samedi 22 mars 2014

Exercice d'écriture 11 – par Émeline

Sujet : Plantureuse

« Petites annonces »

« Trentenaire, brune, plantureuse, cherche homme joueur. »
Je suis tombé là-dessus par hasard : je cherchais la colonne des appartements à louer, quand mon regard a trébuché sur un mot. …plantureuse… Je suppose que ce qualificatif est rare dans ces pages-là du journal. Alors, par curiosité, j’ai lu l’annonce entière. Support de publication oblige, elle est horriblement concise. Comment les lecteurs parviennent-ils à discerner l’individu derrière ces quelques mots ? Comment choisit-on la formulation qui nous décrit le mieux ? Pour une voiture, c’est facile : marque, modèle, énergie, année, kilométrage, contrôle technique et options, voire réparations effectuées ou à prévoir… Mais si on utilisait ces critères pour une personne, vous vous rendez compte ! La marque, ce pourrait être la nationalité, le modèle, la profession, mais l’énergie ? Veuillez préciser votre régime alimentaire. Et le kilométrage ? Ce serait un aperçu de son expérience, comme le nombre des anciennes relations (sérieuses ou non, à préciser). Et l’habituel « CT » deviendrait un Bilan de Santé… On trouverait donc, dans la rubrique « Femmes » :
« Anglaise, éditrice, végétarienne, 1978, 6 RS, goût pour les voyages, la culture, suivi orthopédique effectué, correction de myopie à prévoir. BS datant du 06/03/2014. »
Quelque part, cela aurait son avantage : on saurait à quoi s’en tenir. Mais avec cette annonce, comment savoir ? Elle ne dit rien de clair : ni ce qu’elle est, ni ce dont elle a l’air, même pas ce qu’elle recherche. Un seul mot a hameçonné mon esprit. Lorsque je l’imagine, j’entends un poème de Baudelaire.
Cependant Dorothée, forte et fière comme le soleil, s'avance dans la rue déserte, seule vivante à cette heure sous l'immense azur, et faisant sur la lumière une tache éclatante et noire.
Elle s'avance, balançant mollement son torse si mince sur ses hanches si larges. Sa robe de soie collante, d'un ton clair et rose, tranche vivement sur les ténèbres de sa peau et moule exactement sa taille longue, son dos creux et sa gorge pointue.
Dorothée : c’est à elle que je pense, chaque fois que surgit le mot « plantureuse ». Cette trentenaire pourrait être une incarnation de cet idéal féminin aux courbes généreuses, tout en harmonie. Mais elle pourrait aussi être une femme trop opulente, débordante. Je ne me risquerai pas à le vérifier, il serait bien trop frustrant de voir Dorothée supplantée par un être quelconque…

Aucun commentaire: