jeudi 31 décembre 2009

Pour information…

Je viens de publier ma proposition de traduction pour l'exercice de version n°1 (texte de Carpentier).

Exercice de version, 41

Por su parte Hiram, el fenicio, recibió alborozado la buena noticia que Nemenhat le envió y regresó a Menfis para recuperar de nuevo su negocio. Decidió incluso ampliarlo y montar una sucursal en el puerto fluvial de Tebas, punto estratégico para todas las mercaderías que, cada vez con más frecuencia, llegaban del continente africano. Puesto que Nemenhat vivía en la ciudad, le puso al frente del negocio, floreciendo éste en pocos años. Ya a avanzada edad y sintiendo la proximidad de la muerte, Hiram decidió que era hora de abandonar sus empresas y marchar a su Biblos natal para pasar su vejez. Todas sus posesiones en Egipto se las dejó a Nemenhat; él las cuidaría mejor que cualquier hijo que hubiera tenido. A Nemenhat, los dioses le cubrieron de fortuna y fue muy dichoso hasta el fin de sus días. Su mujer, Nubet, le dio tres hijos, volviendo a su antigua afición de ayudar a sus vecinos con este o aquel remedio. Fueron tan felices que cuando Nubet partió en su último viaje hacia el Tribunal de Osiris, a una edad extraordinariamente avanzada, Nemenhat no pudo soportar su ausencia y murió poco después, aunque esta vez fuera con el nombre de Dedi. El fiel Min permaneció junto a ellos toda su vida, pues nunca se casó; según él porque no era hombre al que una sola mujer pudiera satisfacer. Mas la verdad era que les amaba tanto que no hubiera podido vivir apartado de ellos ni un instante. Su vida estaría junto a Nemenhat y la bella Nubet por la que siempre velaría, manteniendo así vivo el recuerdo de Seneb.
En cuanto a la tumba de Sa-Najt, miles de años cayeron sobre ella sumiéndola de nuevo en el olvido. El desierto invadió el lugar con su habitual voracidad invitando a la arena, que todo lo cubre, a esparcirse por doquier. La tumba de Sa-Najt nunca se encontró.

Antonio Cabanas, El ladrón de tumbas

***

Amélie nous propose sa traduction :

Quant à Hiram, le Phénicien, il sauta de joie en apprenant la bonne nouvelle que Nemenhat lui annonça et rentra à Memphis afin de remettre son affaire sur pied. Il décida même de la développer en créant une succursale dans le port fluvial de Thèbes, point stratégique pour toutes les marchandises qui arrivaient du continent africain avec une fréquence sans cesse accrue. Étant donné que Nemenhat vivait en ville, il le nomma à la tête de l’entreprise ; en quelques années à peine, celle-ci devint florissante. À un âge bien avancé, sentant que sa fin était proche, Hiram jugea que le temps était venu d’abandonner son activité pour rejoindre son Byblos natal, afin d’y passer ses vieux jours. Il laissa à Nemenhat tout ce qu’il possédait en Égypte: ce dernier s’en occuperait bien mieux que n’importe lequel des fils qu’il aurait pu avoir. Les Dieux couvrirent d’or Nemenhat, qui vécut heureux jusqu’à la fin de sa vie. Sa femme, Nubet, lui donna trois enfants, renouant avec son ancienne passion, qui consistait à aider ses voisins par tel ou tel moyen. Ils furent si heureux que, quand Nubet partit pour son dernier voyage vers le Tribunal d’Osiris, à un âge extraordinairement avancé, Nemenhat ne put supporter son absence et mourut peu après, mais sous le nom de Dedi cette fois-ci. Le fidèle Min demeura à leurs côtés toute sa vie, et ne se maria donc jamais ; selon lui, parce qu’il n’était pas le type d’homme pouvant se contenter d’une seule femme. Mais en vérité, il les aimait tellement qu’il n’aurait pas pu vivre séparé d’eux ne serait-ce qu’un instant. Il passerait sa vie entière près de Nemenhat et de la belle Nubet, sur laquelle il veillait jour et nuit, maintenant ainsi vivant le souvenir de Sened.
Pour ce qui est de la tombe de Sa-Nait, des milliers d’années s’abattirent sur elle, la plongeant de nouveau dans l’oubli. Le désert envahit l’endroit avec son habituelle voracité, invitant le sable, qui recouvre tout, à se disperser partout. On ne retrouva jamais la tombe de Sa-Nait.

***

Pascaline nous propose sa traduction :

Quant à Hiram, le Phénicien, il reçut avec joie la bonne nouvelle que Nemenhat lui envoya et rentra à Memphis afin de retrouver de nouveau son affaire. Il décida même de l’agrandir et de monter une succursale dans le port fluvial de Thèbes, point stratégique pour toutes les marchandises qui, de plus en plus souvent, arrivaient du continent africain. Comme Nemenhat résidait dans la ville, il établit près du sien son commerce qui fleurit en quelques années. Arrivant à un âge déjà avancé et sentant la mort se rapprocher, Hiram décida que le temps était venu pour lui d’abandonner son négoce et de rentrer dans sa Byblos natale pour y passer ses vieux jours. Il laissa tous les biens qu’il avait en Égypte à Nemenhat ; des fils qu’il aurait eu, c’était celui qui s’en occuperait le mieux. Nemenhat, que les dieux couvrirent d’or, fut heureux jusqu’à la fin de ses jours. Sa femme, Nubet, lui donna trois enfants, puis s’en retourna à son ancienne passion consistant à aider ses voisins avec tel ou tel remède. Ils furent si heureux que lorsque Nubet partit faire son dernier voyage vers le Tribunal d’Osiris, à un âge extraordinairement avancé, Nemenhat ne put supporter son absence et mourut peu de temps après, même si cette fois-là, ce fut avec le nom de Dedi. Le fidèle Min resta près d’eux toute sa vie, puisque jamais il ne se maria ; il expliquait cela par le fait qu’il n’était pas un homme qu’une seule femme aurait satisfait. Mais, la vrai raison était qu’il les aimait tant, qu’il n’aurait pu vivre un instant éloigné d’eux. Il passerait sa vie aux côtés de Nemenhat et de la belle Nubet sur laquelle il veillait tout le temps, maintenant ainsi vif le souvenir de Seneb. En ce qui concerne la tombe de Sa-Najt, des milliers d’années s’effondrèrent sur elle, la plongeant une fois de plus dans l’oubli. Le désert envahit l’espace avec son habituelle voracité, invitant le sable, qui recouvre tout, à se répandre de toute part. On ne retrouva jamais la tombe de Sa-Najt.

Références culturelles, 325 : Enrique Tierno Galván

Enrique Tierno Galván
une idée d'Odile

http://fr.wikipedia.org/wiki/Enrique_Tierno_Galv%C3%A1n
http://es.wikipedia.org/wiki/Parque_de_Enrique_Tierno_Galv%C3%A1n

mercredi 30 décembre 2009

Pour information…, 2

Je viens de publier ma proposition de traduction pour l'exercice de version d'hier, le n°39 (texte d'isabel Allende).

Pour information…

Je viens de publier ma proposition de traduction pour l'exercice de version d'aujourd'hui, le n°40 (texte de Carmen Boullosa).

Ateliers d'écriture

Voici les dates de vos ateliers d'écriture avec Stéphanie Benson :

Mercredis 20 et 27 janvier, 14-16h
Mercredis 3, 17 et 24 février, 16-18h

Je vous communique la salle d'ici peu.

Exercice de version, 40

LA SALVAJA es una niña, es una muchacha, es una mujer. No tiene familia, no tiene memoria, no tiene edad. La salvaja no forma parte de esta genealogía o de aquella historia. Su futuro, si existe, se conjuga en infinitivo. A la salvaja no le corresponde identidad alguna ni sabe lo que es la fidelidad. Todo en ella se desborda. Si algo la sustenta es su egoísmo inocente, su fervor por la batalla, su sensualidad alegre. Sólo su propio deseo es capaz de agotarla, sólo su deseo la destroza y la reconstruye. La salvaja es un río y es luz, es azul y es transparente, está en constante movimiento para ser siempre la misma y se dezplaza tan rápidamente que creemos que está quieta. La salvaja rompe con todo porque es ingobernable. La salvaja, sobre todo, es feliz. Para ella felicidad y vida son una y la misma cosa. Y éstos son sus poemas. Por supuesto, los poemas de una salvaja no son piedras preciosas. Sus poemas son sencillamente piedras que ruedan por el fondo de un río de cauce siempre cambiante, son el murmullo de esas piedras transhumantes por su vereda de agua.

Carmen Boullosa, La salvaja

***

La traduction que je vous propose :

La sauvage est une enfant, une jeune fille, une femme. Elle n'a pas de famille, pas de mémoire, pas d'âge. La sauvage ne fait partie ni de cette généalogie ni de cette histoire. Son futur, oui, il existe, sur le mode infinitif. La sauvage n'a pas d'identité à elle, pas plus qu'elle ne sait ce qu'est le bonheur. Tout chez elle est excessif. S'il y a une denrée qui la nourrit, c'est son égoïsme innocent, sa passion pour la bataille, sa sensualité joyeuse. Il n'y a guère que son propre désir qui puisse l'épuiser ; seul son désir la détruit et la reconstruit. La sauvage est un fleuve et est lumière, elle est bleue et transparente, elle est constamment en mouvement pour demeurer toujours identique et elle se déplace si rapidement que nous, nous croyons qu'elle est immobile. La sauvage rompt avec tout parce qu'elle est ingouvernable. La sauvage, surtout, est heureuse. De son point de vue, bonheur et vide sont une seule et même chose. Voilà ses poèmes. Évidemment, les poèmes d'une sauvage ne sont pas des pierres précieuses. Ses poèmes sont simplement des pierres qui roulent au fond d'une rivière dont le lit est perpétuellement changeant, ils sont le murmure de ses pierres transhumantes sur son sentier d'eau.

***

Amélie nous propose sa traduction :

La sauvage est une enfant, une jeune fille, une femme. Elle n’a pas de famille, pas de mémoire, pas d’âge. La sauvage ne fait ni partie de cette généalogie, ni de cette histoire. Son futur, s’il existe, se conjugue à l’infinitif. La sauvage n’a pas d’identité à elle et ne sait pas ce que fidélité signifie. Tout en elle déborde. Si quelque chose la nourrit, c’est son égoïsme innocent, sa ferveur guerrière, sa sensualité joyeuse. Seul son propre désir a la capacité de l’épuiser, seul son désir la détruit avant de la reconstruire. La sauvage est à la fois fleuve et lumière, à la fois bleue et transparente, elle est constamment en mouvement pour rester toujours la même et elle se déplace si rapidement que nous la croyons immobile. La sauvage rompt avec tout parce qu’elle est incontrôlable. La sauvage, par-dessus tout, est heureuse. Pour elle, le bonheur et la vie sont une seule et même chose. Et voilà ses poèmes. Évidemment, les poèmes d’une sauvage ne sont pas des pierres précieuses. Ses poèmes sont tout simplement des pierres qui roulent au fond d’un fleuve au lit perpétuellement changeant, ce sont le murmure de ces pierres transhumantes sur leur sentier d’eau.

Références culturelles, 324 : El motín de Esquilache

El motín de Esquilache
une idée d'Odile

http://personal.us.es/alporu/historia/motin_esquilache.htm
http://www.abcgallery.com/G/goya/goya2.html

mardi 29 décembre 2009

Exercice de version, 39

¿Cuándo mueren los muertos? Cuando uno los olvida. ¿Cuándo desaparece una ciudad? Cuando no existe más en la memoria de los que la habitaron. ¿Cuándo se deja de amar? Cuando uno empieza a amar nuevamente. De eso no hay duda.
Esa fue la razón por la que Hernán Cortés decidió construir una nueva ciudad sobre las ruinas de la antigua Tecnochtitlan. El tiempo que le llevó tomar la medida fue el mismo que le lleva a una espada empuñada con firmeza atravesar la piel del pecho y llegar al centro del corazón: un segundo. Pero en tiempo de batalla, un segundo significa esquivar una espada o ser alcanzado por ella.
Durante la conquista de México sobrevivieron sólo aquellos que pudieron reaccionar al instante, los que tuvieron tal miedo a la muerte que pusieron todos sus reflejos, todos sus instintos, todos sus sentidos al servicio del temor. El miedo se convirtió en el centro de comando de sus actos. Instalado justo atrás del ombligo, recibía antes que el cerebro todas las sensaciones percibidas por medio del olfato, la vista, el tacto, el oído, el gusto. Ahí eran procesadas en milésimas de segundo y ya se enviaban al cerebro con una orden específica de acción. Todo el acto no iba más allá del segundo imprescindible para sobrevivir. Con la misma rapidez con que los cuerpos de los conquistadores aprendieron a reaccionar, fueron desarrollando nuevos sentidos. Podían presentir un ataque por la espalda, oler la sangre antes de que apareciera, escuchar una traición antes que nadie pronunciara la primera palabra y, sobre todo, podían ver el futuro como la mejor pitonisa. Por eso, el día en que Cortés vio a un indio tocando el caracol frente a los restos de una antigua pirámide, supo que no podía dejar la ciudad en ruinas. Habría sido como dejar un monumento a la grandeza de los aztecas. La añoranza invitaría tarde o temprano a los indios a intentar organizarse para recuperar su ciudad. No había tiempo que perder. Tenía que borrar de la memoria de los aztecas la gran Tenochtitlan. Tenía que construir una nueva ciudad antes de que fuera demasiado tarde. Con lo que no contó fue con que las piedras contienen una verdad más allá de lo que la vista alcanza a percibir. Poseen una energía propia, que no se ve, sólo se siente.

Laura Esquivel, La ley del amor

***

La traduction que je vous propose :

Quand les morts meurent-ils ? À partir du moment où on les oublie. Quand une ville disparaît-elle ? À partir du moment où elle n'existe plus dans la mémoire de ceux qui l'ont habitée. Quand cesse-t-on d'aimer ? À partir du moment où l'on aime quelqu'un d'autre. Tout cela ne fait pas de doute.
C'est exactement la raison pour laquelle Hernán Cortés résolut de construire une nouvelle ville sur les ruines de l'ancienne Tecnochtitlan. Le temps qu'il mit à arrêter cette décision fut identique à celui qu'il faut à une épée empoignée avec fermeté pour transpercer la peau d'une poitrine et atteindre le cœur : une seconde. Précisons que sur un champ de bataille, il y a dans une seconde ou bien esquiver une épée ou bien être touché par elle. Au cours de la conquête du Mexique, seuls survécurent ceux qui se révélèrent capables de réagir dans l'instant, ceux qui éprouvèrent une telle crainte de la mort qu'ils concentrèrent tous leurs instincts, tous leurs sens au service de la peur. La crainte devint la tour de commandement de leurs actes. Installée juste derrière le nombril, elle recevait avant même le cerveau l'intégralité des sensations perçues par le biais de l'odorat, de la vue, du toucher, de l'ouïe, du goût. Là, elles étaient traitées en un millième de seconde et après elles étaient envoyées vers le cerveau, avec un ordre spécifique d'action. L'ensemble du processus n'excédait pas la seconde indispensable à la survie. Avec une rapidité semblable à que celle qu'apprirent les corps des conquistadores pour réagir, ils développèrent de nouveaux sens. Ils pouvaient pressentir une attaque lancée dans leur dos, sentir le sang avant qu'il ne coule, entendre l'ébauche d'une trahison avant que quiconque ait prononcé ne serait-ce qu'un mot et, surtout, ils étaient capables de voir l'avenir comme la meilleure des pythonisses. De sorte que lorsqu'il vit un Indien en train de souffler dans un coquillage devant les restes de l'ancienne pyramide, Cortés comprit qu'il ne pouvait pas conserver la ville en ruines, que cela aurait été comme laisser un monument à la gloire des Aztèques. La nostalgie pousserait tôt ou tard les indigènes à tenter de s'organiser pour reprendre leur cité. Il n'y avait pas de temps à perdre. Il fallait qu'il efface la grande Tenochtitlan de la mémoire des Aztèques. Il devait édifier une nouvelle ville avant qu'il ne soit trop tard. Ce dont il ne tint pas compte, c'est que les pierres contiennent une vérité qui va bien au-delà de ce que la vue peut percevoir. Elles possèdent une énergie propre, invisible, que l'on peut sentir seulement.

Références culturelles, 323 : Los mazapanes

Los mazapanes
une idée d'Odile

http://es.wikipedia.org/wiki/Mazap%C3%A1n
une bonne adresse :
http://www.mazapan.com/mazapan/intro.htm

lundi 28 décembre 2009

À propos du nouveau sondage "Premier jet"

En photo : Bombe Massacre à la tronçonneuse, par FLOW TWE graffti art

« Et toi, comment débroussailles-tu tes traductions ? Avec une barbare tronçonneuse ou avec une délicate paire de ciseaux de tailleur ? » C'est en effet une question que nous nous posons souvent quand nous discutons entre traducteurs… Mais vous, chers Tradabordiens cuvée 2009-2010, faites-vous partie de ceux qui avancent à toute vitesse, sans (presque) regarder derrière eux, de perdre de se laisser ralentir – par les états d'âme, par exemple –, soucieux qu'ils sont d'en avoir fini avec la dernière page, pour rapidement se battre avec le premier jet, retravailler sans fin à partir de la matière brute… ou alors de cette autre catégorie qui aime prendre son temps, relire et relire encore chaque phrase, progresser pas à pas, désireux d'arriver au bout si ce n'est avec une version définitive du moins avec un texte presque abouti et ne nécessitant plus que quelques lectures pour la forme, histoire de peaufiner ?

Résultats du sondage 2008-2009, 2e version : « Le statut du traducteur à l'égard du texte traduit ? »

Sur 23 votes exprimés, nous obtenons les résultats suivants :

Un second "père" = 5 voix (21%)
Une "mère" = 4 voix (17%)
Un "parrain" = 2 voix (8%)
Un "compagnons de route = 12 voix (52%)

Pour comparaison, voici les résultats obtenus l'année dernière – sur 18 votants – :

Un second "père" = 2 voix
Une "mère" = 7 voix
Un parrain = 3 voix
Un compagnon de route = 6 voix

Et à l'époque, voici le petit texte d'accompagnement que cela m'avait inspiré :

