Cours de Jean-Marc Buiguès
Secrétaire de séance : Laure Gentile
Le but de ces cours est de nous permettre de mieux appréhender les référents culturels présents dans les textes que nous aurons à traduire, comprendre leur contexte et leur signification pour pouvoir les traduire au plus près ou, si le type de texte s’y prête, rédiger une note en bas de page pour que le lecteur saisisse aussi le référent culturel.
Le référent culturel est le vecteur de l’identité espagnole, c’est la connaissance plus ou moins directe, et plus ou moins fallacieuse ou juste, que les individus ont sur l’Espagne. Ces référents culturels ont évolué au fil des siècles.
Introduction : Comment s’est élaborée l’image de l’Espagne, son essence et son identité ?
A. La construction, à travers l’Histoire, de ses propres « señas de identidad »
→l’Espagne comme entité unifiée se construit entre le XV° et le XIX° siècle (le morcellement des royaumes à l’époque romaine puis au temps de la Conquête et de la Reconquête rendent difficiles la reconnaissance d’une nationalité commune/un nationalisme). Le XVIII° siècle surtout accélère l’uniformisation culturelle, économique –marché commun, transports-, politique –plus de privilèges dans la Couronne d’Aragon.
→XIX° siècle : le nationalisme, l’Espagne comme entité uniformisée atteint son apogée, grâce à l’atténuation des différences territoriales, le développement d’un système d’enseignement étatique, la centralisation progressive de l’Etat. Un fond culturel commun s’édifie alors.
→XX° siècle : d’un côté la 2° République reconnaît les particularismes régionaux et voient naître les autonomies, de l’autre le franquisme opère une recentralisation pour lequel l’unique réservoir culturel de l’Espagne éternelle est l’Andalousie et la Castille (les autres nationalités sont niées).
→Actuellement, le débat est toujours ouvert et l’identité espagnole est tiraillée entre nationalismes régionaux ou identité nationale, Fédération ou Etat Nation. Au fond, les espagnols eux-mêmes ont des référents culturels communs selon l’époque où ils ont vécu, selon leur appartenance régionale. Toutefois, certaines références régionales ont parfois été réinvesties et récupérées pour en faire des archétypes nationaux.
B. L’élaboration des clichés sur l’Espagne et l’espagnol par les voyageurs
Ces clichés sont colportés par les voyageurs au fil des siècles, qui découvrent la vie espagnole puis publient des ouvrages qui sont les vecteurs de ces topiques (des récits de voyage subjectifs, d’impressions, aux mémoires, puis aux relevés et descriptifs plus détaillés et scientifiques). Parfois ces clichés ont un écho politique (la Couronne française aura ainsi conforté l’idée que se faisaient les français des espagnols, considérés comme fanatiques au temps de l’Inquisition). Toujours ils contribuent à façonner l’image des Espagnols au-delà des frontières : ces clichés sont ce que les Français croient que sont les Espagnols.
→XV-XVIII : les récits de voyage des voyageurs isolés, qui vont en Espagne par obligation professionnelle (ecclésiastiques, commerçants, militaires,…) ou dans le cadre de leur formation culturelle et par plaisir (nobles). L’espagnol peut y apparaître orgueilleux, passionnel,…
→Période napoléonienne (guerre d’indépendance) : les mémoires des soldats des troupes françaises, des géographes, administratifs. Souvent, l’image qui sera colportée à cette période est négative et pleine de rancœur (l’espagnol est fanatique, cruel,…).
→dès le début du XIX° siècle : les mémoires laissent place à des analyses du pays faites par des scientifiques (Bourboin) qui viennent buter contre les mythes.
→XIX° siècle et le Romantisme : les élites et les hommes de lettres (Mérimée, Jaurés), déjà fascinés et inspirés par la mode de l’orientalisme, cherchent en Espagne l’originalité, le typique différent de leur pays d’origine (la France, l’Allemagne) et l’Andalousie répond à leurs attentes, comme étant la porte ouverte sur l’orientalisme. L’Andalousie est le modèle et le référent dominant (l’Espagne, c’est alors la corrida, la flamenco, l’Andalouse). Mais la XIX° est aussi l’époque du Costumbrismo qui fige tous les types, les costumes, les fêtes, la gastronomie, pas seulement le type andalou.
→XX° siècle : le tourisme de masse marque un changement important : il offre une vision immédiate du référent culturel (il n’y a pas le biais de l’ouvrage qui raconte) ; il fait parfois aller les Espagnols dans le sens du cliché (qui est un cliché de pacotille pour certains écrivains dénonçant cette dérive) ; il transforme aussi le patrimoine en enjeu politique et commercial (la labellisation actuelle de certaines fêtes religieuses provoquent la réaction de l’Episcopat qui voient dans la promotion touristique de la religion une dérive).
