« Lierre »
Il y a quelques années, le béton régnait en maître dans la ville, et le jardin municipal était le seul endroit où l’on pouvait se risquer à côtoyer autre chose que l’asphalte et les pavés des rues piétonnes. De temps à autre, on se trouvait face à ce qui avait jadis été un platane, mais au fil du temps, les passants ne lui avaient plus prêté attention, raison pour laquelle il avait cessé de revêtir de nouvelles feuilles aux beaux jours. Mais depuis un certain temps, les choses sont en train de changer et dans nombre d’endroits improbables, la nature reprend peu à peu des droits. À force de se sentir délaissée, elle a décidé de s’affirmer dans cet univers qui lui était hostile, dans le but de montrer à tous ses opposants qu’ils ne peuvent plus l’ignorer et qu’elle a également sa place dans la sphère urbaine.
À la suite d’une décennie de combat acharné, elle a progressivement réussi à faire valoir ses droits, et aujourd’hui on la trouve un peu partout dans l’agglomération. Ainsi, long de la paroi de l’immeuble qui fait face au supermarché, la forme la plus courante de ces plantes citadines a su, non sans mal, se faire accepter d’un voisinage au départ très réticent. Il s’agit de la famille Araliacées, qui, en raison de la difficulté des autochtones à prononcer son vrai nom, a fini par y renoncer et se faire surnommer « Lierre ». Au début, la cohabitation s’est révélée assez houleuse. Quelques habitants de l’immeuble ont commencé à se réunir dans l’objectif de rédiger une pétition qu’ils ont ensuite donnée à signer à tous les locataires. Ils y évoquaient les nuisances engendrées par l’arrivée des Lierres, telles que la saleté, les insectes qui s’infiltraient dans leurs appartements, le manque de luminosité, entre autres désagréments. Le lierre n’avait dit mot, et supportait en silence toutes les insultes proférées à son égard et les signataires avaient obtenu du syndic qu’on lui coupe le bout des branches qui empiétaient sur leurs fenêtres. De peur qu’on ne l’expulse définitivement, il avait accepté la sanction sans broncher.
Voyant que le lierre se pliait aux décisions de la communauté, les habitants se montrèrent de moins en moins virulents à son égard. Au bout d’un certain temps, certains commencèrent même à voir les avantages que cette nouvelle cohabitation pouvait représenter. Il fut de moins en moins question de nuisances, et on se mit à le voir comme une chance de vivre dans un environnement plus sain. Désormais, quelques opposants subsistent, mais face à eux, des associations de soutien se sont formées, sans compter que ces dernières ont contribué au développement de nombreuses façades à l’image de celle-ci et à l’implantation du lierre en milieu urbain, ce qui satisfait la plupart des riverains.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire