vendredi 4 octobre 2013

Exercice d'écriture 1 – par Sarah

« Poste restante »

L'agitation dans la cage d'escalier me tira d'un sommeil profond. Je regroupai hâtivement le peu d'affaires qui m'appartenaient et déguerpis sur le champ de cette demeure d'un soir. Comme chaque matin depuis maintenant dix ans, le même spectacle s'offrait à moi. C'est au rythme des balayeuses que la ville s'animait peu à peu. Je m'acheminais sans hâte vers le troquet de la gare dont le patron qui me connaissait avait pris l'habitude de m'offrir le café tous les matins.
Assis en terrasse, j'observais passivement le va-et-vient incessant des passants. Chaque jour les mêmes têtes aux mêmes heures, je savais qu'ils me connaissaient. Après tant d’années passées à arpenter ces rues, les gens, bien qu'un peu méfiants au départ, avaient progressivement appris à me connaître et certains d'entre eux prenaient désormais le temps de discuter un moment avec moi.
Parmi ces personnes il y avait le facteur, un homme d'un certain âge aux cheveux grisonnants qui, lui aussi, s'arrêtait prendre un café en terrasse avant de commencer sa journée. Il avait pris l'habitude de s'asseoir à ma table et nous discutions de choses et d'autres, de sujets en général sans importance, mais sa présence me réconfortait. Il ne m'avait jamais questionné sur mon passé, sur ce qui m'avait amené à choisir cette vie de vagabond, chose que j'appréciais particulièrement chez lui. De la chaleur humaine sans curiosité malsaine, et croyez moi ou non, c'est chose rare de nos jours. Ce jour-là donc, comme tant d'autres, il vint s'asseoir à mes côtés, mais ce qu'il me dit me stupéfia : le matin même, une lettre était arrivée au bureau de poste. L'adresse indiquait :

" Mr Emile Royer
Poste Restante
76600 Le Havre "

Personne ne m'avait plus écrit depuis des années, je n'avais d'ailleurs aucun parent susceptible de le faire et je m'étais volontairement éloigné de tous mes proches lorsque j'avais été contraint de quitter mon domicile. Pour cela, il m'avait fallu changer de ville et personne ne pouvait alors avoir la moindre idée de l'endroit où je me cachais. Sachant qu'il allait me trouver là, le facteur avait jugé bon de m'apporter la lettre en question et l'avait posée sur la table. Je restai là, à la fixer du regard, ne sachant que faire. Qui pouvait bien être cette personne ? Qu'avait-elle à me dire ? Comment avait-elle fait pour me localiser ?
D'une main tremblante, je retournai l'enveloppe, mais l'expéditeur avait omis, peut-être volontairement, d'y inscrire son nom. Je pris une grande inspiration et me décidai donc à l'ouvrir : l'écriture arrondie et régulière indiquait qu'il s'agissait d'une femme, peut-être d'une jeune fille. Le premier mot me fit l'effet d'un électrochoc : " Papa ".
J'étais abasourdi : j'allais peut-être enfin recouvrer une vie normale.

Aucun commentaire: