vendredi 20 février 2009

Version d'entraînement, 23 (Laura Esquivel)

En photo : Como Agua para Chocolate par Anvica

Tortas de Navidad
I. Enero



INGREDIENTES:
1 lata de sardinas
½ chorizo
1 cebolla
orégano
1 lata de chiles serranos
10 teleras

Manera de hacerse:
La cebolla tiene que estar finamente picada. Les sugiero ponerse un pequeño trozo de cebolla en la mollera con el fin de evitar el molesto lagrimeo que se produce cuando uno la está cortando. Lo malo de llorar cuando uno pica cebolla no es el simple hecho de llorar, sino que a veces uno empieza, como quien dice, se pica, y ya no puede parar. No sé si a ustedes les ha pasado pero a mí la mera verdad sí. Infinidad de veces. Mamá decía que era porque yo soy igual de sensible a la cebolla que Tita, mi tía abuela.
Dicen que Tita era tan sensible que desde que estaba en el vientre de mi bisabuela lloraba y lloraba cuando ésta picaba cebolla; su llanto era tan fuerte que Nacha, la cocinera de la casa, que era medio sorda, lo escuchaba sin esforzarse. Un día los sollozos fueron tan fuertes que provocaron que el parto se adelantara. Y sin que mi bisabuela pudiera decir ni pío, Tita arribó a este mundo prematuramente, sobre la mesa de la cocina, entre los olores de una sopa de fideos que estaba cocinando, los del tomillo, el laurel, el cilantro, el de la leche hervida, el de los ajos y, por supuesto, el de la cebolla. Como se imaginarán, la consabida nalgada no fue necesaria, pues Tita nació llorando de antemano, tal vez porque ella sabía que su oráculo determinaba que en esta vida le estaba negado el matrimonio. Contaba Nacha que Tita fue literalmente empujada a este mundo por un torrente impresionante de lágrimas que se desbordaron sobre la mesa y el piso de la cocina.
En la tarde, ya cuando el susto había pasado y el agua, gracias al efecto de los rayos del sol, se había evaporado, Nacha barrió el residuo de las lágrimas que había quedado sobre la loseta roja que cubría el piso: Con esta sal rellenó un costal de cinco kilos que utilizaron para cocinar bastante tiempo. Este inusitado nacimiento determinó el hecho de que Tita sintiera un inmenso amor por la cocina y que la mayor parte de su vida la pasara en ella, prácticamente desde que nació, pues cuando contaba con dos días de edad, su padre, o sea mi bisabuelo, murió de un infarto. A Mamá Elena, de la impresión, se le fue la leche. Como en esos tiempos no había leche en polvo ni nada que se le pareciera, y no pudieron conseguir nodriza por ningún lado, se vieron en un verdadero lío para calmar el hambre de la niña.
Nacha, que se las sabía de todas todas respecto a la cocina -y muchas otras cosas que ahora no vienen al caso- se ofreció a hacerse cargo de la alimentación de Tita. Ella se consideraba la más capacitada para «formarle el estómago a la inocente criaturita», a pesar de que nunca se casó ni tuvo hijos. Ni siquiera sabía leer ni escribir, pero eso sí sobre cocina tenia tan profundos conocimientos como la que más. Mamá Elena aceptó con agrado la sugerencia, pues bastante tenla ya con la tristeza y la enorme responsabilidad de manejar correctamente el rancho, para así poderle dar a sus hijos la alimentación y educación que se merecían, como para encima tener que preocuparse por nutrir debidamente a la recién nacida.

Laura Esquivel, Como agua para chocolate

***

La traduction « officielle », Chocolat amer, sous-titré « Roman-feuilleton où l’on trouvera des recettes, des histoires d’amour et des remèdes de bonne femme », traduction révisée et rééditée à l’occasion du Salon du Livre dont l’invité d’honneur était le Mexique. (À ce propos, il serait intéressant de pouvoir comparer les deux traductions), Editions Robert Laffont 1991 & 2009.
Traducteurs : Eduardo Jiménez et Jacques Rémy-Zéphir.
Collection FOLIO, N° 4866 chez GALLIMARD, extrait PP 9 à 13

JANVIER
Petits pains pour Noël

INGREDIENTS :
1 boîte de sardines
1 demi-kilo de chorizo
1 oignon
Origan
1 boîte de piments serranos

RECETTE :
L’oignon doit être haché menu. Placez-en un bout sur le sommet de votre crâne, ça vous empêchera de pleurer. Le problème avec les larmes, c’est quand on commence, les yeux piquent et on ne peut plus s’arrêter. Je ne sais pas vous, mais moi, ça m’est arrivé un million de fois. D’après maman, c’est parce que les oignons me font autant d’effet qu’à Tita, ma grand-mère.
On raconte que Tita était tellement sensible que, dans le ventre de mon arrière-grand-mère, elle pleurait quand celle-ci hachait des oignons. Elle pleurait si fort que Nacha, la cuisinière à moitié sourde de la maison, n’avait pas à tendre l’oreille pour l’entendre. Un jour, à force de hoqueter, elle déclencha l’accouchement. Mon arrière-grand-mère n’eut pas le temps de dire ouf ! Tita arrivait dans ce bas monde avant l’heure, sur la table de la cuisine, dans les odeurs d’une soupe au vermicelle, du thym, du laurier, de la coriandre, du lait bouilli, de l’ail et de l’oignon. Vous devinez que la traditionnelle tape sur les fesses fut inutile. Tita était née en pleurant. Peut-être qu’elle se doutait que son sort était fixé, que, dans cette vie, le mariage lui serait refusé. Voilà comment Nacha racontait l’irruption de Tita sur terre : elle fut projetée par un torrent de larmes formidable qui inonda le sol de la cuisine.
L’après-midi, la frayeur était passée et l’eau évaporée par les rayons du soleil. Nacha ramassa le résidu des larmes sur le carrelage rouge. Avec ce sel, elle rempli un sac de cinq kilos qu’on utilisa longtemps pour cuisiner.
Cet accouchement peu ordinaire explique l’amour de Tita pour la cuisine. Elle y passa la majeure partie de sa vie, pratiquement dès sa naissance. Elle avait deux jours en effet quand son père, mon bisaïeul, mourut d’un infarctus. Le choc fut brutal et Mamá Elena en perdit son lait. A cette époque, il n’y avait pas de lait en poudre et on ne trouva pas de nourrice. C’était un casse-tête pour nourrir l’enfant ! Nacha, qui s’y connaissait en cuisine – entre autres sujets, ici hors de propos -, proposa ses services. Elle se considérait la plus à même de « former l’estomac du petit ange », bien qu’elle n’ait eu ni mari ni enfants. Elle ne savait même pas lire et écrire mais, sur la cuisine, elle en connaissait autant que la plus experte. Mamá Elena accepta la suggestion avec gratitude ; avec ce deuil, la ferme, l’éducation et l’alimentation de ces enfants, elle ne savait plus où donner de la tête.

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Brigitte nous propose sa traduction, avec – pour commencer – deux ou trois remarques intéressantes :

Dans ce type de texte qui mêle traduction littéraire et traduction spécialisée (par les termes liés à la cuisine, les ingrédients et la présentation de chaque chapitre) - même si les recettes qui jalonnent mois après mois cette vie ne sont que prétextes à la raconter - il eut été intéressant de pouvoir échanger sur certains points...
Notamment, traduire (ou pas) le nom des produits spécifiques tels que "pimientos serranos" ou "teleras" dans la liste des ingrédients, notes de bas de page (ou pas ? ) Glossaire à la fin du roman traduit ?
Il serait d'ailleurs instructif de comparer, si l'un(e) d'entre vous possède la traduction officielle... car dans la version originale (même si le roman n'est pas un livre de cuisine !) aucune note ne figure, ni en bas de page, ni à la fin du roman, pour éventuellement expliquer certains termes.

