mercredi 10 novembre 2010

Version de CAPES, 49

El espectro, 10

¿Por qué continuábamos yendo al Metropole? ¿Qué desviación de nuestras conciencias nos llevaba allá noche a noche a empapar en sangre nuestro amor inmaculado? ¿Qué presagio nos arrastraba como a sonámbulos ante una acusación alucinante que no se dirigía a nosotros, puesto que los ojos de Wyoming estaban vueltos al otro lado?
¿A dónde miraban? No sé a dónde, a un palco cualquiera de nuestra izquierda.
Pero una noche noté, lo sentí en la raíz de los cabellos, que los ojos se estaban volviendo hacia nosotros. Enid debió de notarlo también, porque sentí bajo mi mano la honda sacudida de sus hombros.
Hay leyes naturales, principios físicos que nos enseñan cuán fría magia es ésa de los espectros fotográficos danzando en la pantalla, remedando hasta en los más íntimos detalles una vida que se perdió. Esa alucinación en blanco y negro es sólo la persistencia helada de un instante, el relieve inmutable de un segundo vital. Más fácil nos sería ver a nuestro lado a un muerto que deja la tumba para acompañarnos, que percibir el más leve cambio en el rostro lívido de un film.
Perfectamente. Pero a despecho de las leyes y los principios, Wyoming nos estaba viendo. Si para la sala, El páramo era una ficción novelesca, y Wyoming vivía sólo por una ironía de la luz; si no era más que un frente eléctrico de lámina sin costados ni fondo, para nosotros—Wyoming, Enid y yo—la escena filmada vivía flagrante, pero no en la pantalla, sino en un palco, donde nuestro amor sin culpa se transformaba en monstruosa infidelidad ante el marido vivo...

Horacio Quiroga

***

Léa nous propose sa traduction :

Le spectre, 10.

Pourquoi continuions-nous à se rendre à la Métropole? Quelle déviation de nos consciences nous menait là-bas nuit après nuit pour absorber le sang de notre amour immaculé?
Quel présage nous entraînait tels des somnambules devant une accusation hallucinante qui ne s'adressait pas à nous, puisque les yeux de Wyoming étaient tournés de l'autre côté?
Où regardaient-ils? Je ne sais pas où, une loge quelconque sur notre gauche.
Mais une nuit, je remarquai, je le ressentis à la racine des cheveux, que ses yeux s'étaient tournés vers nous.
Enid dût également le remarquer car je sentis sous ma main la profonde secousse de ses épaules.
Il y a des lois naturelles, des principes physiques qui nous enseignent combien la magie froide fait partie des spectres photographiques dansant sur l'écran, imitant jusqu'aux plus intimes détails une vie perdue.
Cette hallucination en noir et blanc est seulement la persistance fixe d'un instant, le relief immuable d'une seconde vitale.
Il nous serait plus facile de voir à nos côtés un mort qui laisse la tombe pour nous accompagner, que de percevoir le plus léger changement dans le visage livide d'un film.
Parfaitement.
Mais en dépit des lois et des principes, Wyoming nous voyait.
Si pour la salle, « Le désert » était une fiction romanesque, et Wyoming ne vivait que pour une ironie de la lumière; s'il n'était rien de plus qu'un front électrique des planches sans flanc ni fonds, pour nous – Wyoming, Enid et moi – la scène filmée vivait de façon rayonnante, mais non à l'écran, plutôt dans une loge, où notre amour sans faute se transformait en monstrueuse infidélité face au mari vivant...

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Mélissa nous propose sa traduction :

Le spectre, 10

Pourquoi continuions-nous d’aller au Métropole ? Quelle déviation de nos consciences nous emmenait là-bas nuit après nuit à tacher de sang notre amour immaculé? Quel présage nous traînait tels des somnambules devant une accusation hallucinante qui ne s’adressait pas à nous puisque les yeux de Wyoming étaient tournés de l’autre côté ?
Vers où regardaient-ils ? Je ne sais pas vers où, vers une loge, quelconque, sur notre gauche.
Mais une nuit, j’ai remarqué, je l’ai senti à la racine de mes cheveux, que ses yeux s’étaient tournés vers nous. Enid avait du le remarquer aussi, car j’ai senti sous ma main la secousse profonde de ses épaules.
Il y a des lois naturelles, des principes physiques qui nous apprennent à quel point la magie froide est celle des spectres photographiques dansant sur l’écran, imitant jusque dans les moindres détails une vie qui s’est éteinte. Cette hallucination en noir et blanc est uniquement la persistance gelée d’un instant, le relief immuable d’une seconde vitale. Il nous serait plus facile de voir à nos côtés un mort qui délaisse la tombe pour venir nous accompagner, que de percevoir le plus léger changement sur le visage livide d’un film.
Parfaitement. Mais, malgré les lois et les principes, Wyoming nous regardait. Si pour la salle, Le Désert était une fiction romanesque, et Wyoming vivait seulement par une ironie de la lumière ; s’il n’était pas plus qu’un front électrique de planche sans flancs ni fonds, pour nous - Wyoming, Enid et moi - la scène filmée vivait de manière flagrante, mais pas sur l’écran, sinon dans une loge, où notre amour sans faute se transformait en monstrueuse infidélité devant le mari vivant…

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