jeudi 11 novembre 2010

Entretien avec Nadia Moureaux-Beugnet, éditrice (éditions Cataplum), réalisé par Perrine Huet

Les éditions Cataplum sont nées en février 2010, avec la publication de Pièces, de Ricardo Sumalavia, et de Mobilier Funéraire, de Fernando Iwasaki. Cette jeune maison est tournée vers la microfiction et la littérature contemporaine étrangère, choix que nous explique son éditrice Nadia Moureaux-Beugnet.

1) Tout d'abord, pouvez-vous me présenter votre maison d'édition, son origine ? Cataplum est née du désir de promouvoir un certain genre de littérature, la microfiction, souvent méprisé des éditeurs français au profit de textes plus long, supposés plus ambitieux.
Cette maison a été pensée comme un ensemble ; une sélection de textes rigoureuse, une politique éditoriale ciblée (le recueil de textes très brefs dans un premier temps), la promotion d’auteurs contemporains, une esthétique facilement identifiable par le public et une promotion de l’écrit ne se limitant pas aux frontières de l’objet livre (lectures mises en scène, lectures en musique, rencontres avec les traducteurs et les auteurs…)

2) Comment êtes-vous devenue éditrice ? Je me suis laissée emportée par ce projet qui ne devait être qu’un « à côté », une manière agréable de faire quelque chose de beau et d’utile… Après avoir obtenu une licence d’édition, je me suis aperçue que travailler à mon compte, mener à bien un projet éditorial d’ambition était ce que je pouvais faire de mieux pour débuter ma vie professionnelle…
Je suis donc éditrice à plein temps ; éditrice d’une micro-structure d’édition, ce qui veut aussi dire représentante commerciale, chargée de communication, correctrice, manutentionnaire, maquettiste…!

3) J’ai constaté que pour l’instant, vous ne traitez qu’avec des auteurs latino-américains. Pourquoi ce choix ? Il est vrai que le catalogue s’est ouvert avec la publication d’auteurs latino-américains et que les trois premières années d’exercice feront la part-belle à cette littérature. Je vois une bonne raison à cela : la microfiction est très populaire chez les écrivains hispanophones et il y a donc un vivier d’auteurs terriblement actifs en Amérique latine.

4) Dans un futur proche ou lointain, avez-vous l’intention d’élargir vos publications à d’autres littératures étrangères ? Ou même à la littérature française ? Le catalogue de Cataplum accueille son premier auteur français au 23 novembre 2010 avec la parution des Mémoires d’un homme sans tête de Jérôme Nadar ; et, oui, bien sûr, le but avoué de Cataplum étant la promotion de la microficton, il est évident pour moi que diversifier les origines des textes est un atout, cela prouve que la microfiction est un genre à part entière, aussi grand et beau que le roman, utilisant seulement des procédés stylistiques et structurels différents.

5) Recevez-vous beaucoup de manuscrits ? Quels critères guident votre choix ? Je ne reçois pas encore « beaucoup » de manuscrits, comparativement aux échos que me donnent mes amis éditeurs. Néanmoins, j’en reçois un certain nombre ; je lis attentivement les premières pages mais vais rarement au-delà. Le texte bref ne souffre aucune faiblesse rythmique ou langagière et je n’ai, pour l’instant, retenu aucun texte reçu par voie postale ou webmatique.

6) Quel est le travail de relecture et de réécriture effectué sur les textes afin de les rendre plus lisibles, sans sacrifier au sens ? Dans le cas de textes étrangers traduits en français, ce travail est principalement fait par le traducteur et en accord avec celui-ci, qui est, selon moi, le représentant de l’auteur, le « deuxième » auteur du livre.
Je ne réécris donc pas, je corrige, bien sûr, lorsque c’est nécessaire, principalement la ponctuation, le rythme, certaines tournures de phrase…

7) Comment voyez-vous l'évolution de votre propre maison d'édition ? Je me suis fixé un rythme de publication annuel de 5 à 6 titres d’auteurs contemporains et d’une anthologie regroupant des auteurs plus « classiques », plus « célèbres », afin de trouver un équilibre commercial. Ce rythme est projeté sur les trois années à venir. Au-delà, je ne peux encore me projeter. Je pense que la microfiction peut être la littérature d’aujourd’hui et donc conquérir un grand nombre de lecteurs… Mais il faudra du temps et des moyens. Nous verrons si j’arriverai à relever ce défi seule.

8) Que pensez-vous du livre numérique ?
Le livre numérique est un non-sens selon moi s’il n’apporte pas un contenu supplémentaire au texte. S’il doit être un livre numérisé, donc un pdf de livre, alors, il est voué à l’échec, hormis peut-être pour remplacer le livre de poche, qui ne propose au lecteur aucune plus-value au texte (typographie inintéressante, papiers de mauvaise qualité, façonnage mal réalisé, encre bas de gamme, etc.). Je pense donc que le livre numérique ne fera pas réellement de mal aux éditeurs qui s’attachent à défendre le livre comme objet autant que comme support à la littérature et qu’il peut être utile dans un cadre professionnel notamment.
Le livre-objet est, pour la majorité des lecteurs, associé à une sensualité de la lecture, à un plaisir que l’écran ne saurait rendre. Comment corner la page d’un livre numérique ? Le prêter ? L’abandonner sur le sable pour aller se baigner ? …

9) Quelles sont vos relations avec les auteurs ? Comment les qualifieriez-vous ?
J’ai des relations très cordiales avec les auteurs mais plutôt distantes, hormis ceux qui habitent la France et avec lesquels je travaille plus régulièrement à des rencontres, lectures et autres événements (donc 2 à ce jour, Sumalavia et Nadar)

10) Quelles sont vos relations avec les traducteurs ? Les rencontrez-vous ?
Le traducteur a pour moi une place très importante. Je suis très proche de mes traducteurs et travaille avec eux en toute confiance. Je crois qu’il est plus facile de publier de la littérature étrangère pour cette raison : le traducteur est un professionnel. Il met beaucoup moins de pathos dans ce qu’il écrit que l’auteur, avec lequel il est parfois difficile de discuter, qui accepte plus douloureusement les critiques. J’échange donc beaucoup avec le traducteur lorsque je travaille sur un livre, afin d’être certaine de ne rien laisser au hasard, d’appréhender au maximum le texte dans son entier et d’être à même de le défendre auprès des lecteurs.

5 commentaires:

perrine a dit…

Tu n'as pas précisé par qui a été réalisé cet entretien... :(

Tradabordo a dit…

Le problème des jours fériés, c'est qu'il faut réussir à complètement se réveiller… Désolée ! La vérité des faits est rétablie ;-))))

Anonyme a dit…

Belle coïncidence ! J'ai pu découvrir tout récemment, un peu par hasard, le travail de cette maison d'édition, vraiment intéressant tant au niveau de la lecture, du fond et de la forme des livres. J'ai notamment lu avec beaucoup de plaisir Le bonheur ou pas, d'Andrès Neuman. Merci de nous la faire découvrir un peu plus avec cet entretien.

perrine a dit…

Pas de problème, merci !

Tradabordo a dit…

Je sais que je me répète, mais j'aimerais autant qu'il n'y ait pas de commentaires anonymes – ça me laisse une impression désagréable. Même si vous ne voulez pas vous abonner au blog ou y apparaître sous votre identité, il vous suffit de mettre un simple prénom ou même pseudo à la fin du commentaire.