Ayant moi-même voté pour l'option 2 (vous le savez puisque j'ai exposé mes raisons dans un post précédent), je serais curieuse de connaître les raisons qui ont motivé le choix des autres traducteurs/traductrices-"mères"… Les journaux féminins dans le genre de ceux que fréquente assidûment Laure L. le formuleraient certainement de la manière suivante : « Quel genre de mère êtes-vous ? » Moi, évidemment, je tradabordise et ça devient : Et vous, alors, chers apprentis traducteurs, que feriez-vous si vous vous aperceviez que vous êtes soudain victime du syndrome de la "mère poule" ? Ou pire, de la "mère abusive" ? Ou pire encore, de la "mère castratrice" ? Ou pire encore encore, de la mère "infanticide" (oui, cela peut exister : dans le cas où, à tort ou à raison, vous refuseriez finalement de signer votre travail parce qu'on y a apporté trop de changements) ? Vous me direz : l'éditeur est là pour veiller au grain et éviter que la mère monstrueuse ne prenne le pas sur la douce, raisonnable et épanouie génitrice que nous sommes. Remarque judicieuse dans la mesure où c'est, il est vrai, lui l'autorité suprême sur le texte, la véritable figure paternelle française sur votre rejeton. Certes, certes… mais cela suffit-il à endiguer les débordements de la passion ? Est-ce qu'au contraire, nous ne sommes pas susceptibles de nous métamorphoser en une mère encore plus soucieuse de préserver ses prérogatives en sachant qu'existe cet autre parent tout-puissant ?
Et zut… j'aurais dû voter "compagnon de route"… ça posait finalement moins de questions.
Alors vous, les autres traducteurs-traductrices-"mères", qu'en pensez-vous ? Sombrez-vous dans les mêmes affres que moi ?

Pour information…

Je viens de publier ma traduction pour l'exercice de version n°38 – Cortázar. J'attends d'autres propositions pour ce texte curieux…

Résultats du sondage : « Lisez-vous davantage de littérature… »

Sur 18 votes exprimés, nous obtenons les résultats suivants :

Espagnole = 10 voix (55%)
Latino-américaine = 8 voix (44%)

Exercice de version, 38

El frío complica siempre las cosas, en verano se está tan cerca del mundo, tan piel contra piel, pero ahora a las seis y media su mujer lo espera en una tienda para elegir un regalo de casamiento, ya es tarde y se da cuenta de que hace fresco, hay que ponerse el pulóver azul, cualquier cosa que vaya bien con el traje gris, el otoño es un ponerse y sacarse pulóveres, irse encerrando, alejando. Sin ganas silba un tango mientras se aparta de la ventana abierta, busca el pulóver en el armario y empieza a ponérselo delante del espejo. No es fácil, a lo mejor por culpa de la camisa que se adhiere a la lana del pulóver, pero le cuesta hacer pasar el brazo, poco a poco va avanzando la mano hasta que al fin asoma un dedo fuera del puño de lana azul, pero a la luz del atardecer el dedo tiene un aire como de arrugado y metido para adentro, con una uña negra terminada en punta. De un tirón se arranca la manga del pulóver y se mira la mano como si no fuese suya, pero ahora que está fuera del pulóver se ve que es su mano de siempre y él la deja caer al extremo del brazo flojo y se le ocurre que lo mejor será meter el otro brazo en la otra manga a ver si así resulta más sencillo.

Julio Cortázar, « No se culpe a nadie », Final del juego

***

La traduction que je vous propose :

Le froid complique toujours les choses. En été, on est si près du monde, tellement peau contre peau ! Pour le moment, à six heures et demie, sa femme l'attend dans une boutique pour choisir un cadeau de mariage. Il est tard et il se rend compte qu'il fait froid. Il faut mettre le pull-over bleu, n'importe quoi qui aille avec le costume gris. Voilà, c'est cela l'automne, on ne cesse d'enfiler et d'ôter des pull-overs, de s'enfermer, de s'éloigner. À contre-cœur, il siffle un tango en s'écartant de la fenêtre ouverte. Il prend le pull-over dans l'armoire et commence à le passer devant le miroir. La chose n'est pas aisée, peut-être à cause de sa chemise qui colle à la laine ; toujours est-il qu'il a du mal à entrer le bras, il avance peu à peu la main jusqu'à ce que finalement, émerge un doigt hors de la poignée en laine bleue. À la lumière du jour déclinant, le doigt a l'air ridé et recourbé vers l'intérieur, une sorte d'ongle noir avec le bout pointu. D'un coup sec il tire sur la manche et regarde sa main comme si ce n'était pas la sienne ; et cependant, non, maintenant qu'elle est hors du pull-over, pas de doute, c'est bien sa main. Il la laisse retomber au bout de son bras mou. Alors il se dit que le mieux est d'enfiler son autre bras dans l'autre manche – peut-être qu'ainsi ce sera plus facile.

Références culturelles, 322 : El tesoro del Carambolo

El tesoro del Carambolo
une idée d'Odile

http://es.wikipedia.org/wiki/Tesoro_del_Carambolo
http://www.elpais.com/articulo/cultura/Tesoro/Carambolo/vuelve/luz/elpepucul/20091002elpepucul_5/Tes

dimanche 27 décembre 2009

Références culturelles, 321 : Pastora Imperio

Pastora Imperio
une idée d'Odile

http://es.wikipedia.org/wiki/Pastora_Imperio
http://www.esflamenco.com/bio/es10107.html


