jeudi 3 octobre 2013

Exercice d'écriture 1 – par Émeline

« Poste restante »

Au printemps dernier, j’ai eu besoin de prendre l’air ; j’ai trouvé refuge chez mes grands-parents. Les parfums de la campagne, le soleil, la bonne cuisine et les sourires m’ont semblés être le remède idéal contre le malaise que j’éprouvais. Mais j’y ai trouvé plus encore…
Une fois par an, généralement au début de l’été, nous faisons le grand ménage dans la maison familiale. Petite, c’était l’occasion de gigantesques parties de cache-cache avec mes cousins, pendant que les adultes s’affairaient dans chaque pièce.
Cette année, plus question de jouer, évidemment. Néanmoins, mon âme d’enfant ne m’a pas quittée lorsque j’ai pénétré dans l’atmosphère poussiéreuse du grenier. J’ai pu me transformer en archéologue et exhumer des meubles miteux, enfouis sous des malles de vêtements qui embaument la naphtaline.
Au bout d’environ trois quarts d’heure d’exploration, mon oncle m’a rejointe. Les fouilles sont bien plus amusantes à plusieurs. Nous avons déniché de vieilles robes – miraculeusement à ma taille –, une table basse qu’il pensait vendre dans une brocante et une foule de bibelots d’un ancien temps. Nous nous étions attaqués au contenu d’une grande malle, quand mon oncle a lancé une exclamation de surprise. Il venait de reconnaître un petit paquet de lettres au papier jauni.
Le regard nostalgique, il s’est plongé dans la lecture de la première. Quand il a retourné le feuillet, l’enveloppe décachetée lui a échappé ; je l’ai saisie pour la lui rendre, quand un mot a attiré mon regard. Elle portait la mention « poste restante ».
Intriguée, j’ai interrogé mon oncle. Il m’a alors conté un pan de sa jeunesse…
L’année de ses 16 ans, il se rapprocha d’un jeune garçon qui avait la tête pleine de rêves itinérants. Ils obtinrent leur baccalauréat ensemble, puis ils choisirent des voies différentes. Mon oncle se destina à l’enseignement, son ami se consacra au journalisme ; il devint un reporter reconnu, qui promenait sa plume et son appareil photo aux quatre coins du monde. Cependant, leur amitié ne se brisa jamais. Ils s’écrivaient régulièrement, et comme son ami avait rarement une adresse fixe, mon oncle lui adressait ses lettres en poste restante.
Pendant des années, il voyagea par procuration ; son ami lui décrivait des paysages exotiques, lui narrait ses aventures les plus pittoresques, ses rencontres avec des populations étrangères.
Mais un jour, cet échange prit fin. Le globe-trotter avait péri dans un tragique accident, lors d’une série de prises de vue aériennes au-dessus de la forêt amazonienne. Des recherches furent lancées, on localisa l’avion et certains membres de l’équipe, mais la dépouille du journaliste demeura introuvable.
Quelques mois plus tard, l’épouse du défunt remit à mon oncle l’ensemble des lettres qu’il avait envoyées à son ami, ainsi que la dernière, celle qui n’avait jamais eu l’occasion d’être postée.
À la fin de son récit, mon oncle a observé, songeur, le paquet qu’il avait en main. Puis il me l’a tendu afin que je découvre, moi aussi, les voyages de son ami.


J’ai lu leur correspondance. Et j’ai fait mes valises. Bientôt, vous pourrez m’écrire en poste restante. Ma première destination : la forêt amazonienne.

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