I. Les Institutions (comprendre à quoi les termes précis d’Institutions réfèrent et les traduire en fonction)
A. Las Cortes
→sens concret : enclos, basse-cour
→sens pour nommer une institution : Cour royale ou Capitale, parfois Tribunal
→au pluriel, Las Cortes renvoie à différentes réalités selon les époques :
*époque médiévale= les Etats Généraux (assemblée des trois ordres, clergé, noblesse, roture)
*époque moderne (à partir des Rois Catholiques)=Parlement (elles ont moins de fonctions et diffèrent en représentativité et pouvoirs selon les Couronnes d’Aragon ou de Castille).
*A partir des Cortes de Cádiz qui se sont dotées d’une Constitution = Assemblées Constituantes ou la Constituante
*Du XIX° siècle à la II République = Parlement ou Assemblée (électeurs désignés par l’imposition, le pouvoir économique)
*Franquisme=Parlement (mais ce n’est pas l’exercice d’un pouvoir démocratique)
*Aujourd’hui=Parlement (démocratique)
B. El Alcalde
→Terme qui renvoie à diverses réalités, selon l’Institution qu’il représente ou incarne.
[Parenthèse importante!!! En effet, l’Espagne sous l’Ancien Régime n’était pas centralisée (pas de pouvoir unique de l’Etat ou d’une entité en particulière et commune à tous, pas de services fiscaux centralisés, mais délégation des services aux conseillers municipaux et autres, et pouvoir exercé par diverses juridictions).
Les territoires pouvaient appartenir à des Seigneurs royaux (de realengo), des seigneurs de l’Eglise (de abadengo), des Seigneurs nobles, certains territoires étaient totalement indépendants
Les Institutions exerçaient leur pouvoir sur telle ou telle zone selon leurs attributions ou le territoire qu’elles avaient sous leur coupe : l’Inquisition avait un pouvoir supranational, les Chancelleries de Grenade ou Valladolid étaient les 2 tribunaux suprêmes, les Audiencias les tribunaux intermédiaires, les alcaldes faisaient office de juge de première instance ; le Diocèse avait ses propres tribunaux, l’Armée ou l’Université avaient leur propre juridiction, la Mesta (confédération d’éleveurs transumants) avait ses propres chemins, ses tribunaux, ses lois.]
→Donc, en application de ce principe de multiplicité d’Institutions et de réalités différentes, « alcalde » peut renvoyer soit à un maire, ou maire adjoint, soit à un contrôleur des impôts ou une autre fonction dans les finances, soit à un responsable de police locale, soit à un juge…
Le référent culturel est le vecteur de l’identité espagnole, c’est la connaissance plus ou moins directe, et plus ou moins fallacieuse ou juste, que les individus ont sur l’Espagne. Ces référents culturels ont évolué au fil des siècles.
Introduction : Comment s’est élaborée l’image de l’Espagne, son essence et son identité ?
A. La construction, à travers l’Histoire, de ses propres « señas de identidad »
→l’Espagne comme entité unifiée se construit entre le XV° et le XIX° siècle (le morcellement des royaumes à l’époque romaine puis au temps de la Conquête et de la Reconquête rendent difficiles la reconnaissance d’une nationalité commune/un nationalisme). Le XVIII° siècle surtout accélère l’uniformisation culturelle, économique –marché commun, transports-, politique –plus de privilèges dans la Couronne d’Aragon.
→XIX° siècle : le nationalisme, l’Espagne comme entité uniformisée atteint son apogée, grâce à l’atténuation des différences territoriales, le développement d’un système d’enseignement étatique, la centralisation progressive de l’Etat. Un fond culturel commun s’édifie alors.
→XX° siècle : d’un côté la 2° République reconnaît les particularismes régionaux et voient naître les autonomies, de l’autre le franquisme opère une recentralisation pour lequel l’unique réservoir culturel de l’Espagne éternelle est l’Andalousie et la Castille (les autres nationalités sont niées).
→Actuellement, le débat est toujours ouvert et l’identité espagnole est tiraillée entre nationalismes régionaux ou identité nationale, Fédération ou Etat Nation. Au fond, les espagnols eux-mêmes ont des référents culturels communs selon l’époque où ils ont vécu, selon leur appartenance régionale. Toutefois, certaines références régionales ont parfois été réinvesties et récupérées pour en faire des archétypes nationaux.
B. L’élaboration des clichés sur l’Espagne et l’espagnol par les voyageurs
Ces clichés sont colportés par les voyageurs au fil des siècles, qui découvrent la vie espagnole puis publient des ouvrages qui sont les vecteurs de ces topiques (des récits de voyage subjectifs, d’impressions, aux mémoires, puis aux relevés et descriptifs plus détaillés et scientifiques). Parfois ces clichés ont un écho politique (la Couronne française aura ainsi conforté l’idée que se faisaient les français des espagnols, considérés comme fanatiques au temps de l’Inquisition). Toujours ils contribuent à façonner l’image des Espagnols au-delà des frontières : ces clichés sont ce que les Français croient que sont les Espagnols.
