir. C'est ainsi que le photographia son père, face aux plages de El Palo, le jour où il quittèrent la ville.
Terrifié, mais sérieux, avec un certain air de soviétique. Le Petit Bolchévique.
Encore aujourd'hui, nous gardons cette photo qui avait, lorsque je la vis pour la première fois, une couleur sépia, et dont les bords étaient rongés. Ni alors, ni jamais depuis, Jesús ne me parla de cet exode par la côte méditerranéenne, de Malaga à Almeria, son père tirant le charriot, courbé en avant, et sa mère agrippée à une corde qui pendait à l'arrière, comme si elle était soudainement devenu aveugle. […]
C'est à Papa qu'il racontait ses souvenirs diffus, parmi lesquels ressortaient quelques images nettes, se rappelant comment son père avançait au milieu d'une foule chargée des choses les plus étranges et qui marchait derrière les troupes républicaines, et comment ces gens-là, au son lointain du ronflement des avions franquistes, se transformaient en une fourmilière inappliquée que la chaussure d'un enfant a détruite.
***Papa me raconta que le fraiseur Vila avait quitté Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités que pouvaient commettre les troupes africaines en entrant dans la ville, avait chargé sur un chariot, qu'il allait lui-même tirer, une paire de matelas enroulés, plusieurs ballots de vêtements et une caisse en fer contenant son matériel de photographie, ainsi que son fils Jesús, âgé d'à peine cinq ou six ans, qui sortit de Malaga les yeux grands ouverts, couvert d'une sorte de manteau d'astrakan et d'un mystérieux képi trop grand pour lui, où deux têtes comme la sienne auraient pu tenir. C'est ainsi que le photographia son père, face aux plages de El Palo, le jour où il quittèrent la ville.
Terrifié, mais sérieux, avec un certain air de soviétique. Le Petit Bolchévique.
Encore aujourd'hui, nous gardons cette photo qui avait, lorsque je la vis pour la première fois, une couleur sépia, et dont les bords étaient rongés. Ni alors, ni jamais depuis, Jesús ne me parla de cet exode par la côte méditerranéenne, de Malaga à Almeria, son père tirant le charriot, courbé en avant, et sa mère agrippée à une corde qui pendait à l'arrière, comme si elle était soudainement devenu aveugle. […]
C'est à Papa qu'il racontait ses souvenirs diffus, parmi lesquels ressortaient quelques images nettes, se rappelant comment son père avançait au milieu d'une foule chargée des choses les plus étranges et qui marchait derrière les troupes républicaines, et comment ces gens-là, au son lointain du ronflement des avions franquistes, se transformaient en une fourmilière inappliquée que la chaussure d'un enfant a détruite.
Olivier nous propose sa traduction :
Papa m'a raconté que le Fraiseur Vila était sorti de Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités que pourraient commettre les troupes africaines en entrant dans la ville, avait installé dans une charrette, qu'il allait lui-même tirer, deux matelas enroulés sur eux-mêmes, plusieurs balluchons de vêtements, une boîte en fer contenant son matériel de photos, ainsi que son fils Jesús, qui avait cinq ou six ans à peine et qui sortit de la ville les yeux grand ouverts, habillé d'une espèce de manteau d'astrakan et d'un mystérieux bérêt trop grand qui aurait pu recouvrir deux têtes comme la sienne. C'est comme cela que l'a photographié son père, face aux plages de El Palo, le jour où ils sont sortis de la ville.
Épouvantés, mais sereins, avec un petit air soviétique. Le Petit Bolchévique.
Nous conservons encore cette photographie qui, la première fois où je l'ai vu, était déjà de couleur sépia et avait les côtés rognés. Ni à cette époque, ni jamais par la suite, Jésus n'a parlé avec moi de cet exode le long de la côte méditerrannéene, de Málaga à Almería, son père menant la charrette, penché vers l'avant, et sa mère accrochée à une corde attachée à l'arrière du véhicule, comme si elle était devenue soudainement aveugle.
C'était à Papa qu'il racontait ses souvenirs flous d'entre lesquels émergeaient quelques images nettes : comment son père avançait au milieu d'une foule chargée des choses les plus étranges et marchait avec les troupes républicaines ou bien comment cette multitude se transformait en une fourmillière affolée, détruite par la chaussure d'un enfant, lorsque se faisait entendre, au loin, le vrombissement des avions franquistes.
Papa m'a raconté que le Fraiseur Vila était sorti de Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités que pourraient commettre les troupes africaines en entrant dans la ville, avait installé dans une charrette, qu'il allait lui-même tirer, deux matelas enroulés sur eux-mêmes, plusieurs balluchons de vêtements, une boîte en fer contenant son matériel de photos, ainsi que son fils Jesús, qui avait cinq ou six ans à peine et qui sortit de la ville les yeux grand ouverts, habillé d'une espèce de manteau d'astrakan et d'un mystérieux bérêt trop grand qui aurait pu recouvrir deux têtes comme la sienne. C'est comme cela que l'a photographié son père, face aux plages de El Palo, le jour où ils sont sortis de la ville.
Épouvantés, mais sereins, avec un petit air soviétique. Le Petit Bolchévique.
Nous conservons encore cette photographie qui, la première fois où je l'ai vu, était déjà de couleur sépia et avait les côtés rognés. Ni à cette époque, ni jamais par la suite, Jésus n'a parlé avec moi de cet exode le long de la côte méditerrannéene, de Málaga à Almería, son père menant la charrette, penché vers l'avant, et sa mère accrochée à une corde attachée à l'arrière du véhicule, comme si elle était devenue soudainement aveugle.
C'était à Papa qu'il racontait ses souvenirs flous d'entre lesquels émergeaient quelques images nettes : comment son père avançait au milieu d'une foule chargée des choses les plus étranges et marchait avec les troupes républicaines ou bien comment cette multitude se transformait en une fourmillière affolée, détruite par la chaussure d'un enfant, lorsque se faisait entendre, au loin, le vrombissement des avions franquistes.
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Perrine nous propose sa traduction :
Papa me raconta que le Fraiseur Vila avait quitté Málaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités qu’avaient pu commettre les troupes africaines en envahissant la ville, avait installé dans une charrette qu’il allait lui-même tirer deux matelas enroulés, plusieurs balluchons de vêtements, une boîte en fer contenant son matériel photographique, et son fils Jesús, qui devait à peine avoir cinq ou six ans et qui partit de Málaga les yeux grand ouverts, recouvert d’une espèce de manteau d’astrakan et d’un mystérieux képi trop grand pour lui, qui aurait pu recouvrir deux têtes comme la sienne. C’est dans cette tenue que son père le photographia face aux plages d’El Palo le jour où ils sortaient de la ville.
Épouvanté mais sérieux, avec un certain air soviétique. Le Petit Bolchevique.
Nous conservons encore cette photo qui, lorsque je la vis pour la première fois, était déjà couleur sépia et avait les bords abîmés. À moi, ni à ce moment-là ni jamais plus tard, Jesús ne parla de cet exode qu’il entreprit le long de la côte méditerranéenne, depuis Málaga jusqu’à Almería, son père tirant la charrette, penché en avant, et sa mère accrochée à une corde qui pendait de l’arrière, comme si elle était soudain devenue aveugle. (…)
C’était à Papa qu’il relatait ses souvenirs diffus parmi lesquels ressortaient certaines images nettes, comme celle où son père avançait au milieu d’une multitude chargée des choses les plus étranges, marchant aux côtés des troupes républicaines, et comme celle où ces gens se transformaient en une fourmilière affolée, brisée par la chaussure d’un enfant, alors qu’on entendait au loin le ronflement des avions franquistes.
Papa me raconta que le Fraiseur Vila avait quitté Málaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités qu’avaient pu commettre les troupes africaines en envahissant la ville, avait installé dans une charrette qu’il allait lui-même tirer deux matelas enroulés, plusieurs balluchons de vêtements, une boîte en fer contenant son matériel photographique, et son fils Jesús, qui devait à peine avoir cinq ou six ans et qui partit de Málaga les yeux grand ouverts, recouvert d’une espèce de manteau d’astrakan et d’un mystérieux képi trop grand pour lui, qui aurait pu recouvrir deux têtes comme la sienne. C’est dans cette tenue que son père le photographia face aux plages d’El Palo le jour où ils sortaient de la ville.
Épouvanté mais sérieux, avec un certain air soviétique. Le Petit Bolchevique.
Nous conservons encore cette photo qui, lorsque je la vis pour la première fois, était déjà couleur sépia et avait les bords abîmés. À moi, ni à ce moment-là ni jamais plus tard, Jesús ne parla de cet exode qu’il entreprit le long de la côte méditerranéenne, depuis Málaga jusqu’à Almería, son père tirant la charrette, penché en avant, et sa mère accrochée à une corde qui pendait de l’arrière, comme si elle était soudain devenue aveugle. (…)
C’était à Papa qu’il relatait ses souvenirs diffus parmi lesquels ressortaient certaines images nettes, comme celle où son père avançait au milieu d’une multitude chargée des choses les plus étranges, marchant aux côtés des troupes républicaines, et comme celle où ces gens se transformaient en une fourmilière affolée, brisée par la chaussure d’un enfant, alors qu’on entendait au loin le ronflement des avions franquistes.
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Auréba nous propose sa traduction :
Papa m’a raconté que le Fresador Vila était parti de Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités qu’auraient pu commettre les troupes africaines en entrant dans la ville, avait mis dans un charriot, que lui-même allait pousser, quelques matelas enroulés, plusieurs tas de vêtements, une boîte en fer avec son matériel de photographie, et son fils Jesús, qui devait avoir à peine cinq ou six ans, et qui était parti de Malaga les yeux grand ouverts, couvert d’une espèce de manteau d’astrakan et un mystérieux képi trop grand et qui aurait pu couvrir deux têtes comme la sienne. Son père l’avait pris ainsi en photo face aux plages d’El Palo le jour où ils sortaient de la ville.
Épouvanté mais sérieux, avec un certain air soviétique. Le Petit Bolchévique.
Nous conservons toujours cette photo qui, depuis que je l’ai vue pour la première fois, était déjà couleur sépia et avait les bords rognés. À moi, Jesús ne m’avait parlé, ni à ce moment-là, ni jamais ensuite, de cet exode-là le long de la méditerranée, de Malaga jusqu’à Almeria, son père poussant le charriot, penché en avant, et sa mère, accrochée à une corde qui pendait de la partie postérieure, comme si soudain, elle était devenue aveugle.
C’est à Papa qu’il racontait ses souvenirs diffus d’entre lesquels ressortaient quelques images nettes, comme son père avançait au milieu d’une foule chargée des choses les plus étranges et qui marchait avec les troupes républicaines, et comme ces gens-là se transformait en une fourmilière affolée, défaite par la chaussure d’un enfant, quand au loin, on entendait le bourdonnement des avions franquistes.
Papa m’a raconté que le Fresador Vila était parti de Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités qu’auraient pu commettre les troupes africaines en entrant dans la ville, avait mis dans un charriot, que lui-même allait pousser, quelques matelas enroulés, plusieurs tas de vêtements, une boîte en fer avec son matériel de photographie, et son fils Jesús, qui devait avoir à peine cinq ou six ans, et qui était parti de Malaga les yeux grand ouverts, couvert d’une espèce de manteau d’astrakan et un mystérieux képi trop grand et qui aurait pu couvrir deux têtes comme la sienne. Son père l’avait pris ainsi en photo face aux plages d’El Palo le jour où ils sortaient de la ville.
Épouvanté mais sérieux, avec un certain air soviétique. Le Petit Bolchévique.
Nous conservons toujours cette photo qui, depuis que je l’ai vue pour la première fois, était déjà couleur sépia et avait les bords rognés. À moi, Jesús ne m’avait parlé, ni à ce moment-là, ni jamais ensuite, de cet exode-là le long de la méditerranée, de Malaga jusqu’à Almeria, son père poussant le charriot, penché en avant, et sa mère, accrochée à une corde qui pendait de la partie postérieure, comme si soudain, elle était devenue aveugle.
C’est à Papa qu’il racontait ses souvenirs diffus d’entre lesquels ressortaient quelques images nettes, comme son père avançait au milieu d’une foule chargée des choses les plus étranges et qui marchait avec les troupes républicaines, et comme ces gens-là se transformait en une fourmilière affolée, défaite par la chaussure d’un enfant, quand au loin, on entendait le bourdonnement des avions franquistes.
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Stéphanie nous propose sa traduction :
Papa me raconta que Vila, le fraiseur, avait quitté Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les actes de barbarie qu'avaient pu commettre les troupes africaines en entrant dans la ville, avait chargé dans une charrette, qu'il allait lui-même tirer, quelques matelas enroulés, plusieurs sacs de vêtements, une boîte en fer contenant son matériel de photographie, ainsi que son fils Jesús qui devait avoir à peine cinq ou six ans et qui partit de Malaga, les yeux grand ouverts, enveloppé dans une espèce de manteau d'astrakan et coiffé d'une mystérieuse casquette d'officier trop grande pour lui qui pouvait contenir deux têtes comme la sienne. C'est dans cet accoutrement que l'avait photographié son père, face aux plages d'El Palo, le jour où ils abandonnaient la ville.
Épouvanté mais sérieux, avec un léger air soviétique. Le Petit Bolchévique.
Nous conservons encore cette photo qui, depuis que je l'avais regardée pour la première fois, avait cette couleur sepia et les bords abîmés. Ni à ce moment, ni jamais par la suite, Jesús ne me parla de cet exode par la côte méditerranéenne, de Malaga à Almeria, son père, tirant la charrette, courbé en avant et sa mère accrochée à une corde qui était reliée à la partie arrière, comme si, tout à coup, elle était devenue aveugle.
C'était à Papa qu'il racontait ses souvenirs diffus parmi lesquels ressortaient quelques images nettes : la façon dont son père avançait au milieu d'une foule qui portait les objets les plus étranges et qui marchait aux côtés des troupes républicaines ou encore la façon dont ces gens se transformaient en une fourmilière étourdie, éclatée par la chaussure d'un enfant, alors qu'au loin, on entendait le vrombissement des avions franquistes.
Papa me raconta que Vila, le fraiseur, avait quitté Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les actes de barbarie qu'avaient pu commettre les troupes africaines en entrant dans la ville, avait chargé dans une charrette, qu'il allait lui-même tirer, quelques matelas enroulés, plusieurs sacs de vêtements, une boîte en fer contenant son matériel de photographie, ainsi que son fils Jesús qui devait avoir à peine cinq ou six ans et qui partit de Malaga, les yeux grand ouverts, enveloppé dans une espèce de manteau d'astrakan et coiffé d'une mystérieuse casquette d'officier trop grande pour lui qui pouvait contenir deux têtes comme la sienne. C'est dans cet accoutrement que l'avait photographié son père, face aux plages d'El Palo, le jour où ils abandonnaient la ville.
Épouvanté mais sérieux, avec un léger air soviétique. Le Petit Bolchévique.
Nous conservons encore cette photo qui, depuis que je l'avais regardée pour la première fois, avait cette couleur sepia et les bords abîmés. Ni à ce moment, ni jamais par la suite, Jesús ne me parla de cet exode par la côte méditerranéenne, de Malaga à Almeria, son père, tirant la charrette, courbé en avant et sa mère accrochée à une corde qui était reliée à la partie arrière, comme si, tout à coup, elle était devenue aveugle.
C'était à Papa qu'il racontait ses souvenirs diffus parmi lesquels ressortaient quelques images nettes : la façon dont son père avançait au milieu d'une foule qui portait les objets les plus étranges et qui marchait aux côtés des troupes républicaines ou encore la façon dont ces gens se transformaient en une fourmilière étourdie, éclatée par la chaussure d'un enfant, alors qu'au loin, on entendait le vrombissement des avions franquistes.
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Alexis nous propose sa traduction :
Papa me raconta que le Fraiseur Vila avait quitté Málaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités que pouvaient commettre les troupes africaines à leur entrée dans la ville, avait mis dans une voiture, que lui-même allait tirer, une pair de matelas enroulés, plusieurs balluchons de vêtements, une caisse en fer avec son matériel photographique, et son fils Jesús, qui devait avoir tout juste cinq ou six ans et qui quitta Málaga les yeux grand ouverts, couvert d’une espèce de manteau d’astrakan et une mystérieuse casquette trop grande qui aurait bien pu contenir deux têtes comme la sienne. C’était ainsi vêtu que l’avait photographié son père, devant les plages de El Palo, le jour où ils quittèrent la ville. Epouvanté mais sérieux, avec un certain air soviétique. Le Petit Bolchevique. Nous conservons toujours cette photo qui, la première fois que je la vis, était déjà de couleur sépia et avait les contours écornés. Ni à cette époque ni même jamais après, Jesús ne me parla de cet exode sur la côte méditerranéenne, de Málaga jusqu’à Almería, son père tirant la voiture, penché en avant, et sa mère accrochée à une corde nouée à la partie arrière du véhicule, comme si d’un coup elle était devenue aveugle. (…) C’était à Papa qu’il racontait ses souvenirs diffus parmi lesquels ressortaient quelques images nettes, comme son père qui avançait au milieu d’une foule chargée des choses les plus étranges et marchant avec les troupes républicaines, et comment cet amassement de gens se transformait en une fourmilière affolée, détruite par la chaussure d’un enfant, quand, au loin, retentissait le vrombissement des avions franquistes.
Papa me raconta que le Fraiseur Vila avait quitté Málaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les atrocités que pouvaient commettre les troupes africaines à leur entrée dans la ville, avait mis dans une voiture, que lui-même allait tirer, une pair de matelas enroulés, plusieurs balluchons de vêtements, une caisse en fer avec son matériel photographique, et son fils Jesús, qui devait avoir tout juste cinq ou six ans et qui quitta Málaga les yeux grand ouverts, couvert d’une espèce de manteau d’astrakan et une mystérieuse casquette trop grande qui aurait bien pu contenir deux têtes comme la sienne. C’était ainsi vêtu que l’avait photographié son père, devant les plages de El Palo, le jour où ils quittèrent la ville. Epouvanté mais sérieux, avec un certain air soviétique. Le Petit Bolchevique. Nous conservons toujours cette photo qui, la première fois que je la vis, était déjà de couleur sépia et avait les contours écornés. Ni à cette époque ni même jamais après, Jesús ne me parla de cet exode sur la côte méditerranéenne, de Málaga jusqu’à Almería, son père tirant la voiture, penché en avant, et sa mère accrochée à une corde nouée à la partie arrière du véhicule, comme si d’un coup elle était devenue aveugle. (…) C’était à Papa qu’il racontait ses souvenirs diffus parmi lesquels ressortaient quelques images nettes, comme son père qui avançait au milieu d’une foule chargée des choses les plus étranges et marchant avec les troupes républicaines, et comment cet amassement de gens se transformait en une fourmilière affolée, détruite par la chaussure d’un enfant, quand, au loin, retentissait le vrombissement des avions franquistes.
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Laëtitia Sw nous propose sa traduction :
Papa m’a raconté que Fresador Vila avait quitté Málaga en 1937. Son père était un photographe communiste lequel, redoutant les barbaries susceptibles d’êtres commises par les troupes africaines lors de leur entrée dans la ville, avait chargé sur une charrette, qu’il tirerait lui-même, deux matelas enroulés, plusieurs paquetages de linge, une caisse en fer contenant son matériel photographique, et son fils Jesús. Ce dernier, qui devait avoir cinq ou six ans à peine, était parti de Málaga, les yeux grand ouverts, vêtu d’une sorte de manteau en astrakan et coiffé d’une mystérieuse casquette à visière trop grande, assez large pour abriter deux têtes comme la sienne. C’est ainsi que son père l’avait photographié, face aux plages d’El Palo le jour de leur départ de la ville.
L’air effrayé mais grave, vaguement soviétique. Le Petit Bolchevique (1).
Nous possédons toujours cette photo qui, la première fois que je l’ai vue, avait déjà une couleur sépia et les bords rongés. Ni alors, ni jamais par la suite, Jesús ne m’a parlé de cet exode le long de la côte méditerranéenne, de Málaga à Almería, son père tirant la charrette, courbé vers l’avant, tandis que sa mère était agrippée à une corde qui pendait à l’arrière, comme si elle avait soudain été frappée de cécité. (...)
C’était à Papa qu’il racontait ses souvenirs diffus dont émergeaient des images nettes, comme celle de son père avançant au milieu d’une foule de choses les plus étranges, au côté des troupes républicaines, ou comme celle de ces gens qui se transformaient en une fourmilière affolée, écrasée par la chaussure d’un enfant, dès que l’on entendait au loin le vrombissement des avions franquistes.
(1) En français dans le texte.
Papa m’a raconté que Fresador Vila avait quitté Málaga en 1937. Son père était un photographe communiste lequel, redoutant les barbaries susceptibles d’êtres commises par les troupes africaines lors de leur entrée dans la ville, avait chargé sur une charrette, qu’il tirerait lui-même, deux matelas enroulés, plusieurs paquetages de linge, une caisse en fer contenant son matériel photographique, et son fils Jesús. Ce dernier, qui devait avoir cinq ou six ans à peine, était parti de Málaga, les yeux grand ouverts, vêtu d’une sorte de manteau en astrakan et coiffé d’une mystérieuse casquette à visière trop grande, assez large pour abriter deux têtes comme la sienne. C’est ainsi que son père l’avait photographié, face aux plages d’El Palo le jour de leur départ de la ville.
