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dimanche 27 avril 2014

Exercice d'écriture 20 – par Maïté

Sujet : Complices

« Regard »

Il a suffit d’un regard pour se retrouver. Parmi la foule, je l’aperçois au loin, je sais que c’est lui, aucun doute. Les années défilent mais son visage ne connaît pas les flétrissures du temps qui passe. Je me hisse sur la pointe des pieds, et d’un signe de la main, je l’interpelle. Il me reconnait aussitôt.
Dans ce lieu magique, le temps semble s’être arrêté. Je me faufile et je cours vers les bras de cet homme qui m’a tant manqué. Voici presque 3 ans que je le cherche sans relâche. Il est partout. Dès que je ferme les yeux, je le vois, je me remémore son regard, son sourire, ses histoires, sa façon bien à lui de me tenir dans ses bras et de me dire qu’il m’aime. Je me souviens nos parties de pêches. La plus mémorable de toutes, celle de la pêche à la crevette ! Ce fameux jour, où j’avais été d’une efficacité toute particulière, mon seau était rempli de petites crevettes grises, je me revois accourir vers lui, trébucher contre un rocher, renverser tout mon seau, relever la tête, le voir se pencher au-dessus de moi, l’air amusé et inquiet. Je me mets à pleurer, je n’ai rien mais je suis déçue, comme à son habitude, il trouve les mots pour me calmer, me rassurer, « demain, nous y retournerons ».
L’épisode du bateau gonflable lui aussi restera gravé à tout jamais comme ces longues après-midi ; assis tous les deux au bureau, lui avec ses lunettes me surveillant pendant que j’apprends mes leçons. Toujours bienveillant, choisissant ses mots avec délicatesse ; avec lui l’apprentissage est un jeu d’enfant. Les olives ? Pourquoi les olives ? Parce qu’elles sont la clé d’un des moments de convivialité partagé autour d’un petit Ricard. Lui, ne les aimait pas, cependant il savait qu’elles faisaient mon bonheur. La Normandie, le Pays-Basque, le Poitou-Charentes, autant d’endroits marqués par sa présence. Et aujourd’hui, enfin, de nouveau, nous sommes réunis.
J’ai cru que le seul souvenir que j’aurais de lui serait dans sa chambre d’hôpital, à l’entendre pousser ses ultimes râles de vie, puis son visage apaisé au fond de ce cercueil noir dans une pièce sombre où une fine lumière rougeâtre laissait entrevoir cette paix qu’il semblait avoir retrouvé.
Alors, quelle fut ma surprise, quand après une course infernale, j’atterris sur cette place bondée et que je le vis, là, droit, souriant, les yeux pétillants de vie me tendant les bras. Arrivée à sa hauteur, je vis ses yeux brillants, humides, et c’est alors qu’il me dit : « Bienvenue Maí ! » Tout juste âgé de vingt-ans, je me sentis soudainement remplie d’un bonheur, d’une chaleur que je pensais ne jamais retrouver.
La complicité qui nous unissait depuis ma naissance était toujours là et je savais qu’elle nous resterait à jamais.  

Exercice d'écriture 19 – par Maïté

Sujet : Fax

« Voyage »

Arrivée sur Pluton, je fus prise de stupeur. Pourquoi suis-je si loin du soleil ? Moi qui toute ma vie n’avais voulu que ça, m’en rapprocher au maximum, le toucher même si seulement c’était possible. C’est alors que Paul me dit : «  Envoie-lui un fax ». L’air raréfié devait lui avoir fait perdre la tête. Je ne relevai même pas sa remarque et me décidai à aller explorer cette nouvelle planète. Munie de ma tenue d’astronaute, je m’éloignai du vaisseau, seule. Après plusieurs heures de marche, où je n’avais croisé ni âme qui vive, ni point d’eau, ni la moindre lumière, je tombai dans un trou et glissai sur quelques mètres qui me parurent être des kilomètres.
Là, devant mes yeux ébahis, se trouvait une sorte d’oasis: des palmiers, des cocotiers, des coquillages, du sable blanc, un océan bleu turquoise avec en toile de fond un soleil écrasant, éblouissant. Prise d’un élan de folie provoqué par cette luminosité subite, je quittai ma tenue de spationaute. En deux temps trois mouvements, je me retrouvai à moitié nue, les pieds dans le sable fin, chaud, courant à travers ce décor féerique. Sur la droite, adossée au cocotier, une planche de surf, un quattro, 6.2 bleu, avec un scorpion noir peint entre les dérives. Je saisis la planche au vol, me précipitai dans l’océan où je voyais des petites ridules se former au fur et à mesure.
Je commençai alors la meilleure session de surf de ma vie. Les vagues s’enchainaient avec une régularité parfaite, l’eau était glassy. La hauteur du pic devait atteindre tout juste 2 mètres, ce qui était l’idéal pour ma condition et mon niveau. Les vagues ouvraient sur des mètres et des mètres, alternant à droite puis à gauche, un peu selon l’envie que j’avais au moment de ramer. Devant moi, il n’y avait qu’un mur en pierre, j’avais l’impression de surfer dans une grotte ensoleillée. Tout paraissait si irréel. Les heures passaient et je ne ressentais aucune fatigue.
Quand j’ouvris les yeux, Paul se trouvait au-dessus de moi, son regard d’un vert profond me souriait. Il me dit : « J’ai envoyé le fax pour toi, ça t’a plus ? » Dans un état semi-comateux, je lui répondis : « Sommes-nous au paradis ? » « Non, nous sommes là où tu veux que nous soyons. Ton imagination, c’est elle qui te guide, qui nous guide et avec elle, rien ne pourra plus jamais t’arrêter. » Paul s’arrêta un instant de me parler pour tourner la tête et s’adresser à une tierce personne que je ne voyais pas avant d’ajouter : « Alors bébé, on repart ? » Tapant un fax de sa main gauche, il m’injecta un liquide bleuâtre dans les veines, c’était reparti. 

lundi 14 avril 2014

Exercice d'écriture 18 – par Sarah

« Fax »

À trente à peine, Denis était un jeune homme solitaire. Une semaine auparavant, il avait soufflé ses bougies en tête à tête avec sa mère, dans la salle à manger aux papiers peints jaunis de leur maison de campagne en Normandie. Son père avait quitté le domicile conjugal lorsqu’il était encore enfant, plongeant sa mère dans des dépressions à répétition qu’elle tentait de minimiser en ingurgitant quotidiennement des plaquettes entières d’anxiolytiques, si bien qu’elle avait peu à peu oublié tout un pan de sa vie passée. Si quelqu’un lui avait demandé la raison de ses problèmes, il est probable qu’elle ait été en mal d’y répondre clairement. Avant le départ de son mari, elle avait eu quatre enfants, mais ceux-ci avaient de toute évidence préféré prendre leurs distances avec le cocon familial pour entamer une nouvelle vie qu’ils espéraient différente de celle de leur enfance. Denis était le plus jeune de la fratrie et s’était toujours montré plus réservé que les autres, il n’avait jamais réussi à s’affirmer parmi ses camarades de classe et avait constamment fait l’objet des moqueries des autres enfants.
Une fois le bac en poche, Denis était parti suivre des études de droit à l’université, mais deux mois suffirent à lui faire comprendre que cette filière n’était pas faite pour lui. Il attendit donc la rentrée suivante pour entamer une licence d’Histoire, qu’il obtint brillamment, tout comme le Master et le Doctorat qu’il effectua ensuite. Au cours de toutes ces années d’études, il avait vécu dans la même chambre délabrée de l’unique résidence universitaire du campus, une mansarde étroite et insalubre qui abritait un vieux sommier aux ressorts usés sur lequel reposait un matelas attaqué par les mites, une étagère improvisée avec des planches de bois et une plaque électrique qui ne fonctionna que les deux premières années. Le sérieux du jeune homme était très apprécié par ses professeurs qui l’encouragèrent même une fois à poursuivre son cursus dans cette filière, en intégrant une université étrangère de renommée internationale où il étayerait ses connaissances et dans laquelle il aurait plus de chance de trouver par la suite un poste de chercheur à la hauteur de ses capacités. En vain, car Denis refusait de s’éloigner de sa ville natale, essayant de se convaincre qu’il ne voulait pas abandonner sa mère, même si en réalité, son refus de partir s’apparentait plus à la crainte de partir vers l’inconnu et de devoir se faire accepter par de nouveaux enseignants, alors qu’il se sentait en confiance avec ceux qui le connaissaient.

