vendredi 31 décembre 2010

Entretien avec Nadine Dumas, libraire à Guérande, Loire Atlantique














Nadine Dumas, propriétaire de la librairie L'Esprit Large, implantée à Guérande, a gentiment accepté de répondre à mes questions.

Première question, j'aimerais savoir comment est née la librairie L'Esprit Large ?
J'avais d'abord une toute petite librairie à la Turballe qui faisait 10 m². Parce que, quand je me suis installée dans la région, j'ai d'abord cherché du travail et comme je n'en trouvais pas, j'ai pris la décision d'ouvrir une librairie. Et comme les locaux sont très chers à Guérande, on a tenté d'abord de s'installer à la Turballe en partant de l'idée que, si un jour on trouvait un local qui nous plaisait à Guérande, on déménagerait.
Et puis, ce local s'est libéré et ça fait 4 ans qu'on est là. On a eu des aides pour s'installer, on a eu des aides de la région, du Centre National du Livre, de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et donc on a monté un projet, on a fait des travaux très très important parce qu'il y a eu quasiment un an de travaux. Et on a ouvert la librairie.
J'ai toujours travaillé en librairie. J'ai fait des études de Lettres modernes. Ça n'existe plus comme diplôme, mais j'ai un DEA de Lettres. Je me suis arrêtée pour ma thèse, parce que voilà, la vie a fait que… Et puis, j'ai commencé à travailler dans une librairie de livres anciens. Et ce monsieur là m'a appris beaucoup. C'était un libraire, ce qu'on appelle un libraire en chambre. C'est à dire qu'à Paris, il travaillait dans un appartement, il ne vendait que par correspondance. Et il avait des pièces exceptionnelles… Quand je dis livres anciens, il avait vraiment des pièces exceptionnelles. Puis, j'ai quitté la région parisienne par amour. Et après, j'ai fait des petits boulots de-ci de-là dans l'idée d'ouvrir une librairie.

Toujours dans l'idée de travailler dans le livre.

J'ai travaillé chez Vrin, j'ai travaillé chez Nathan, j'ai travaillé chez Gallimard. Enfin, j'ai travaillé un peu partout, là où je trouvais des petits boulots pour connaitre le métier du livre. Et je me suis lancée, je me suis lancée dans le métier avec de l'énergie, un bouquin pour m'aider, en me disant : « je vais apprendre ».

Dans la sélection des livres, sur quels critères vous vous basez ? Comment choisissez-vous les livres que vous mettez en vente ?
Je ne suis à l'office que chez Gallimard. L'office, c'est les livres que je reçois sans choisir. On a une grille d'office, c'est à dire que j'ai une grille de choix qui est établie, et ça je les reçois d'office.

C'est une collection que Gallimard vous « impose » entre guillemets ?
Oui, une sélection, pas une collection. Une sélection que Gallimard m'impose et qui est plus ou moins heureuse. Et après le reste, c'est les critiques dans « Livre Hebdo » et tout ce qui est fourni par les distributeurs sur les nouveautés à paraître. C'est un choix que je fais moi.

Ce choix-là, il est pour 90% des livres, pour…
80% des livres, on va dire. Parce qu'il y a des livres que, en discutant avec le représentant, soit par téléphone, soit par e-mail, il me conseille de rentrer même si ce n'est pas ma tasse de thé. Parce qu'ils savent que ça va être une bonne vente. Je ne citerai personne, comme ça, je ne vexerai personne. Et puis il y a des livres que j'ai vraiment envie de descendre … défendre. Parce que non, je ne descends jamais aucun livre. Ceux que je n'aime pas, je ne les aime pas mais voilà, je n'en fais pas une… , je ne l'achève pas. Mais par contre les livres que j'aime, les gens, ils viennent dans la librairie pour les livres que j'ai lus et les livres que j'ai aimés. C'est ça qui va faire la différence avec d'autres endroits où on vend des livres.
Vous parliez de représentant. Justement, vous, quelles sont vos relations avec les éditeurs ? Est-ce que ça se passe uniquement avec les représentants ou alors vous avez l'occasion de parler directement aux éditeurs ?
Ça arrive qu'on parle directement avec les éditeurs, notamment quand on veut des services de presse. Quand on voit qu'un livre va paraître et qu'on souhaite avoir un service de presse, moi, souvent, je prends contact directement avec l'éditeur.L'éditeur attend souvent, et de plus en plus, qu'il y ait un retour. C'est à dire qu'on lui dise ce qu'on a ressenti en lisant le livre. Beaucoup beaucoup plus qu'au départ. Et puis, sinon parfois, c'est plus impersonnel, je vais demander des services de presse via le représentant.

J'ai vu aussi sur votre blog, parce que j'ai été fouillé un petit peu sur internet, que vous proposiez des rencontres avec des auteurs ? Est-ce que c'est des choses qui arrivent régulièrement ?
Oui, ça arrive régulièrement. C'est des choses qui ne sont absolument pas rentables. C'est pour le plaisir et la dynamique de la librairie. Alors là, j'ai un petit peu de chance parce que les derniers que j'ai fait venir ont des attaches dans la région. Soit ils ont une maison, soit ils viennent de temps en temps en vacances, comme Alain Duault, comme Sonia Chaine, … C'est des gens qui sont dans le coin, qui sont clients de la librairie et quand je leur demande : « est-ce que vous ne voudriez pas venir signer ? »
Parce que même si je ne vends pas beaucoup de livres sur le coup, ça m'arrive de vendre beaucoup de livres après. Et puis, ça me permet de discuter avec l'auteur du livre, surtout sur des albums documentaire-jeunesse : Sonia Chaine ou Catherine Vadon par exemple, ça me permet de comprendre leur travail, donc, par voie de conséquence, de le défendre intelligemment.

Un sujet tout autre : la littérature étrangère. Quelle place elle occupe dans votre librairie ?
Elle n'a pas une place assez importante. Il faudrait qu'elle soit plus importante, mais bon, moi je travaille toute seule. Je connais les points faibles de ma librairie. Je vois bien les points, les rayons qu'il faudrait que je développe. Pour ça, il faudrait soit que j'embauche quelqu'un mais je n'en ai pas les moyens. Voilà, c'est l'éternel problème, c'est la situation : pour développer il faudrait que j'embauche quelqu'un, mais je n'en ai pas les moyens… Il faudrait qu'elle soit plus importante, notamment au niveau de tout ce qui est littérature que je ne connais pas bien, hispanisante, toute cette région-là.

C'est quelle part la littérature étrangère dans votre librairie ?
Sur le rayon littérature totale : c'est 40% - 45%.

Principalement de l'anglo-saxonne ?
Oui. Parce que d'abord, c'est eux, pas qui publient le plus, mais c'est eux qui publient chez les éditeurs les plus présents sur le marché. Alors que quand on essaye de vendre un livre de chez Métailié, un cubain, c'est plus difficile qu'un américain de chez Robert Laffont. D'abord, au niveau de la référence pour les gens, Métailé, même s'il commence à prendre une place vraiment importante, c'est plus difficile.

Par rapport au lectorat de la région, par rapport aux gens qui fréquentent votre librairie, est-ce qu'ils sont demandeurs de littérature étrangère ?
Oui, oui, pas mal. Oui, de plus en plus. Et très différente, aussi bien de la littérature asiatique de chez Picquier qu'autre chose. Oui, oui, ils sont très demandeurs. Donc, je sais que c'est là dessus sur quoi il faut que je m'attèle un peu plus. Au niveau de la lecture et au niveau des critiques de livres.

Avec les auteurs de littérature étrangère, vous n'avez aucun contact en tant que libraire ?
Non, malheureusement. Parce qu'attendez, c'est un peu le bout du monde, ici. Déjà, faire venir un auteur, c'est déjà une aventure ! J'aimerais bien faire venir n'importe quel auteur de littérature étrangère. Mais, c'est un projet qu'il faudrait monter avec les médiathèques, avec les différentes collectivités.
Est-ce que la littérature régionale, quand je dis régionale, je parle de la littérature bretonne, est-ce que ça a une place importante, est-ce que c'est demandé ?
Oui, c'est très demandé. C'est très demandé surtout que la qualité va quand même en s'améliorant. Parce que parfois, dans la littérature régionale, il y a des livres de qualité plus, plus … je ne trouve pas mes mots … qui pêchent un peu. C'est vrai que chez certains éditeurs, il y a une qualité qui commence à s'améliorer. Oui, c'est une part très importante. Les gens, ça les touche. Quand c'est des lieux qu'ils connaissent.

Là, dans cette période des fêtes, qu'est-ce qui a été le plus demandé, qu'est-ce qui a le plus marché ?
En dehors d'Indignez-vous de Stéphane Hessel (Éditions Indigène) ! Qu'est-ce qui a été le plus demandé : le Ken Follet (La chute des Géants, vol. 1, Éditions Robert Laffont), le Mankell (Henning Mankell, L'homme inquiet, Éditions du Seuil) a très très bien marché, tout ce qui est Läckberg – la série avec La princesse de glace (Éditions Actes Sud). Et le Mankell, parce que comme c'était la dernière enquête de l'inspecteur dont le nom m'échappe. Ça, c'est des titres en littérature étrangère qui ont très très bien marché. Après, plus confidentiel, c'est les Mémoires de Chine de Xinran (Éditions Philippe Picquier), mais ça c'est plus un public de … , un public plus confidentiel.

Une question sur le livre numérique. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que c'est quelque chose qu'il faut développer en tant que libraire, qu'il faut refuser ?
J'ai longtemps hésité, mais pour l'instant je le refuse. D'abord, parce que je n'ai pas les compétences, je n'ai pas la structure pour ça. Je le laisse aux autres. C'est inévitable. Je veux dire que ça fait partie de l'évolution de la société, mais je ne crois pas que cela trouvera sa place dans ma librairie.
Je n'ai pas la place, et ça m'intéresserait plus de développer d'autres rayons que celui-là. Je laisse ça aux autres.

J'aurais une dernière question : quels titres vous recommandez en cette fin d'année ? Mis à part ceux qu'on a évoqué tout à l'heure.
J'ai beaucoup aimé Ouragan, de Laurent Gaudé (Éditions Actes Sud). C'est vraiment pour moi un très très beau Gaudé. Toujours en littérature française, La fille de son père (Anne Berest, Éditions du Seuil) et en littérature étrangère, parce que vous êtes quand même un peu concerné, le Myra (Maria Velho da Costa, Éditions La Différence), c'est de la littérature portugaise.

Entretien avec une libraire, Cécile Quinard (librairie Actes Sud), réalisé par Vanessa Canavesi

1) Comment êtes-vous devenue libraire ?
Licence Métiers du livre à l'IUP de Saint Cloud (92) en 2000.

2) Pouvez-vous me présenter brièvement la librairie Actes Sud ?
Environ 300m², 50 000 réf. Située au rez de chaussée de la maison d'édition, c'est une librairie générale, mais elle sert de vitrine à la maison d'édition : toutes les parutions Actes sud sont regroupées d'un côté de la librairie et les autres rayons à part.

3) Comment sont choisis les livres du rayon littérature ?
Comme dans toutes les librairies c'est le libraire qui choisit les livres qu'il décide de commander, de mettre en avant, en fonction des renseignements que les représentants lui fournissent, de sa connaissance de la maison d'édition ou de l'auteur

4) Quels sont les rapports avec les éditeurs ?
A priori « inexistants » : les grands éditeurs passent par une équipe de diffuseurs pour les représenter en librairie. Parfois des réunions sont organisées (plus souvent à Paris) et des liens peuvent se tisser, surtout pour les petits éditeurs qui vont se permettre de rappeler un libraire pour insister sur un titre. Mais (heureusement pour nous) ce n'est pas souvent le cas. Vice-versa, rien n'empêche un libraire de contacter une maison d'édition pour lui faire un retour sur un livre qu'il a lu et beaucoup aimé.

5) Quelles relations éventuelles entretenez-vous avec les auteurs et/ou les traducteurs ?
Je ne peux pas répondre d'une manière générale, il s'agit avant tout d'une rencontre personnelle.
Sinon ce sont des relations dans le cadre de rencontres organisées dans la librairie ou sur des salons. Il est rare qu'un auteur se présente de lui-même, ou sinon c'est pour faire leur pub parce qu'ils sont à compte d'auteur ou publiés par des maisons d'édition qui s'autodiffusent. Quant aux traducteurs, depuis plus de 10 ans que je fais ce métier, c'est la première fois que j'ai vraiment l'occasion d'en rencontrer grâce aux CITL et aux Assises de la traduction qui se tiennent une fois par an à Arles. Jusqu'à présent aucun traducteur n'avait contacté une librairie (où je travaillais) pour mettre son travail en avant.

6) Quelle place a la littérature étrangère dans la librairie ? Et la littérature hispanophone en particulier ?
Difficile de répondre, je n'ai pas de chiffres assez affinés pour cela. La partie Actes Sud occupe une bonne place en présence visible et chiffre d'affaires, la partie générale est sous développée par manque de place. Parmi les littératures étrangères, la littérature anglophone prend le plus d'espace. La littérature hispanophone est sous représentée compte tenu de l'ensemble des pays où l'on écrit dans cette langue, mais plus représentée que les pays de l'est de l'Europe ou que l'Asie.

7) Comment faites-vous « connaître » les livres que vous aimez auprès des clients ?
Nous avons mis en place des bandeaux mais rien ne remplace le contact humain de toute façon. Nous essayons de tenir à jour des critiques sur notre site internet et le portail des libraires de la région.

Références culturelles, 689 : Páramo (ecosistema)

http://es.wikipedia.org/wiki/P%C3%A1ramo_(ecosistema)

À vos dicos…, 32

Le mot du jour à chercher dans le dictionnaire : ZOANTHROPIE

jeudi 30 décembre 2010

À vos dicos…, 31

Le mot du jour à chercher dans le dictionnaire : HALENER

Références culturelles, 688 : Idioma aimara

http://es.wikipedia.org/wiki/Idioma_aimara

mercredi 29 décembre 2010

À vos dicos…, 30

Le mot du jour à chercher dans le dictionnaire : GUIDE-ÂNE

Références culturelles, 687 : Pikimachay

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pikimachay

mardi 28 décembre 2010

La chanson du mardi, choisie par Auréba

Nena Daconte

http://www.youtube.com/watch?v=8IzfnhVLuuE

À propos de « À vos dicos ! »

En photo : vocabulaire
par hier houd ik van

Au second semestre, les points de bonus pour le dernier devoir seront attribués à partir d'une "interro" de lexique ; il faudra réviser l'ensemble des mots découverts ou re-découverts jusque-là et en donner si ce n'est une définition du moins une explication convaincante. 4 points à la clé ! Le jeu en vaut certainement la chandelle…

Des nouvelles de Cuba

« Un plan Marshall para Cuba » ; à lire à l'adresse suivante :

http://www.pagina12.com.ar/diario/elmundo/4-159392-2010-12-27.html

Résultats du sondage…

« L'une des différences entre traduction littéraire et version repose-t-elle sur la question de la "littéralité" ? »

Sur 29 votants, nous obtenons les résultats suivants :

Oui = 25 voix (86%)
Non = 4 voix (13%)

Mais alors qu'est-ce qui exige d'être davantage littéral, la traduction littéraire ou la version ? Sondage !

À vos dicos…, 29

Le mot du jour à chercher dans le dictionnaire : FAFIOT

Références culturelles, 686 : Tira de la Peregrinación

http://es.wikipedia.org/wiki/Tira_de_la_Peregrinaci%C3%B3n

lundi 27 décembre 2010

Pas inutile d'aller jeter un œil

« Petite méthode pratique pour la traduction technique »
http://blog.muriel-shanseifan.org/petite-methode-pratique-pour-la-traduction-technique/

Résultats du sondage…

« Vous paraîtrait-il légitime que le traducteur touche une somme plus importante que celle représentée par les droits de l'auteur à l'étranger ? »
(réalité qui nous a été confirmée par plusieurs éditeurs)

Sur 34 votants, nous obtenons les résultats suivants :

Oui = 20 voix (58%)
Non = 14 voix (41%)

Il est certain que cela pose la délicate question du statut du traducteur par rapport à l'œuvre traduite… ; le payer davantage que l'auteur peut laisser penser qu'il a, de fait, une importance plus grande, alors qu'en fin de compte, cela renvoie surtout au travail effectué pendant plusieurs mois – et donc une somme relativement mince eu égard au temps passé et aux efforts fournis. Faut-il s'en tenir à la naïve opposition travail du petit artisan / créativité de l'artiste ?

À vos dicos…, 28

Le mot du jour à chercher dans le dictionnaire : ÉGROTANT

Références culturelles, 685 : Matrícula de Tributos

http://es.wikipedia.org/wiki/Matr%C3%ADcula_de_Tributos

dimanche 26 décembre 2010

Exercice d'écriture : « Pied de tomate », par Stéphanie Maze

En photo : Tomate cherry
par Darco TT

Le voilà qui revenait du jardin. Son lieu de prédilection, refuge incompris aux yeux de ses parents, aux yeux de tous sans doute, si ses fréquentations s'étaient étendues au-delà du seul entourage familial. La lueur qui brillaient dans ses yeux hier encore avait totalement disparu.
Hier avait été un jour heureux comme ils n'en avaient pas vécu depuis longtemps. Depuis que le diagnostic avait été vérifié, ses parents ne savaient plus comment l'occuper. Ils se démenaient pour trouver l'activité qui le sortirait de sa solitude. « Le sociabiliser » était le verbe qui revenait dans toutes les bouches. S'ils n'étaient pas d'accord sur les méthodes, les propos de tous les médecins convergeaient vers le résultat. Toutefois, ses parents ne l'avaient pas vu plus malheureux, plus agressif que depuis qu'ils l'avaient scolarisé. Les larmes et les coups pleuvaient à la maison, était-ce réellement le prix à payer, la situation n'était-elle pas assez difficile, tant pour eux que pour lui ? Arriveraient-ils un jour à le comprendre, à savoir ce qu'il éprouve ? Un gouffre immense les séparait, et aucun moyen ne se présenter à eux afin de le combler. Ils avaient pensé à toutes sortes d'occupations mais à l'heure de les pratiquer, aucune n'avait retenu l'attention de François. Et puis un jour, sa mère était allée dans leur potager à la recherche de quelques légumes pour mijoter le plat du midi. François l'avait suivi, d'ordinaire elle l'aurait réprimandé, elle n'aimait pas qu'il sorte de la maison sans que quelqu'un ne le tienne par la main, à force de faire attention, elle s'était laissée aller à la surprotection, mais là elle l'avait surpris en train d'esquisser un sourire. Il lui signalait quelque chose de son annulaire, sa façon à lui de désigner les objets.
« Ouge, ouge », prononça-t-il.
Elle regarda l'endroit que lui indiquait le petit doigt boudiné de son fils : le pied de tomate. Elle rejoignit François, le prit par la main et le guida jusqu'au pied de tomate sur lequel rougissaient déjà quelques fruits. Depuis, tous les jours, ils se rendaient au jardin, allaient arroser le pied. Parfois même elle le laissait seul, il pouvait rester des heures à le contempler. Il l'examinait sous tous les angles, retournait les fruits avec délicatesse, les respirait, caressait. Elle se rassurait en le voyant tisser ce qu'elle considérait comme une vraie relation. Ce qui aurait inquiété d'autres parents lui offrait une sérénité nouvelle. Il lui semblait de nouveau humain et cette sensation n'avait pas de prix après les semaines éprouvantes qu'ils venaient de subir. Toutefois, elle aurait préféré que ses marques d'affection, il lui témoigne, à elle, mais elle devait apprendre à supporter de ne pas vivre dans l'attente d'un retour de l'amour qu'elle lui portait. Réussirait-elle vraiment à se résigner ? Elle en doutait cruellement mais quoiqu'il en soit elle devrait apprendre à faire avec. « Faire avec », était-ce vraiment ce à quoi elle aspirait, la vie dont elle avait rêvé. Et si c'était à refaire ? À n'en pas douter, elle ne le referait pas. Elle se sentait coupable d'héberger de telles pensées mais cette situation ne ressemblait en aucun point à ce qu'elle avait imaginé quand, il y a quelques mois, elle se représentait sa vie de mère. Tout à coup, elle fut tirée de ses réflexions, elle le vit arriver le visage ensanglanté, une espèce de trou sur le front. Elle lui demanda ce qu'il s'était passé. En vain.
« Pu ouge, pu ouge »
Elle courut dans le jardin, sans y prêter attention, ce matin, elle avait accueilli les tomates arrivées à maturité. Le petit, ne les voyant plus, s'était frappé la tête contre le bâton qui maintenait le pied jusqu'à ce que le sang jaillisse. Pourquoi s'infligeait-il pareille souffrance ?
Chaque jour le gouffre s'agrandissait, chaque pas qu'elle faisait vers lui les séparait davantage.

Exercice d'écriture : « Pied de tomate », par Olivier Marchand

En photo : TOMATE PARTIDO (Acción Periférica)
par Acciones Urbanas / Left Hand...

Enfin, il sortit…

Pygmalion, s'il avait dû sculpter l'incarnation de la beauté masculine, n'aurait jamais pu espérer obtenir un tel résultat. Homère, s'il avait dû par des mots décrire la perfection, se serait senti bien désemparé à la vue de ce jeune éphèbe. Narcisse, s'il l'avait vu, aurait détourné les yeux de son reflet et les neufs muses d'Apollon se seraient tues devant la grâce, l'élégance et le charme qui animaient son corps.
Moi, qui jusque-là n'avait été ébloui par personne, j'étais littéralement abasourdi devant une telle création de la Nature. Comment décrire la splendeur incarnée, comment expliquer par des mots l'effet que ce jeune homme exerçait sur moi, comment résister à l'enivrement que sa présence me procurait ?
La salopette en tissu qui enveloppait son corps laissait transparaître une silhouette parfaite, la lumière vespérale donnait à sa peau tannée d'envoûtants reflets mordorés et le soleil couchant dessinait sur son corps des ombres enchanteresses. Chacun de ses gestes était un spectacle pour mes yeux de jeune adolescent. Le moindre de ses mouvements était doté d'une sensualité et d'une virilité qui inspiraient à mon corps des sensations alors méconnues, qui susurraient à mes oreilles des pensées impures et qui faisaient naître au plus profond de mon être des envies charnelles. Lorsqu'il se penchait pour arracher les mauvaises herbes qui venaient étouffer les frêles pousses, lorsque, pour venir en aide à un pied de tomate fatigué, il redressait d'un geste souple et assuré le tuteur salvateur, lorsqu'il essuyait du revers de sa main les gouttes de sueur qui perlaient sur son front, chaque centimètre carré de ma peau tremblait et mon cœur bondissait dans ma poitrine comme un animal blessé.
Depuis deux mois j'assistais au spectacle vivant de la beauté. Depuis deux mois ce jeune jardinier colorait mes journées et hantait mes nuits blanches.
Je me décidai un beau jour à sortir de mon refuge et m'extirpai de ma chambre pour aller m'installer dans le jardin où la nature en éveil s'évertuait à réjouir les cinq sens de l'homme : elle souffrit gravement de la comparaison avec l'ange de beauté qui se tenait là, à quelques mètres de moi. Les senteurs qu'elle versait dans ses fleurs étaient fades, les couleurs qu'elle parsemait sur chaque pétale éteintes, la caresse de la brise de mai qu'elle soufflait sur mon visage rugueuse, les chants des oiseaux printaniers qu'elle orchestrait déplaisants et les fruits gorgés de soleil qu'elle offrait insipides. Elle avait beau s'efforcer, elle ne pouvait rivaliser avec l'odeur musquée et masculine que son corps exhalait, avec l'alliance parfaite du noir de ses cheveux, du brun de sa peau et du vert profond de ses yeux, avec la caresse fantasmée de ses larges mains, avec la douce mélodie de sa voix et avec le goût de sa salive prometteuse.
Je garde en mémoire le souvenir du premier regard qu'il posa sur moi et du premier sourire qu'il m'offrit. À cet instant précis, un Cupidon invisible apparut et sa flèche, décochée avec force et précision, transperça mon torse et meurtrit mon cœur à tout jamais.
À la fin de ces délicieux beaux jours, il est parti comme il est venu, splendide et silencieux. Je ne l'ai jamais revu mais, aujourd'hui encore, je me rappelle l'amour silencieux que j'ai porté à cet Adonis l'espace d'un été.