L’air effrayé mais grave, vaguement soviétique. Le Petit Bolchevique (1).
Nous possédons toujours cette photo qui, la première fois que je l’ai vue, avait déjà une couleur sépia et les bords rongés. Ni alors, ni jamais par la suite, Jesús ne m’a parlé de cet exode le long de la côte méditerranéenne, de Málaga à Almería, son père tirant la charrette, courbé vers l’avant, tandis que sa mère était agrippée à une corde qui pendait à l’arrière, comme si elle avait soudain été frappée de cécité. (...)
C’était à Papa qu’il racontait ses souvenirs diffus dont émergeaient des images nettes, comme celle de son père avançant au milieu d’une foule de choses les plus étranges, au côté des troupes républicaines, ou comme celle de ces gens qui se transformaient en une fourmilière affolée, écrasée par la chaussure d’un enfant, dès que l’on entendait au loin le vrombissement des avions franquistes.
(1) En français dans le texte.
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Mélissa nous propose sa traduction :
Papa m’a raconté que le Fraiseur Vila avait quitté Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les barbaries que les troupes africaines pouvaient commettre en entrant dans la ville, était monté dans une voiture, celle qu’il allait lui-même conduire, une paire de matelas enroulés, plusieurs balluchons de vêtements, une cage en fer contenant son matériel de photographie, et son fils Jesús, qui avait cinq ou six ans à peine et qui quitta Malaga avec les yeux grand ouverts, couvert par une sorte de manteau d’astrakan et une mystérieuse casquette de police trop grande et qui pouvait abriter deux têtes identiques à la sienne. Ainsi, son père l’a photographié face aux plages de El Palo le jour où ils ont quitté la ville.
Epouvanté mais sérieux, avec un petit air soviétique. Le Petit Bolchévique.
Nous avons encore cette photographie qui était déjà en sépia et avait ses bords rongés quand je l’ai vu pour la première fois. Jesús ne m’a jamais parlé, ni à ce moment là, ni jamais depuis, de cet exode par la côte méditerranéenne, depuis Malaga jusqu’à Almería, son père le tirant de la voiture, penché vers l’avant, et sa mère accroché à une corde qui pendait de l’arrière, comme si tout à coup elle était devenue aveugle. (…)
C’était à Papa qu’il avait raconté ses souvenirs diffus parmi lesquels se distinguaient quelques images nettes, comme celle de son père qui avançait entre une foule chargée des choses les plus étranges et qui marchait aux côtés des troupes républicaines, et comme ces gens qui se convertissaient en une fourmilière étourdie, écrasé par la chaussure d’un enfant, quand on entendait au loin le bourdonnement des avions franquistes.
Papa m’a raconté que le Fraiseur Vila avait quitté Malaga en 1937. Son père était un photographe communiste qui, effrayé par les barbaries que les troupes africaines pouvaient commettre en entrant dans la ville, était monté dans une voiture, celle qu’il allait lui-même conduire, une paire de matelas enroulés, plusieurs balluchons de vêtements, une cage en fer contenant son matériel de photographie, et son fils Jesús, qui avait cinq ou six ans à peine et qui quitta Malaga avec les yeux grand ouverts, couvert par une sorte de manteau d’astrakan et une mystérieuse casquette de police trop grande et qui pouvait abriter deux têtes identiques à la sienne. Ainsi, son père l’a photographié face aux plages de El Palo le jour où ils ont quitté la ville.
Epouvanté mais sérieux, avec un petit air soviétique. Le Petit Bolchévique.
Nous avons encore cette photographie qui était déjà en sépia et avait ses bords rongés quand je l’ai vu pour la première fois. Jesús ne m’a jamais parlé, ni à ce moment là, ni jamais depuis, de cet exode par la côte méditerranéenne, depuis Malaga jusqu’à Almería, son père le tirant de la voiture, penché vers l’avant, et sa mère accroché à une corde qui pendait de l’arrière, comme si tout à coup elle était devenue aveugle. (…)
C’était à Papa qu’il avait raconté ses souvenirs diffus parmi lesquels se distinguaient quelques images nettes, comme celle de son père qui avançait entre une foule chargée des choses les plus étranges et qui marchait aux côtés des troupes républicaines, et comme ces gens qui se convertissaient en une fourmilière étourdie, écrasé par la chaussure d’un enfant, quand on entendait au loin le bourdonnement des avions franquistes.
Le thème du CAPES – session 2010-2011
La légende prétend qu'on peut observer tous les quartiers depuis les fenêtres du Palais : aucune pièce, aucun escalier, aucune rue n'échappe à la surveillance. Depuis des siècles, faute de conviction, les souverains n'ont guère utilisé ce pouvoir. Pourquoi ne pas essayer ? Vérifions la légende, scrutons la vie d'un citoyen ordinaire et voyons ce qu'il dissimule.
Quittons l'Hôtel de ville, traversons le pont Central et dirigeons-nous vers l'est. Öster est un quartier plutôt agréable, sans histoires, il agrège des maisons de bon standing dont les façades jaunes, parfois ocre, ont une étonnante capacité à capter et, surtout, à conserver les rayons du soleil. (...) L'immeuble qui nous intéresse, bâtiment dont la pierre nécessiterait un bon ravalement, est situé dans une petite impasse, juste en face d'une école élémentaire. On doit entendre durant la journée les piaillements des élèves qui jouent dans la cour de récréation, le rebond des ballons, la sonnerie ponctuant les cours, mais à cette heure tardive, tous les enfants sont à la maison, la rue Niswagën est silencieuse. Numéro 28, septième et dernier étage. Une porte en bois. Pénétrons. pièces obscures, craquements sur le parquet... À ce stade de l'expédition, il faut livrer une information capitale : le propriétaire est absent. Son nom ? Approchons-nous d'une table. Sa surface lisse, brillante, est éclairée par un réverbère dont les lueurs orangées filtrent par la fenêtre du séjour.
Au premier plan, un cendrier saturé de mégots. Un peu plus loin, sur un amas de partitions jaunies, de magazines aux couvertures froissées, déchirées, de piles CD vacillantes affrontant vainement les lois de l'équilibre, un portefeuille contenant un permis de conduire.
Quittons l'Hôtel de ville, traversons le pont Central et dirigeons-nous vers l'est. Öster est un quartier plutôt agréable, sans histoires, il agrège des maisons de bon standing dont les façades jaunes, parfois ocre, ont une étonnante capacité à capter et, surtout, à conserver les rayons du soleil. (...) L'immeuble qui nous intéresse, bâtiment dont la pierre nécessiterait un bon ravalement, est situé dans une petite impasse, juste en face d'une école élémentaire. On doit entendre durant la journée les piaillements des élèves qui jouent dans la cour de récréation, le rebond des ballons, la sonnerie ponctuant les cours, mais à cette heure tardive, tous les enfants sont à la maison, la rue Niswagën est silencieuse. Numéro 28, septième et dernier étage. Une porte en bois. Pénétrons. pièces obscures, craquements sur le parquet... À ce stade de l'expédition, il faut livrer une information capitale : le propriétaire est absent. Son nom ? Approchons-nous d'une table. Sa surface lisse, brillante, est éclairée par un réverbère dont les lueurs orangées filtrent par la fenêtre du séjour.
Au premier plan, un cendrier saturé de mégots. Un peu plus loin, sur un amas de partitions jaunies, de magazines aux couvertures froissées, déchirées, de piles CD vacillantes affrontant vainement les lois de l'équilibre, un portefeuille contenant un permis de conduire.
Nord absolu, Fabrice Lardreau, Editions Belfond, 2009
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Sonita nous propose sa traduction [QUI NE VAUT PAS POUR CORRIGÉ… ET NE PRÉJUGE EN RIEN DE LA FAçON DONT VOUS SEREZ NOTÉS PAR LE JURY] :
Cuenta la leyenda que se pueden ver todos los barrios desde las ventanas del Palais: ninguna habitación, ninguna escalera, ninguna calle escapa a la vigilancia. Desde hace siglos, por falta de convicción, los soberanos casi nunca han utilizado ese poder. ¿Por qué no intentarlo? Verifiquemos la leyenda, escrutemos la vida de un ciudadano cualquiera y veamos lo que disimula.
Dejemos el Hôtel de Ville, crucemos el Pont Central y dirijámonos hacia el este. Öster es un barrio más bien agradable, sin historias que combina casas de buen nivel de vida, cuyas fachadas amarillas, a veces ocre, tienen una sorprendente capacidad para captar y, sobretodo, para conservar los rayos del sol. (…) El inmueble que nos interesa, edificio cuya piedra necesitaría un buen revoque, está situado en un pequeño callejón sin salida, mero en frente de una escuela elemental. Uno seguramente escucha, durante el día, el chillido de los alumnos que juegan en el patio de recreo, el rebote de las pelotas, el timbre puntuando las clases, pero a esta hora avanzada los niños están en sus casas, la calle Niswagën está silenciosa. Número 28, séptimo y último piso. Una puerta de madera. Penetremos. Habitaciones oscuras, el parquet cruje… a este momento de la expedición hay que entregar una información crucial: el propietario no se encuentra. ¿Su nombre? Acerquémonos a una mesa. Su superficie lisa, brillante está alumbrada por una farola cuyo resplandor anaranjado filtra a través de la ventana del salón.
En el primer plano, un cenicero saturado de colillas. Un poco más lejos, encima de un montón de partituras amarilladas, unas revistas cuyas portadas están plegadas, rotas, unas pilas de discos vacilantes enfrentando en vano las leyes del equilibrio, una cartera con una licencia de manejo.
Cuenta la leyenda que se pueden ver todos los barrios desde las ventanas del Palais: ninguna habitación, ninguna escalera, ninguna calle escapa a la vigilancia. Desde hace siglos, por falta de convicción, los soberanos casi nunca han utilizado ese poder. ¿Por qué no intentarlo? Verifiquemos la leyenda, escrutemos la vida de un ciudadano cualquiera y veamos lo que disimula.
Dejemos el Hôtel de Ville, crucemos el Pont Central y dirijámonos hacia el este. Öster es un barrio más bien agradable, sin historias que combina casas de buen nivel de vida, cuyas fachadas amarillas, a veces ocre, tienen una sorprendente capacidad para captar y, sobretodo, para conservar los rayos del sol. (…) El inmueble que nos interesa, edificio cuya piedra necesitaría un buen revoque, está situado en un pequeño callejón sin salida, mero en frente de una escuela elemental. Uno seguramente escucha, durante el día, el chillido de los alumnos que juegan en el patio de recreo, el rebote de las pelotas, el timbre puntuando las clases, pero a esta hora avanzada los niños están en sus casas, la calle Niswagën está silenciosa. Número 28, séptimo y último piso. Una puerta de madera. Penetremos. Habitaciones oscuras, el parquet cruje… a este momento de la expedición hay que entregar una información crucial: el propietario no se encuentra. ¿Su nombre? Acerquémonos a una mesa. Su superficie lisa, brillante está alumbrada por una farola cuyo resplandor anaranjado filtra a través de la ventana del salón.