Au terme de ses études, il obtint donc un poste au sein de sa propre université, en emménageant cette fois-ci dans un appartement plus spacieux que ce qu’il avait connu auparavant, mais tout aussi vétuste. Contrairement à ses anciens camarades de classe, les étudiants l’appréciaient, conscients d’avoir la chance d’étudier avec un professeur si compétent, et il avait de bonnes relations avec ses collègues du département d’Histoire, sans pour autant que celles-ci s’écartent du cadre strictement professionnel. Le soir donc, Denis rentrait seul chez lui et écoutait un air de jazz en préparant ses cours du lendemain. Il ne se sentait pas malheureux ainsi, mais de temps à autre, il lui arrivait de penser avec nostalgie à cette fois où on lui avait proposé de partir. Il était alors incapable de déterminer si oui ou non, il regrettait désormais de ne pas l’avoir fait, mais ne pouvait s’empêcher de se demander quelle aurait été sa vie s’il avait accepté cette offre.

Mais un matin, dans son bureau, alors qu’il corrigeait les copies de ses étudiants de deuxième année, le bip du fax retentit. Il se leva pour regarder de quoi il s’agissait car il attendait les conclusions d’une nouvelle recherche faite par des doctorants d’une université parisienne. Il sortit donc la feuille de la machine et s’aperçut que l’indicatif figurant en bas de la page n’était pas français. Il lut le contenu du message : l’université où il avait refusé de suivre des cours quelques années auparavant lui proposait un poste de chercheur. Il s’affala dans son fauteuil. Il était grand temps pour lui de reprendre son avenir en main s’il voulait que les choses changent.

samedi 5 avril 2014

Exercice d'écriture 13 – par Joana

« Tourmentes »

La longue plage de sable fin se révélait d'une beauté particulière ce soir-là. Personne n'aurait cru qu'une violente tempête s'était abattue sur la côte basque quelques jours auparavant. Les digues de protection et les déchets rapportés par la mer avaient totalement disparus. La forte houle avait laissé place à de petites vagues, à peine visibles. Depuis la terrasse du Casino de Biarritz, la vue sur le coucher du soleil était inégalable. Le ciel flamboyant se reflétait parfaitement sur la mer, créant ainsi un miroir d'eau, phénomène plutôt rare en ce début d'hiver. Le sable blanc devenait presque aussi rouge que le corps d'un baigneur resté trop longtemps exposé au soleil. Une légère brise remplaçait les coups de vent permanents de la veille.
Antoine se promenait le long de la jetée, observant la mer avec attention. Quelque chose clochait ce soir-là, mais il n'arrivait pas à savoir quoi. À quelques mètres de lui, un passant poussa un cri strident. Une petite voiture grilla un feu rouge quelques secondes plus tard. Mais depuis quand y avait-il une route à cet endroit-là ? Il faisait de plus en plus sombre. Tous les lampadaires étaient éteints. La pleine lune était la seule source de lumière. Soudain, un bruit sourd provint du ciel. Antoine l'entendait de plus en plus fort. En moins d'une minute, un avion atterrit sur la plage. La marée étant anormalement très basse, l'engin n'eut aucun problème pour se poser. Le pilote et un autre homme sortirent de l'avion. Ils s'approchèrent lentement d'Antoine. Tous deux parlaient une langue étrange qu'il ne chercha même pas à comprendre. Puis l'un des deux lui adressa enfin la parole :
— Quelle belle nuit, n'est-ce pas ?
Antoine ne répondit pas.
— Comment vous sentez-vous ? Avez-vous réfléchi ? reprit l'homme.
— De quoi parlez-vous ? On ne se connaît même pas, répondit Antoine, nerveux.
— De la décision importante que vous devez prendre aujourd'hui.
— Je suis un peu confus. J'hésite encore. Et si c'était une erreur ? Et s'il ne se passait rien ensuite ?
Un bruit de klaxon réveilla brusquement Antoine. Troublé par son rêve, il alluma immédiatement son ordinateur. Il surfa sur le net sans trop savoir ce qu'il cherchait et tomba sur une citation : « Je sais bien ce que je fuis mais non pas ce que je cherche ». Cette phrase lui fit prendre conscience qu'il devait reprendre sa vie en main, se donner les moyens de passer à autre chose, de repartir à zéro. Il devait recommencer à vivre. Son appartement était sans dessus dessous. Il n'avait pas fait le ménage depuis des mois. Cela faisait des semaines que son courrier s'entassait sur la table basse de son salon. Parmi toutes ces lettres, il n'en avait ouvert qu'une seule. Celle qui le tourmentait depuis une quinzaine de jours.
Une semaine plus tard, Antoine était prêt. Avant de partir, il procéda aux vérifications de dernière minute. Puis il regagna la chambre, s'assit au bord du lit et caressa doucement le coussin de droite. Pardonne-moi, mon amour.
À l'extérieur, un taxi l'attendait. Le chauffeur s'impatientait.
— Je suis désolé pour l'attente, mais je devais dire au revoir à quelqu'un.
Antoine avait enfin accepté ce poste à l’étranger. Il adorait sa ville et sa région, mais il ne pouvait plus vivre là où sa fiancée était décédée. L’atmosphère qui régnait dans l’appartement depuis sa mort l’étouffait. Il se sentait oppressé comme si du lierre s’enroulait autour de lui et l’empêchait de respirer, de se battre, d’aller de l’avant. Il était temps de partir, de tout quitter pour commencer une nouvelle vie. Le jeune homme jeta un dernier regard vers son immeuble. Le véhicule pris la direction de l’aéroport.

Exercice d'écriture 13 – par Morgane

« Lierre »

Qu’ils soient de terre ou goudronnés, dans les bois ou au bord de la mer, on a tous emprunté à un moment ou à un autre de notre vie des chemins.
Je parle au sens propre, au sens premier du terme, vous l’aurez compris.
Bien que l’on ait souvent utilisé les « chemins semés d’embûches » comme métaphore de la vie humaine, mon but n’est pas là. Tout a été dit et redit sur ce point et, sans bien savoir vers où je me dirige en choisissant ce sujet, je sais que ce chemin-là n’est pas celui que je souhaite emprunter.
Souvent étroits, longs, mêlés à d’autres, entrecroisés, les chemins sont, comme le lierre qui grimpe sauvagement le long des façades d’une maison de campagne, des lignes qui serpentent et divisent notre planète.
La volonté divine a vaincu la géométrie, science des plus exactes et rébarbatives, si je peux me permettre, en créant ces chemins en aucun point rectilignes et droits.
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on s’y engage le plus souvent sans vraiment savoir où ils nous mèneront.
Les chemins ont quelque chose de mystérieux, d’exotique, de mystique que je ne saurais expliquer.

Ils sont décrits comme sombres, tortueux, dangereux ou bien comme ensoleillées, agréables et charmants.
On les trouve partout, ils ont envahi notre espace sans que l’on s’en rende compte et, toujours sans nous en rendre compte, nous les avons intégrés à notre quotidien.
Ils étaient des noms communs et sont devenus des verbes.

Ils étaient considérés comme des voies d’accès et sont devenus des lieux à part entière, comme si chaque parcelle de terre, chaque route, chaque détour, n’étaient en fait qu’un chemin parmi tant d’autres.

Exercice d'écriture 12 – par Émeline

« Liens »

Au début, cela m’amusait. Le temps n’avait pas encore lancé ses saisons à l’assaut de ma vieille carcasse ; du moins, j’étais alors suffisamment fraîche et jeune pour ne pas m’en soucier. Il était apparu à mes pieds, probablement implanté là, comme tant d’autres, arraché à sa terre natale par des mains qui s’approprient tout, qui se font maîtresses de ce qui les entoure. D’abord, je l’ai trouvé incroyablement timide : on aurait dit qu’il n’osait pas grandir, prendre appui, peut-être par crainte de m’offusquer. Puis il a commencé à prendre de l’assurance et se cramponnant à moi, il a accéléré son ascension. J’oscillais entre plusieurs sentiments : une bienveillance presque maternelle envers cet être minuscule, un amusement de vieille dame qui observe la jeunesse, et l’agacement contre ces accrocs – pas vraiment douloureux, peut-être, mais c’était ma première expérience de la détérioration. Depuis, j’ai connu les enfants qui barbouillent, n’importe où, sur n’importe quoi, les clous enfoncés, le sifflement des perceuses, les tranchés ouvertes pour déplacer la tuyauterie, les coups de massue pour abattre une cloison…
Au fil des années, il a étalé son verdoiement pour m’habiller, comme pour me protéger contre les dures gelées d’hiver. Il se dressait, je me tassais. Il déployait sa vivacité, j’étais gagnée par la flétrissure… Mais, même fatiguée, je veillais sur tous avec attendrissement, jusqu’au jour où je n’ai plus été à leur goût. La rupture a été progressive : je suis devenue la dame âgée à qui l’on rend visite en été, celle qui sent le renfermé, qu’il faut aérer au printemps, celle qu’on ne revoit que pendant les grandes vacances. J’ai appris à apprécier, à attendre même avec une réelle impatience, l’écho des rires enfantins, le fumet des grillades, les courants d’air qui font claquer les fenêtres… L’espace d’une saison, ou presque, je pouvais revivre. Cependant, j’imagine qu’il aimait moins ces moments-là, car pour lui, ils étaient synonymes de répression : c’était l’époque de la taille. Il avait pris tant d’aisance, qu’il fallait finalement le contenir, lui imposer des limites, pour qu’il ne m’envahisse pas complètement.
Un matin, un gros camion s’est garé devant l’entrée. Ce n’était pas la période des congés annuels. Quatre hommes en sont descendus, que je n’avais jamais vus. Ils avaient les clés, ils avaient les bras chargés de couvertures, de cartons et de rouleaux de scotch. En fin d’après-midi, ils étaient repartis, me laissant complètement vide. D’autres inconnus, sont venus, mais ils ne se sont jamais installés. Leurs pas résonnaient en moi, qui n’étais plus qu’une coquille, où les souvenirs avaient cessé de vibrer.

Plus personne ne l’empêche de se glisser entre mes tuiles, et sous son feuillage, on peut voir mes fissures, cicatrices laissées par l’usure. Désormais, c’est peut-être lui qui me maintient debout.

Exercice d'écriture 17 – par Sarah

« Lierre »

Il y a quelques années, le béton régnait en maître dans la ville, et le jardin municipal était le seul endroit où l’on pouvait se risquer à côtoyer autre chose que l’asphalte et les pavés des rues piétonnes. De temps à autre, on se trouvait face à ce qui avait jadis été un platane, mais au fil du temps, les passants ne lui avaient plus prêté attention, raison pour laquelle il avait cessé de revêtir de nouvelles feuilles aux beaux jours. Mais depuis un certain temps, les choses sont en train de changer et dans nombre d’endroits improbables, la nature reprend peu à peu des droits. À force de se sentir délaissée, elle a décidé de s’affirmer dans cet univers qui lui était hostile, dans le but de montrer à tous ses opposants qu’ils ne peuvent plus l’ignorer et qu’elle a également sa place dans la sphère urbaine.
À la suite d’une décennie de combat acharné, elle a progressivement réussi à faire valoir ses droits, et aujourd’hui on la trouve un peu partout dans l’agglomération. Ainsi, long de la paroi de l’immeuble qui fait face au supermarché, la forme la plus courante de ces plantes citadines a su, non sans mal, se faire accepter d’un voisinage au départ très réticent. Il s’agit de la famille Araliacées, qui, en raison de la difficulté des autochtones à prononcer son vrai nom, a fini par y renoncer et se faire surnommer « Lierre ». Au début, la cohabitation s’est révélée assez houleuse. Quelques habitants de l’immeuble ont commencé à se réunir dans l’objectif de rédiger une pétition qu’ils ont ensuite donnée à signer à tous les locataires. Ils y évoquaient les nuisances engendrées par l’arrivée des Lierres, telles que la saleté, les insectes qui s’infiltraient dans leurs appartements, le manque de luminosité, entre autres désagréments. Le lierre n’avait dit mot, et supportait en silence toutes les insultes proférées à son égard et les signataires avaient obtenu du syndic qu’on lui coupe le bout des branches qui empiétaient sur leurs fenêtres. De peur qu’on ne l’expulse définitivement, il avait accepté la sanction sans broncher.
Voyant que le lierre se pliait aux décisions de la communauté, les habitants se montrèrent de moins en moins virulents à son égard. Au bout d’un certain temps, certains commencèrent même à voir les avantages que cette nouvelle cohabitation pouvait représenter. Il fut de moins en moins question de nuisances, et on se mit à le voir comme une chance de vivre dans un environnement plus sain. Désormais, quelques opposants subsistent, mais face à eux, des associations de soutien se sont formées, sans compter que ces dernières ont contribué au développement de nombreuses façades à l’image de celle-ci et à l’implantation du lierre en milieu urbain, ce qui satisfait la plupart des riverains.

mercredi 2 avril 2014

Exercice d'écriture 18 – par Maïté

Sujet : Lierre
« Bourreau »

Dans l’ancienne ville de Monteviejo se promènent nombre d’âmes en peine en quête d’une nouvelle vie ou tout simplement à la recherche du temps perdu. Cette ville autrefois extrêmement active du fait de son port de pêche, servait de point d’entrée avec le continent. Tout le monde passait par ce port, pour commercer, vivre, faire la fête. C’était le théâtre d’une mixité florissante. De nombreux intellectuels s’y rendaient pour commenter, écrire ; des artistes aussi venaient pour peindre les paysages pittoresques qui entouraient ce port unique au monde. Mais un beau jour, un grand drame la réduit à néant.
Un bruit éclata au beau milieu de la nuit et une lumière jaillit de nulle part. Un homme en descendit comme porté par ce halo lumineux. Lorsqu’il posa les pieds au sol, on remarqua d’emblée son imposante stature et sa tenue incongrue. Il était immense, très musclé, les traits du visage marqués par le temps qui passe, la peau mate burinée par le soleil, une légère barbe poivre et sel encadrait son visage. Ses cheveux quant à eux, étaient d’une noirceur impressionnante, ils brillaient, gominés, et étaient longs, plaqués en arrière. Ses yeux paraissaient lancer des flammes tellement ils étaient rougeoyants, ses sourcils sombres accentuaient la dureté de son regard. Ses lèvres pincées ne laissaient entrevoir ni un sourire ni ses dents. Son air solennel semblait sonner le glas d’une ère nouvelle. Sa tenue laissait apercevoir ses pectoraux saillants, éclatants, montrant une grande rigueur dans l’entretien de sa personne. Il portait une sorte de combinaison en latex, très moulante. À sa ceinture se trouvait, une matraque, un fouet à lanières rouges assorti à la couleur de ses yeux, deux paires de menottes et dans sa main gauche il tenait une cravache. Ses bottes étaient vernies et portaient des éperons rouges eux aussi. Aux poignets de cet homme se trouvaient d’étranges bracelets rougeoyants qui clignotaient.
La foule qui en entendant le bruit et ayant vu la lumière, était sortie et s’était agroupée autour de ce voyageur inconnu le contemplant avec méfiance, peur et stupéfaction. Le premier ordre fut donné. Tous les hommes qui se trouvaient dans le village devront s’aligner les uns à côté des autres à l’aube.
Certains essayèrent de fuir craignant cet homme et ne sachant qu’attendre de lui. D’autres décidèrent de rester, de se soumettre et d’obéir même s’ils n’avaient absolument aucune idée de ce que voulait cet homme.
Comme prévu, à l’aube, les hommes n’ayant pas fui se retrouvèrent face à l’homme en noir. Celui-ci leurs dit :
— Vous allez être punis pour le mal que vous avez commis, la domination que vous avez exercée depuis déjà bien trop d’années sur un sexe que vous avez et continuez de considérer comme inférieur à vous. À présent, mettez-vous tous à quatre pattes ! 
Certains hommes saisis d’effroi, essayèrent de partir mais une lueur rouge les en empêcha et les condamna à obéir. Une fois qu’ils furent tous en position, l’homme en noir commença ses sévices. Quelques femmes observaient la scène depuis leurs chambres ou depuis le trottoir, elles restaient bouche bée devant le spectacle qui s’offrait à elles.
Au bout de 7 jours et 7 nuits, l’homme en noir en avait fini avec les tortures et tel un bourreau, exécuta tous les hommes du village d’un coup de laser puis fit un énorme feu de joie avec les corps.
Il n’y avait plus que des femmes et l’homme en noir. Celui-ci demanda à la plus belle femme du village de s’approcher de lui et lui fit offrande de tout son arsenal, se déshabilla et lui dit :
— À présent que vous êtes débarrassés de ces « brouillons » crées par Dieu, vous allez pouvoir vivre en paix et vous épanouir. Pour cela, je vous offre mon corps afin que vous puissiez continuer à procréer. De mon corps, la semence sera pure et aucun homme ne pourra plus voir le jour. Je veux que tu sois la première à engendrer ce que deviendra la nouvelle race de cette terre, une terre menée, dirigée uniquement par des femmes. 
La jeune femme s’exécuta, ils firent l’amour avec passion et sauvagerie dans le bosquet à l’abri des regards lorsque subitement, jaillirent du sol des plantes vertes géantes qui enveloppèrent les corps des deux amants comme du lierre, et des feuilles résistantes à toutes épreuves en poussèrent. De là naquirent des femmes pour les générations à venir.

