samedi 5 avril 2014

Exercice d'écriture 13 – par Joana

« Tourmentes »

La longue plage de sable fin se révélait d'une beauté particulière ce soir-là. Personne n'aurait cru qu'une violente tempête s'était abattue sur la côte basque quelques jours auparavant. Les digues de protection et les déchets rapportés par la mer avaient totalement disparus. La forte houle avait laissé place à de petites vagues, à peine visibles. Depuis la terrasse du Casino de Biarritz, la vue sur le coucher du soleil était inégalable. Le ciel flamboyant se reflétait parfaitement sur la mer, créant ainsi un miroir d'eau, phénomène plutôt rare en ce début d'hiver. Le sable blanc devenait presque aussi rouge que le corps d'un baigneur resté trop longtemps exposé au soleil. Une légère brise remplaçait les coups de vent permanents de la veille.
Antoine se promenait le long de la jetée, observant la mer avec attention. Quelque chose clochait ce soir-là, mais il n'arrivait pas à savoir quoi. À quelques mètres de lui, un passant poussa un cri strident. Une petite voiture grilla un feu rouge quelques secondes plus tard. Mais depuis quand y avait-il une route à cet endroit-là ? Il faisait de plus en plus sombre. Tous les lampadaires étaient éteints. La pleine lune était la seule source de lumière. Soudain, un bruit sourd provint du ciel. Antoine l'entendait de plus en plus fort. En moins d'une minute, un avion atterrit sur la plage. La marée étant anormalement très basse, l'engin n'eut aucun problème pour se poser. Le pilote et un autre homme sortirent de l'avion. Ils s'approchèrent lentement d'Antoine. Tous deux parlaient une langue étrange qu'il ne chercha même pas à comprendre. Puis l'un des deux lui adressa enfin la parole :
— Quelle belle nuit, n'est-ce pas ?
Antoine ne répondit pas.
— Comment vous sentez-vous ? Avez-vous réfléchi ? reprit l'homme.
— De quoi parlez-vous ? On ne se connaît même pas, répondit Antoine, nerveux.
— De la décision importante que vous devez prendre aujourd'hui.
— Je suis un peu confus. J'hésite encore. Et si c'était une erreur ? Et s'il ne se passait rien ensuite ?
Un bruit de klaxon réveilla brusquement Antoine. Troublé par son rêve, il alluma immédiatement son ordinateur. Il surfa sur le net sans trop savoir ce qu'il cherchait et tomba sur une citation : « Je sais bien ce que je fuis mais non pas ce que je cherche ». Cette phrase lui fit prendre conscience qu'il devait reprendre sa vie en main, se donner les moyens de passer à autre chose, de repartir à zéro. Il devait recommencer à vivre. Son appartement était sans dessus dessous. Il n'avait pas fait le ménage depuis des mois. Cela faisait des semaines que son courrier s'entassait sur la table basse de son salon. Parmi toutes ces lettres, il n'en avait ouvert qu'une seule. Celle qui le tourmentait depuis une quinzaine de jours.
Une semaine plus tard, Antoine était prêt. Avant de partir, il procéda aux vérifications de dernière minute. Puis il regagna la chambre, s'assit au bord du lit et caressa doucement le coussin de droite. Pardonne-moi, mon amour.
À l'extérieur, un taxi l'attendait. Le chauffeur s'impatientait.
— Je suis désolé pour l'attente, mais je devais dire au revoir à quelqu'un.
Antoine avait enfin accepté ce poste à l’étranger. Il adorait sa ville et sa région, mais il ne pouvait plus vivre là où sa fiancée était décédée. L’atmosphère qui régnait dans l’appartement depuis sa mort l’étouffait. Il se sentait oppressé comme si du lierre s’enroulait autour de lui et l’empêchait de respirer, de se battre, d’aller de l’avant. Il était temps de partir, de tout quitter pour commencer une nouvelle vie. Le jeune homme jeta un dernier regard vers son immeuble. Le véhicule pris la direction de l’aéroport.

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