En el primer plano, un cenicero saturado de colillas. Un poco más lejos, encima de un montón de partituras amarilladas, unas revistas cuyas portadas están plegadas, rotas, unas pilas de discos vacilantes enfrentando en vano las leyes del equilibrio, una cartera con una licencia de manejo.
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Brigitte nous propose sa traduction :
Cuenta la leyenda que se pueden observar todos los barrios desde las ventanas del Palacio : ninguna habitación, ninguna escalera, ninguna calle que escape de la vigilancia. Desde hace siglos, por falta de convicción, los soberanos poco hicieron uso de este poder.
¿ Por qué no intentarlo ? Comprobemos la leyenda, escudriñemos la vida de un ciudadano cualquiera y veamos lo que oculta.
Dejemos el Ayuntamiento, crucemos el Puente Central y dirijámonos hacia el este. Oster es un barrio bastante agradable, sin problemas, reúne edificios con buen nivel de vida cuyas fachadas amarillas, a veces ocre, tienen una capacidad asombrosa para captar y, sobre todo, conservar los rayos del sol. (…) La finca que nos interesa, edificio cuya piedra necesitaría un buen renovado, está ubicada en un callejón sin salida, justo en frente de una escuela primaria. Se oirá a lo largo del día el griterío de los colegiales que están jugando en el patio de recreo, el rebote de las pelotas, el timbre que marca las horas de clases, pero a esta hora tardía, están todos los niños en casa, la calle Niswagen resulta silenciosa. Número 28, séptima y última planta. Una puerta de madera. Pasemos. Habitaciones oscuras, crujidos en la tarima. En esta étapa de la expedición, es preciso entregar una información capital : el propietario no está. ¿ Apellido ? Acerquémonos a una mesa. Su superficie lisa, brillante, es iluminada por una farola cuyas luces anaranjadas se filtran por la ventana del salón.
En el primer término, un cenicero rebosante de colillas. Un poco más allá, sobre un amontonamiento de partituras amarillentas, de revistas con las portadas arrugadas, rotas, de pilas de cedes vacilantes que desafían en vano las leyes del equilibrio, una cartera que contiene un carnet de conducir.
Cuenta la leyenda que se pueden observar todos los barrios desde las ventanas del Palacio : ninguna habitación, ninguna escalera, ninguna calle que escape de la vigilancia. Desde hace siglos, por falta de convicción, los soberanos poco hicieron uso de este poder.
¿ Por qué no intentarlo ? Comprobemos la leyenda, escudriñemos la vida de un ciudadano cualquiera y veamos lo que oculta.
Dejemos el Ayuntamiento, crucemos el Puente Central y dirijámonos hacia el este. Oster es un barrio bastante agradable, sin problemas, reúne edificios con buen nivel de vida cuyas fachadas amarillas, a veces ocre, tienen una capacidad asombrosa para captar y, sobre todo, conservar los rayos del sol. (…) La finca que nos interesa, edificio cuya piedra necesitaría un buen renovado, está ubicada en un callejón sin salida, justo en frente de una escuela primaria. Se oirá a lo largo del día el griterío de los colegiales que están jugando en el patio de recreo, el rebote de las pelotas, el timbre que marca las horas de clases, pero a esta hora tardía, están todos los niños en casa, la calle Niswagen resulta silenciosa. Número 28, séptima y última planta. Una puerta de madera. Pasemos. Habitaciones oscuras, crujidos en la tarima. En esta étapa de la expedición, es preciso entregar una información capital : el propietario no está. ¿ Apellido ? Acerquémonos a una mesa. Su superficie lisa, brillante, es iluminada por una farola cuyas luces anaranjadas se filtran por la ventana del salón.
En el primer término, un cenicero rebosante de colillas. Un poco más allá, sobre un amontonamiento de partituras amarillentas, de revistas con las portadas arrugadas, rotas, de pilas de cedes vacilantes que desafían en vano las leyes del equilibrio, una cartera que contiene un carnet de conducir.
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Laëtitia Sw nous propose sa traduction :
La leyenda pretende que se pueden observar todos los barrios desde las ventanas del Palacio : ninguna habitación, ninguna escalera, ninguna calle escapa a la vigilancia. Desde siglos, por falta de convicción, los soberanos casi no han usado este poder. ¿ Por qué no intentarlo ? Comprobemos la leyenda, escudriñemos la vida de un ciudadano ordinario y veamos lo que él disimula.
Dejemos el Ayuntamiento, cruzemos el puente Central y dirijámonos hacia el este. Öster es un barrio más bien agradable, tranquilo, agrega casas de buena categoría cuyas fachadas amarillas, a veces ocre, tienen una sorprendente capacidad para captar y, sobretodo, conservar los rayos del sol. (...) El inmueble que nos interesa, un edificio cuya piedra necesitaría un buen revoque, está situado en un callejón sin salida, precisamente frente a una escuela primaria. Se deben oír durante la jornada los chillidos de los alumnos jugando en el patio de recreo, el rebote de los balones, el timbre que marca los cursos, pero en esta hora tardía, todos los niños están en casa, la calle Niswagën está callada. Número 28, séptima y última planta. Una puerta de madera. Entremos. Habitaciones oscuras, crujidos del entarimado... En este momento de la expedición, cabe entregar una información capital : el propietario está ausente. ¿ Su apellido ? Acerquémonos a una mesa. Su superficie lisa, brillante, está iluminada por un farol cuyos fulgores anaranjados se filtran por la ventana del cuarto de estar.
En el primer término, un cenicero rebosado de colillas. Un poco más lejos, sobre un montón de partituras amarillentas, de revistas con portadas arrugadas, rasgadas, de pilas de CD vacilantes enfrentándose vanamente con las leyes del equilibrio, una cartera conteniendo un permiso de conducción.
La leyenda pretende que se pueden observar todos los barrios desde las ventanas del Palacio : ninguna habitación, ninguna escalera, ninguna calle escapa a la vigilancia. Desde siglos, por falta de convicción, los soberanos casi no han usado este poder. ¿ Por qué no intentarlo ? Comprobemos la leyenda, escudriñemos la vida de un ciudadano ordinario y veamos lo que él disimula.
Dejemos el Ayuntamiento, cruzemos el puente Central y dirijámonos hacia el este. Öster es un barrio más bien agradable, tranquilo, agrega casas de buena categoría cuyas fachadas amarillas, a veces ocre, tienen una sorprendente capacidad para captar y, sobretodo, conservar los rayos del sol. (...) El inmueble que nos interesa, un edificio cuya piedra necesitaría un buen revoque, está situado en un callejón sin salida, precisamente frente a una escuela primaria. Se deben oír durante la jornada los chillidos de los alumnos jugando en el patio de recreo, el rebote de los balones, el timbre que marca los cursos, pero en esta hora tardía, todos los niños están en casa, la calle Niswagën está callada. Número 28, séptima y última planta. Una puerta de madera. Entremos. Habitaciones oscuras, crujidos del entarimado... En este momento de la expedición, cabe entregar una información capital : el propietario está ausente. ¿ Su apellido ? Acerquémonos a una mesa. Su superficie lisa, brillante, está iluminada por un farol cuyos fulgores anaranjados se filtran por la ventana del cuarto de estar.
En el primer término, un cenicero rebosado de colillas. Un poco más lejos, sobre un montón de partituras amarillentas, de revistas con portadas arrugadas, rasgadas, de pilas de CD vacilantes enfrentándose vanamente con las leyes del equilibrio, una cartera conteniendo un permiso de conducción.
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Elena nous propose sa traduction :
Cuenta la leyenda que se pueden observar todos los barrios a través de las ventanas del Palacio : ninguna habitación, ninguna escalera, ninguna calle escapa a la vigilancia. Desde hace siglos, por falta de convicción, los soberanos casi no han utilizado ese poder. ¿Por qué no intentarlo? Verifiquemos la leyenda, escudriñemos la vida de un ciudadano común y veamos lo que esconde. Salgamos del Ayuntamiento, atravesemos el puente Central y dirijámonos hacia el este. Öster es un barrio más bien agradable, sin problemas, aglomera casas de buen standing, cuyas fachadas amarillas, a veces ocres, tienen la extraña capacidad de captar y, sobre todo, de conservar los rayos del sol. […] El edificio que nos interesa, edificio cuya piedra necesitaría una buena mejora, está situado en una callejón sin salida, justo en frente de una escuela primaria. Se deben escuchar durante el día el griterío de los alumnos que juegan en el patio de recreo, el rebote de los balones, el timbre anunciando las clases, pero a esta hora tardía, todos los niños están en sus casas, la calle Niswagën está silenciosa. Número 28, séptimo y último piso. Una puerta de madera. Entremos. Habitaciones oscuras, crujidos del parquet… A esta altura de la expedición hay que dar una información capital : el propietario está ausente. ¿Su nombre? Acerquémonos a una mesa. Su superficie lisa, brillante, está iluminada por una farola cuyos resplandores anaranjados se cuelan por la ventana del cuarto. En primer plano, un cenicero saturado de colillas. Un poco más lejos, sobre un montón de partituras amarillentas, de revistas con la cubiertas arrugadas, de pilas de CD vacilantes afrontando en vano a las leyes del equilibrio, una cartera conteniendo un carnet de conducir.
- standing : trouvé dans Maria Moliner
Cuenta la leyenda que se pueden observar todos los barrios a través de las ventanas del Palacio : ninguna habitación, ninguna escalera, ninguna calle escapa a la vigilancia. Desde hace siglos, por falta de convicción, los soberanos casi no han utilizado ese poder. ¿Por qué no intentarlo? Verifiquemos la leyenda, escudriñemos la vida de un ciudadano común y veamos lo que esconde. Salgamos del Ayuntamiento, atravesemos el puente Central y dirijámonos hacia el este. Öster es un barrio más bien agradable, sin problemas, aglomera casas de buen standing, cuyas fachadas amarillas, a veces ocres, tienen la extraña capacidad de captar y, sobre todo, de conservar los rayos del sol. […] El edificio que nos interesa, edificio cuya piedra necesitaría una buena mejora, está situado en una callejón sin salida, justo en frente de una escuela primaria. Se deben escuchar durante el día el griterío de los alumnos que juegan en el patio de recreo, el rebote de los balones, el timbre anunciando las clases, pero a esta hora tardía, todos los niños están en sus casas, la calle Niswagën está silenciosa. Número 28, séptimo y último piso. Una puerta de madera. Entremos. Habitaciones oscuras, crujidos del parquet… A esta altura de la expedición hay que dar una información capital : el propietario está ausente. ¿Su nombre? Acerquémonos a una mesa. Su superficie lisa, brillante, está iluminada por una farola cuyos resplandores anaranjados se cuelan por la ventana del cuarto. En primer plano, un cenicero saturado de colillas. Un poco más lejos, sobre un montón de partituras amarillentas, de revistas con la cubiertas arrugadas, de pilas de CD vacilantes afrontando en vano a las leyes del equilibrio, una cartera conteniendo un carnet de conducir.