Exercice d'écriture : « Pied de tomate », par Vanessa Canavesi

En photo : pied de tomates
par Chabada

C'était une histoire étrange, de celles que l'on murmure au coin du feu les soirs d'hiver, et qui a toujours fait gentiment frémir d'horreur celle qui me la racontait. On rapportait qu'autrefois, dans un pays si chaud que toute végétation avait quasiment disparu, se trouvait un village aux habitants heureux et riches, forts de ce que leur offrait une plante extraordinaire : abondance de nourriture et profusion d'eau pour leur survie. Or, bien vite, les vertus de la plante miraculeuse s'évanouirent, aussi mystérieusement qu'elles étaient arrivées. Les villageois, naguère comblés et affables, se firent maussades et irascibles ; les commerces florissants quittèrent la ville, la famine gagna les chaumières les plus humbles, laissant une population égrotante, en proie au désespoir.
Un matin d'avril, un homme fit son apparition au village ; il avait la mine accorte, la jeunesse rayonnante. La rumeur se propagea rapidement parmi les passants : telle vieille avait appris de la bouche de telle autre que le maire l'avait rencontré en personne, que c'était un orpailleur descendu tout droit des pays du Nord, qu'il était à la tête d'une petite fortune, qu'il venait sauver le village. Pour quelles véritables raisons était-il venu se perdre dans cette contrée désertique ? On ne le sut jamais. Toujours est-il que le jeune homme résolut de choisir parmi les demoiselles nubiles du village celle qui aurait l'honneur de l'épouser et de vivre avec lui. On décida prestement, d'un commun accord, que ce serait la jeune fille de l'horloger, la plus belle et charmante personne à la ronde. Le chercheur d'or fit célébrer un mariage à la hâte : on ne prit pas le temps de rassembler costumes, robes et apparats ; le jeune homme conserva sa vieille houppelande, et la jeune femme fut sobrement parée d'un collier de perles. Après la cérémonie, l'air morne, le chercheur d'or offrit au maire du village, en seul gage de sa gratitude, un misérable réticule où semblaient toutefois tinter quelques pièces de cuivre. Le maire, vexé d'être passé sous les fourches caudines, mit fin à la noce, chassa le fallacieux bienfaiteur et son épouse trompée, et décréta amèrement que ces deux-là étaient l'opprobre du village. De dépit, il céda la maigre bourse au premier nécessiteux qu'il rencontra.
Longtemps après, alors que cette désastreuse histoire avait été oubliée, un petit garçon de complexion famélique, à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent, musardait à travers les sentiers d'une petite colline surplombant le village. Il s'arrêta un instant, intrigué par une forme curieuse au milieu d'immondices ; il se trouvait en réalité sur les ruines du champ qui avait jadis abrité les racines de la plante prodigieuse. Relégué au rang de terrain destiné à recevoir les ordures, le champ n'avait ni de près ni de loin l'aspect de la terre fertile d'autrefois. C'est là, parmi la fange, qu'il repéra le valétudinaire réticule qui avait causé tant de malheurs à ses aïeux. Le gringalet s'empressa de déverser le contenu de la bourse sur le sol, la ballotant avec force. De minuscules miettes s'en échappèrent. Pas une seule pièce de cuivre. Au lieu de miettes, c'était des paillettes d'or, et à la place de la boue, reposaient les racines de la plante fabuleuse. Cependant le garçonnet, bredouille et innocent, était retourné au village.
Alors, on vit s'élever au loin, oiseau de mauvais augure, l'ombre d'impressionnantes tiges vertes. La plante renaissait ; on se mit à chercher les raisons obscures d'un tel sortilège. On en conclut que la providence œuvrait à nouveau, qu'elle récompensait les villageois d'une fortuite bonne conduite. Toutefois les tiges augmentaient encore de volume, et finirent par recouvrir le champ tout entier. Au bout de leurs pédoncules, pendaient presque aussitôt que les tiges arrivaient à maturation d'énormes tomates gibbeuses et charnues. Devant une telle luxuriance, on entreprit de semer d'autres graines sur ledit champ ; mais rien ne poussait, outre cette plante tentaculaire. On dispersa alors plusieurs graines de sa variété, qui eurent pour seul effet de faire grossir l'unique pied de tomate. La chance revenue, le bonheur fit son retour au village. Les habitants, repus, comblés de nouveau, redevinrent aimables et enjoués. Personne ne se doutait de ce qui arriverait.
L'or, dont se nourrissait la plante, vint à manquer cruellement. Si quelques paillettes d'or avaient suffi à la faire renaître, quantité de fragments du même métal étaient nécessaires pour sa croissance. Aussi, brusquement et inexorablement, la misère réapparut au village. Ce fut un hiver terrible, pire encore que les précédents, eu égard à la tragique habitude qu'avait prise les habitants d'être choyés et nourris à leur faim. Cependant un soir, au creux de son lit de paille, bercé par les pleurs de sa mère désolée, le petit prodigue flâneur raconta dans un souffle de voix ce qui lui était arrivé un jour au champ. Après l'avoir accusé de débiter des calembredaines, on finit par le croire : on fit chercher de l'or dans les rivières, puis on en sema des poussières sur le terrain, incrédules. Des tomates merveilleuses jaillirent à nouveau des tiges colossales. C'est ici qu'advient la fin terrible de cette histoire : loin de leur permettre de vivre convenablement, la découverte du secret de la plante allait jeter les habitants de ce village maudit dans le pire des dénuements, jusqu'à leur disparition complète.

À vos dicos…, 27

Le mot du jour à chercher dans le dictionnaire : DÉMONOLOGIE

Références culturelles, 684 : Códice Cuauhximalpan

http://es.wikipedia.org/wiki/C%C3%B3dice_Cuauhximalpan

samedi 25 décembre 2010

vendredi 24 décembre 2010

Exercice d'écriture : « Pied de tomate », par Perrine Huet

En photo : P060822315.JPG
par Pierropixel

Le père Michel était un homme acariâtre, bougon, grincheux, amer et irritable. Personne ne parvenait à le supporter, pas même sa femme Josette qui faisait des pieds et des mains pour éviter de le croiser dans leur maison de quatre-vingt mètres carré. Le moment le plus périlleux était le soir, lorsqu’ils se retrouvaient dans la même pièce, juste avant le coucher. Josette avait mis en place plusieurs stratégies d’esquive : elle se rendait aux toilettes quand son mari brossait son dentier, ou elle feignait une immense fatigue et se glissait dans le lit conjugal une demi-heure avant Michel, ou, bien au contraire, elle simulait une insomnie et veillait devant la télévision une bonne partie de la nuit, afin d’échapper aux ronflements sonores, semblables non pas à une trompette, comme il est de rigueur, mais plutôt à un hautbois mal accordé. Car le vieux Michel ne laissait aucun instant de répit à son épouse, se montrant particulièrement pénible également dans son sommeil.
Dans leur jeunesse, les deux époux avaient été très heureux. Ils s’étaient rencontrés par hasard, au cours d’un rendez-vous de routine que Michel effectuait dans le petit village de Langogne, en Lozère. En tant que représentant en textile, il était souvent amené à se déplacer directement chez ses clients pour exposer ses articles luxueux. La mère de Josette avait fait appel à ses services car elle avait besoin d’une nouvelle robe du dimanche. La jeune Josette, qui avait assisté en retrait à la présentation de Michel, dissimulée dans l’embrasure de la porte du séjour, était littéralement tombée amoureuse du premier regard. Quant à Michel, fin observateur, il avait poursuivi sa démonstration sans se laisser distraire par cette charmante demoiselle qui n’avait certainement pas dû beaucoup jouer à cache-cache dans son enfance.
Ils se marièrent deux ans plus tard, et entamèrent très vite la tâche « ardue » de mettre des enfants au monde. Ils avaient élevé leurs trois chérubins dans la joie et le respect, jusqu’à ce que l’aîné, Jean-Marc, ne quittât le foyer familial pour aller s’installer dans son propre appartement. Michel ne trouva rien de mieux à faire que de rejeter sa tristesse et sa frustration sur le reste de la famille, ainsi que sur le voisinage, les commerçants, le facteur, les lapins de son clapier, et même les fourmis qui peuplaient son jardin potager. D’ailleurs, seul ledit potager avait été épargné de la mauvaise humeur de son propriétaire. En effet, depuis le départ de son premier fils – qui fut très rapidement suivi de celui de ses deux filles –, à défaut de choyer ses petits enfants, qui n’étaient malheureusement pas encore nés, Michel s’était pris d’affection pour ses fruits et ses légumes, dont il s’occupait avec une extrême attention. Été comme hiver, il passait ses journées auprès de ses pommes de terre, de ses haricots verts, de ses carottes, de ses choux, de ses mâches, de ses tomates, de ses fraises, de ses melons, selon les saisons, mais aussi en compagnie de tous leurs minuscules habitants, tels les limaces, les gendarmes, les guêpes, les araignées, contre lesquels il luttait avec une force redoutable.
Mais depuis près de deux semaines, un problème le chagrinait : chaque matin, en allant visiter son « chef-d’œuvre », il découvrait des tomates fendues, menaçant de tomber de leur pied à tout moment, et même quelques unes sauvagement écrasées sur le sol. Voyant le mal partout, il était convaincu que des petits voyous se faufilaient durant la nuit dans sa propriété et saccageaient ses plans de tomates. Ce qu’il ne comprenait pas, c’était pourquoi ils épargnaient le reste de sa plantation. La réponse était très simple : il se trompait complètement sur les auteurs de ce dommage. Effectivement, personne ne venait fouler ses terres bêchées, binées ; en réalité, les dégradations provenaient directement des tomates, qui s’étaient déclarées la guerre entre elles. Michel, qui ne savait pas lire l’âme de ses protégés, comme tout être humain normalement constitué, avait fait l’énorme erreur de planter différentes variétés au même endroit, ignorant que ces légumes – ou ces fruits, chacun a son point de vue – sont très orgueilleux et imbus de leur personne. Ainsi, chaque nuit, les tomates se disputaient le domaine, espérant pouvoir dominer un jour ces terres en éradiquant les autres espèces. Les plus prétentieuses, mais aussi les plus petites, les tomates cerise, reprochaient aux cœurs de bœuf d’être trop grosses ; les tomates allongées, à la chair tendre et à la peau rigide, se moquaient cruellement des andines cornues, qui, comme leur nom l’indique, étaient toute biscornues ; les tomates russes rouge, à la saveur délicieuse, insultaient ouvertement les lemon boy, car elles n’avaient pas la même couleur de peau ; mais celles qui régnaient en maître étaient les tomates grappe, puissantes de par leur nombre et leur fermeté. Dès que le ciel s’obscurcissait, un combat acharné se livrait entre toutes ces furies, et lorsque l’aube pointait le bout de son nez, elles faisaient le terrible constat de leurs pertes : au moins deux tomates par variété avait péri au cours de la bataille, excepté les tomates grappe qui résistaient tant bien que mal aux fourbes attaques nocturnes de leurs voisines.
Au bout de trois semaines de dégât, Michel, agacé par tant de gâchis, arracha furieusement tous ses pieds de tomates, sauf les tomates grappe qui avaient survécu à ses assaillants. Toutes fières, elles se pavanaient devant les cageots de leurs ennemies, qui allaient bientôt être entreposées dans le fond de la cave du père Michel.
Le vieil homme, pour la première fois depuis plus de huit ans, décida de faire plaisir à sa Josette. Il se résigna à planter, à la place des pieds de tomates exterminés, du persil, de la ciboulette, du basilic, de la verveine citronnée et du thym, demande que sa femme lui formulait depuis des années.
Les plantes aromatiques et les tomates cohabitaient parfaitement bien, elles étaient même devenues bonnes amies et montraient l’exemple aux autres résidants.
C’est ainsi que la paix et la reconnaissance revinrent au sein du potager, mais également au sein de la maison.