Exercice de version, 37

Soy mujer y escribo. Soy plebeya y sé leer. Nací sierva y soy libre. He visto en mi vida cosas maravillosas. He hecho en mi vida cosas maravillosas. Durante algún tiempo, el mundo fue un milagro. Luego regresó la oscu­ridad. La pluma tiembla entre mis dedos cada vez que el ariete embiste contra la puerta. Un sólido portón de me­tal y madera que no tardará en hacerse trizas. Pesados y sudados hombres de hierro se amontonan en la entrada. Vienen a por nosotras. Las Buenas Mujeres rezan. Yo es­cribo. Es mi mayor victoria, mi conquista, el don del que me siento más orgullosa; y aunque las palabras están sien­do devoradas por el gran silencio, hoy constituyen mi única arma. La tinta retiembla en el tintero con los gol­pes, también ella asustada. Su superficie se riza como la de un pequeño lago tenebroso. Pero luego se aquieta extra­ñamente. Levanto la cabeza esperando un envite que no llega. El ariete ha parado. Las Perfectas también han dete­nido el zumbido de sus oraciones. ¿Acaso han logrado ac­ceder al castillo los cruzados? Me creía preparada para este momento pero no lo estoy: la sangre se me esconde en las venas más hondas. Palidezco, toda yo entumecida por los fríos del miedo. Pero no, no han entrado: hubiéramos oí­do el estruendo de la puerta al desgajarse, el derrumbe de los sacos de arena con que la reforzamos, los pasos presu­rosos de los depredadores al subir la escalera. Las Buenas Mujeres escuchan. Yo también. Tintinean los hombres de hierro bajo las troneras de nuestra fortaleza. Se retiran. Sí, se están retirando. Al sol le falta muy poco para ocultarse y deben de preferir celebrar su victoria a la luz del día. No necesitan apresurarse: nosotras no podemos escapar y no existe nadie que pueda ayudarnos. Dios nos ha concedido una noche más. Una larga noche. Tengo todas las velas de la despensa a mi disposición, puesto que ya no las va­mos a necesitar. Enciendo una, enciendo tres, enciendo cinco. El cuarto se ilumina con hermosos resplandores de palacio. ¡Y pensar que nos hemos pasado todo el invierno a oscuras para no gastarlas! Las Buenas Mujeres vuelven a bisbisear sus Padrenuestros. Yo mojo la pluma en la tinta quieta. Me tiembla tanto la mano que desencadeno una marejada.

Rosa Montero, Historia del rey transparente

***

Alexandra nous propose sa traduction :

Je suis une femme et j’écris. Je suis du peuple et je sais lire. J’étais née esclave et je suis libre. J’ai vu dans ma vie des choses merveilleuses. J’ai fait dans ma vie des choses merveilleuses. Pendant un certain temps, le monde n’avait été qu’un miracle. Par la suite, l’obscurité était revenu. La plume tremble entre mes doigts à chaque fois que le bélier charge la porte. Une grande porte solide faite de métal et de bois qui ne va pas tarder à se briser en mille morceaux. Forts et en sueur, des hommes de fer se rassemblent à l’entrée. Ils viennent nous chercher. Les Bonnes Femmes prient. Et moi, j’écris. C’est ma meilleure victoire, ma conquête, le don dont je suis la plus fière ; et bien que mes mots soient dévorés par ce grand silence, ils constituent aujourd’hui mon unique arme. L’encre tremble dans l’encrier à chaque coups, elle aussi apeurée. Sa superficie est comparable à celle d’un petit lac ténébreux. Mais, par la suite, elle s’apaise de manière étrange. Je lève la tête attendant un coup qui n’arrive pas. Le bélier s’est arrêté. Les Parfaites, elles aussi, ont arrêté le bourdonnement de leurs prières. Peut-être que les Croisés ont réussi à pénétrer le château ? Je me croyais préparée pour ce moment-là mais je ne le suis pas : mon sang se cache dans mes veines les plus profondes. Je pâlis, toute engourdie à cause du froid provoqué par la peur. Mais non, ils ne sont pas entrés : nous aurions entendu le vacarme de la porte lorsqu’elle aurait été enfoncée, la chute des sacs de sable avec quoi nous l’avons renforcée, les pas rapides des déprédateurs en montant l’escalier. Les Bonnes Femmes écoutent. Moi de même. Les hommes de fer tintent le clairon sous les embrasures de notre forteresse. Ils se retirent. Oui, ils sont en train de se retirer. Il ne manque pas grand-chose pour que le soleil aille se cacher, ils doivent certainement préférer célébrer leur victoire à la lumière du jour. Ils n’ont pas besoin de se presser : nous ne pouvons pas nous échapper et il n’y a personne qui puisse nous aider. Dieu nous a offert une nuit de plus. Une longue nuit. J’ai en ma possession toutes les bougies du garde-manger, puisque nous n’allons plus en avoir besoin. J’en allume une, trois puis cinq. La pièce s’illumine avec de magnifiques éclats de palais. Et dire que nous avons passé tout l’hiver dans l’obscurité pour ne pas les gaspiller ! Les Bonne Femmes recommencent à marmonner leur Notre Père. Je plonge ma plume dans l’encre apaisée. Ma main tremble tellement que je provoque une houle.

samedi 26 décembre 2009

Avec un peu de retard…

… Je souhaite de joyeuses fêtes à tous les Tradabordiens et amis.