Tourtes de Noël 1.
Janvier

Ingrédients :
- 1 boîte de sardines
- ½ chorizo
- 1 oignon
- Origan
- 1 boîte de pimientos serranos (piments forts)
- 10 teleras (boules de pain)

Manière de faire/Mode de préparation :
L’oignon doit être finement haché. Afin d’éviter le larmoiement désagréable qui se produit quand on le coupe, je vous suggère de placer un petit morceau d’oignon sur le dessus de votre tête. Ce n’est pas le simple fait de pleurer qui est gênant lorsqu’on pleure en hachant de l’oignon, mais le fait que parfois comme qui dirait, « qui s’y frotte s’y pique », on commence, et on ne peut plus s’arrêter. Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé mais à vrai dire, à moi, oui. Une quantité de fois. Maman disait que c’était parce que je suis aussi sensible à l’oignon que Tita, ma grand-tante.
Il paraît que Tita y était tellement sensible que depuis qu’elle était dans le ventre de mon arrière grand-mère, elle pleurait et pleurait quand celle-ci hachait de l’oignon ; ses pleurs étaient si forts que Nacha, la cuisinière de la maison, pourtant à moitié sourde, n’avait aucun mal à les entendre. Un jour, les sanglots furent si forts qu’ils déclenchèrent l’accouchement trop tôt. Et sans que mon arrière grand-mère n’ait eu le temps de dire ouf, Tita débarqua en ce monde de façon prématurée, sur la table de la cuisine, au milieu des odeurs de soupe au vermicelle qui mijotait, de thym, du laurier, de coriandre, de lait bouilli, d’ail, et, bien sûr, d’oignon.
Comme vous pourrez l’imaginer, la traditionnelle tape sur la fesse fut inutile puisque Tita pleurait déjà à la naissance/était née déjà en pleurant : peut-être savait-elle que son oracle la prédestinait à une vie où le mariage lui serait refusé. Nacha racontait que Tita avait été littéralement projetée en ce monde par un torrent impressionnant de larmes qui débordèrent sur la table puis le sol de la cuisine.
Dans l’après-midi, une fois la frayeur passée et l’eau évaporée, grâce à l’effet des rayons du soleil, Nacha balaya ce qu’il restait des larmes sur la tommette rouge qui couvrait le sol : de ce sel elle remplit un sac de cinq kilos qui fut utilisé pour cuisiner pendant pas mal de temps.
Cette naissance peu banale fut déterminante pour Tita : elle éprouva une immense passion/un immense amour pour la cuisine et passa en ce lieu la plus grande partie de sa vie, pratiquement depuis sa naissance ; elle était à peine âgée de deux jours que son père, c’est-à-dire mon arrière grand-père, mourut d’un infarctus. Mamá Elena, à cause du choc, n’eut plus de lait. Comme à cette époque-là il n’y avait pas de lait en poudre, ni rien qui y ressemble, et qu’on ne put trouver nulle part une nourrice, on se trouva face à un véritable problème pour apaiser la faim de la petite.
Nacha, qui s’y connaissait mieux que personne en cuisine et sur bien d’autres choses qui ne viennent pas à propos maintenant – proposa alors de se charger de l’alimentation de Tita. Elle se considérait comme la plus qualifiée pour « éduquer l’estomac de cette petite créature innocente », même si elle ne s’était jamais mariée et n’avait pas d’enfants. Elle ne savait même pas lire ni écrire, mais en cuisine, ça oui, elle en savait plus que quiconque.
Mamá Elena accepta donc la proposition avec plaisir : supporter son chagrin, plus la lourde responsabilité pour gérer correctement la ferme et assurer à ses enfants la nourriture et l’éducation qu’ils méritaient, c’était déjà bien assez pour ne pas avoir encore à se soucier de nourrir correctement la nouveau-née.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je laisse volontiers la parole à Jacqueline...notre spécialiste en art culinaire...