Mais les femmes avaient déserté le village y sentant comme une certaine puanteur, voilà pourquoi ne restaient que des âmes en peine, celles des hommes qui erraient, ne trouvant plus leur chemin, perdus à jamais.  

Exercice d'écriture 21 – par Marie

« Lierre »

La façade de la maison était complètement cachée par les feuilles de lierre qui montaient jusqu’à la toiture ; il y aurait beaucoup de travail pour redonner à cette maison son aspect d’antan, mais Rémi s’était fait une promesse et il comptait bien s’y tenir.
En poussant la porte principale, une odeur de poussière et de bois vieilli me rappela les dimanches après-midi quand, avec mon père et mes sœurs, nous venions visiter cette demeure que l’on appelait entre nous « la maison de la grand-mère », car elle avait appartenu à la grand-mère de Papa. Il s’agissait donc en réalité de la maison de mon arrière grand-mère. Certaines pièces avaient gardé des ambiances et des souvenirs que je n’avais pourtant jamais vécu, mais qui étaient là tout autour de nous ; à travers ces veilles revues retrouvées dans le fond d’une armoire, dans ce verre en cristal laissé là sur une table du salon, dans ce broc d’eau en porcelaine de Gien ébréché à côté d’un lit à baldaquin, dans ce vieux tissu que le soleil avait jauni et qui se trouvait à présent à demi-raccroché sur une tringle elle-même mal fixée, dans ce vieux veston abandonné sur le dos d’une chaise… Cette maison vivait encore. Les grandes cheminées avaient été dépouillées de leur ornement en marbre et n’étaient plus que l’ombre de celles qu’elles avaient dû être. Pas de photographies pour nous aider à imaginer cette maison telle qu’elle était vraiment, juste un vieux daguerréotype que le temps avait déjà usé et sur lequel on ne voyait que la façade extérieure de la maison avec, devant, une toute petite bonne femme, bien droite, chapeau conique et talons hauts un demi-sourire aux lèvres. Cette femme semblait assez énigmatique. À entendre parler Papa, c’était pourtant quelqu’un de tout à fait transparent, et en même temps, tout un personnage. Elle avait perdu son unique frère pendant la Première Guerre mondiale et ne s’était jamais remise d’une telle perte. Elle avait été obligée, dans un souci matériel, de se marier et avait fait un mariage sans état d’âme ni implication personnelle ; néanmoins consciente qu’il lui fallait obéir à certains devoirs, elle s’en était acquittée et avait cessé, par exemple, de faire chambre commune dès qu’elle avait eu un fils, elle n’a eu d’ailleurs qu’un seul et unique enfant, mon grand-père. L’arrière grand-père, complètement fou d’elle, avait accepté tous ses caprices de son vivant et, à sa mort, lui avait légué toute sa fortune. Mon père, encore très jeune à la mort de son grand-père avait toujours connu sa grand-mère portant le deuil, « elle l’a porté jusqu’à sa mort », trente ans de deuil pour un homme qu’elle n’avait jamais aimé ? Pourquoi l’avait-elle fait ? Par souci des convenances ? Elle ne se souciait de rien ni de personne, elle montait à cheval à califourchon, cultivait son jardin juste parce qu’elle cela l’amusait, menait les ouvriers agricoles des terres de son mari d’une main de fer et n’allait à la messe le dimanche que lorsqu’elle en avait envie. C’était une femme pleine d’esprit et très puérile, mon père nous raconte souvent des souvenirs de jeux qu’il a avec elle, de vrais jeux au sens premier du terme, c’est-à-dire de jeux pour s’amuser, se divertir et non de jeux déguisés en jeux, mais qui se veulent plus « pédagogiques ». Peut-être que j’ai l’impression qu’il y a encore de la vie dans cette maison à cause des souvenirs racontés par mon père, des images que je crois percevoir, aujourd’hui encore, dans ses yeux quand il passe de pièce en pièce et touche certains objets en souriant. Parfois, j’imagine qu’il existe des petits films qui ont été tournés à l’époque et que l’on pourrait les retrouver juste en bougeant quelques pierres d’un mur, on pourrait alors s’asseoir et regarder ce qu’il s’est vraiment passé, voir ces lieux habités, voir tous ces gens parler, bouger, vivre… Si seulement… En attendant, il me faudrait réinventer cette maison selon mes goûts, mes préférences et donc, ce faisant, effacer forcément le passé pour recommencer à écrire une autre histoire. Il y a quelque chose de dramatique dans cet éternel recommencement… Et finalement, je ne suis pas sûr d’avoir envie d’y participer. 

dimanche 30 mars 2014

Exercice d'écriture 17 – par Maïté

Sujet : Philtres

« Amour »

Une douce mélodie provenait de la chambre du fond de la vieille bâtisse, une odeur émanait dans le couloir. Elle se décida et suivit son instinct, guidée par ses sens à travers l’obscurité de cette demeure de campagne où l’électricité était un luxe inexistant. Peu à peu, ses yeux s’entrouvrirent, et elle découvrit une lumière tamisée, des bougies semblaient éclairer le chemin. La couleur rougeâtre offrait à ce lieu isolé, une agréable chaleur ; en regardant le sol de plus près, elle se rendit compte qu’elle marchait sur du sable. Elle se pencha, le toucha, laissant passer les grains de sable entre ses doigts, puis, malgré sa belle robe blanche, elle fut prise d’une folle envie de se rouler dans ce sable froid. Son imagination l’éleva vers un monde parallèle.
Elle était là, les pieds dans le sable, qui à présent était devenu brûlant. En face d’elle, l’océan, d’un bleu incomparable, fit que dans un élan, elle se jeta à corps perdu dans cette eau translucide. Elle nageait, le corps flottant, balayé par les reflets du soleil. Elle se sentait libre, comme si plus rien autour d’elle n’avait d’importance.
Brusquement, elle fut réveillée. Elle reprit ses esprits, et se trouvait à présent dans une grande pièce, dont les murs étaient remplis de livres divers et variés. Elle courait tout autour de la pièce lumineuse et ne savait où donner de la tête. Elle finit par prendre plusieurs romans et s’assit au centre de la pièce. L’odeur des livres anciens envahit rapidement ses narines et de nouveau elle fut transportée.
Elle se retrouva allongée sur un bateau, en pleine mer. La tempête faisait rage mais elle restait de marbre, elle contemplait la beauté d’un ciel aux couleurs bleues, grises, blanches. Des éclairs lumineux venaient amplifier ce somptueux spectacle. Au moment où la foudre allait s’abattre sur le bateau, elle ferma les yeux.
Lorsqu’elle les rouvrit, elle était au beau milieu d’un champ d’achillées. Ces fleurs possèdent un côté magique qui l’envoûta totalement. C’était l’été, et toutes ces fleurs faisaient penser à des flammes en train de danser. Les touffes couleur de feu des crocosmias mettaient en valeur l’achillea feuerland, leurs écarlates orangé, presque identiques et les capitules de l’achillée formaient un vif contraste avec les feuillages quand se mêlaient les lames vert intense du crocosmia et les folioles vaporeuses de l’achillée. Elle était comme bercée par ces herbes aux couleurs flamboyantes à la symbolique lourde de sens.
Elle se retrouva alors au milieu du siège de Troie, et aperçut tout près d’elle, le héros Achille qui venait d’être mortellement blessé au talon par la flèche de Pâris. Se prenant pour la déesse Aphrodite, des larmes ruisselèrent sur son visage et elle conseilla à Achille d’utiliser des restes d’achillées afin de calmer ses souffrances. Le visage inondé par les larmes, sa vue devint trouble.
Quand de nouveau, la lumière vint la frapper, elle était sur une piste de danse, dansant un zouk enflammé avec un bel antillais. Elle se laissait porter par cet homme à moitié nu, son odeur qui l’enivrait lui fit perdre la tête.
Quand elle revint à elle, elle était allongée sur un grand lit à baldaquin et à ses côtés, cet homme, celui dont elle avait rêvé tant de fois. Elle s’accouda pour le regarder, l’homme dormait. Il incarnait la perfection à l’état pur, grand, musclé, des traits fins, une peau mate et lisse, des cheveux bruns mi-long, une petite barbe qui commençait à poindre, des lèvres bien proportionnées. Alors, elle se pencha pour lui donner un baiser.