→XV-XVIII : les récits de voyage des voyageurs isolés, qui vont en Espagne par obligation professionnelle (ecclésiastiques, commerçants, militaires,…) ou dans le cadre de leur formation culturelle et par plaisir (nobles). L’espagnol peut y apparaître orgueilleux, passionnel,…
→Période napoléonienne (guerre d’indépendance) : les mémoires des soldats des troupes françaises, des géographes, administratifs. Souvent, l’image qui sera colportée à cette période est négative et pleine de rancœur (l’espagnol est fanatique, cruel,…).
→dès le début du XIX° siècle : les mémoires laissent place à des analyses du pays faites par des scientifiques (Bourboin) qui viennent buter contre les mythes.
→XIX° siècle et le Romantisme : les élites et les hommes de lettres (Mérimée, Jaurés), déjà fascinés et inspirés par la mode de l’orientalisme, cherchent en Espagne l’originalité, le typique différent de leur pays d’origine (la France, l’Allemagne) et l’Andalousie répond à leurs attentes, comme étant la porte ouverte sur l’orientalisme. L’Andalousie est le modèle et le référent dominant (l’Espagne, c’est alors la corrida, la flamenco, l’Andalouse). Mais la XIX° est aussi l’époque du Costumbrismo qui fige tous les types, les costumes, les fêtes, la gastronomie, pas seulement le type andalou.
→XX° siècle : le tourisme de masse marque un changement important : il offre une vision immédiate du référent culturel (il n’y a pas le biais de l’ouvrage qui raconte) ; il fait parfois aller les Espagnols dans le sens du cliché (qui est un cliché de pacotille pour certains écrivains dénonçant cette dérive) ; il transforme aussi le patrimoine en enjeu politique et commercial (la labellisation actuelle de certaines fêtes religieuses provoquent la réaction de l’Episcopat qui voient dans la promotion touristique de la religion une dérive).
I. Les Institutions (comprendre à quoi les termes précis d’Institutions réfèrent et les traduire en fonction)
A. Las Cortes
→sens concret : enclos, basse-cour
→sens pour nommer une institution : Cour royale ou Capitale, parfois Tribunal
→au pluriel, Las Cortes renvoie à différentes réalités selon les époques :
*époque médiévale= les Etats Généraux (assemblée des trois ordres, clergé, noblesse, roture)
*époque moderne (à partir des Rois Catholiques)=Parlement (elles ont moins de fonctions et diffèrent en représentativité et pouvoirs selon les Couronnes d’Aragon ou de Castille).
*A partir des Cortes de Cádiz qui se sont dotées d’une Constitution = Assemblées Constituantes ou la Constituante
*Du XIX° siècle à la II République = Parlement ou Assemblée (électeurs désignés par l’imposition, le pouvoir économique)
*Franquisme=Parlement (mais ce n’est pas l’exercice d’un pouvoir démocratique)
*Aujourd’hui=Parlement (démocratique)
B. El Alcalde
→Terme qui renvoie à diverses réalités, selon l’Institution qu’il représente ou incarne.
[Parenthèse importante!!! En effet, l’Espagne sous l’Ancien Régime n’était pas centralisée (pas de pouvoir unique de l’Etat ou d’une entité en particulière et commune à tous, pas de services fiscaux centralisés, mais délégation des services aux conseillers municipaux et autres, et pouvoir exercé par diverses juridictions).
Les territoires pouvaient appartenir à des Seigneurs royaux (de realengo), des seigneurs de l’Eglise (de abadengo), des Seigneurs nobles, certains territoires étaient totalement indépendants
Les Institutions exerçaient leur pouvoir sur telle ou telle zone selon leurs attributions ou le territoire qu’elles avaient sous leur coupe : l’Inquisition avait un pouvoir supranational, les Chancelleries de Grenade ou Valladolid étaient les 2 tribunaux suprêmes, les Audiencias les tribunaux intermédiaires, les alcaldes faisaient office de juge de première instance ; le Diocèse avait ses propres tribunaux, l’Armée ou l’Université avaient leur propre juridiction, la Mesta (confédération d’éleveurs transumants) avait ses propres chemins, ses tribunaux, ses lois.]
→Donc, en application de ce principe de multiplicité d’Institutions et de réalités différentes, « alcalde » peut renvoyer soit à un maire, ou maire adjoint, soit à un contrôleur des impôts ou une autre fonction dans les finances, soit à un responsable de police locale, soit à un juge…
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