Résultats du sondage : « La note est-elle une intrusion dans le texte de l'auteur ? »

Sur 22 votes exprimés, nous obtenons les résultats suivants :

Oui = 6 voix (27%)
Non = 16 voix (72%)

Si ça n'est pas une intrusion, c'est au moins une suspension du récit… et donc, de manière ponctuelle, le rythme s'en trouve nécessairement modifié.

Correction…

Contrairement à ce que je vous ai annoncé en cours, la rentrée pour le M2 est bien la semaine du 4 janvier. Nous nous retrouverons donc le jeudi 7, aux horaires habituels.

Exercice de version, 36

La hoja del sable lo fascinaba. Frederic Glüntz era incapaz de apartar los ojos de la bruñida lámina de acero que refulgía fuera de la vaina, entre sus manos, arrojando destellos rojizos cada vez que una corriente de aire movía la llama del candil. Deslizó una vez más la piedra de esmeril, sintiendo un escalofrío al comprobar la perfección de la afilada hoja.
— Es un buen sable — dijo, pensativo y convencido.
Michel de Bourmont estaba tumbado sobre el catre de lona, con la pipa de barro entre los dientes, absorto en la contemplación de las espirales de humo. Cuando escuchó el comentario, torció el bigote rubio en señal de protesta.
— No es arma para un caballero —sentenció sin cambiar de postura.
Frederic Glüntz hizo un alto en la tarea y miró a su amigo.
— ¿ Porqué ?
De Bourmont entornó los ojos. En su voz había un deje de aburrimiento, como si la respuesta fuese obvia.
— Porque un sable excluye cualquier filigrana. Es pesado y condenadamente vulgar.
Frederic sonrió, bonachón.
— ¿ Acaso prefieres un arma de fuego ?
— Por el amor de Dios, claro que no —exclamó con la distinción apropiada —. Matar a distancia no es muy honorable, querido. Una pistola no es más que el símbolo de una civilización decadente. Prefiero, por ejemplo, el florete; es más flexible, más...
— ¿ Elegante ?
— Sí. Quizá sea esa la palabra exacta: elegante. El sable es más instrumento de carnicería que de otra cosa. Sólo sirve para dar tajos.
Concentrándose en su pipa, De Bourmont dio por zanjado el asunto. Había hablado con aquel ligero ceceo suyo, tan peculiar y distinguido, que volvía a estar de moda y que tantos en el 4.° de Húsares se esforzaban en imitar. Los tiempos de la guillotina estaban lejos, y los vastagos de la vieja aristocracia podían ya levantar la cabeza sin temor a perderla, siempre y cuando tuviesen el tacto de no cuestionar los méritos de quienes habían escalado peldaños en el nuevo orden social mediante el valor de su espada, o de la mano de los próximos al Emperador.

Arturo Pérez Reverte, El husar

***

Amélie et Chloé nous proposent leur traduction commune :

La lame du sabre le fascinait. Frederic Glüntz était incapable de détourner le regard de la lame d’acier polie qui, sortie de son fourreau, resplendissait entre ses mains, jetant des éclats rougeoyants chaque fois qu’un courant d’air faisait vaciller la flamme de la lampe à huile. Il passa une nouvelle fois la toile d’émeri et frissonna en constatant combien la lame affilée était parfaite.
— C’est un bon sabre — dit-il pensif, mais sûr de lui.
Michel de Bourmont était allongé sur le lit de camp, sa pipe en terre entre les dents, plongé dans la contemplation des volutes de fumée. Quand il entendit cette remarque, il lissa ses moustaches blondes en signe de protestation.
— Ce n’est pas une arme pour un cavalier — répondit-il d’un ton cinglant, sans changer de position.
Frederic Glüntz interrompit son activité et observa son ami.
— Pourquoi ?
De Bourmont entrouvrit les yeux. Sa voix était teintée d’ennui, comme si la réponse coulait de source.
— Parce qu’un sabre est dépourvu de tout filigrane. C’est lourd et plus que grossier.
Frederic esquissa un sourire bonhomme.
— Tu préfères peut-être une arme à feu ?
— Pour l’amour de Dieu, certainement pas —s’exclama-t-il, avec toute la distinction appropriée—. Tuer à distance n’est pas très honorable, fiston. Un pistolet n’est rien que le symbole d’une civilisation décadente. J’ai une préférence pour le fleuret, par exemple ; c’est plus flexible, plus…
— Élegant ?
— Tout à fait. C’est peut-être là le mot exact : élégant. Le sabre est davantage un instrument de boucher qu’autre chose. Il sert uniquement à faire des estafilades.
Concentré sur sa pipe, De Bourmont considéra que le sujet était clos. Il s’était exprimé avec ce léger zézaiement qui lui était propre, si singulier et si raffiné qu’il revenait à la mode, et que nombreux étaient ceux qui s’efforçaient de l’imiter dans le 4ème régiment des Hussards. Le temps de la guillotine était révolu et les rejetons de la vieille aristocratie pouvaient désormais lever la tête sans craindre de la perdre, pourvu qu’ils eussent le tact de ne pas remettre en question le mérite de ceux qui avaient gravi les échelons du nouvel ordre social grâce à la puissance de leur épée, ou à celle du soutien apporté par les proches de l’Empereur.

