« Je suis le seigneur du château »
Monsieur et Madame de La Combes après avoir assisté à la messe dominicale, avaient pour rituel de déjeuner dans le grand salon. Louise, la préceptrice des enfants, était systématiquement invitée sur son jour de congés mais, alors qu’elle avait une relation très privilégiée avec chacun des enfants et qu’elle semblait très appréciée par Madame de La Combes, déclinait très régulièrement l’invitation prétextant avoir besoin de repos et de temps pour se consacrer à la lecture. Monsieur de La Combes qui tenait particulièrement à sa présence lors de ces déjeuners, ne pouvant désormais plus compter sur la conversation de son épouse, celle-ci se limitant à l’intendance de la maison et à l’éducation des enfants, insistait à tel point que Mme de La Combes, jusque-là très conciliante, commença à s’en mêler. C’est ainsi qu’un jour, Edouard, le cadet, surprit une conversation entre ses parents :
- Mais enfin, Madame, c’est ridicule… Voyons, reprenez-vous s’il vous plaît !
- Non, Monsieur, vous m’obligez à constater des faits et surtout vous me poussez aujourd’hui à devoir éclaircir une situation controversable et à mettre un terme à tout cela.
- Vous affabulez ma chère…
- Monsieur, est-ce affabuler que de dire que chaque matin lorsque Louise vous salue vous avez un sourire pour elle que vous n’avez plus pour moi depuis des années? Qu’à chaque déjeuner auquel elle est conviée vous conversez seul avec elle imposant un silence absolu au reste de l’assistance ? Est-ce affabuler, Monsieur, que de dire que chaque soir vous exigez qu’elle passe vous saluer personnellement après qu’elle m’ait pourtant fait le compte-rendu détaillé de la journée des enfants, compte-rendu que je vous ai fait mot pour mot quelques minutes auparavant? Que peut-elle donc y ajouter ? N’est-il pas certain que chaque jour de marché vous insistiez pour que je m’y rende seule avec les enfants pour laisser à « cette pauvre Louise un peu de répit » ? Enfin, Monsieur, nierez-vous avoir écrit cette lettre que je tiens entre mes mains et dont la destinataire est on ne peut plus explicite ? Oserez-vous me dire que cette écriture n’est pas la vôtre ?
- Marie-Constance, je suis le Seigneur du château, ne l’oubliez pas, s’il vous plaît.
- Non, Monsieur, vous n’êtes qu’un homme. Un Seigneur ne se comporte pas de la sorte. Et si vous persistez à nier l’évidence, je serai dans l’obligation de faire appel à mon frère pour régler cette petite affaire.
Edouard qui n’avait jamais vu personne s’adresser à son père de cette façon et encore moins sa mère n’en crut pas ses oreilles. Il ne comprenait pas non plus ce qu’il voyait ; son père était maintenant en train de courber l’échine et ne disait plus rien. Incroyable !
Et lui qui pensait que Louise était son amoureuse… Elle allait le lui payer…
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