- standing : trouvé dans Maria Moliner
Exercice d'écriture : « Il n'a pas deux sous d'idée », par Vanessa Canavesi
En photo : Monsieur Chat (close up) -...
par TRUE 2 DEATH
par TRUE 2 DEATH
Registre de main courante / Déclaration nº 599 datée du 8 novembre 1997 à 12:04
« Madame Châtillon Ghislaine, célibataire sans enfant, propriétaire de sa résidence principale sise rue de La Fayette, déclare avoir relevé la présence d'un individu suspect au sein de son domicile, le vendredi 7 novembre – tu notes, ou quoi ? – je reprends : le vendredi 7 novembre au cours de la soirée, c'est-à-dire dans la nuit du vendredi au samedi – c'est exactement ça, hein ma p'tite dame ? – lorsqu'elle-même se trouvait à son domicile, entre les divers moments où elle était sortie promener son animal de compagnie, un chat incontinent de 19 ans, c'est-à-dire dans une période s'étalant de 19h30 à 02h30 le lendemain. Ledit individu mesurerait un mètre 75 environ, serait affublé de chaussures noires vernies et est d'autre part suspecté d'avoir porté ce soir-là des vêtements sombres, “selon les dires de la plaignante” – ouais, mets ça, Joseph, c'est bien, ça.
Après avoir emprunté les trois marches de l'escalier de l'entrée et après s'être introduit de toute évidence par la porte principale restée ouverte, le malfaiteur a pénétré sans effraction dans l'habitation. C'est au moment où il tentait de dérober les couteaux de cuisine présents sur le plan de travail que la propriétaire des lieux a aperçu le cambrioleur depuis le fauteuil à bascule de son salon ; événement qui, pour la victime, a été ressenti comme une attaque personnelle stricto sensu. Néanmoins l'auteur du larcin, dérangé par les miaulements du chat susnommé, a mis court à son projet et a pris soin de quitter la pièce sans emporter son butin. Il est fort utile de préciser que la plaignante a émis le souhait que les services de police compétents informent par quelque moyen que ce soit l'individu en question de l'interdiction formelle qui lui est adressée de se trouver à moins de 250 mètres des lieux de l'agression, – c'est pas beau ça, ma p'tite dame ? – mais qu'aucune plainte n'a été formulée de facto devant l'absence visible de preuves tangibles. »
Un rapport brillant comme celui-là... Conçu avec flair et parcimonie, et qui fait quand même son petit effet, il faut avouer... C'est que c'est presque les Beaux-arts, Madame, de la grande littérature, qu'on me demande là. Ah, et puis c'est pas çui-ci qui m'aiderait à faire dans le Shakespeare, hein ! Il a pas deux sous d'idée, ça pour sûr ! Tiens Joseph, tu écris là, tu complètes après ça :
« En qualité d'assistant stagiaire assujetti au commissaire de police et assigné au registre des mains courantes et des plaintes, j'atteste avoir reçu et consigné les faits déclarés par le particulier Mme / M. (barrer la mention inutile) Châtillon Ghislaine, le 8 novembre 1997 à Paris, 9e arrondissement.
Nota bene : Si la déclaration ci-dessus mentionne un ou plusieurs témoins outre le plaignant, le dépôt de main courante sera reproduit in extenso par procès-verbal du brigadier de gendarmerie pour les renseignements judiciaires. » Impeccable !
« Madame Châtillon Ghislaine, célibataire sans enfant, propriétaire de sa résidence principale sise rue de La Fayette, déclare avoir relevé la présence d'un individu suspect au sein de son domicile, le vendredi 7 novembre – tu notes, ou quoi ? – je reprends : le vendredi 7 novembre au cours de la soirée, c'est-à-dire dans la nuit du vendredi au samedi – c'est exactement ça, hein ma p'tite dame ? – lorsqu'elle-même se trouvait à son domicile, entre les divers moments où elle était sortie promener son animal de compagnie, un chat incontinent de 19 ans, c'est-à-dire dans une période s'étalant de 19h30 à 02h30 le lendemain. Ledit individu mesurerait un mètre 75 environ, serait affublé de chaussures noires vernies et est d'autre part suspecté d'avoir porté ce soir-là des vêtements sombres, “selon les dires de la plaignante” – ouais, mets ça, Joseph, c'est bien, ça.
Après avoir emprunté les trois marches de l'escalier de l'entrée et après s'être introduit de toute évidence par la porte principale restée ouverte, le malfaiteur a pénétré sans effraction dans l'habitation. C'est au moment où il tentait de dérober les couteaux de cuisine présents sur le plan de travail que la propriétaire des lieux a aperçu le cambrioleur depuis le fauteuil à bascule de son salon ; événement qui, pour la victime, a été ressenti comme une attaque personnelle stricto sensu. Néanmoins l'auteur du larcin, dérangé par les miaulements du chat susnommé, a mis court à son projet et a pris soin de quitter la pièce sans emporter son butin. Il est fort utile de préciser que la plaignante a émis le souhait que les services de police compétents informent par quelque moyen que ce soit l'individu en question de l'interdiction formelle qui lui est adressée de se trouver à moins de 250 mètres des lieux de l'agression, – c'est pas beau ça, ma p'tite dame ? – mais qu'aucune plainte n'a été formulée de facto devant l'absence visible de preuves tangibles. »
Un rapport brillant comme celui-là... Conçu avec flair et parcimonie, et qui fait quand même son petit effet, il faut avouer... C'est que c'est presque les Beaux-arts, Madame, de la grande littérature, qu'on me demande là. Ah, et puis c'est pas çui-ci qui m'aiderait à faire dans le Shakespeare, hein ! Il a pas deux sous d'idée, ça pour sûr ! Tiens Joseph, tu écris là, tu complètes après ça :
« En qualité d'assistant stagiaire assujetti au commissaire de police et assigné au registre des mains courantes et des plaintes, j'atteste avoir reçu et consigné les faits déclarés par le particulier Mme / M. (barrer la mention inutile) Châtillon Ghislaine, le 8 novembre 1997 à Paris, 9e arrondissement.
Nota bene : Si la déclaration ci-dessus mentionne un ou plusieurs témoins outre le plaignant, le dépôt de main courante sera reproduit in extenso par procès-verbal du brigadier de gendarmerie pour les renseignements judiciaires. » Impeccable !
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Exercice d'écriture : « Il n'a pas deux sous d'idée », par Auréba Sadouni
En photo : Fondant au chocolat
par aspros
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Jean-Baptiste s’est rendu aujourd’hui rue Poquelin Molière, dans un café nommé Les Mots Bleus, dont l’intérieur est tapissé de livres rangés soigneusement dans des bibliothèques en bois. Pour accompagner son fondant au chocolat, il a commandé une « tisane des écrivains ». Armé de son stylo magique, il a fermé les yeux et attendu que les djinns se manifestent. Et il a attendu longtemps, car depuis ma chaise, alors que je buvais un délicieux chocolat chaud, j’ai pu voir que la feuille qu’il avait devant lui était restée immaculée, et j’imagine que tout ce qu’il y a maintenant sur cette feuille, ce sont d’affreux gribouillis, comme ceux qu’il a fait la semaine dernière, quand il a voulu s’improviser dessinateur, car toutes les semaines, Jean-Baptiste, il s’invente une nouvelle passion artistique. Il se sent peut-être une âme de créateur, mais en attendant, il n’a pas deux sous d’idée. C’est pourquoi tous les mots du dictionnaire ne lui serviront jamais à inventer quelque histoire que ce soit, même si à moi, il m’en inspire beaucoup. Il a essayé l’écriture automatique, ça n’a pas marché. Il a même essayé de faire un cadavre exquis tout seul. Rien. Rien de rien. Jean-Baptiste, déjà, il n’a pas les idées bien en place. À noël, il a offert à sa tante un abominable set de bureau, avec des rouleaux de papier toilette pour y mettre les stylos. Mais bon, ça, ce n’est rien comparé à toutes les idioties qu’il a pu enchainer. Un jour, il a enfilé une salopette rouge, il a fait fondre mille tablettes de chocolat blanc dans une marmite (pas la peine de vous préciser qu’il est resté sans le sous), et il a peint un des murs de sa chambre avec. « Comme ça, m’a-t-il dit, je joins l’utile à l’agréable. Ça me permet de cacher cette tache, là, et puis quand j’en aurai envie, je pourrai lécher le mur. Tu vois, j’ai inventé un nouveau genre de peinture, qui ne pue pas et n’est pas dégueulasse. Tu crois que je devrais la faire breveter ?». Comme ses absurdités me font mourir de rire, je l’ai laissé faire. Je l’ai même encouragé. Et puis il faut bien qu’il s’exprime ! Et son petit-frère, le pauvre, qui est obligé de porter une gouttière pour redresser ses dents et qui a commencé à se plaindre, Jean-Baptiste lui a suggéré d’y mettre de la confiture, pour que ça soit moins désagréable. Imaginez un peu comme ses dents doivent être belles, maintenant ! Y a pas à dire, Jean-Baptiste, il n’a pas deux sous d’idée, mais en attendant, il me fait bien marrer.
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vendredi 26 novembre 2010
C'est dommage, quand même…
En allant faire un petit saut sur les blogs de Julie et Vanessa – très réussis l'un comme l'autre et scrupuleusement alimentés –, je me dis qu'il est dommage que les autres apprentis ne se lancent pas dans l'aventure ; il est vrai que vous êtes très occupés et que cela prend un peu de temps, mais c'est agréable de voir tous vos travaux ainsi réunis, mis en avant… Il va de soi que ça n'est pas une obligation, mais songez-y. N'hésitez pas à demander des conseils si vous rencontrez des problèmes techniques.
Exercice d'écriture : « Il n'a pas deux sous d'idée », par Alexis Poraszka
En photo : Are You A Loser?
par splorp
De : Fulbert-Urbain PETROWSKI
Destinataire : Pierre DUPONT
Sujet : COMPTE RENDU DE TUTORAT
Cher Pierre,
J’étais enchanté et honoré que vous me confiiez un de vos étudiants en tutorat. Je trouve cette expérience très enrichissante, pour ledit étudiant comme pour moi-même. En revanche, je fus vite pris de spasmes quand je me rendis compte des capacités plutôt limitées de cet énergumène. Je ne vous jette pas la pierre, Pierre, mais j’étais à deux doigts de jeter l’éponge ! Ce petit garnement n’est décidément pas très futé, et pourtant, crois-moi, j’y ai mis tout mon cœur et mon énergie ! Rien n’y faisait, il était tellement pressé de voler en solo qu’il s’empressait de commettre des bourdes sans prendre la peine d’écouter mes conseils ! Je me réjouis à l’avance de ne pas l’avoir en stage mais je m’inquiète de voir mon nom associé à un tel abruti ! Cela va me porter préjudice, c’est certain, et peut me coûter ma réputation.
J’ai vraiment fait de mon mieux pour lui inculquer le B.A.BA du criminel. Tu le sais comme moi, un bon criminel, ça ne s’improvise pas. Cela demande du travail et de la concentration, de même qu’il faut savoir prendre du plaisir : tuer, c’est tout un art et ce n’est pas inné ! Comme dirait feu Pépé La Fourche, « tuer, c’est comme l’amour, si tu prends pas ton pied, mieux vaut prendre ta main ». Et il avait raison, le saint homme. Figurez-vous, mon cher Pierre, que le triste étudiant s’est mis dans la tête d’attaquer une petite vieille ! Je ne sais pas ce qu’il lui a fait (car, bien sûr, la malheureuse action avait déjà été commise), je n’ai pas voulu entrer dans les détails mais j’ai bien compris que sa pauvre proie sortait toute guillerette de la guinguette du village. Comme c’est triste. Bref, j’ai dû tout lui apprendre, à commencer par les principes de bases. Restons sur la petite vieille, c’est le premier chapitre du manuel « le crime pour les nuls » : bien choisir sa victime. Sa dame à la carte vermeil, c’est pas sérieux tout ça ! Je n’ai rien à vous apprendre, mais vous savez que la victime, dans un meurtre, ça fait tout, ça fait la différence entre un petit homicide par ces clowns qui peuplent les prisons et les meurtres effroyables à la Jack (l’Eventreur, ndlr). D’ailleurs, je lui ai glissé, en passant, quelques mots de ma sage Mémé Couic-Couic : « quand la victime est bonne, perds pas ton temps avec la patronne ». Deuxième point crucial du bon crime : le choix de l’arme et de la manière de tuer. Ce petit crétin, une fois la victime trouvée, commençait déjà à s’élancer dans la rue, le sang dans les yeux ! J’ai dû lui courir après pour l’en arrêter. Comme aurait dit Tonton La Pioche, « on fait pas l’amour sans baisser son slip ! ». Chaque étape est importante, il faut respecter l’ordre des choses. J’ignore comment vous organisez vos cours, mais il faut impérativement le leur faire comprendre. Donc, pour l’arme, là encore, il voulait céder à la facilité et utiliser un révolver. J’ai dû fortement m’y opposer et lui faire comprendre que le plaisir de tuer vient également avec le changement régulier de l’arme, du contexte, du genre de victime. Il faut savoir prendre des risques, que diable ! C’est qu’il s’agit de ne pas oublier les réflexes : une perte de réflexes et c’est une victime gaspillée. On n’a pas le droit à l’erreur, une fois morte c’est fichu, faut réussir du premier coup. Je l’ai bien observé. Je lui avais dégoté une trentenaire, plutôt sportive, il en a bavé et il m’a sapé le travail le gredin. Il nous a tâché de sang jusqu’au cou (vous savez à quel point je déteste être recouvert de ce satané liquide), a laissé une centaine d’empreintes sur les murs de la rue, et a laissé échapper la victime désormais unijambiste l’espace d’un instant. Cela dit, il avait l'air content de lui car, une fois la pauvre femme égorgée pour la 8ème fois, il se tourna vers moi tout sourire, du sang sur tout le côté gauche se son visage et me lança de manière prétentieuse « pas mal ? hein, doc! ». J’en avais mal au cœur à tel point que je n’étais pas d’humeur à poursuivre la leçon sur la strangulation, les mutilations post-mortem, la chirurgie faciale, le transport du corps et les indices à laisser… Sa dernière ânerie a bien failli nous coûter la peau : en pleine rue, il me prend par le bras et me dit qu’il a perdu l’ouvre-boîte (que nous avions choisi comme arme, ndlr). On a rebroussé chemin pour finalement le trouver entre les mains d’un mioche qui s’imaginait goûter à du jus de tomate !
Je lui ai également dit que nous nous reverrions lors de la soutenance. Il parut soudain étonné de savoir qu’il aurait à justifier de ses choix de crimes. Avez-vous pensé à bien insister sur la nécessité d’un crime qui présente un intérêt à être commis ou des difficultés spécifiques ? Il ne semblait pas au courant de l’importance de trouver le système de son meurtre.
Je ne cherche pas à vous accuser directement de la stupidité de vos étudiants, mais un tel idiot peut mettre en péril la formation de criminologie proposée par l’UFR et vous rend également ridicule aux yeux de celle proposée par Paris 7. Tant que vous n’aurez que d’aussi piètres apprentis tueurs, je me refuse à poursuivre mes activités de tuteur. En espérant que vous comprendrez ma position, je vous laisse prendre les mesures qui s’imposent.
Bien à vous
Fulbert-Urbain PETROWSKI
De : Fulbert-Urbain PETROWSKI
Destinataire : Pierre DUPONT
Sujet : COMPTE RENDU DE TUTORAT
Cher Pierre,
J’étais enchanté et honoré que vous me confiiez un de vos étudiants en tutorat. Je trouve cette expérience très enrichissante, pour ledit étudiant comme pour moi-même. En revanche, je fus vite pris de spasmes quand je me rendis compte des capacités plutôt limitées de cet énergumène. Je ne vous jette pas la pierre, Pierre, mais j’étais à deux doigts de jeter l’éponge ! Ce petit garnement n’est décidément pas très futé, et pourtant, crois-moi, j’y ai mis tout mon cœur et mon énergie ! Rien n’y faisait, il était tellement pressé de voler en solo qu’il s’empressait de commettre des bourdes sans prendre la peine d’écouter mes conseils ! Je me réjouis à l’avance de ne pas l’avoir en stage mais je m’inquiète de voir mon nom associé à un tel abruti ! Cela va me porter préjudice, c’est certain, et peut me coûter ma réputation.
J’ai vraiment fait de mon mieux pour lui inculquer le B.A.BA du criminel. Tu le sais comme moi, un bon criminel, ça ne s’improvise pas. Cela demande du travail et de la concentration, de même qu’il faut savoir prendre du plaisir : tuer, c’est tout un art et ce n’est pas inné ! Comme dirait feu Pépé La Fourche, « tuer, c’est comme l’amour, si tu prends pas ton pied, mieux vaut prendre ta main ». Et il avait raison, le saint homme. Figurez-vous, mon cher Pierre, que le triste étudiant s’est mis dans la tête d’attaquer une petite vieille ! Je ne sais pas ce qu’il lui a fait (car, bien sûr, la malheureuse action avait déjà été commise), je n’ai pas voulu entrer dans les détails mais j’ai bien compris que sa pauvre proie sortait toute guillerette de la guinguette du village. Comme c’est triste. Bref, j’ai dû tout lui apprendre, à commencer par les principes de bases. Restons sur la petite vieille, c’est le premier chapitre du manuel « le crime pour les nuls » : bien choisir sa victime. Sa dame à la carte vermeil, c’est pas sérieux tout ça ! Je n’ai rien à vous apprendre, mais vous savez que la victime, dans un meurtre, ça fait tout, ça fait la différence entre un petit homicide par ces clowns qui peuplent les prisons et les meurtres effroyables à la Jack (l’Eventreur, ndlr). D’ailleurs, je lui ai glissé, en passant, quelques mots de ma sage Mémé Couic-Couic : « quand la victime est bonne, perds pas ton temps avec la patronne ». Deuxième point crucial du bon crime : le choix de l’arme et de la manière de tuer. Ce petit crétin, une fois la victime trouvée, commençait déjà à s’élancer dans la rue, le sang dans les yeux ! J’ai dû lui courir après pour l’en arrêter. Comme aurait dit Tonton La Pioche, « on fait pas l’amour sans baisser son slip ! ». Chaque étape est importante, il faut respecter l’ordre des choses. J’ignore comment vous organisez vos cours, mais il faut impérativement le leur faire comprendre. Donc, pour l’arme, là encore, il voulait céder à la facilité et utiliser un révolver. J’ai dû fortement m’y opposer et lui faire comprendre que le plaisir de tuer vient également avec le changement régulier de l’arme, du contexte, du genre de victime. Il faut savoir prendre des risques, que diable ! C’est qu’il s’agit de ne pas oublier les réflexes : une perte de réflexes et c’est une victime gaspillée. On n’a pas le droit à l’erreur, une fois morte c’est fichu, faut réussir du premier coup. Je l’ai bien observé. Je lui avais dégoté une trentenaire, plutôt sportive, il en a bavé et il m’a sapé le travail le gredin. Il nous a tâché de sang jusqu’au cou (vous savez à quel point je déteste être recouvert de ce satané liquide), a laissé une centaine d’empreintes sur les murs de la rue, et a laissé échapper la victime désormais unijambiste l’espace d’un instant. Cela dit, il avait l'air content de lui car, une fois la pauvre femme égorgée pour la 8ème fois, il se tourna vers moi tout sourire, du sang sur tout le côté gauche se son visage et me lança de manière prétentieuse « pas mal ? hein, doc! ». J’en avais mal au cœur à tel point que je n’étais pas d’humeur à poursuivre la leçon sur la strangulation, les mutilations post-mortem, la chirurgie faciale, le transport du corps et les indices à laisser… Sa dernière ânerie a bien failli nous coûter la peau : en pleine rue, il me prend par le bras et me dit qu’il a perdu l’ouvre-boîte (que nous avions choisi comme arme, ndlr). On a rebroussé chemin pour finalement le trouver entre les mains d’un mioche qui s’imaginait goûter à du jus de tomate !
Je lui ai également dit que nous nous reverrions lors de la soutenance. Il parut soudain étonné de savoir qu’il aurait à justifier de ses choix de crimes. Avez-vous pensé à bien insister sur la nécessité d’un crime qui présente un intérêt à être commis ou des difficultés spécifiques ? Il ne semblait pas au courant de l’importance de trouver le système de son meurtre.
Je ne cherche pas à vous accuser directement de la stupidité de vos étudiants, mais un tel idiot peut mettre en péril la formation de criminologie proposée par l’UFR et vous rend également ridicule aux yeux de celle proposée par Paris 7. Tant que vous n’aurez que d’aussi piètres apprentis tueurs, je me refuse à poursuivre mes activités de tuteur. En espérant que vous comprendrez ma position, je vous laisse prendre les mesures qui s’imposent.
