dimanche 27 avril 2014

Exercice d'écriture 20 – par Maïté

Sujet : Complices

« Regard »

Il a suffit d’un regard pour se retrouver. Parmi la foule, je l’aperçois au loin, je sais que c’est lui, aucun doute. Les années défilent mais son visage ne connaît pas les flétrissures du temps qui passe. Je me hisse sur la pointe des pieds, et d’un signe de la main, je l’interpelle. Il me reconnait aussitôt.
Dans ce lieu magique, le temps semble s’être arrêté. Je me faufile et je cours vers les bras de cet homme qui m’a tant manqué. Voici presque 3 ans que je le cherche sans relâche. Il est partout. Dès que je ferme les yeux, je le vois, je me remémore son regard, son sourire, ses histoires, sa façon bien à lui de me tenir dans ses bras et de me dire qu’il m’aime. Je me souviens nos parties de pêches. La plus mémorable de toutes, celle de la pêche à la crevette ! Ce fameux jour, où j’avais été d’une efficacité toute particulière, mon seau était rempli de petites crevettes grises, je me revois accourir vers lui, trébucher contre un rocher, renverser tout mon seau, relever la tête, le voir se pencher au-dessus de moi, l’air amusé et inquiet. Je me mets à pleurer, je n’ai rien mais je suis déçue, comme à son habitude, il trouve les mots pour me calmer, me rassurer, « demain, nous y retournerons ».
L’épisode du bateau gonflable lui aussi restera gravé à tout jamais comme ces longues après-midi ; assis tous les deux au bureau, lui avec ses lunettes me surveillant pendant que j’apprends mes leçons. Toujours bienveillant, choisissant ses mots avec délicatesse ; avec lui l’apprentissage est un jeu d’enfant. Les olives ? Pourquoi les olives ? Parce qu’elles sont la clé d’un des moments de convivialité partagé autour d’un petit Ricard. Lui, ne les aimait pas, cependant il savait qu’elles faisaient mon bonheur. La Normandie, le Pays-Basque, le Poitou-Charentes, autant d’endroits marqués par sa présence. Et aujourd’hui, enfin, de nouveau, nous sommes réunis.
J’ai cru que le seul souvenir que j’aurais de lui serait dans sa chambre d’hôpital, à l’entendre pousser ses ultimes râles de vie, puis son visage apaisé au fond de ce cercueil noir dans une pièce sombre où une fine lumière rougeâtre laissait entrevoir cette paix qu’il semblait avoir retrouvé.
Alors, quelle fut ma surprise, quand après une course infernale, j’atterris sur cette place bondée et que je le vis, là, droit, souriant, les yeux pétillants de vie me tendant les bras. Arrivée à sa hauteur, je vis ses yeux brillants, humides, et c’est alors qu’il me dit : « Bienvenue Maí ! » Tout juste âgé de vingt-ans, je me sentis soudainement remplie d’un bonheur, d’une chaleur que je pensais ne jamais retrouver.
La complicité qui nous unissait depuis ma naissance était toujours là et je savais qu’elle nous resterait à jamais.  

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