par rieggi
Dans le but de mettre continuellement nos apprentis traducteur sous la pression des mots, des phrases, des paragraphes, etc., nous avons lancé le défi à l'inventif et jusqu'à un certain point fantasque Olivier d'écrire un petit texte à partir de toutes les folies qui ont pu surgir des cervelles lors de la dernière séance de traduction collective.
Lesdites mots étaient les suivants :
- Jojo
- "p'tit jaune"
- Monsieur Gros
- Monsieur Petit
- croupion
- bonboncito (je ne savais plus si c'était bonboncito ou bonomcito, alors j'ai choisi)
Voici le résultat :
Derrière le zinc, dans une robe violette à fleurs qui mettait en valeur ses généreuses formes, les cheveux grisonnants relevés sur le haut de la tête, madame Henriette attendait. Elle attendait qu'arrivent les seuls clients de la journée : les ouvriers du quartier. Il faut dire que le bar auquel elle vouait son existence depuis la mort de ses parents – tragiquement décédés le jour de son anniversaire dans un malheureux accident d'ascenseur – n'était pas des plus fréquentés. Hormis le samedi, seul jour de la semaine où quelques courageux badauds osaient s'y aventurer, le troquet ne s'éveillait jamais avant la fin d'après-midi.
Fidèle client depuis 17 ans, Jorge, dit Jojo, fut le premier ce jour-là à pousser la porte. Le cœur de madame Henriette se mit à battre un peu plus vite quand il s'approcha de sa démarche assurée, et qu'après avoir, d'un geste élégant, remonté son jean, il se pencha sur le zinc et vint lui susurrer à l'oreille un délicat « bonjour mon bonboncito ». Tous les jours que Dieu faisait, il la saluait de cette façon, le teint blafard de madame Henriette se colorait alors, sous l'émotion, d'une belle couleur rouge et un petit sourire venait naître sur ses lèvres. Elle ne savait dire pourquoi mais elle aimait ce moment où leurs deux corps se rapprochaient, où cette douce voix lui chuchotait ces petits mots à l'oreille. Il s'assit sur une des chaises du comptoir et demanda à sa belle son « p'tit jaune» quotidien. Elle venait de remplir généreusement le verre de l'alcool anisé lorsque la porte vint à grincer sur ses gonds, annonçant l'arrivée de nouveaux clients.
Entrèrent alors, tous deux habillés d'un costume trois pièces en tweed marron quelque peu défraîchi, ceux que tous les clients du bar surnommaient M. Gros et M. Petit. Ces deux frères, âgés d'une quarantaine d'années, que personne n'avait jamais vu l'un sans l'autre, partageaient ensemble le même appartement miteux au dessus du bar et descendaient tous les jours de la semaine, à la même heure, pour boire une bière à la mesure de leur taille : une pinte pour le premier et un galopin pour le second. Ils ne restaient jamais bien longtemps, buvant leur boisson sans échanger la moindre parole ni avec les clients, ni entre eux, mais ils n'avaient jamais, depuis bien des années, manqué un seul jour à l'appel du malt et du houblon. Ils s'asseyaient toujours à la table près de la porte, allumaient une cigarette, et entre deux bouffés de nicotine, avalaient une gorgée du liquide ambré. On ne savait pas grand chose d'eux : ils avaient été abandonnée par leur mère, stripteaseuse unijambiste dans le quartier de Pigalle, avaient été recueillis par leur grand-mère qui avait essayé de les éduquer tant bien que mal et à la mort de celle-ci, grâce au maigre héritage, ils avaient emménagé dans l'appartement du dessus.
Pendant que madame Henriette servait les boissons des deux frères, Jojo sortit une pomme de sa poche et, la tenant par la queue, du bout des doigts, il s'amusa quelques secondes à la faire tournoyer sur le comptoir avant de la porter à sa bouche. À peine avait-il croqué le fruit que la porte s'ouvrit de nouveau et qu'une vague d'ouvriers entra dans le bar. La douce tranquillité s'évapora soudainement, remplacée par un nuage de fumée de Gauloises et par les rires gras des hommes. Commença alors pour madame Henriette la valse de la tireuse au rythme des commandes. Tous arrivaient assoiffés, épuisé par une dure journée de travail et voulaient être servi le plus rapidement possible. Affairée à remplir les verres, elle n'avait pas remarqué qu'à la masse des ouvriers s'était mêlé Aldo, grand gaillard à la mâchoire carrée, aux muscles saillants et au cerveau creux, homme aussi stupide que cruel, qui s'était attiré le respect du quartier lorsque, deux mois après son arrivé, il avait tué, à coups de pieds, toute une horde de chiens errants qui trainaient dans le quartier. D'une humeur irritable, il ne supporta pas ce jour-là d'attendre sa bière et se faufila, jouant des coudes parmi les clients, jusqu'à arriver au comptoir. Faisant claquer ses mains sur le zinc, il brailla en direction de madame Henriette :
Bon ma grosse, tu te sors les doigts du croupion et tu me sers ma bière ! Ça fait une demi-heure que j'attends, putain !
Ce fut plus que ce que pouvait supporter Jojo. Faisant fi de la masse de muscles qui se dressait devant lui, il bondit du siège, le poing en avant, vers celui qui venait d'insulter sa bien-aimée. Son désir de rendre justice et de sauver l'honneur de sa belle était plus fort que sa peur. Avant que l'effet de surprise ne se dissipe et que la paluche d'Aldo, dans un craquement d'os, n'écrase le nez du courageux Roméo, madame Henriette put lire, dans les yeux de Jojo, la rage silencieuse de l'amoureux blessé.