Bien à vous
Fulbert-Urbain PETROWSKI
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Où l'on a confirmation qu'une traduction finit par prendre un coup de vieux, pour réussie qu'elle soit
Voici ce que je viens de lire dans une traduction de 1970 d'un roman d'Ed Mc Bain (Mort d'un tatoué) : « Le jeudi était la veille de la Toussaint, la fête que les Américains nomment Halloween et qui est pour les enfants une sorte de carnaval. » Où l'on est curieux de voir la version originale pour savoir ce qui a pu donner lieu à cette belle périphrase explicative – dans ce cas oui, vive la note de bas de page, non ?
Exercice d'écriture : « Il n'a pas deux sous d'idée », par Stéphanie Maze
En photo : Pas de perdants !!! No losers!!!
par : Tétine :
par : Tétine :
Je sentais que la scène était sur le point de se produire de nouveau, la tension montait, ils allaient encore s'insulter à coups de phrases toutes faites, de clichés maintes fois rabattus évidemment prononcés à la troisième personne, me prenant à témoin. Ainsi pendant qu'ils débitaient leurs « injures », c'est moi qu'ils regardaient droit dans les yeux... Je m'apprêtais donc, comme d'habitude quand arrivait ce moment, à mettre mes boules quies :
— Il n'a pas deux sous d'idée !
— Elle n'a pas un brin de jugeote !
— Il est bête comme ses pieds !
— Elle est moche comme un pou !
— Il fume comme un pompier !
— Elle boit comme un trou !
Je vous l'avais dit, leurs scènes de ménage ne volaient pas très haut. Vous pensez peut-être que j'aurais pu fuir, échapper à la situation, croyez-moi, j'avais essayé à maintes reprises, mais c'était pire encore. Ils avaient besoin de se donner en spectacle et j'en faisais les frais. Fin de l'interruption :
— Il est tiré à quatre épingles !
— Elle s'habille comme un sac !
— Il ne remue pas plus qu'une bûche !
— Elle a de la brioche !
— Il a une case en moins !
Vous pourrez remarquer que leurs expressions sont très imagées, à l'époque où je n'avais pas encore pensé au subterfuge des boules quies, je me représentais chacune d'entre elles, ce qui offrait à la situation un aspect cocasse. Reprise :
— Elle a un poil dans la main !
— Il a toujours un boyau de vide !
— Elle a la tête près du bonnet !
— Il est mou du genou !
— Elle dépenserait le Pérou !
— Il a toujours un pet de travers !
— Elle est sourde comme un pot !
Ils finissaient en général sur cette expression, j'affichais donc un sourire béat, j'allais être enfin libre. Je retirais donc mes bouchons d'oreille, lorsque j'entendis ma mère prononcer cette phrase si poétique :
— Tu l'aurais fini à la pisse celui-là que ça m'étonnerait pas !
— Il n'a pas deux sous d'idée !
— Elle n'a pas un brin de jugeote !
— Il est bête comme ses pieds !
— Elle est moche comme un pou !
— Il fume comme un pompier !
— Elle boit comme un trou !
Je vous l'avais dit, leurs scènes de ménage ne volaient pas très haut. Vous pensez peut-être que j'aurais pu fuir, échapper à la situation, croyez-moi, j'avais essayé à maintes reprises, mais c'était pire encore. Ils avaient besoin de se donner en spectacle et j'en faisais les frais. Fin de l'interruption :
— Il est tiré à quatre épingles !
— Elle s'habille comme un sac !
— Il ne remue pas plus qu'une bûche !
— Elle a de la brioche !
— Il a une case en moins !
Vous pourrez remarquer que leurs expressions sont très imagées, à l'époque où je n'avais pas encore pensé au subterfuge des boules quies, je me représentais chacune d'entre elles, ce qui offrait à la situation un aspect cocasse. Reprise :
— Elle a un poil dans la main !
— Il a toujours un boyau de vide !
— Elle a la tête près du bonnet !
— Il est mou du genou !
— Elle dépenserait le Pérou !
— Il a toujours un pet de travers !
— Elle est sourde comme un pot !
Ils finissaient en général sur cette expression, j'affichais donc un sourire béat, j'allais être enfin libre. Je retirais donc mes bouchons d'oreille, lorsque j'entendis ma mère prononcer cette phrase si poétique :
— Tu l'aurais fini à la pisse celui-là que ça m'étonnerait pas !
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Exercice d'écriture : « Il n'a pas deux sous d'idée », par Perrine Huet
En photo : Charlotte aux Fraises lit son...
par Charlotte aux Fraises
par Charlotte aux Fraises
Henri, un petit grand-père de soixante-quatre ans, aimait par-dessus tout les fêtes de fin d’année, car elles lui permettaient de voir sa famille au grand complet. En effet, depuis le décès de son épouse il y a déjà plus de six ans, il passait ses journées seul dans son immense appartement du troisième arrondissement de Paris et s’ennuyait affreusement. Avant que sa femme Henriette – ils s’étaient bien choisis – n’eût une attaque, il sortait régulièrement en sa compagnie : ils allaient au restaurant, au théâtre, au cinéma, parfois même à l’opéra. Tous les samedis matins, ils parcouraient les allées du marché, respirant à pleins poumons les délicieuses senteurs qu’exhalaient les fruits, les épices, les fromages, la charcuterie et les olives. Mais lorsque sa chère Henriette mourut, son envie d’explorer le monde à la recherche de nouveaux savoirs s’était éteinte avec elle. Il était devenu un vieil homme aigri, renfermé sur lui-même, qui ne pointait son nez dehors que pour s’approvisionner afin de subsister, soit une fois toutes les deux semaines. Il se mettait au volant de sa Peugeot 306, se rendait au supermarché le plus proche, remplissait son chariot à ras bord, se faufilait entre les caddies le long des caisses et parvenait toujours à dépasser deux ou trois personnes inattentives dans la file d’attente. Puis il rentrait chez lui, s’installait devant son téléviseur, et ne ressortait que quinze jours plus tard, sauf exception. Son planning de la journée était calqué sur les programmes télévisés. Sa matinée était bercée par France 2 : à 9h55, il commençait par « C’est au programme », présenté par la belle Sophie Davant, qui lui faisait étrangement penser à sa défunte épouse lorsqu’elle était jeune ; à 10h55, il enchaînait avec « Motus », jeu qu’il suivait depuis bien des années et dans lequel il excellait ; ensuite, à 11h30, il regardait distraitement « Les Z’amours » qu’il trouvait légèrement gnangnan ; puis arrivait son moment préféré, à 12h, avec « Tout le monde veut prendre sa place », animé par l’excellent Nagui qui le faisait quotidiennement mourir de rire. À la fin de ce divertissement, il allait se préparer un plateau-repas composé de pain de mie, de deux tranches de jambon ou de mortadelle, et d’une barquette de tomates-cerise, et s’asseyait de nouveau face à son poste. Il poursuivait avec le journal télévisé, agacé par les continuels changements de présentateurs, et passait sur France 3 pour suivre son feuilleton favori : « Derrick ». Ensuite, il zappait de chaîne en chaîne, à l’affut de quelque émission intéressante.
Cette vie monotone le rendait extrêmement triste, d’autant que ses enfants ne venaient lui rendre visite que très rarement. C’est pourquoi il avait toujours hâte d’être à Noël, impatient de retrouver tous les membres de la famille réunis sous le même toit.
L’une des exceptions qui le faisaient quitter son domicile était l’achat des cadeaux, qu’il prenait beaucoup de plaisir à choisir, désireux de gâter tout le monde. Mais comme chaque année, il n’avait pas la moindre idée pour sa petite-fille Mathilde qui changeait sans cesse de centre d’intérêt. Il décida donc d’appeler sa fille Martine afin de lui demander son avis :
— Dis-moi, ma chérie, tu sais ce que voudrais Mathilde pour Noël ?
— Achète-lui donc un livre de « Charlotte aux fraises », elle sera ravie, en ce moment elle ne parle que de ça !
— Ah bon ? Un livre de Charlotte aux fraises ? Bon, très bien, j’irai faire un tour à la Fnac alors.
« Quelles drôles d’idées ont les jeunes d’aujourd’hui !», songea Henri en raccrochant.
Il se déplaça donc jusqu’aux halles, chercha pendant des heures un ouvrage spécialisé dans les charlottes aux fraises, mais ne put mettre la main que sur un livre de recettes de charlottes en tout genre. « Tant pis, ça fera bien l’affaire », se dit-il.
Le jour tant attendu arriva enfin. Henri, tout excité, se rendit chez sa fille et son gendre, qui demeuraient à Marly le roi. Il n’avait d’ailleurs jamais vraiment compris les raisons de ce déménagement en banlieue parisienne ; parfois, il les soupçonnait de s’être éloignés volontairement de lui. Bref, ce n’était pas l’heure des règlements de compte, mais plutôt celle d’ouvrir les paquets.
Les adultes observaient avec délectation les enfants déballer leurs présents les yeux brillants, emplis de la magie de Noël. Malheureusement, lorsque Mathilde découvrit le cadeau de son grand-père, aucune étincelle ne vint illuminer son regard. Elle fit même une moue de déception.
— Ben pourquoi le Père-Noël y m’a apporté ça ? Je sais pas faire les gâteaux, moi ! Il a dû se tromper, le pauvre, il est vraiment vieux ! Tiens, maman, ça doit sûrement être pour toi.
Une grande gêne s’installa et des murmures vinrent se mêler aux déchirements des papiers. Martine prit son père par la main et l’emmena dans la cuisine.
— Enfin, papa, tu connais pas « Charlotte aux fraises » ?
— Bien sûr que si, voyons ! Tu me prends pour qui ? Je sors peut-être pas beaucoup mais j’ai une certaine culture culinaire !
— Papa…Mon petit papa… – murmura-t-elle sur un ton dénotant une certaine exaspération. « Charlotte aux fraises » est une petite fille qui apparaît dans des livres et dans des dessins animés, enfin, tu vois, un personnage que toutes les petites filles rêveraient d’être, y compris Mathilde…
— Et comment tu veux que je le sache, moi ! Je suis pas devin ! Une charlotte aux fraises ça reste une charlotte aux fraises, et en plus, c’est très bon !
— T’inquiète pas, papa, c’est pas grave, je m’en servirai, moi, de ces recettes. Tiens, ce sera même l’occasion de te rendre visite, je t’apporterai une charlotte !
Henri ne savait plus où se mettre, embarrassé par sa maladresse. Mais, ce qui le consola, c’est que son manque de jugeote avait provoqué un élan de tendresse chez sa fille et ça, c’était le plus cadeau qu’on puisse lui offrir.
Cette vie monotone le rendait extrêmement triste, d’autant que ses enfants ne venaient lui rendre visite que très rarement. C’est pourquoi il avait toujours hâte d’être à Noël, impatient de retrouver tous les membres de la famille réunis sous le même toit.