Joyeux Nöel à tous les Tradabordiens !!!!!

En photo : christmas ball
par mlamprou

Exercice d'écriture : « Pied de tomate », par Auréba Sadouni

En photo : Les fruits du jardin
par akynou

J’adorais ce moment, quand il fallait sortir des quatre murs qui m’abritaient de la chaleur étouffante de l’été pour aller chercher, dans le potager familial, les savoureux fruits écarlates qui allaient sublimer nos repas. C’était tout un monde de parfums, de fraicheur et de beauté. Alors que mes pieds nus s’échauffaient et s’asséchaient au contact des dalles poussiéreuses du couloir qui divisait le jardin en deux, mon regard balayait une végétation bigarrée qui arborait fièrement les couleurs de l’Italie. Lorsqu’il était attiré par la coloration sanguine et les formes voluptueuses et irrégulières d’une grosse tomate cœur de bœuf, mon regard ne pouvait réprimer son désir de la caresser. Comme sous la force d’un aimant, mes deux mains, entrainant tout mon corps avec elles, se rapprochaient du fruit tant convoité, et c’était avec une délectation inouïe que je les laissais l’ausculter, du bout des doigts, en la tâtonnant, en la jaugeant, jusqu’à la certitude que c’était la bonne, celle qu’il nous fallait. Quelques fois, il me suffisait de l’effleurer pour qu’elle me tombe dans la main. D’autres fois, il fallait lui donner un petit coup de pouce pour qu’enfin, elle se décide à couper le cordon avec cet autre corps plus grand qu’elle, qui l’avait conçue, l’avait aidée à grossir et à mûrir en l’abreuvant et en lui fournissant toutes les vitamines susceptibles de rehausser son teint de tomate. Cette mère nourricière, qui savait abriter ses enfants des méchants coups de soleil et de bien d’autres désagréments, n’offrait aucune résistance contre moi, car de moi dépendait sa survie. Je ravissais l’une de ses filles que je ramenais auprès de mes autres otages, sur l’autel du grand sacrifice : mon plan de travail. Toutes ces beautés pulpeuses se laissaient faire, car elles savaient que j’étais en train de donner un sens à leur vie, à tout un processus de maturation qui les destinait irrémédiablement à venir échouer dans nos assiettes, en tranches, en quartiers, ou mieux encore : en purée ! Avec des spaghettis ! Avec des cannellonis ! Avec des raviolis ! Certaines sont restées dans des bocaux parce que je savais qu’aujourd’hui, mon pied de tomate favori, ainsi que tous ses semblables, seraient dégarnis. Devant affronter le froid et le vent, ils en ont perdu toute leur coquetterie. Et ils vont devoir encore en voir des vertes et des pas mûres. D’ailleurs, en ce moment, un certain conifère paré de boules rouges leur vole la vedette. Il faut dire que l’hiver est loin d’être leur saison préférée.

Exercice d'écriture : « Pied de tomate », par Alexis Poraszka

En photo : Tomate séchée...
par christianb2








Triste est mon existence de vieux pied de tomate
Qui cache sous l’arrogance l’attirance satanique
Pour mon, ô cœur rebelle, jardinier automate.
Fièvre et folie sont-elles question de botanique ?

Qu’il dépose sur mes rondes rougeurs ses empreintes,
Qu’il panse les plaies profondes de ce cœur à l’envers.
Pour l’unique dessein de sentir son étreinte
J’aligne comme un refrain ces mots que j’ai en vers.

Qu’on me laisse mourir, que ma terre soit jachère
De souhaiter devenir Jardin des Hespérides.
Son parfum enivrant, ses dents croquant ma chair,
L’absence de mon amant rend mon fruit apatride.

D’aussi bons arguments m’offriraient-ils son cœur ?
Si quiconque me le prend, défis et bon duels
Seraient ma seule réponse, et je serais vainqueur
Car pour l’amour d’Alphonse, aucune victoire trop belle.

Cet homme qui m’ignore, je ne sais vivre sans
Et pour qu’il me dévore, j’expose ma couleur sang.

Exercice d'écriture : « Pied de tomate », par Julie Sanchez

En photo : pied de tomates
par Frederique B

La grand-mère de Clément est écolo. Elle a même participé aux meetings de son parti pendant les élections européennes, c’est pour dire !
Cette année, Clément et sa famille passent Noël tous ensemble, chez elle.
Quelle ne fut pas leur surprise lorsque, en arrivant chez elle, ils découvrirent son « sapin » ! Il s’agissait en fait d’un pied de tomate. Un tout petit pied de tomate qui trônait fièrement dans le salon de sa grande maison. Sous ses feuilles odorantes, des cadeaux étaient empilés. Il y en avait tant que le pied avait l’air encore plus ridicule. Il n’était pas nu : pour fêter dignement Noël, la grand-mère de Clément l’avait paré de belles boules d’un rouge profond et de petites guirlandes dorées. Les boules étaient comme des tomates charnues et bien mûres.
Clément était intrigué par le choix de sa grand-mère pour cet arbuste. Il lui demanda où était passé l’immense sapin qu’elle achetait chaque année.
— Tu sais Clément, mon jardin est petit et je ne peux pas replanter tous ces sapins. Ça me fend le cœur de les jeter ensuite… Et puis toutes ces aiguilles qui se faufilent sous les meubles… C’est trop d’entretien. Je n’ai plus l’âge.
— Mamie, tu n’as qu’à en prendre un en plastique. Il durera longtemps ! Regarde ton pied. Il est tout maigrichon. On dirait que les boules vont casser ses petites branches…
— Un sapin en plastique – répondit la grand-mère en faisant la moue –, tu n’y penses pas ! Ca ne sent rien le plastique ! Quitte à changer, je préfère avoir une autre plante !
— Mais Mamie, à Noël, l’arbre à avoir c’est un sapin et pas autre chose !! C’est même pas la saison des tomates. Tu sais, tu aurais pu m’appeler, on en aurait fait un avec des planches peintes en blanc et en rouge.
— Mais je ne veux pas de planches ! Mon pied de tomates me convient très bien. Je les mets où après les planches, moi ? Je n’ai même pas de cheminée… Dis, donc, tu m’ennuies avec tes questions. C’est Noël, tu ne veux pas vexer ta pauvre grand-mère, tout de même ?
— Non, non. C’était juste pour savoir. Un pied de tomate, c’est une drôle d’idée.
— Oui mais c’est mon idée. Et c’est mon arbre, enfin mon pied. Cet été, tu seras bien content quand tu viendras grignoter ses jolis fruits ! Allez, zou ! File rejoindre tes cousins ! On va bientôt passer à table…
Clément se dit que parfois, sa grand-mère avait des manies un peu bizarres. Mais qu’importe. Ce Noël en famille s’annonçait plutôt bien.

À vos dicos…, 25

Le mot du jour à chercher dans le dictionnaire : BLANDICE

Références culturelles, 682 : Códice azcatitlan

http://es.wikipedia.org/wiki/C%C3%B3dice_azcatitlan

jeudi 23 décembre 2010

mercredi 22 décembre 2010

Rappel… à propos des traductions longues

Il y a plus d'un mois, je vous ai donné un calendrier pour mener à bien votre traduction longue dans les meilleures conditions possibles ; à présent que vous avez arrêté votre choix (n'est-ce pas, Stéphanie ?), je vous en rappelle l'essentiel… Efforcez-vous de le suivre au plus près, sous peine de vous retrouver en retard et insuffisamment prêts au moment de la rendre. Vous aurez remarqué que cette question stratégique du temps revient de manière récurrente dans les entretiens avec les apprenties traductrices des promos précédentes… Ne tombez pas dans les mêmes pièges, en particulier celui d'une mise en route trop lente et d'une mauvaise gestion des relectures. Il s'agit de votre premier travail et vous ne pouvez que préjuger de ce qui vous attend.

Étape 1 :
avoir arrêté son choix sur un texte fin novembre (avec validation par le tuteur)

Étape 2 :
avoir un premier jet de l'ensemble fin février

Étape 3 :
envoyer début mars les 15 ou 20 premières pages (pas un brouillon, mais un travail déjà correctement maîtrisé) au tuteur pour "re-cadrage" éventuel

Étape 4 :
fin mars, fin avril, fin mai, fin juin… 2e, 3e, 4e, 5e jet.

Étape 5 :
procéder à une relecture en duo (le traducteur écoute sa traduction lue par un tiers tout en suivant avec la V.O.) pour être certain de ne pas avoir oublié des mots, des phrases, voire un paragraphe… et, surtout, pour avoir la confirmation que le texte passe l'épreuve du "gueuloir" et du "gesticuloir".

Étape 6 :
renvoyer – le cas échéant, mais ça n'est pas obligatoire – début juillet les 15-20 premières pages au tuteur pour évaluation après travail, re-travail, re-travail…

Étape 7 :
envoi de la traduction le 15 août, dernier délai. (Le rapport de stage sera envoyé fin août)

Ce qui devait arriver arriva…, 5

Exercice d'écriture spécial Caroline, Volet 5 : À travers les yeux du chat de Julie

Le texte de Julie :
Je suis fatiguée. Qu’est-ce que je suis fatiguée !
J’aimerais bien voir le monde autrement, ne serait-ce qu’une journée, pouvoir paresser sans que cela ne pose de problèmes à personne.
Ne pas avoir à répondre au téléphone, ni aux mails…
Mon chat par exemple, il a la belle vie ! Comme j’aimerais passer mes journées à dormir au soleil, à courir, à manger, à me faire câliner quand j’en ai envie, à ne pas recevoir de reproches de la part de mon patron et juste entendre que je suis douce et mignonne.

Le texte « métamorphosé » :
Tu veux savoir comment je me sens, Chouchou, hein, c'est ça… ? Ben je vais te le dire, puisque tu insistes, que oui, je vais te le dire, et attends voir, en un mot comme en cent même : je suis fatiguée, voilà ce que j'ai, voilà comment je me sens. Et j'ai pas quarante ans. Oh mon Dieu oui, vidée, ratatinée, lessivée, au bout du rouleau… ! L'impression d'être comme ces vieilles grues rouillées qui grincent sur les chantiers navals. Et pourtant, crois-moi, ça n'est pas de gaité de cœur que je te fais cet aveu. Ça me met dans une belle position, tiens. Je te l'avoue… Maintenant que j'ai ouvert les vannes, autant aller jusqu'au fond. Je te l'avoue, moi, si je pouvais choisir et lui demander quelque chose, une faveur, comme ça, au petit Jésus, ce serait de tout recommencer à zéro, d'être de nouveau cette belle jeune fille qu'on m'a chanté que j'étais, un soir, alors que j'avais pas encore seize ans et qu'on était allées danser avec Marie et les autres filles du village. C'est tout simple, figure-toi : j’aimerais regarder le monde autrement, ne serait-ce qu’une journée, quelques heures à peine. Mon rêve, à moi, ce serait de pouvoir paresser sans que cela pose de problèmes à personne, sans qu'on m'appelle en salle pour « un petit jaune », « une Suze », « un calva ». Tu comprends, moi, j'en peux plus de Jojo et de sa bande… de l'odeur de ce rade pourri qui suinte la misère, l'ennui et la frustration de tous ces gars q'attendent plus rien de la vie.
Ne pas avoir à jouer de la brosse à récurer et de l'éponge…
Même mon chat, Tony, il a une meilleure vie que moi ! Une bestiole… Tu te rends compte. Comme j’aimerais passer mes journées à dormir au soleil, à courir après un papillon comme si c'était de la première importance, à manger sans me soucier de savoir si j'aurais un morceau de pain à me mettre sous la dent le lendemain, à me faire câliner quand j’en ai envie, à ne pas recevoir de reproches du patron, juste entendre que je suis douce et mignonne… et attendre gentiment que tout ça passe, sans me demander sans cesse quel sens ça a. Parce que ça, j'en suis bien sûre, ça n'a pas le moindre sens.

Entretien avec Nathalie Lacroix, libraire (Le Comptoir des mots, Paris 20e), réalisé par Stéphanie Maze

Plus qu'une librairie, Le Comptoir des mots est un lieu de vie culturelle. Nathalie Lacroix, à l'origine de ce projet, a gentiment accepté de répondre à mes questions.

1) Comment est né Le comptoir des mots ?
J'ai créé Le comptoir des mots avec Renny Aupetit le 4 décembre 2004. Nous allons avoir 6 ans dans quelques jours. Notre idée était de créer la librairie dont nous rêvions en tant que lecteurs, une librairie exigeante mais pas élitiste, où il fait bon traîner, s'asseoir dans un fauteuil pour choisir un livre, venir avec ses enfants, demander des conseils aux libraires...
Le comptoir des mots est une librairie généraliste, plus de la moitié de la librairie est consacrée à la littérature avec une attention marquée pour la poésie et le théâtre. On peut y venir en famille, une grande place est consacrée aux enfants et bien sûr, on y trouve aussi des sciences humaines, de la BD, des beaux arts, des livres de cuisine...
Ce que vous n'y trouverez pas : du parascolaire et paraprofessionnel (droit, marketing, informatique...), des loisirs créatifs.

2) Selon vous, comment Le comptoir a-t-il réussi à se faire une place de choix malgré le foisonnement des librairies parisiennes ?
Nous avons créé la librairie dans notre quartier, le XXe arrondissement, non loin de notre domicile, quartier que nous affectionnons. Or, il y a pas mal de belles et bonnes librairies dans cet arrondissement mais il n'y en avait pas près de la Place Gambetta, lieu central du XXe près de la Mairie, du théâtre de la Colline, du cinéma MK2 Gambetta et de l'hôpital Tenon. Nous avons tout de suite travaillé en partenariat avec les autres acteurs culturels et associatifs du quartier. La librairie doit être un lieu de vie à part entière et refléter la vie de la Cité. De plus, nous avons dès le début organisé des rencontres avec des auteurs : lectures, débats, signatures, projections,... Et nous nous sommes attachés à accorder une place primordiale au conseil en constituant une équipe de libraires spécialisés, passionnés et à l'écoute des questions des lecteurs.

3) Des critères particuliers quant au choix des livres que vous vendez ?
Tous les livres qui sont proposés au Comptoir des mots ont été choisi par un libraire. Aucun livre ne nous est envoyé d'office par les éditeurs et c'est pour nous très important. Chaque libraire, spécialisé dans un domaine, choisit les livres correspondants avec les représentants. Bien sûr, nous privilégions les livres que nous aimons et que nous avons envie de défendre. Nos choix se font en fonction des auteurs, des maisons d'éditions. Nous lisons et essayons d'être attentifs à la découverte de nouveaux talents. Bien sûr, nous sommes aussi attentifs aux attentes de nos lecteurs et c’est aussi grâce à eux, leurs choix, leurs lectures, leur curiosité, la confiance qu’ils nous font, que nous pouvons avoir un fonds et des nouveautés de qualité.

4) Quelle place accordez-vous à la littérature étrangère ? Et les clients ?
La littérature étrangère occupe une place de plus en plus importante dans la librairie. Nous avons même créé depuis cet été un rayon en V.O. en langue anglaise. De plus en plus de lecteurs nous demandaient des livres en langue originale. En terme chiffrés, la littérature étrangère représente le même poids que la littérature française (plus de 3 000 volumes) avec environ la moitié pour la littérature anglo-saxonne.

5) Outre l'anglais, quelles sont les nationalités les plus représentées et/ou vendues ?
Effectivement, les anglo-saxons sont les mieux représentés, les plus traduits et certainement les plus demandés et donc vendus mais la France traduit beaucoup et dans différentes langues. Il est difficile pour moi de parler en terme de nationalités. En effet, à la librairie, les livres sont classés par langue de traduction ou par zone géographique. Le classement de la littérature étrangère est toujours un peu un casse-tête et nous n'avons pas trouvé de solution parfaite. Il tient compte de deux contraintes : la taille de la librairie (il serait ridicule de créer un rayon pour y mettre seulement quelques livres) et l'attention que nous avons à ce que les lecteurs s'y retrouvent le plus facilement possible (et dans certains cas, ce n'est ni la langue, ni la zone géographique d'ailleurs qui est un critère déterminant pour eux). Les anglais sont donc mélangés avec les américains. Vous trouverez un domaine lusophone qui réunit, comme son nom l'indique, les auteurs de langue portugaise et donc par exemple des portugais, des brésiliens et des angolais. Nous avons un domaine asiatique qui réunit toutes les littératures de ce continent quelque soit la langue, un domaine Allemand, un domaine Europe de l'Est, un domaine nordique, un domaine italien, un domaine russe, Europe de l'est, moyen orient et bien sûr un domaine espagnol... Nous avons créé un domaine Indien et Africain afin que ces littératures souvent traduites de l’anglais pour les premiers et écrites en français pour les seconds ne soient pas perdues dans le domaine anglo-saxon et français et soient mieux mises en avant et plus facilement identifiables par les lecteurs qui ne cherchent pas un auteur en particulier mais souhaitent découvrir un univers.
Les plus représentées sont les littératures de langue allemande et espagnole mais de peu et tous les domaines (hors anglo-saxons) sont à peu prêt équivalents. Certains peuvent à des moments particuliers "grossir" un peu pour des raisons diverses souvent liées à des événements organisés autour d’un pays (Belles étrangères, Invité d'honneur du Salon du Livre, phénomènes de mode comme les auteurs nordiques depuis le succès de Millenium...) qui incitent les éditeurs à traduire plus une nationalité qu'une autre à un moment mais dans l'ensemble l'équilibre revient vite. Ces particularités permettent d'ailleurs de découvrir un certain nombre d'auteurs et d'enrichir le fonds. Nous pouvons aussi prendre l’initiative de mettre en avant et de travailler particulièrement un domaine littéraire. Nous avons créé, par exemple, il y a 2 ans, un domaine Yiddish. En effet, nous avons rencontré Rachel Ertel, spécialiste et traductrice du Yiddish et nous avons organisé une rencontre à la librairie autour de cette littérature extrêmement riche mais largement oubliée.

6) Vous avez fait le choix de soutenir de "petits" éditeurs, pourquoi ? Les clients y sont-ils sensibles ?
Nous sommes très attentifs aux "petites" maisons d'éditions indépendantes, non pas parce que c'est un gage certain de qualité mais parce que dans certains cas, elles font un travail précieux et exigeant que l'on ne retrouve pas ailleurs et qu'il est important de mettre en avant. Nous souhaitons que nos lecteurs ne trouvent pas exactement les mêmes livres au Comptoir des mots qu'ailleurs. Nous pensons même que c'est pour cette raison qu'il est important de préserver les librairies indépendantes, parce que de l'une à l'autre, vous ne trouverez pas les mêmes libraires, donc pas les mêmes livres et que c'est ainsi que l'on peut lutter contre l'uniformisation et contribuer à assurer la diversité du paysage éditorial.

7) Votre librairie est un véritable lieu d'échange, l'interaction entre les auteurs ou autres acteurs de la chaîne du livre vous semble-t-elle importante ?
Oui, bien sûr, c'est fondamental. La librairie ne peut plus se contenter d'être un lieu "mort" seulement faite de papiers qui prennent la poussière. Elle doit refléter l'énergie, la passion de tous ceux qui font ce métier. Et bien évidemment, en premier lieu des auteurs, qui pour beaucoup sont bien vivants. Nous cherchons le juste équilibre entre ce que l'on appelle le fonds en grande majorité constitué par des auteurs des siècles passés et la place consacrée à la création des auteurs contemporains qui prennent des risques, travaillent la langue, tentent d'inventer de nouvelles formes. Les portes de la librairie leur sont grandes ouvertes pour venir parler de leur travail et partager leur passion. Nous organisons aussi des rencontres avec des éditeurs. Beaucoup ont des choses passionnantes à dire sur leur métier, comment ils construisent leur catalogue, les auteurs qu'ils éditent. De septembre 09 à juin 10, nous avons même organisé, dans le cadre du programme résidence d'écrivains en Ile-de-France et de la résidence que nous menions au sein de la librairie avec le poète Frédéric Forte, une rencontre par mois entre un éditeur et un auteur sur le thème : " comment nait un livre de poésie ?". Nous sommes aussi très attentifs aux traducteurs. Pour ma part, je ne lis aucune langue étrangère et donc depuis toujours de la littérature traduite. Les traducteurs sont donc fondamentaux dans mon rapport à la littérature étrangère. Nous avons organisé une grande soirée il y a 3 ans pour feu "Lire en fête" qui s'intitulait "La nuit des traducteurs fous ou comment lire et traduire des livres dit intraduisibles et illisibles" (titre un peu pied de nez) pour laquelle nous avions invité Claro et Bernard Hoepffner à venir nous parler de leur métier et des auteurs qu'ils traduisaient. Nous continuerons bien sûr à organiser des rencontres autour de la traduction dès que l'occasion s'en présentera et nous avons d’ailleurs pour projet de refaire une soirée cette année autour de la traduction de l’allemand.

8) Quelques titres à recommander pour cette fin d'année ?
Pour la fin d'année, notre particularité est de constituer une sélection assez longue. Le principe : chaque libraire du comptoir des mots choisit un livre dans tous les domaines de la librairie. Nous avons défini un certain nombre de rubriques : littérature française, littérature étrangère, polars/SF, essais, albums jeunesse, romans jeunesse, BD jeunesse, voyage/cuisine, beaux arts/photo, "très gros" cadeaux (plus de 100 euros), "très petits" cadeaux (moins de 10 euros), cadeaux sexy soit 11 catégories assez subjectives (que nous rallongerions bien si nous nous écoutions). Notre idée, là aussi, est de montrer qu'il n'y a pas un seul livre pour tout le monde (comme tente parfois d'essayer de nous le faire croire la presse) mais bien une multitude de choix et un cadeau sur-mesure pour chacun d'entre nous. Nous sommes justement en train de finaliser cette longue liste et elle sera disponible à la librairie et envoyée par mail à nos lecteurs dans les jours qui viennent :
Permière partie : .
http://web.lecomptoirdesmots.fr/email.php?id=212&cv=tFgxmc0EiNbaQH6DtAgx&xid=j97Cnib9Vk7pC1jCLgL8&ji
Deuxième partie :
http://web.lecomptoirdesmots.fr/email.php?id=213&cv=mNF9EtJfUh5w1FetPIC8&xid=j97Cnib9Vk7pC1jCLgL8&ji
Il m'est donc difficile (et une entorse à la règle) de ne citer ici que quelques titres. Mais comme nous parlons de littérature étrangère, je vais faire cette entorse et vous livrer un titre, parce que c'est un auteur que je viens de découvrir et qui m'a époustouflée, tant sur la forme que sur le fond. Il invente une langue et aborde des sujets qui vont de l'intime au Politique. Il s'agit de "Renégat, roman des temps nerveux" de Reinhard Jirgl, traduit de l'allemand par Martine Rémon aux éditions Quidam. C'est le deuxième livre de cet auteur que publie Pascal Arnaud des éditions Quidam. J'étais complètement passée à côté du premier mais je vais m'empresser de pallier à cette erreur et je vous invite vivement à vous précipiter chez votre libraire pour le découvrir.

À vos dicos…, 23

Le mot du jour à chercher dans le dictionnaire : RÉTICULE

Références culturelles, 680 : El Citlaltépetl

http://es.wikipedia.org/wiki/Citlalt%C3%A9petl

mardi 21 décembre 2010

La chanson du mardi, choisie par Stéphanie

Melody EL BAILE DEL GORILA

Emploi du temps du second semestre – la partie spécialité

(N'hésitez pas à demander confirmation aux différents interlocuteurs… chacun ayant peut-être prévu des aménagements dont je ne suis pas au courant).
(Vous trouverez également dans la rubrique « rendez-vous et cours » de nouvelles informations, en particulier concernant les salles)

Lundi :
10h30-12h30 // salle Ameriber
Références culturelles de l'Amérique latine (Cecilia González Scavino)

Mardi (6 séances) :
13h30-15h30 //Salle K 103
Traduction spécialisée (Marta Lacomba) – à partir du 18 janvier – fin février

Mardi (6 séances) :
13h30-15H30 // salle K103 – mars/avril
Traduction de textes de sciences humaines (Jean-Marc Buiguès)

Mercredi 19 janvier au mercredi 23 mars (sauf le 2 février) :
13h30-16h00 // salle Ameriber
atelier tutoré (Caroline Lepage)

Jeudi :
11h30-12h30
13h30-17h00
atelier de traduction collective (Caroline Lepage) // salle Ameriber

Ce qui devait arriver arriva…, 4

Exercice d'écriture spécial Caroline, Volet 4 : « À travers les yeux du chat de Perrine »

Le texte de Perrine :
Le quartier de Montchat se situe dans le troisième arrondissement de Lyon, à l’ouest de cette vaste agglomération. Sa naissance remonte au XIe siècle, avec la construction de l’église Saint-Alban, et son Histoire a pris un tournant décisif au XIXe siècle grâce à l’ancêtre Jacques Besson. En effet, l’arbre généalogique de ce qui fut autrefois le petit village de Chaussagne se prolongea avec la venue de Louise, la fille de Jacques Besson, qui épousa Mathieu Bonnand et mit au monde leur fils Luc, qui deviendra seigneur de Montchat ; la fille unique de ledit Luc épousa Henri Vitton ; de ce mariage naquit Louise-Françoise Vitton, qui s’unira avec Jean-Louis-François Richard.

Le texte « métamorphosé » :
J'aurais pu commencer mon petit récit par une réplique célèbre d'un film célèbre, histoire de ne pas prendre la parole, mais d'être pris par elle et d'avoir en somme simplement à enchaîner en me laissant porter par l'aura d'un autre auteur de talent. Quoi, par exemple ? Je ne sais pas. Attendez voir… Tiens, pourquoi pas « Ça va chier dans le ventilo ! ». Or non, il se trouve que chez nous, les Huet, l'argot et autres grossièretés dignes du comptoir de Jojo, alias Olivier le Beauf, ça n'est pas exactement notre tasse de thé. Raison pour laquelle je m'en tiendrai à du classique, sans fioritures, quitte à ennuyer légèrement mes lectrices et mes lecteurs. Voici : le quartier de Montchat se situe dans le troisième arrondissement de Lyon, à l’ouest de cette vaste agglomération. Sa naissance remonte au XIe siècle, avec la construction de l’église Saint-Alban, et son Histoire a pris un tournant décisif au XIXe siècle grâce à l’ancêtre Jacques Besson (précision pour les historiens soucieux d'exactitude : oui, il s'agit bien de ce Jacques Besson qui avait cette particularité d'être à moitié roux ; chose curieuse et certainement douteuse eu égard à son héritage génétique). En effet, l’arbre généalogique de ce qui fut autrefois le petit village de Chaussagne se prolongea avec la venue de Louise, la fille de Jacques Besson, qui épousa Mathieu Bonnand et mit au monde leur fils Luc, qui deviendra seigneur de Montchat ; la fille unique de ledit Luc épousa Henri Vitton ; de ce mariage naquit Louise-Françoise Vitton, qui s’unira avec Jean-Louis-François Richard.


À vos dicos…, 22

Le mot du jour à chercher dans le dictionnaire : QUÉRULENCE

Références culturelles, 679 : Barrancas del Cobre

http://es.wikipedia.org/wiki/Barranca_del_Cobre

lundi 20 décembre 2010

Celle-ci, elle est pour Julie

Origine, sens et traduction en espagnol de l'expression : qui dort, dîne…

Ce qui devait arriver arriva…, 3

Exercice d'écriture spécial Caroline, Volet 3 : À travers les yeux du chat de Stéphanie

Le texte de Stéphanie :
La scène avait pris la même tournure dramatique que les disputes qui éclataient entre nous ces derniers temps. Il nous devenait impossible de nous adresser la parole sans avoir un mot au-dessus de l'autre. C'en devenait ridicule. Seulement, m'en rendre compte, me prit un certain temps. Amoureux transi, je ne jurais que par nous deux, c'était nous ou rien. Je n'existais qu'à travers elle et elle à travers moi. Je ne pouvais toutefois pas nier qu'au fil du temps, notre liaison s'était dégradée.

Le texte « métamorphosé » :
La scène avait pris la même tournure dramatique que les autres fois – ces affreuses disputes qui éclataient entre nous ces derniers temps et nous laissaient à l'un et l'autre avec une tenace impression mi-lard mi-cochon. Qu'il s'agisse des premières manifestations de la haine (c'était son point de vue à elle et elle s'y accrochait) ou des derniers soubresauts d'un amour désormais à plus d'un titre contrefait, presque bossu tant il pesait dans notre dos et nous tirait vers le bas, il nous devenait impossible de nous adresser la parole sans un mot au-dessus de l'autre, sans qu'une masse de colère et de chagrin s'abatte sur nous. Deux grosses boules de colère lancées l'une contre l'autre ! C'en devenait ridicule et en effet, je me sentais ridicule, ô combien lamentable. Seulement, m'en rendre compte me prit un certain temps, le temps de comprendre que j'aurais mieux fait de me taire et de me laisser rouler dans un coin, où je ne risquais plus de lui faire de mal. Mais voilà, amoureux transi, je ne jurais que par nous deux, c'était nous ou rien. Je n'existais qu'à travers elle et elle à travers moi. Oui, on y croyait l'un comme l'autre, à cette époque-là, au début, comme on dit avec des trémolos dans la voix. Naïfs que nous étions. Naïfs ou présomptueux, le saurai-je jamais ? Je ne pouvais toutefois pas nier qu'au fil du temps, notre liaison s'était dégradée, puis avait pourri… comme un vieille fraise abandonnée au bord d'une fenêtre se couvre progressivement mais sûrement de cheveux blancs avant de rendre l'âme et de se fondre dans le Grand Tout… – le Grand Kloug, comme disait Alexis, petit-fils de Polonais réfugiés qui sait pourquoi dans cette curieuse cité bisontine que le soleil avait renoncé a visiter.

Entretien avec Amandine Aigueperse, libraire à la Machine à lire – Bordeaux, réalisé par Perrine Huet

1) Comment êtes-vous devenue libraire ?
J'ai fait la rencontre d'une libraire à Paris qui m'a dit que c'était un métier fabuleux mais difficile, que les libraires deviennent souvent des « gens acariâtres » (parce que le développement de carrière est très limité), mais que malgré tout, ça valait le coup (entendre un client que vous avez conseillé vous remercier et vous dire qu’il a été très touché par le livre que vous avez défendu est un vrai moment de bonheur). J'ai donc été pendant deux ans en apprentissage à l'INFL (Institut National de Formation des Libraires) à Paris, alternant trois semaines en entreprise et une semaine à l'école. J'y ai suivi des cours de vente, de vitrine, de gestion, de culture générale, qui étaient plus ou moins intéressants selon les intervenants. Par exemple, je garde un très bon souvenir du cours sur les polars.
Après avoir obtenu mon diplôme, je suis descendue sur Bordeaux, et j'ai découvert la librairie La Machine à lire par hasard, en flânant et j’ai pensé que c’était dans ce lieu que je voulais exercer mon métier. Cela fait maintenant cinq ans que j'y travaille.

2)Pouvez-vous me présenter votre librairie ?
Il s'agit d'une librairie généraliste, qui défend une littérature exigeante et a un engagement plutôt à gauche. Elle a été rachetée il y a deux ans et nous cherchons à garder l’esprit des créateurs tout en développant les rayons en fonction des affinités des libraires. Notre rôle est de mettre en avant des éditeurs qui publient des auteurs de qualité tout en s’attachant à fabriquer de beaux objets comme les éditions de Minuit, Actes Sud, Monsieur Toussaint Louverture etc. Nous essayons de développer des liens privilégiés, comme avec les éditions Le passager clandestin.
Nous avons un pôle sciences humaines (regroupant des thèmes variés comme l'Histoire, la politique, la psychologie et la psychanalyse, la philosophie, la sociologie, la linguistique…), un pôle littérature (française et étrangère) et un pôle image (beaux arts, jeunesse, BD, pratique…).

3) Quelles relations entretenez-vous avec les éditeurs ?
Pour les petites maisons d'édition, Hélène, la propriétaire, est allée rencontrer, à Paris, les éditeurs. Elle s’est entretenue avec Henri Cosse, des éditions de Minuit, avec l'éditrice Sabine Wespieser ou bien Jean-Paul Hirsch de POL.
Pour les grosses maisons d'édition, c'est plus compliqué. Quand ils passent sur Bordeaux, ils viennent nous voir, nous dire bonjour. Mais nous avons surtout développé des liens avec les représentants qui nous présentent les livres, nous orientent parfois sur les quantités quand on a des doutes, nous mettent en relation avec les attachés de presse pour organiser des rencontres avec les auteurs.

4) Organisez-vous des rencontres avec des auteurs ? Comment s'établit le contact avec eux ?
Oui, nous organisons des rencontres au moins trois-quatre fois par mois, en essayant d’équilibrer littérature et sciences humaines. En janvier et février, nous allons recevoir des membres de La Cimade (pour un livre sur les centres de rétention publié chez Actes Sud), Vincent Borel de chez Sabine Wespieser, Maylis de Kérangal prix Médicis 2010 pour la Naissance d’un pont chez Verticales, l'auteur Hervé Kempf qui va nous parler d'écologie. Il en faut, cela nous amène plus ou moins le monde, mais il en faut.
Ce sont les représentants qui nous mettent en relation avec les attachés de presse puis les auteurs. Ils viennent nous présenter les livres en moyenne deux mois et demi avant leur sortie. Ensuite, c'est à nous de prendre contact avec l'attaché de presse de l'auteur, de fixer une date, de trouver des animateurs pour gérer l'animation.

5) Quelle place occupe la littérature étrangère dans votre librairie ?
La littérature française représente la plus grosse part de notre chiffre d'affaires. Mais nous avons également trois belles tables de littérature étrangère et huit bibliothèques pour le fonds. Les littératures américaine et anglaise sont les plus importantes ce qui correspond à la masse de la production éditoriale, mais nous avons également beaucoup mis en avant la littérature des Balkans, qu'affectionne particulièrement un de nos libraires. Nous sommes aussi de grands amateurs de littérature japonaise ou indienne et Vincent, nouvellement arrivé, est passionné de littérature sud-américaine, (il a créé avec Nadia Moureaux-Beugnet les éditions Cataplum) et va surement développé ce rayon pour la librairie. A noter que le rayon de littérature espagnole est séparé de la littérature latino-américaine.

6) Que pensez-vous du livre numérique ?
Je n'en pense pas grand-chose. C'est un concept trop technique avec lequel j'ai beaucoup de mal. Mais c'est l'avenir donc il faudra qu'on s'y mette. Pour l’instant, je n'y vois aucun intérêt. Ceci dit, les éditions Dialogues vous permettent d'acheter le livre papier en même temps que le fichier numérique. La publication dernièrement de Biogée, le dernier livre du philosophe Michel Serres leur permet de se faire connaître du grand public. De leur côté, l’association des Librairies Atlantiques réfléchit autour de ce thème pour proposer une stratégie à adopter.

7) Quel est votre dernier coup de cœur ?
Ma dernière surprise, c’est une bande dessinée, Trop n'est pas assez, d'Ulli Lust, aux éditions Ça et Là. C'est l'histoire d'une jeune punk qui rencontre une nana un peu dégingandée. Elles sont Autrichiennes et décident de se rendre en Italie sans papiers et par leurs propres moyens. C'est le récit de cette débrouille, un livre axé sur une réflexion autour du corps féminin que les Italiens, et surtout les Siciliens, convoitent. Une des deux finit par se prostituer, l'autre s’y refuse.
C'est un récit plus ou moins autobiographique, on s'attache aux personnages. Je l’ai entamé sans grand enthousiasme un midi et j’ai eu du mal à le refermer !

Un souvenir d'enfance, par Julie

J'ai trouvé une chanson que ma grand-mère me chantait quand j'étais petite :

Version pour le 1e janvier

Las horas pasaron, y el candil iba perdiendo el combustible que le quedaba. El frío iba calando en sus huesos, hasta el punto de que Fraimundo ya comenzaba a sentir escalofríos. El sonido del viento golpeando las contraventanas tampoco ayudaba en lo más mínimo a serenar sus ánimos. Otras referencias al diablo y a hechos sobrenaturales no le dieron ninguna pista del origen de la Rosa Negra ni de los hechos referentes a la Hermana Saura. Sin embargo, sí encontró una entrada en un texto, escrita a mano por lo que parecía la letra de un hombre, que hacía hincapié en un cubículo oculto tras una estantería. Más picado por la curiosidad que por poder descubrir algo, Fraimundo corrió lo más silenciosamente que pudo la estantería cargada de libros y dejó al descubierto un mapa antiguo de Xatafi de aspecto medieval. Tras él, un hueco en la pared ocultaba varios pergaminos y misivas de los monjes y hermanas del Cerro. Algunos libros compartían el oscuro espacio con ellos, ero la mayor sorpresa fue encontrar una carta de la hermana Saura enviada al prior de la orden. En ella decía que había descubierto una extraña rosa negra que, leyendo algunos textos antiguos, parecía estar relacionada con asesinatos y hechos misteriosos durante varios períodos a lo largo de la historia del Cerro de los Ángeles. Detrás de esta carta, unidas por un clip, había otra de respuesta del prior que decía que semejante muestra de temor sobrenatural y antirreligioso no debía repetirse, y la reprendía por dejarse llevar por miedos impuros. Por último, también dentro del paquete, había una segunda carta de la Hermana Saura. El texto que en ella había escrito le puso los pelos de punta. “He seguido investigando. A quien lea esto, espero que le sirva de justificación por lo que voy a hacer, aunque ahora mismo sólo espero poder librar a mis hermanas del fin que el destino les ha impuesto. No he podido encontrar referencias al Diablo en ninguno de los textos que he consultado, sólo a poderes que van más allá de lo humano, lo divino o lo demoníaco. La oscuridad misma parece haber puesto un pie aquí, y cada cierto tiempo, reclama el precio del peaje que todos pagamos en la vida. Creo que todos hemos perdido ya nuestra alma, y la única forma de que mis hermanas la recuperen es que yo entregue mi vida por ellas. La primera persona que la vio.

Francisco Agenjo, Biblioteca de los sueños

Entretien avec Laëtitia Sobenes (promo Aline Schulman), réalisé par Olivier Marchand

En parlant de parcours, j'aurais voulu savoir comment tu es arrivée là ?
[…] Je sais pas si on t'a expliqué, j'ai fait deux ans de Master 2. En fait, je suis rescapée de la première année. C'est-à-dire que comme j'étais enseignante, on nous a proposé de faire le Master en deux ans […]. J'ai eu ma maîtrise en 2002, donc, voilà, j'avais arrêté les études et je suis revenue pour faire ce Master-là. J'ai été prise, mais c'est là où on m'a dit : « Eh ben, vous travaillez, vous pouvez pas faire le Master, normalement ». Et Caroline a mis en place un programme en deux ans.

D'accord, j'étais pas au courant que ça avait existé…
Ouais ouais ouais. Et en fait, je suis la seule rescapée. Parce que donc, on a décidé tous de faire le Master la première année, on s'est embarqués pour deux ans. Sauf que, on était quatre dans ce cas-là, et les autres l'année suivante, si tu veux, ils n'ont pas eu la possibilité tout court de continuer le Master. Parce que comme moi, je suis pas titulaire, j'ai pas le CAPES, euh, si tu veux je pouvais arrêter et faire un peu ce que je voulais. […] Donc moi la première année, j'ai fait… Qu'est ce j'ai fait ? J'ai fait les TIC, j'ai fait Références culturelles de l'Espagne, et je sais plus quoi d'autre. Enfin bref… Et cette année-là, je n'ai fait ni le mémoire, ni le stage. Donc tout ça, j'ai dû le reporter à l'année suivante. Et j'ai été obligée d'arrêter de travailler parce que… […]. De toute façon, c'est ingérable de faire le mémoire et le stage et le travail à côté. […] Et puis pour moi, ça a été une année, enfin la première année où, au niveau enseignement, j'ai complètement débarqué. Et en plus, on m'a mise dans des […] établissements hallucinants : enfin le truc « opération de la dernière chance ». C'était un internat, parce que je suis dans le privé, donc avec des élèves super difficiles. Donc une première année où j'en ai pris un peu plein la tronche, mais où ça m'a beaucoup formée. Et en tout cas, ça plus le travail de Master. […] Et puis il a fallu aussi que je me mette à niveau parce que, en étant à cinquante pour cent, j'étais pas à cent pour cent forcément. Donc, il faut que tu travailles… Si tu veux par rapport à celles qui ont commencé l'année en septembre, moi, si tu veux, j'ai perdu jusqu'au mois de février, donc tous ces mois-là, j'étais pas…

Oui, tu n'étais pas du tout en cours entre septembre et février du coup. Parce que toutes ces matières-là, tu les avais déjà validées.
Ouais, et là, j'ai débarqué et la mise en route était un peu difficile, même si j'avais été en cours l'année précédente.

Oui, je comprends. Parce que c'est un laps de temps qui s'est écoulé qui est assez conséquent.
Oui, parce que la traduction, c'est euh… tu perds vachement. Tu perds énormément, c'est même hallucinant parce que, plus t'en fais, plus t'as des réflexes qui se font, mais quand tu arrêtes, tu les perds, c'est fou. […] Même si après, le recul, c'est bien aussi. C'est-à-dire, laisser un petit peu, voilà, parce que…

[…]

Et justement, par rapport à la traduction longue, t'avais choisi quel œuvre ?
Bah moi, j'avais choisi un bouquin euh… Si tu veux, c'est de la littérature de l'absurde. C'est un auteur espagnol qui s'appelle Felix Palma, il a un site internet (http://www.felixjpalma.es) et j'ai cherché […]. C'est-à-dire que je suis allée sur le site Casa del Libro, je sais pas si tu connais, et là, tu as, je sais pas combien de quatrième de couverture, etc… Donc moi, j'ai sélectionné par rapport à plusieurs critères. D'abord, je voulais quelqu'un qui a écrit plusieurs bouquins, et quelqu'un qui avait reçu un prix. Et puis je voulais que ça me plaise. Donc, après avoir sélectionné un genre de littérature […] qui sorte un peu de l'ordinaire. À l'arrivée, j'avais une liste de plusieurs auteurs et je suis allée en Espagne, pour essayé de voir tout ça de plus près. Parce qu'à mon avis, c'est important d'avoir les livres en main, et de pouvoir les feuilleter, de se rendre compte de ce qu'ils donnent, et tout. Et donc, j'ai arrêté mon choix sur ce texte-là, parce que d'abord l'écriture me plaît énormément et encore aujourd'hui, après l'avoir traduit, après l'avoir mangé, à chaque fois que je le relis, ça me fait un bien, vraiment je le trouve très beau. […] Ah oui, et si tu veux, j'avais regardé sur le site de l'auteur et je savais qu'il avait un projet de traduction en français pour un roman. Un de ces romans allait être traduit. Et là, il va sortir chez Laffont, en février. Donc, pour moi, ça, c'était un critère aussi, que…

Que ça s'exporte, que ce soit connu à l'étranger ?
Exactement. […] Mais le problème, c'était qu'il s'agissait de nouvelles, un recueil de nouvelles. Et ça, si tu veux, ça se vent moyennement bien. Sauf que j'ai trouvé ça tellement bon que pour moi, ça valait le coup quand même. Et comme il a reçu plein de prix, je sais plus combien, un nombre incalculable, hallucinant, je pensais ne pas trop me tromper… Comme c'est le premier livre que je vais traduire, il faut vraiment que ça me plaise, parce que si ça se trouve, ce sera le seul qui me plaira, le seul que je traduirais, je sais pas. […] Et donc après, après avoir sélectionné ce livre, j'ai contacté l'auteur, pour savoir s'il était en projet de traduction en France. Parce que ce recueil de nouvelles-là, il a déjà été traduit en allemand et en anglais. J'ai choisi ça et je me suis lancée dans la traduction. Et là, les problèmes ont commencé.

Quel genre de problèmes ?
Donc, si tu veux, le bouquin, il était très… euh comment dire… c'est très bien écrit, c'est-à-dire, t'as un langage un petit peu imagé, un peu poétique et tout ça, sauf que, la façon dont c'est écrit, c'est des images de la vie courante, il y a de l'humour, de l'ironie et […] la syntaxe est super dure parce que c'est des phrases très longues. Et moi, ce qui m'a vraiment posé le plus de problèmes, c'est ça : c'est la syntaxe. Et d'ailleurs, c'est ce qu'on m'a dit après, à la soutenance. On m'a dit « oui, bah le travail de recherche il est là, ça a été fait, aucun problème, sauf que maintenant – et moi je savais très bien à quel niveau je me situais – sauf que là maintenant, il manque un cran pour la mise en français ». Parce que c'est tellement bien écrit que c'est difficile de se détacher de la syntaxe de départ. Et aussi parce que tu passes par différentes étapes aussi et t'adaptes, au fil de ta traduction. Moi, je me sentais pas encore suffisamment, comment dire, sûre de moi pour prendre des libertés ou…

Pour trancher un peu dans le vide et dire : « j'ai fait ce choix là, il est délibéré et… »
Même si dans ta traduction, tu vas avoir à faire plein de choix et tu vas les faire. Mais vraiment modifier le texte de façon à ce que ce soit réellement fluide comme si c'était un livre en français à la base, c'est ça qui pose problème.

Et du coup, le livre, ça a été un authentique coup de cœur immédiat ou il était en confrontation avec d'autres livres dans ta… ?
Non. À partir du moment où j'ai lu la première nouvelle sur le site de l'auteur, j'ai dis : « bon, ce sera lui ! ».

Et la traduction de nouvelles, parce que enfin, on nous parle d'immersion dans le texte, qui est assez facile à faire quand c'est un livre de quatre-cents pages, au bout de cinquante, cent pages, c'est assez facile parce qu'on est dans le rythme etc…, mais les nouvelles, ça va être entrecoupé, ça va être des tout petit textes et on sera à peine rentré dans le texte qu'on en sera déjà sorti et qu'on enchaînera sur un autre. Est-ce que c'est pas dur de changer de ton, de changer de manière, de registre, de changer toutes les trente pages ?
Non, parce qu'il y a a quand même une cohérence dans le recueil. C'est toujours un personnage qui est confronté à une nouvelle réalité qui s'offre à lui et il choisit soit de la combattre ou soit de s'y insérer. C'est toujours le même type de… En tout cas, au niveau des personnages, c'était le même schéma, on va dire, c'était toujours le même schéma, sur le plan de l'humour et tout. Bon, après, il y avait des univers très différents. Par exemple la première nouvelle : ça se passe dans des armoires ; si tu veux, c'est le héros de la nouvelle, le protagoniste, qui découvre un univers dans les armoires. En réalité, c'est un peu une métaphore des vagins, des femmes. Parce qu'il y a des descriptions des armoires humides, etc… voilà. C'est sûr que, quand on le lit la première fois, on fait pas forcément gaffe, mais quand ça fait dix fois que tu le lis, tu captes mieux. Et c'est ce qui a été intéressant pour moi aussi… à chaque lecture, trouver un nouveau sens, un sens caché, encore des choses. […] Ce qui a été difficile aussi, c'est de voir comment il utilisait des termes qui voulaient dire plusieurs choses pour…

Pour mettre en place l'ambigüité, pour…
Ouais. Et du coup c'est ce qui est très difficile à traduire en français. […] Très souvent j'avais, je sais plus quel mot, mais il y avait une nouvelle dans l'univers de la mer, des légendes de la mer, etc… les marins, etc… et tu avais, je sais plus quel mot en espagnol qui voulait dire un poisson, mais en même temps, ça voulait dire obstacle et ça voulait dire… Ça pouvait vouloir dire trois choses… Et en français, le problème c'est que ton mot français, il va jamais vouloir dire trois choses en même temps, c'est pas possible. Et donc, du coup, voilà, c'est ce genre de problèmes auxquels j'ai été confrontée et pour moi, c'était un petit peu hors de portée, hors de ma portée, en tout cas. Moi, je me suis sentie, j'ai du vraiment beaucoup travaillé, j'ai travaillé vraiment dessus. Mais un moment donné, je me suis dit : « je manque encore d'expérience ou de… »

Ouais, essayer de répercuter la petite ambigüité qui peut exister sur ce mot-là dans la deuxième partie de la phrase ou…
Disons que oui, tu es obligé de faire des concessions, assez difficiles. Quand en plus tu es vraiment près du texte, tu es proche de toute cette ambiance et tu l'as bien captée, tu l'as bien, c'est difficile de la rendre.

Et, d'autres problème de, par exemple, avoir été obligé de sortir de chez toi pour aller demander, poser des questions à des professionnels, de…
Non, au niveau du vocabulaire, du lexique, j'ai pas eu de gros soucis. J'ai eu juste un problème de citation. L'auteur cite un poète espagnol, et il a pas été traduit en français. Et ça, il a fallu que je cherche partout. Parce que tu sais que s'il y a une citation, tu dois mettre l'officielle. Et donc, ça, j'ai cherché : Bibliothèque Nationale et tout. Partout, jusqu'au moment où j'ai dû me rendre à l'évidence : elle n'existait pas, elle n'avait pas été traduite. Donc là, j'ai pris l'initiative de traduire moi-même le passage.

J'avais quelques questions au niveau du stage aussi : où est-ce que tu l'as fait, comment ça s'est passé… ?
Alors, le stage, je l'ai fait aux Éditions du Bord de l'Eau. Je sais pas si tu connais, c'est sur Lormont. Ils font des Sciences Humaines. […]

Et comment est-ce que tu a réussi à jongler sur le stage et la traduction longue en même temps ?
Donc, en fait moi, j'avais terminé mon premier jet en commençant le stage. Le stage, je l'ai commencé fin avril : j'ai fait cinq semaines de stage, tout le mois de mai. […] J'avais terminé le premier jet et pendant le stage, j'ai pratiquement pas touché à ma traduction. J'ai pas eu le temps ou j'avais pas l'énergie. Je dirais pas non plus que je n'y ai pas du tout touché parce que si, mais mon deuxième jet, je l'ai vraiment entamé après mon stage.

Et est-ce que justement, ce délai de cinq semaines, est-ce que ça t'a été profitable pour revenir dessus, pour… ?
Non, je pense pas, parce que c'est pas à ce moment-là que c'est profitable, c'est peut-être après le deuxième ou le troisième jet, que là j'aurais dû… Or là, j'ai peut-être mal géré, mais parce qu'après, quand je me mets à travailler, j'arrive pas à m'arrêter, c'est-à-dire que j'y vais et je culpabilise dès que… Donc j'arrive pas du tout à m'aménager des temps de repos, des temps de… voilà. Ce que j'aurais dû faire, ce que je voudrais apprendre à faire, mais non. Mais du coup, j'ai pas eu ce recul-là, que j'aurais voulu avoir à la fin de mon troisième jet, pour respirer un peu et laisser un peu de côté, et puis me dire… voilà, pour un peu moins stresser par rapport à tout ça et puis reprendre…

Oui, en laissant la chose décanter, en laissant la chose reposer. Et combien de jets, t'as fait par exemple ?
J'ai fait cinq jets. Mais, franchement, mes trois jets ont été les plus productifs. Parce qu'après, quatrième, cinquième […] j'apparente ça plus à de la correction.

Parce que le premier jet, je sais pas, est-ce que tu laissais des blancs, est ce que tu mettais plusieurs propositions de traduction, tu soulignais en disant : « je reviendrais là dessus, cette phrase-là, elle est pas correctement construite, mais je verrai ça » ou… ?
Donc, en fait moi, mon premier jet, j'ai tout traduit littéralement. Par contre, je me suis occupée de tous les problèmes de lexique parce que chez mon auteur, il y a par exemple des mots que je trouvais pas dans le dictionnaire, que je trouvais nul part, c'était « made in lui ». Donc, j'ai essayé d'éclaircir ça. Et puis, il y a aussi une nouvelle où on parle beaucoup d'animaux, donc là, c'est des termes super techniques, des perruches et tout… Moi j'y connais absolument rien déjà en français, alors… Chaque nouvelle avait son univers, donc ça été vraiment une recherche d'ordre lexical, quoi. Dans mon premier jet, j'ai pas vraiment touché à ce qui était la syntaxe. J'ai été vraiment littérale, parce que c'est comme ça que je travaillais dans les versions de l'année : je travaillais dans un premier temps vraiment littéral et après j'essayais de me détourner du texte original. Et c'est là que tu essayes de mettre en forme, tu oublies l'espagnol. Surtout, moi, c'est vraiment difficile parce que je suis d'origine péruvienne : ma langue maternelle, c'est l'espagnol. Alors moi « traduire littéralement », pas de souci. Pas de problème.[…] Je vais avoir moins de problèmes de compréhension, je vais capter plus facilement toutes les subtilités. Mais ensuite, quand il s'agit de reformuler, j'ai du mal à m'écarter de l'espagnol, surtout si je retourne voir à chaque instant si je suis bien fidèle. Donc, voilà, le deuxième jet, pour moi, il sert à ça : s'écarter de l'espagnol pour essayer de bien reformuler. Et ensuite, le troisième jet, c'est le jet de vérification : c'est-à-dire que je vais regarder pour voir si j'ai pas trahi, je vais regarder espagnol-français, espagnol-français pour revenir. Et ensuite, quatrième, cinquième jet… Mais déjà dans mon premier jet, j'ai bien fait attention de pas oublier des phrases, de pas oublier des mots. Moi je travaille avec les deux textes. J'ai scanné. Et ça, c'est bien parce que tu t'assures que tu vas pas oublier des mots.

Est-ce que il y a eu des moments, par exemple, où tu voulais plus voir le texte, des moments où tu n'en pouvais plus …? Il y a toujours eu …
Connexion. […] J'ai jamais eu de…, pas par rapport au texte. Ça va être par rapport à un moment donné où tu vas saturer parce que, parce que tu fais que ça. Après, moi, à partir du moment où j'ai arrêté de bosser au collège, au mois de février, j'ai commencé à bosser et j'ai plus arrêté. Alors, un moment, peut-être de la fatigue intellectuelle, ou tu en as un peu marre, ou tu as envie de faire autre chose. Mais à la fois, comme je culpabilisais… Et puis en plus, nous, on s'est vues, avec Chloé et Coralie pendant l'été, justement pour essayer de se booster, pour se faire des sessions casseroles, si on avait des petits problèmes et tout. Donc, ce qui fait qu'en plus, on avait un suivi. Nous on gardait un suivi, donc obligatoire, tu devais avancer, tu devais … […] Surtout, il faut te dire qu'une fois que tu auras terminé le premier jet, tu seras déjà soulagé d'avoir quelque chose de matériel, il est entré dans ton ordinateur, il est là, quoi. Et donc après, tu ne vas venir que le modifier. Eh ben, déjà quand ça c'est fait, ce sera une bonne partie du travail.

On va revenir rapidement sur le stage. Qu'est-ce que tu étais chargée de faire aux éditions Au Bord de l'Eau ?
Alors, nous, on a fait de la correction de copie. On nous a appris la manière de corriger un texte, avec les symboles, au niveau de la typographie aussi. On a fait aussi un petit peu de lecture de manuscrits, ceux qui arrivaient. Essayer de sélectionner. Bon, on sait pas vraiment parce que… On devait dire si ça correspondait à la ligne éditoriale, etc. Sachant que cette maison d'édition-là est spécialisée en sciences humaines ; bah très souvent, ils marchent avec des universitaires, des sociologies. Donc très souvent, ce sont des thèses qui sont vulgarisées. C'est comme ça qu'ils fonctionnaient. Ils reçoivent très peu de manuscrits. Dans ceux qu'ils reçoivent, la plupart du temps, c'est des gens qui ont pas du tout ciblé la maison d'édition, et qui envoient comme ça. Ils ont lu dans l'annuaire : maison d'édition. Et ensuite, qu'est-ce qu'on a fait ? De la mise en page avec logiciel In Design. Donc, on nous a confié un manuscrit et il fallait le mettre en forme : c'est sous forme de cahier, tu as un logiciel et tu dois faire un livre, quoi. À partir du moment où tu reçois le fichier auteur, le convertir, faire les chapitres, les polices, tout ça, les notes de bas de pages, vérifier, corriger après, bon ça, c'est un travail hallucinant. Mais c'était sympa.

Et c'était quoi au niveau des horaires, c'était des horaires de bureau ou…?
Non, c'était plutôt cool. On arrivait à 9h et on finissait à 17h30, je crois.

Tu utilises le « on » parce que vous étiez plusieurs ?
Ah oui, parce que j'étais avec une fille qui faisait le Master en Anglais. Un hasard, parce qu'on se parlait pas trop entre anglicistes et hispanistes à l'époque, une sorte de gué-guerre, en réalité qui n'a pas du tout lieu d'être. […] Et donc, on a fait le stage ensemble. C'était sympa, parce que d'être deux et qu'on a eu des tâches intéressantes à faire. On ne faisait pas le café et tout. Si tu veux, le Bord de l'Eau, c'est un tout petit appartement et ils sont deux à temps plein : donc le directeur et le responsable de P.A.O. Et un gars qui vient comme ça pour faire de la correction de copie. Après, ils ont des directeurs de collections qui sont un peu partout en France, qui ont pour rôle de dénicher des manuscrits, qui très souvent sont écrits par des universitaires, donc qui flairent les thèses, etc… Et ensuite, eux, à Lormont, ils sont chargés de faire le livre en soi. Ils l'envoient à l'impression. L'impression se fait en Bulgarie. Et ensuite, ils sont diffusés par les Belles Lettres : diffusés et distribués. Et ils sont présents sur Paris et voilà. Mais, eux, c'est hallucinant parce qu'ils s'occupent de je ne sais plus combien de livres par an. C'est dans mon rapport de stage… Mais vraiment, ils travaillent beaucoup et ils travaillent efficacement. Et c'est marrant parce que tu te dis pas qu'une maison d'édition, ça fonctionne comme ça. Qu'ils puissent être deux et… […]