Lors d'une séance de travail avec les étudiants de L3 de Lettres modernes (oui, ça existe… mais ne vous inquiétez pas, je mène une véritable campagne de recrutement pour qu'ils nous rejoignent en espagnol. Car ce serait de très bons éléments, Orianna, Julien, Chistelle… : figurez-vous qu'ils sont si passionnés par la version, que je ne peux presque plus faire de littérature. Quand je leur demande au début du cours : « On fait quoi aujourd'hui ? Trad ou litté ? », la réponse est presque systématiquement : TRAAAAAAADDDDD. Oui, oui, comme ça, une espèce de cri. Misère de misère… encore des tradadictos, comme dirait Brigitte), je faisais récemment la remarque suivante à une étudiante [parenthèse utile : elle venait juste d'arriver, au second semestre, et j'ai d'autant plus remarqué son "attitude coupable" que les autres ne le faisaient plus depuis longtemps] : « mais enfin, arrêtez de passer votre temps dans le dictionnaire. » Et je lui ai expliqué qu'en réfléchissant, en particulier en s'inquiétant avant tout du sens… et en étant moins l'esclave des mots (tiens, ça me rappelle quelque chose), elle devrait pouvoir se passer la plupart du temps du dictionnaire. Attention, je ne suis pas anti-dico… Je les consulte moi-même très régulièrement (sur mon Mac l'onglet Word Reference chauffe, bout, brûle, croyez-moi). Mais il y a consultation du dictionnaire et consultation du dictionnaire. Ce que je ne veux pas, c'est que ça devienne une sorte de béquille pour un traducteur volontairement boiteux, une sorte d'empêcheur de penser pour un traducteur sciemment fainéant, une sorte de tueur de voix pour un traducteur complètement sourd, une sorte de briseur de rythme pour un traducteur coupablement insensible à la sensualité débridée de la littérature. Comment, en effet, entendre la voix du texte et percevoir son rythme quand la cacophonie des définitions du dictionnaire parasite la ligne ? Quand cette étudiante (qui ignorait qu'elle deviendrait l'héoïne d'un post de Tradabordo) m'a très honnêtement répondu : « Mon dictionnaire, c'est comme un doudou, je ne peux pas m'en séparer », je me suis dit qu'effectivement, il fallait faire avec son dico comme on fait avec son dodou… : décider qu'un jour, il convient de briser là, de grandir et d'essayer de voler de ses propres ailes. Pleurez donc un bon coup et envoyez votre dico au fond d'un ravin, pour aller rejoindre un certain parapluie d'une certaine Maga d'un certain Cortázar.
À vous de rompre le sortilège Calvin et Hobbes ! Oui, Hobbes n'est qu'un tigre en peluche… pas une bête qui parle et philosophe. Oui, votre dico n'est qu'une montagne de papier… pas une bête qui parle et philosophe…
À vous de rompre le sortilège Calvin et Hobbes ! Oui, Hobbes n'est qu'un tigre en peluche… pas une bête qui parle et philosophe. Oui, votre dico n'est qu'une montagne de papier… pas une bête qui parle et philosophe…
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