L’une des exceptions qui le faisaient quitter son domicile était l’achat des cadeaux, qu’il prenait beaucoup de plaisir à choisir, désireux de gâter tout le monde. Mais comme chaque année, il n’avait pas la moindre idée pour sa petite-fille Mathilde qui changeait sans cesse de centre d’intérêt. Il décida donc d’appeler sa fille Martine afin de lui demander son avis :
— Dis-moi, ma chérie, tu sais ce que voudrais Mathilde pour Noël ?
— Achète-lui donc un livre de « Charlotte aux fraises », elle sera ravie, en ce moment elle ne parle que de ça !
— Ah bon ? Un livre de Charlotte aux fraises ? Bon, très bien, j’irai faire un tour à la Fnac alors.
« Quelles drôles d’idées ont les jeunes d’aujourd’hui !», songea Henri en raccrochant.
Il se déplaça donc jusqu’aux halles, chercha pendant des heures un ouvrage spécialisé dans les charlottes aux fraises, mais ne put mettre la main que sur un livre de recettes de charlottes en tout genre. « Tant pis, ça fera bien l’affaire », se dit-il.
Le jour tant attendu arriva enfin. Henri, tout excité, se rendit chez sa fille et son gendre, qui demeuraient à Marly le roi. Il n’avait d’ailleurs jamais vraiment compris les raisons de ce déménagement en banlieue parisienne ; parfois, il les soupçonnait de s’être éloignés volontairement de lui. Bref, ce n’était pas l’heure des règlements de compte, mais plutôt celle d’ouvrir les paquets.
Les adultes observaient avec délectation les enfants déballer leurs présents les yeux brillants, emplis de la magie de Noël. Malheureusement, lorsque Mathilde découvrit le cadeau de son grand-père, aucune étincelle ne vint illuminer son regard. Elle fit même une moue de déception.
— Ben pourquoi le Père-Noël y m’a apporté ça ? Je sais pas faire les gâteaux, moi ! Il a dû se tromper, le pauvre, il est vraiment vieux ! Tiens, maman, ça doit sûrement être pour toi.
Une grande gêne s’installa et des murmures vinrent se mêler aux déchirements des papiers. Martine prit son père par la main et l’emmena dans la cuisine.
— Enfin, papa, tu connais pas « Charlotte aux fraises » ?
— Bien sûr que si, voyons ! Tu me prends pour qui ? Je sors peut-être pas beaucoup mais j’ai une certaine culture culinaire !
— Papa…Mon petit papa… – murmura-t-elle sur un ton dénotant une certaine exaspération. « Charlotte aux fraises » est une petite fille qui apparaît dans des livres et dans des dessins animés, enfin, tu vois, un personnage que toutes les petites filles rêveraient d’être, y compris Mathilde…
— Et comment tu veux que je le sache, moi ! Je suis pas devin ! Une charlotte aux fraises ça reste une charlotte aux fraises, et en plus, c’est très bon !
— T’inquiète pas, papa, c’est pas grave, je m’en servirai, moi, de ces recettes. Tiens, ce sera même l’occasion de te rendre visite, je t’apporterai une charlotte !
Henri ne savait plus où se mettre, embarrassé par sa maladresse. Mais, ce qui le consola, c’est que son manque de jugeote avait provoqué un élan de tendresse chez sa fille et ça, c’était le plus cadeau qu’on puisse lui offrir.
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Exercice d'écriture : « Il n'a pas deux sous d'idée », par Julie Sanchez
En photo : Brasserie
par Alberto Quiñones
par Alberto Quiñones
Jacques Robert était l’heureux propriétaire de la brasserie du village.
Tout le monde l’appréciait et le surnommait affectueusement « Jacky le brave ». Mais, malgré sa popularité, Jacky n’était pas très futé -ce qui expliquait la deuxième partie de son surnom.
En réalité, il ne réfléchissait pas beaucoup avant d’agir. Comme aurait dit mon grand-père : « Il n’a pas deux sous d’idée, çui-là ! ».
Presque chaque semaine, Jacky faisait quelque chose de travers. Le mois dernier par exemple, la télévision de la brasserie reçut un projectile lancé par un des spectateurs du match de foot qui n’avait pas apprécié que l’équipe adverse marque un but. L’écran avait une énorme fissure sur le côté droit. Cela n’était pas tellement gênant, mais Jacky décida de le réparer. Il sortit son plus beau ruban adhésif marron (sa femme n’en avait plus de transparent) et recouvrit la fissure. Il descendit de son escabeau, satisfait, et personne n’osa rien dire de peur de le vexer.
Jacky était aussi un amoureux du tuning. Il avait une grosse voiture bleue et argent qu’il avait ornée d’ailerons à l’arrière et d’énormes jantes lustrées. Il avait également mis en place de grosses enceintes dans son coffre. Sa dernière idée lui semblait lumineuse : placer des néons bleus sous la voiture pour ne pas passer inaperçu. N’ayant pas trouvé de néons convenables, Jacky décida d’acheter des néons standards et de les peindre en bleu avant de les fixer sous son petit bijou. Seulement, ces néons n’étaient pas conçus à cet effet. Mais le brave homme ne perdit pas espoir. Il attacha le tout tant bien que mal, fit un tas de branchements compliqués et finalement, les néons furent installés le soir même. Le lendemain, Jacky, fier comme un coq montra sa voiture à tous les clients de la brasserie. En fin d’après-midi, il alla faire un tour dans l’avenue principale du village. Au bout de deux allers-retours, un des néons tomba sur le sol, se brisa et emporta les autres dans sa course folle derrière le bolide. Jacky, qui avait mis la musique à fond, n’avait rien entendu. C’est sa femme qui, en courant vers lui et en lui faisant de grands signes au milieu du chemin, l’alerta.
Le brasseur, déçu que son bricolage n’ait pas tenu, se remit à l’ouvrage trois jours après avec de nouveaux néons et une nouvelle idée. Il n’y a pas besoin de préciser que cette idée fut tout aussi folle que la première et que les néons se brisèrent une fois de plus…
Dernièrement, la femme de Jacky l’appela pour un problème de fuite de la poire de douche. Celle-ci s’était dévissée et le calcaire l’avait bloquée. Jacky n’arrivait pas à revisser la poire et il se dit qu’avec l’aide d’un objet, ce serait beaucoup plus simple. Il envoya sa femme chercher la paire de ciseaux dont il se servait à la brasserie. Celle-ci revint en trottinant et elle lui demanda s’il était sûr de lui. Sans répondre, Jacky tenta de gratter le calcaire avec les lames. Ceci lui prit une bonne heure et quand il eut fini, il essaya de remettre le pommeau tant bien que mal. Je dirais plutôt mal d’ailleurs, au vu de ce que nous a raconté sa femme, très inquiète : les ciseaux ont dérapé et ont entaillé les doigts de son pauvre mari. Jacky servait désormais ses bières avec un bandage peu esthétique sur la main gauche qui, en fin de journée, était tout imprégné du liquide collant.
Je vais arrêter là ma liste des aventures de ce drôle de personnage car nous en aurions pour un moment… Je me demande tout de même comment le brave Jacky a fait pour ne pas se tuer, depuis le temps !
Tout le monde l’appréciait et le surnommait affectueusement « Jacky le brave ». Mais, malgré sa popularité, Jacky n’était pas très futé -ce qui expliquait la deuxième partie de son surnom.
En réalité, il ne réfléchissait pas beaucoup avant d’agir. Comme aurait dit mon grand-père : « Il n’a pas deux sous d’idée, çui-là ! ».
Presque chaque semaine, Jacky faisait quelque chose de travers. Le mois dernier par exemple, la télévision de la brasserie reçut un projectile lancé par un des spectateurs du match de foot qui n’avait pas apprécié que l’équipe adverse marque un but. L’écran avait une énorme fissure sur le côté droit. Cela n’était pas tellement gênant, mais Jacky décida de le réparer. Il sortit son plus beau ruban adhésif marron (sa femme n’en avait plus de transparent) et recouvrit la fissure. Il descendit de son escabeau, satisfait, et personne n’osa rien dire de peur de le vexer.
Jacky était aussi un amoureux du tuning. Il avait une grosse voiture bleue et argent qu’il avait ornée d’ailerons à l’arrière et d’énormes jantes lustrées. Il avait également mis en place de grosses enceintes dans son coffre. Sa dernière idée lui semblait lumineuse : placer des néons bleus sous la voiture pour ne pas passer inaperçu. N’ayant pas trouvé de néons convenables, Jacky décida d’acheter des néons standards et de les peindre en bleu avant de les fixer sous son petit bijou. Seulement, ces néons n’étaient pas conçus à cet effet. Mais le brave homme ne perdit pas espoir. Il attacha le tout tant bien que mal, fit un tas de branchements compliqués et finalement, les néons furent installés le soir même. Le lendemain, Jacky, fier comme un coq montra sa voiture à tous les clients de la brasserie. En fin d’après-midi, il alla faire un tour dans l’avenue principale du village. Au bout de deux allers-retours, un des néons tomba sur le sol, se brisa et emporta les autres dans sa course folle derrière le bolide. Jacky, qui avait mis la musique à fond, n’avait rien entendu. C’est sa femme qui, en courant vers lui et en lui faisant de grands signes au milieu du chemin, l’alerta.
Le brasseur, déçu que son bricolage n’ait pas tenu, se remit à l’ouvrage trois jours après avec de nouveaux néons et une nouvelle idée. Il n’y a pas besoin de préciser que cette idée fut tout aussi folle que la première et que les néons se brisèrent une fois de plus…
Dernièrement, la femme de Jacky l’appela pour un problème de fuite de la poire de douche. Celle-ci s’était dévissée et le calcaire l’avait bloquée. Jacky n’arrivait pas à revisser la poire et il se dit qu’avec l’aide d’un objet, ce serait beaucoup plus simple. Il envoya sa femme chercher la paire de ciseaux dont il se servait à la brasserie. Celle-ci revint en trottinant et elle lui demanda s’il était sûr de lui. Sans répondre, Jacky tenta de gratter le calcaire avec les lames. Ceci lui prit une bonne heure et quand il eut fini, il essaya de remettre le pommeau tant bien que mal. Je dirais plutôt mal d’ailleurs, au vu de ce que nous a raconté sa femme, très inquiète : les ciseaux ont dérapé et ont entaillé les doigts de son pauvre mari. Jacky servait désormais ses bières avec un bandage peu esthétique sur la main gauche qui, en fin de journée, était tout imprégné du liquide collant.
Je vais arrêter là ma liste des aventures de ce drôle de personnage car nous en aurions pour un moment… Je me demande tout de même comment le brave Jacky a fait pour ne pas se tuer, depuis le temps !
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Références culturelles, 653 : Las islas Alhucemas
En photo : Peñon Alhucemas
par Quaklsy
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jeudi 25 novembre 2010
Références culturelles, 652 : Las islas Columbretes
En photo : Columbretes
par Néstor Pérez
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mercredi 24 novembre 2010
Références culturelles, 651 : Las islas Chafarinas
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par Epicuro14
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