Lesdites mots étaient les suivants :
- Jojo
- "p'tit jaune"
- Monsieur Gros
- Monsieur Petit
- croupion
- bonboncito (je ne savais plus si c'était bonboncito ou bonomcito, alors j'ai choisi)
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Voici le résultat :
Derrière le zinc, dans une robe violette à fleurs qui mettait en valeur ses généreuses formes, les cheveux grisonnants relevés sur le haut de la tête, madame Henriette attendait. Elle attendait qu'arrivent les seuls clients de la journée : les ouvriers du quartier. Il faut dire que le bar auquel elle vouait son existence depuis la mort de ses parents – tragiquement décédés le jour de son anniversaire dans un malheureux accident d'ascenseur – n'était pas des plus fréquentés. Hormis le samedi, seul jour de la semaine où quelques courageux badauds osaient s'y aventurer, le troquet ne s'éveillait jamais avant la fin d'après-midi.
Fidèle client depuis 17 ans, Jorge, dit Jojo, fut le premier ce jour-là à pousser la porte. Le cœur de madame Henriette se mit à battre un peu plus vite quand il s'approcha de sa démarche assurée, et qu'après avoir, d'un geste élégant, remonté son jean, il se pencha sur le zinc et vint lui susurrer à l'oreille un délicat « bonjour mon bonboncito ». Tous les jours que Dieu faisait, il la saluait de cette façon, le teint blafard de madame Henriette se colorait alors, sous l'émotion, d'une belle couleur rouge et un petit sourire venait naître sur ses lèvres. Elle ne savait dire pourquoi mais elle aimait ce moment où leurs deux corps se rapprochaient, où cette douce voix lui chuchotait ces petits mots à l'oreille. Il s'assit sur une des chaises du comptoir et demanda à sa belle son « p'tit jaune» quotidien. Elle venait de remplir généreusement le verre de l'alcool anisé lorsque la porte vint à grincer sur ses gonds, annonçant l'arrivée de nouveaux clients.
Entrèrent alors, tous deux habillés d'un costume trois pièces en tweed marron quelque peu défraîchi, ceux que tous les clients du bar surnommaient M. Gros et M. Petit. Ces deux frères, âgés d'une quarantaine d'années, que personne n'avait jamais vu l'un sans l'autre, partageaient ensemble le même appartement miteux au dessus du bar et descendaient tous les jours de la semaine, à la même heure, pour boire une bière à la mesure de leur taille : une pinte pour le premier et un galopin pour le second. Ils ne restaient jamais bien longtemps, buvant leur boisson sans échanger la moindre parole ni avec les clients, ni entre eux, mais ils n'avaient jamais, depuis bien des années, manqué un seul jour à l'appel du malt et du houblon. Ils s'asseyaient toujours à la table près de la porte, allumaient une cigarette, et entre deux bouffés de nicotine, avalaient une gorgée du liquide ambré. On ne savait pas grand chose d'eux : ils avaient été abandonnée par leur mère, stripteaseuse unijambiste dans le quartier de Pigalle, avaient été recueillis par leur grand-mère qui avait essayé de les éduquer tant bien que mal et à la mort de celle-ci, grâce au maigre héritage, ils avaient emménagé dans l'appartement du dessus.
Pendant que madame Henriette servait les boissons des deux frères, Jojo sortit une pomme de sa poche et, la tenant par la queue, du bout des doigts, il s'amusa quelques secondes à la faire tournoyer sur le comptoir avant de la porter à sa bouche. À peine avait-il croqué le fruit que la porte s'ouvrit de nouveau et qu'une vague d'ouvriers entra dans le bar. La douce tranquillité s'évapora soudainement, remplacée par un nuage de fumée de Gauloises et par les rires gras des hommes. Commença alors pour madame Henriette la valse de la tireuse au rythme des commandes. Tous arrivaient assoiffés, épuisé par une dure journée de travail et voulaient être servi le plus rapidement possible. Affairée à remplir les verres, elle n'avait pas remarqué qu'à la masse des ouvriers s'était mêlé Aldo, grand gaillard à la mâchoire carrée, aux muscles saillants et au cerveau creux, homme aussi stupide que cruel, qui s'était attiré le respect du quartier lorsque, deux mois après son arrivé, il avait tué, à coups de pieds, toute une horde de chiens errants qui trainaient dans le quartier. D'une humeur irritable, il ne supporta pas ce jour-là d'attendre sa bière et se faufila, jouant des coudes parmi les clients, jusqu'à arriver au comptoir. Faisant claquer ses mains sur le zinc, il brailla en direction de madame Henriette :
Bon ma grosse, tu te sors les doigts du croupion et tu me sers ma bière ! Ça fait une demi-heure que j'attends, putain !
Ce fut plus que ce que pouvait supporter Jojo. Faisant fi de la masse de muscles qui se dressait devant lui, il bondit du siège, le poing en avant, vers celui qui venait d'insulter sa bien-aimée. Son désir de rendre justice et de sauver l'honneur de sa belle était plus fort que sa peur. Avant que l'effet de surprise ne se dissipe et que la paluche d'Aldo, dans un craquement d'os, n'écrase le nez du courageux Roméo, madame Henriette put lire, dans les yeux de Jojo, la rage silencieuse de l'amoureux blessé.
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