Ce baiser la fit atterrir dans une voiture, où à côté d’elle se trouvait une étrange femme. La femme la regarda et lui demanda : « As-tu aimé ton voyage ? ». Elle répondit : « Quel voyage ? Où suis-je ? » La vieille femme répondit : « Souviens-toi, souviens-toi où tout a commencé, tu dois penser à l’amour et aux philtres qui t’ont guidé jusqu’à moi et peut-être alors, te réveilleras-tu. »

Exercice d'écriture 20 – par Marie

Philtres

— Bois ! Bois ! Bois ! Bois ! Bois ! Bois ! Bois !
Ils étaient tous là autour d’elle à répéter inlassablement ce même mot afin qu’elle finisse ce breuvage tendu par le chaman quelques minutes plus tôt… Dans quoi était-elle venue mettre les pieds ! Deux mois auparavant, elle avait démissionné, mis un terme à sa relation amoureuse qui durait depuis plus de cinq ans, mais qui ne la rendait plus heureuse, s’était brouillée avec toute sa famille et avait décidé de partir sans dire où elle allait. À vrai dire, elle non plus n’en avait aucune idée, puis une destination en entrainant une autre, elle s’était retrouvée là : au beau milieu d’une forêt équatorienne s’initiant à la pratique du chamanisme. Elle avait trouvé sa voie : elle allait devenir chamane !
« Les Chamanes voient la terre, les animaux et les hommes comme des parties d'une entité entière en évolution et ils nous mettent en garde contre notre culture occidentale matérialiste qui, partout, veut imposer sa loi du déracinement,  rompant nos liens avec les forces naturelles de la terre et du cosmos », Brigitte s’était montrée très convaincante et elle l’avait suivie. Il fallait qu’elle retrouve l'harmonie avec la nature et la vie qui l’entourait, qu’elle prenne conscience de ses illusions, et de ses conditionnements et qu’elle vive davantage au présent.
Enfin, là, tout de suite, le présent n’était pas très reluisant… Il fallait qu’elle boive ce truc immonde, l’odeur à elle seule aurait découragé n’importe qui. Mais elle n’avait plus le choix, elle s’était engagée à suivre les voies du chamanisme, il fallait qu’elle poursuive son initiation. Après des nuits entières passées dans le ventre de la forêt sans eau ni lumière avec pour seule compagnie le bruit des animaux, les piqûres des moustiques et la chaleur tropicale, boire cette préparation qui lui permettrait de communiquer avec les esprits de la forêt n’était presque rien. Elle approcha sa bouche de la coupe, retenant sa respiration afin de s’épargner les émanations nauséabondes, mais la vue était tout aussi repoussante et elle eut soudain un haut-le-cœur complètement incontrôlable. Sachant qu’une telle réaction ne serait pas appréciée par le chaman, elle reprit vite ses esprits et se mit alors à boire d’un seul trait le breuvage infect, imaginant alors qu’il s’agissait du sirop rose pour la toux que sa Maman lui donnait lorsqu’elle était enfant qui contenait un philtre magique qui la guérirait instantanément. Mais cette boisson, moins innocente, allait la faire rentrer dans une transe qui durerait jusqu’au lendemain matin… Elle avait apparemment passé avec succès la deuxième étape, son initiation au chamanisme allait donc pouvoir se poursuivre. Elle n’était pas sûre d’être à sa place, mais elle comptait bien poursuivre cette expérience, après tout, qu’avait-elle à perdre ?

Exercice d'écriture 16 – par Sarah

« Philtres »


Tu regarde par la fenêtre en espérant trouver l'inspiration dans les nuages rosés par le soleil couchant. Tu dois rendre ta dissertation demain et te retrouves face à une feuille blanche, comme tous les dimanche soir après le dîner. Cette fois-ci, Madame Sernillon y est allée fort : « Les contes merveilleux, un genre toujours d'actualité ? », voilà un sujet comme tu les détestes. À dix-sept ans, tu penses avoir passé l'âge des contes de fée, il n'y a pas plus ringard... Tu fais le vide dans ta tête, car tu ne sois pas te laisser distraire si tu veux avoir une chance de fermer l’œil cette nuit, aussi ta priorité est désormais d'établir un plan. Dès lors que tu l'auras déterminé, tu n'auras plus qu'à te laisser guider par ton imagination, si tant est qu'il t'en reste un peu. Tu fixes la feuille du regard, l'angoisse monte progressivement. De nouveau, ton regard bascule vers l'extérieur car un mouvement a attiré ton attention. Quelqu'un marche dans la rue, c'est Tom qui promène son chien. Toi aussi, tu aurais aimé en avoir un, non pas que tu te sois prise d'affection pour ces boules de poil puantes, mais devoir sortir le chien signifierait ne pas avoir sans arrêt à chercher des excuses pour obtenir l'autorisation de sortir de la maison et bavarder un moment avec Tom. Quoi qu'il en soit, la question ne se pose pas car ton adorable petite sœur est allergique à tout ce qui peut avoir des poils. Sans même t'en rendre compte, tu as commencé à griffonner quelques mots sur ta feuille. C'est un début, une ébauche de plan, et avec tous les éléments dont tu disposes arrive l'éternelle question qui se répète chaque semaine : un développement en deux ou trois parties ? Comme la norme veut qu'il y en ait trois, tu optes pour cette solution, sachant pertinemment que tu n'as que deux idées à développer. Qu'à cela ne tienne, tu en trouveras bien une troisième le moment venu. En bas, dans le salon, le bruit des assiettes t'indiquent que ta mère est en train de jeter les restes du repas et s'apprête à faire la vaisselle. Tu remarques en regardant par la fenêtre que la voisine en fait de même, Madame Sernillon est-elle aussi dans sa cuisine en ce moment ? A-t-elle des enfants ? Ces pensées te dérangent, tu n'arrives pas à imaginer ta prof de français dans son rôle de ménagère. Il est inconcevable que celle qui parle à longueur de temps de liberté et d'émancipation se trouve actuellement dans sa cuisine accoutrée d'un tablier, une assiette dans une main et un torchon dans l'autre. Ton esprit s'éparpille, le tablier de Madame Sernillon n'a rien à voir avec le fantastique et les contes de fée... Encore que... Non, tu es trop loin de ta dissertation, tu reviens à l'essentiel : déjà une page d'écrite, tu es la preuve vivante que les femmes peuvent faire deux choses à la fois. Mais voilà que ta soeur Agatha entre dans ta chambre sans avoir frappé à la porte. Elle vient te dire bonsoir et t'a amené un cadeau, un petit bocal avec une sorte de liquide jaunâtre dans lequel baignent des feuilles et des herbes parmi lesquelles il te semble reconnaître le persil du plat de ce soir. « C'est un philtre d'amour que tu dois faire boire à quelqu'un pour qu'il tombe amoureux de toi ». Elle t'embrasse, sort de la chambre et referme la porte derrière elle. Tu poses le récipient sur ton bureau et l'observe en souriant car tu as trouvé une conclusion pour ta dissertation.

lundi 24 mars 2014

Exercice d'écriture 12 – par Joana


« Plantureuse »

S'il me reste des souvenirs de mon enfance ? Des bons et des mauvais, comme tout le monde, j'imagine. Mais je préfère penser aux bons, aux meilleurs. Les mercredis chez mes grands-parents, avec mon frère, mon cousin et ma cousine. On s'amusait drôlement bien. On allait à la patinoire, à la plage, à la forêt ou encore à la Rhune. On en avait de la chance ! Vivre entre la mer et la montagne. Quel enfant sur Terre pourrait s'ennuyer alors que tant d'activités s'offrent à lui ? Je me souviens d'une journée en particulier : il faisait beau et chaud, et nous avions décidé d'aller jouer dans un grand parc à Biarritz. En cette fin de printemps, l'herbe plantureuse était couverte de pâquerettes, de pissenlits, de violettes et d'une multitude de fleurs sauvages de toutes les couleurs. J'avais emporté avec moi ma maison de poupées ; et les garçons, leurs petites voitures et leurs figurines de dinosaures. Nous nous entendions très bien à cette époque-là, c'est donc naturellement que dinosaures et autres poupées firent des courses poursuites, jouèrent à des jeux de combats et prirent même le thé ensemble, comme à la dînette. Je me souviens des bracelets de fleurs que nous avions fabriqués, ma cousine et moi, pour mes poupées. Et des boutons d'or que l'on coupait délicatement pour mettre un peu de couleur dans nos longs cheveux bruns. La journée passa tellement vite que nous n'avions pas vu le temps s'écouler. On entendit des voix au loin : « C'est l'heure de rentrer, les enfants ! ». Ni une, ni deux, nous décollions de l'herbe, nos jouets rangés à la va-vite dans nos sacs. Ce n'est qu'en arrivant à la maison que je me rendis compte que j'avais oublié deux de mes poupées, dont ma préférée, celle qui me ressemblait le plus, d'après ma cousine. On ne les retrouva pas. Elle étaient perdues à tout jamais. Je garde toutefois un excellent souvenir de ce jour-là, car, si je n'avais pas perdu ma poupée préférée, jamais mon frère ne m'aurait fait cadeau de son tyrannosaure miniature que j'aimais tant.

samedi 22 mars 2014

Exercice d'écriture 11 – par Émeline

Sujet : Plantureuse

« Petites annonces »

« Trentenaire, brune, plantureuse, cherche homme joueur. »
Je suis tombé là-dessus par hasard : je cherchais la colonne des appartements à louer, quand mon regard a trébuché sur un mot. …plantureuse… Je suppose que ce qualificatif est rare dans ces pages-là du journal. Alors, par curiosité, j’ai lu l’annonce entière. Support de publication oblige, elle est horriblement concise. Comment les lecteurs parviennent-ils à discerner l’individu derrière ces quelques mots ? Comment choisit-on la formulation qui nous décrit le mieux ? Pour une voiture, c’est facile : marque, modèle, énergie, année, kilométrage, contrôle technique et options, voire réparations effectuées ou à prévoir… Mais si on utilisait ces critères pour une personne, vous vous rendez compte ! La marque, ce pourrait être la nationalité, le modèle, la profession, mais l’énergie ? Veuillez préciser votre régime alimentaire. Et le kilométrage ? Ce serait un aperçu de son expérience, comme le nombre des anciennes relations (sérieuses ou non, à préciser). Et l’habituel « CT » deviendrait un Bilan de Santé… On trouverait donc, dans la rubrique « Femmes » :
« Anglaise, éditrice, végétarienne, 1978, 6 RS, goût pour les voyages, la culture, suivi orthopédique effectué, correction de myopie à prévoir. BS datant du 06/03/2014. »
Quelque part, cela aurait son avantage : on saurait à quoi s’en tenir. Mais avec cette annonce, comment savoir ? Elle ne dit rien de clair : ni ce qu’elle est, ni ce dont elle a l’air, même pas ce qu’elle recherche. Un seul mot a hameçonné mon esprit. Lorsque je l’imagine, j’entends un poème de Baudelaire.
Cependant Dorothée, forte et fière comme le soleil, s'avance dans la rue déserte, seule vivante à cette heure sous l'immense azur, et faisant sur la lumière une tache éclatante et noire.
Elle s'avance, balançant mollement son torse si mince sur ses hanches si larges. Sa robe de soie collante, d'un ton clair et rose, tranche vivement sur les ténèbres de sa peau et moule exactement sa taille longue, son dos creux et sa gorge pointue.
Dorothée : c’est à elle que je pense, chaque fois que surgit le mot « plantureuse ». Cette trentenaire pourrait être une incarnation de cet idéal féminin aux courbes généreuses, tout en harmonie. Mais elle pourrait aussi être une femme trop opulente, débordante. Je ne me risquerai pas à le vérifier, il serait bien trop frustrant de voir Dorothée supplantée par un être quelconque…

Exercice d'écriture 16 – par Maïté

Sujet : Plantureuse

« Plante verte »

Dans la pénombre de la nuit, surgit un vaisseau spatial qui illumina tout autour de lui. Il ne s’agissait, bien évidemment, pas de n’importe quel engin. Celui-ci était spécial. Il avait un je ne sais quoi qui le différenciait des autres. Tout d’abord, sa coque était entièrement en verre transparent et il avait la forme d’un soleil géant avec des rayons qui paraissaient jaillir de toutes parts. Les faisceaux qui se détachaient du cœur de l’appareil projetaient des lumières diffuses sous la forme d’un dégradé de couleur. Chaque faisceau avait un dégradé qui lui était propre. Le premier faisceau était dans les tons orangés, le second dans les bleus, le troisième dans les verts et enfin le quatrième dans les rouges foncés. Entre ces rayons, on distinguait de multiples lueurs qui formaient une charmante symphonie de couleurs. Lorsque le vaisseau toucha enfin la terre ferme, toutes les lumières s’éteignirent pour se rallumer une à une.
Pierre n’avait pas perdu une miette de l’éblouissant spectacle qui venait de s’offrir à lui. Sa curiosité éveillé, il décida de s’en approcher. À quelques mètres du vaisseau, il s’arrêta. Des quatre faisceaux lumineux, voilà qu’émergea à chaque extrémité un être exceptionnel, il n’en avait jamais vu de sa vie. Sur la planète de Pierre, les gens ne naissaient pas de l’union d’un homme et d’une femme, ils avaient été remplacés par des machines capables de procréer. Mais, cette procréation artificielle était incapable de donner le jour aux femmes. La machine avait été créée par des hommes pour des hommes car le but de l’homme du XXI siècle avait été d’éradiquer toute trace de femmes sur la terre ; c’étaient des créations diaboliques venues pervertir les hommes qui, au fur et à mesure des siècles, commençaient à s’affirmer et à empiéter de plus en plus sur la vie des hommes, ceux-ci finirent par s’unir et décidèrent d’en venir à bout.
Au XXIII siècle, il n’y avait donc plus de femmes et les hommes avaient complètement oublié leurs existences. Alors quand, au bout de ses faisceaux, surgirent des êtres aux corps plantureux qui ressemblaient à des anges tout droit tombés du ciel. Pierre resta bouche bée. Le premier corps était celui d’une femme aux formes arrondies et harmonieuses, elle devait mesurer 1m70 et son corps illuminé par des lumières orangées paraissait irréel. Pierre décida d’aller voir l’autre faisceau de lumière pour voir si une autre créature allait aussi en jaillir, en effet, il vit une créature dont les formes lui étaient inconnues. Des lumières bleutées, apparut une petite femme au corps rectiligne, toute en muscles, Pierre se demanda quelle était cette créature si petite et si musclée au point que son apparence physique aurait pu rivaliser avec un homme de la même corpulence. Mu par l’excitation, il courut jusqu’au troisième faisceau, ici, se dressa une créature divine, à la chevelure ondulée, nappée de petites fleurs, on aurait dit une belle plante verte. Son corps semblait se mouvoir comme une feuille en automne, elle était pleine de grâce. Pierre était impatient de voir la quatrième femme, bondissant des flammes rougeâtres, une quatrième femme émergea, elle était absolument divine. Une longue chevelure rouge scintillait et encadrait joliment son visage carré, son corps était d’une blancheur indescriptible, blancheur dont on ne pouvait qu’admirer la beauté sur ce fond rougeoyant. À la vue de tout ces corps nus, aux formes et aux couleurs diverses, Pierre tomba à la renverse.
C’est alors qu’une cinquième femme fit son entrée, elle s’éleva du cœur du vaisseau dans un halo de lumière jaune. La tête penchée en arrière comme si elle dormait, des ailes blanches sortant de son dos, et de longs cheveux blonds. Elle lévita jusqu’à Pierre qui venait de s’assoir pour admirer le spectacle, et elle glissa dans ses bras. Ses ailes avaient disparu, seul un léger voile blanc couvrait sa nudité. Pierre la regardait, l’admirait, la contemplait, l’observait attentivement. Il examina chaque parcelle de son corps. Il commença par scruter ses cheveux et délicatement, lui caressa les cheveux. Puis, tout en continuant de la dévorer du regard, il laissa sa main parcourir son visage doux, ovale, d’une douceur sans égal, tout comme les hommes, elle avait des sourcils, des yeux, un nez, une bouche, mais tout chez elle, était plus doux, ses traits étaient fins, ses sourcils couleur châtain formaient une courbe qui encadrait parfaitement ses yeux légèrement en amande, son nez était bien proportionné, légèrement remonté en trompette, et ses lèvres, … que dire de ses lèvres, on aurait dit qu’elles formaient un cœur, leurs tailles était parfaites, leurs couleurs légèrement rosées. Pour la première fois de sa vie, Pierre sentit une émotion que jamais il n’avait connu jusqu’à présent. Il continua son périple, frôlant avec sensibilité le cou de la créature, puis soulevant légèrement le voile qui la recouvrait, il toucha sa peau mate, satinée, sa main vint effleurer ce qui se trouvait être la courbure de son sein, il ôta le reste du voile, voyant ainsi la symétrie parfaite de ces deux formes étranges. En passant sa main, il sentit comme une réaction, la partie centrale du petit dôme venait de se raidir sous l’effluve de tendresse dont il faisait preuve sans se rendre compte. Sa main glissa le long du ventre de cet être unique, il remarqua qu’elle aussi, avait un nombril. Mais ce qu’il vit sous sa taille le surprit au plus haut point. Elle n’avait pas de sexe ou du moins pas un sexe au sens où lui l’entendait. Sa main s’approcha de l’endroit où le sexe devait se trouver, et en avançant sa main, il sentit comme une entrée. Il essaya d’y glisser un doigt et son doigt se retrouva au contact d’une source de chaleur chaude et humide, une chose qu’il n’avait jamais ressenti auparavant. Il se rendit compte que l’être qui se trouvait dans ses bras respirait. Il retira sa main de l’entre-jambe de la belle créature, se pencha au-dessus de son visage, lorsque soudainement elle ouvrit les yeux, des yeux bleus-verts, étincelants, on avait l’impression de se plonger dans l’océan, Pierre en était tout retourné. Son corps avait des réactions et se remplissaient de sensations, d’émotions, que jamais jusqu’à lors il n’avait connu.

La jeune femme le regarda droit dans les yeux et releva légèrement la tête, voilà comment naquit le premier baiser du XXIII siècle.  

Exercice d'écriture 15 – par Maïté

Sujet : Sur le bout de la langue

« Ami d’enfance »

Premier jour de l’hiver, le froid commence à s’installer, depuis ma fenêtre j’observe les flocons qui tombent. La neige, c’est la preuve que l’hiver est bel et bien là. Je décide alors de me blottir au coin du feu, mais rapidement je m’ennuie. J’appelle alors un ami d’enfance pour retrouver ce grain de folie que l’on avait à 8 ans.
— Allô, Mitch, c’est Maya ! Tu te souviens ?
— Maya Badawa, et comment que je me souviens ! Que me vaut l’honneur de ton appel ?
— Eh bien, j’étais chez moi au coin de la cheminée, quand tout d’un coup j’ai eu une envie soudaine d’avoir de tes nouvelles et de te voir. En voyant la neige tomber, je me suis rappelée des bons moments que l’on avait passés à l’école primaire. Joséphine m’a dit que toi aussi tu habitais toujours dans le coin. Je me suis dit que ce temps serait parfait pour des retrouvailles, qu’en penses-tu ? Tu fais quoi ?
— Tu me prends un petit peu de court, mais je vois que tu n’as pas changé. Toujours pleine d’entrain et de folie ! Je ne fais rien de particulier cet après-midi donc, si tu veux, on peut se retrouver au jardin public pour faire un bonhomme de neige comme dans notre jeunesse.
— Génial, on s’y retrouve dans une heure !
Me voilà surexcitée, je vais revoir mon meilleur ami, mon amoureux du primaire, ouiiiiiiiiiiiiii !!!! « Dans notre jeunesse », il exagère, on n’est quand même pas si vieux après tout, on n’a même pas encore passé la trentaine. Sacré Mitch !! Je cours mettre mon pantalon de velours, un gros manteau, je me fais deux petites tresses, j’enfile mon petit bonnet en baby alpaga que j’ai ramené du Pérou l’hiver dernier, mes gants et c’est parti.
Arrivée au jardin public, je cherche Mitch des yeux, je ne le vois pas et tout d’un coup, paaf, je reçois une grosse boule de neige sur la tête. Cré coquin ! Il m’a bien eu !! Je cours vers lui et lui saute dans les bras :
— Miiiiitchhhhhh !!!! C’est tellement bon de te revoir ! 
— Maya ! Tu n’as pas changé d’un iota !
On se prend par la main comme des enfants, et on se roule dans la neige, en agitant les bras pour laisser nos traces. En se relevant, on dirait que deux anges sont passés par ici ! Un peu plus loin, j’aperçois une balançoire, Mitch me regarde et comprend tout de suite :
— Le dernier arrivé est une poule mouillée ! 
Evidement, Mitch n’a rien perdu de son corps athlétique, il est plus en forme que jamais, mais la courtoisie l’emporte et il me laisse le doubler et gagner ! Assise sur la balançoire, mes jambes dans le vide gambillent, Mitch me rejoint et me pousse. J’ai l’impression que je vais m’envoler ! Toute l’après-midi est une succession de rires, d’émerveillement, de folies. Comme si ce premier jour était le premier du reste de notre vie.
Vers 17 heures, la nuit commence à tomber, j’invite alors Mitch à venir boire un chocolat chaud chez moi. Une fois arrivés, nous ôtons nos vêtements trempés par la neige, nous nous asseyons près du feu, un délicieux chocolat chaud à la main. Plus calmes, plus posés, nous nous regardons, nous nous sourions, on se cherche :
— Maya, tu es toujours aussi jolie. 
— Mitch, toi aussi tu es toujours aussi beau. Quel plaisir de te retrouver !
Je me blottie tout contre lui, j’ai l’impression que le temps s’est arrêté. Après quelques temps, s’amorcent de longues discussions enflammées au coin du feu. Je lui propose de rester et de passer la soirée ensemble. Sans hésiter, il me répond oui :
— Mitch, un bain, ça te dit ?
Je pars faire chauffer l’eau de mon immense baignoire, j’allume quelques bougies, Pierre arrive les bras remplis de pétales de Roses de Noël. On en dispose au sol et dans le bain. La lumière est tamisée, une ambiance très romantique commence à poindre. Mitch et moi, nous regardons et d’une geste très naturel, les yeux dans les yeux, nous quittons un à un les vêtements qu’ils nous restent. Mitch s’avance vers moi, en me regardant toujours fixement dans les yeux, je frissonne, je baisse les yeux. Il est tout près de moi, je sens la chaleur de son corps nu à côté du mien. Doucement, il me relève le menton, m’enlace de son bras gauche et m’embrasse passionnément. Ses lèvres glissent ensuite le long de mon cou, du bout de la langue, il l’effleure tendrement.

La suite, prochainement… peut-être !

Exercice d'écriture 12 – par Morgane

« Plantureuse »

Malgré des années à travailler au Festival, Sam ne s’était toujours pas habitué à voir autant d’acteurs et d’actrices venus du monde entier.
Les hommes les plus charmants, barbe de trois jours, sourires ravageurs et costumes impeccables, tenaient à leur bras les femmes les plus plantureuses du Septième Art, poitrines généreuses, yeux en amande et chignons-banane bien tirés.
Ces femmes défilaient sur le tapis rouge, les unes après les autres, vêtues de magnifiques robes de soirée, plus brillantes et plus légères les unes que les autres, qui moulaient parfaitement leurs formes attrayantes. Les décolletés plongeants ou les voilages qui dissimulaient les jambes laissaient deviner la douceur et la perfection de corps tous différents, tous séduisants, tous intimidants…
Les agents de sécurité du Festival doivent absolument garder leur sang-froid et rester concentrés, telles sont les règles d’or pour ces hommes en noirs, l’air sérieux et le visage impassible, qui guettent l’arrivée des artistes près des portes d’entrées, le long des marches, devant la cohue de fanatiques déchaînés.
Pourtant, Sam ne pouvait s’empêcher d’admirer les plus belles femmes du monde entier derrière ses lunettes. Dans ses rêves, il imaginait qu’elles aussi le regardaient, qu’elles aussi étaient attirées.
Il aurait aimé se tenir près d’elles, à la place d’un Jean Dujardin, Javier Bardem ou autre Sean Penn. Eux ne semblaient pas saisir la chance qu’ils avaient de pouvoir toucher ces femmes, de sentir leur parfum, de capter leur attention. Ils étaient là, comme lassés, habitués à cette routine des plus banales. Sam, lui, en était totalement conscient.
Il sentait ses mains trembler, les battements de son cœur s’activer, les gouttes sur son front perler les rares fois où Marion Cotillard, Pénélope Cruz ou encore Carole Bouquet avaient par hasard levé les yeux vers lui. Cette sensation l’avait envahie au plus profond de lui-même, lui faisant perdre ses moyens, l’empêchant presque de respirer.

