« Post-it »
Sur la porte du frigidaire ce jour là, un seul post-it : « lui parler de mes 10 ans ». J’avais pris mon yaourt et demandé à Maman de quoi il s’agissait. Elle m’avait répondu que, ce soir, mon père et elle devraient me parler de quelque chose d’important. Je venais d’avoir dix ans. Issue d’une famille traditionnelle, conservatrice et pratiquante, les moments en tête à tête avec mes parents étaient rarissimes, tous mes frères et sœurs étant constamment dans les alentours requérant toute l’attention parentale. Cela serait donc pour moi un moment privilégié. Pour ajouter à l’événement, Maman avait dressé une jolie table avec l’argenterie du dimanche, les verres à pied en cristal de Bulgarie et les couteaux en ivoire de Bonne Maman. Nous avions du saumon fumé en entrée, un canard en sauce avec gratin dauphinois comme plat principal et une tarte aux framboises en dessert : un vrai dîner de fête ! Pourtant, ce soir là, je n’ai même pas touché au saumon fumé.
Comme dans chaque famille, certains sujets étaient tabous à la maison, le sexe était chez nous « le » sujet tabou par excellence. S’il y avait un film à la télévision avec un baiser un peu trop long ou langoureux, on mettait en avance rapide, disant aux plus petits de se cacher les yeux, on ne parlait pas de « ces choses-là » et l’on disait que c’était « des choses de grandes personnes ». Si bien que le soir où mes parents, convaincus qu’il s’agissait là de leur devoir parental, décidèrent de m’expliquer comment fonctionnaient les appareils reproductifs féminins et masculins et de quelle façon ils pouvaient éventuellement se compléter, s’assembler, s’emboîter, s’enchâsser, s’engager, se faufiler, s’engouffrer et un tas d’autres choses encore… cela m’en coupa l’appétit !
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