Il fallait absolument qu’il se reprenne, qu’il tombe amoureux peut-être, d’une femme accessible, pas de ces poupées qui lui étaient formellement interdites…

Exercice d'écriture 15 – par Sarah

« Plantureuse »

Brice, depuis sa cachette, observe la scène qui se déroule autour de lui. Une dizaine d’hommes engoncés dans des costumes sombres siègent autour de la table. Il ne voit que le bas du tableau : des pantalons relevés qui laissent entrevoir leurs chaussettes, certaines unies, d’autres à rayures ou à poids, formant un feu d’artifice de couleurs, toutes plus criardes les unes que les autres. Il tente de remettre un visage sur chaque paire de souliers, mais le contraste des chaussettes est tel qu’il finit par abandonner, incapable de pouvoir relier la moindre de ces couleurs au sérieux de ces personnages austères.
Il est question de politique, comme à chaque fois que tous ces messieurs se donnent rendez-vous chez le père de Brice. Les mêmes mots reviennent sans cesse : sécurité, négociations et enjeux sont ceux qu’il a finis par retenir, mais pour le petit garçon, leur définition reste extrêmement floue. Qu’importe, même s’il ne se l’explique pas, il sait que ces sujets sont toujours l’occasion de réceptions en grande pompe, dans lesquelles on dresse une table digne des plus grands banquets, un peu comme celle qui clôture l’album d’Astérix qu’il a lu il y a peu de temps. La gouvernante passe alors sa journée en cuisine et Brice a alors l’interdiction de s’aventurer dans cette partie de la maison, car les rares fois où il s’y était risqué, il en est ressorti à coup de pied dans le derrière.

Aujourd’hui, en entrant dans la salle à manger, l’un des invités s’est écrié : « c’est ce que j’appelle une table plantureuse ! » Brice a trouvé cette remarque étrange, étant donné que le menu est essentiellement composé de viandes et poissons. Les seuls végétaux qu’il puisse y avoir servent d’accompagnement, de décoration. Son incompréhension grandit quand il entend la réaction d’un deuxième invité qui parle avec un accent marqué : « aussi plantureuses que les femmes de mon pays ». Un éclat de rire général envahit la pièce. Jamais Brice ne les a entendus rire de la sorte, en se demandant le rapport qu’ont ces femmes aux plantes, il se demande de quel pays peut bien venir ce diplomate.

lundi 10 mars 2014

Exercice d'écriture 14 – par Maïté

Sujet : Dessous

« Chaleur »

Par une belle après-midi ensoleillée, nous sortîmes prendre l’air au bord de l’océan, ce splendide océan aux couleurs bleutées dans lequel se reflétait le soleil faisait jaillir des reflets lumineux d’une beauté surprenante qui se fondaient chaleureusement avec les ridules qui commençaient à pointer. La marée descendait et bientôt les rides s’accentueraient pour former de magnifiques vagues.
Nous décidâmes alors de nous assoir sur le muret de la Côte des Basques et d’attendre pour contempler ce somptueux spectacle. L’océan à perte de vue, notre esprit passant en revue cette jolie côte basque, Biarritz, Miramar, la Grande Plage, le Port Vieux, le Rocher de la Vierge,…Lorsque subitement, une première vague impressionnante, écumante, entreprit son lent déferlement, s’ouvrant comme un coquillage, prête à nous recevoir. Puis lentement, elle vint finir son périple sur le sable se refermant sur elle-même, et laissant des sillons de mousse blanche sur la plage et les rochers. L’eau repartit en arrière comme si elle était happée par quelque chose de plus puissant voulant la retenir en arrière, l’attirant dans les profondeurs marines. Puis, de toutes ses forces, elle résiste, se lève à nouveau et le cycle reprend son cours normal. Ce spectacle est magnifique. Bien que l’hiver touche à sa fin, la fraicheur persiste mais le soleil nous réchauffe tendrement, je regarde mon compagnon, la même idée nous submerge.
Nous nous levons, nous quittons manteau, pull, tee-shirt, pantalon, chaussettes, et nous voilà en sous-vêtements, nous nous précipitons alors dans l’océan. Nous nageons le plus vite et le plus fort possible pour nous réchauffer. Ensuite, nous nous laissons porter par les flots, comme des enfants bercés dans les bras de leurs parents. Les vagues sont là, à notre portée, alors nous décidons de faire comme ces splendides créatures marines que sont les dauphins et nous choisissons de jouer avec. Nous nous soumettons au bon vouloir de la nature, rapidement, nous sommes en totale alchimie avec cet océan dont le bleu nous met en émoi. Nous nous enveloppons sous ce rideau d’eau.
Nous avons l’impression de renaître. Mais, à travers la puissance, la persévérance de cet océan dont la latence semblait être amicale, le voilà presque être notre rival, alors, nous nous mettons à nu, nous ne faisons plus qu’un avec lui. L’océan nous fait voguer, au loin nous voyons les vagues se briser contre les rochers.

Je repense alors à tous ces instants vécus avec toi, blottie contre toi, avec l’envie infinie de rester là à jamais. Après bien des années de bonheur, emplies de chaleur, notre amour passionné, nos corps enlacés seront bercés pour l’éternité et de cette fatalité, nous renaitrons avec magnificence, plein de reconnaissance. Notre fin, n’est pas une illusion, et c’est cette sensation qui nous guidera vers l’au-delà.  

Exercice d'écriture 14 – par Sarah

Dessous


Ce matin-là, nous avions rendez-vous au café des artistes, où nous avions l’habitude de nous rencontrer une fois par semaine. Comme à chaque fois, il était arrivé en retard et s’était assis comme si de rien n’était. Sans même me demander comment j’allais, il s’était mis à ressasser ses éternelles histoires, attendant de moi que je fasse preuve d’un peu de compassion à son égard et que je daigne écouter son monologue interminable. Je m’efforçais d’écouter ce qu’il avait à me dire, lorsque la phrase était tombée comme un couperet : « Ma pauvre fille, tu es vraiment en dessous de tout ! » Au moment où il m’avait dit ça, mes mains s’étaient mises à trembler. C’en était trop, comment avait-il pu me dire une chose pareille ? Je bouillais intérieurement, j’étais sur le point de lui dire ce que je pensais de lui. En dessous de qui, en dessous de quoi ? Tant de questions dans ma tête, tant d’énervement, tant de haine envers cet individu, tant de réponses qui fusaient dans ma tête que je ne lui avais finalement rien répondu, incapable d’en choisir une.
« Tu es vraiment en-dessous de tout ! » Mais en-dessous de quoi, au juste, de lui ? De sa misérable personne qui passe son temps à se délecter de ses propres malheurs ? « En dessous de tout… » Cela faisait des années qu’il insistait pour me voir chaque semaine, des années de sempiternelles complaintes, toujours les mêmes sujets : ses innombrables conquêtes prenant des airs de feuilleton à l’eau de rose, ses talents d’artiste incompris par la société, et moi, face à cet individu qui se disait être mon père, je devais me taire et écouter. Tout ça pour m’entendre dire, après toutes ces années, que j’étais « en dessous de tout ». N’avait-il pas été « en-dessous de tout » lui, à ma naissance, lorsqu’il s’était mis en tête de partir à l’autre bout du monde sans même prendre la peine de prévenir la principale intéressée ? Ma mère avait fini par l’apprendre quand elle avait reçu une carte postale de lui en provenance de Montevideo. Après 30 ans d’absence totale de ma vie, j’avais accepté à contrecœur de le revoir, sous les conseils de mon psychologue.
Selon lui, si j’étais « en dessous de tout », c’était parce que je n’avais pas souhaité l’anniversaire de ma grand-mère, sa mère, cette vieille folle qui m’appelait une fois par an pour me reprocher de m’éloigner parce que je ne lui rendais jamais visite. A chaque fois, je brûlais d’envie de lui répondre que je l’éloignement était quelque chose que l’on maîtrisait bien dans la famille. C‘est à ce moment-là que je compris que mon énervement était injustifié, et je regardai alors mon père droit dans les yeux, puis, prise d’un fou rire, je pris mon sac et rentrai chez moi.