Références culturelles, 320 : General José Hilario López

http://www.presidencia.gov.co/prensa_new/historia/josehlopez.htm

vendredi 25 décembre 2009

Exercice de version, 35

Empiezo con mi relación. Me llamo Miguel Salazar, y soy hijo de un boticario de un pueblo de la Mancha. He estudiado la carrera de Farmacia con muy buenas notas. No considero esto como una gran cosa, pero así es. Antes de terminarla, murió mi padre en la aldea. La familia tuvo que vender la botica. No había en la casa dinero guardado y me faltaban meses para licenciarme.
Por lo que se dice entre los conocidos del lugar, mi madre, muy bondadosa, tiene pocas condiciones de administración y de ahorro. Gasta todo lo que puede con sus hijos.
La familia había acariciado siempre el proyecto de que yo sustituyera a mi padre, pero no lo pudo conseguir. La titular quedó vacante antes que concluyera yo la licenciatura. Se intentó, por los amigos, una prórroga en la provisión del cargo hasta que me encontrara en condiciones de solicitarlo. Las esperanzas resultaron fallidas, y se nombró a otro farmacéutico en la aldea.
Ya abandonado el proyecto, decidí quedarme en Madrid. Pensé que quizá fuera mejor. En el pueblo me hubiera achabacanado y hubiera hecho, probablemente, una vida demasiado mecánica y ramplona.
Estuve en una farmacia del Centro, con muy poco sueldo; después pasé de regente a una botica popular de la calle Ancha de San Bernardo, en donde ganaba cien duros al mes.
La dueña de esta farmacia, doña Margarita, para los amigos doña Márgara, era viuda de un tipo algo excéntrico, que se había distinguido como persona importante en el partido republicano federal y como aficionado a las corridas de toros.

Pío Baroja, Susana y los cazadores de moscas

***

Marie G. nous propose sa traduction :

Je commence mon récit. Je m'appelle Miguel Salazar et je suis le fils d'un pharmacien d'un village de la Mancha. J'ai fait des études de Pharmacie et j'ai obtenu de bonnes notes. Je n'estime pas que cela vaut grand chose, mais telle est ma situation. Avant de terminer mon cursus, mon père mourut au village. Ma famille dut vendre la pharmacie. À la maison, on n'avait pas épargné d'argent et il me restait quelques mois pour obtenir ma licence. Selon ce qui dit parmi les connaissances du village, ma mère, très généreuse, possède peu de notions quant à l'administration et l'économie d'un foyer. Elle dépense tout ce qu'elle peut avec ses enfants. La famille avait toujours nourri le projet que je remplace mon père mais je n'ai pas pu y parvenir. Le poste de titulaire resta vacant avant que je puisse finir ma licence. On essaya, avec l'aide de mes amis, de prolonger le poste à pourvoir jusqu'à ce que je remplisse les conditions pour en faire la demande. L'attente s'avéra un échec et on nomma un autre pharmacien dans le village. Après avoir abandonné le projet, je décidai de rester à Madrid. Je pensais que c'était peut-être la meilleure solution. Au village, on m'aurait rendu rustre et j'aurais probablement eu une vie trop routinière et vulgaire.
J'ai travaillé dans une pharmacie, dans le Centre, avec un salaire très bas; ensuite, je suis devenu gérant d'une pharmacie populaire dans la rue Ancha du quartier San Bernardo, où je gagnais cent sous tous les mois. La propriétaire de cette pharmacie, doña Margarita, dona Margara pour les intimes, était veuve d'un type quelque peu excentrique, qui s'était fait remarquer en tant que personne importante du parti républicain fédéral et en tant que passionné de corridas.

Références culturelles, 319 : General Tomás Cipriano de Mosquera

http://www.presidencia.gov.co/prensa_new/historia/tomascipria.htm

jeudi 24 décembre 2009

Exercice de version, 35

Empiezo con mi relación. Me llamo Miguel Salazar, y soy hijo de un boticario de un pueblo de la Mancha. He estudiado la carrera de Farmacia con muy buenas notas. No considero esto como una gran cosa, pero así es. Antes de terminarla, murió mi padre en la aldea. La familia tuvo que vender la botica. No había en la casa dinero guardado y me faltaban meses para licenciarme.
Por lo que se dice entre los conocidos del lugar, mi madre, muy bondadosa, tiene pocas condiciones de administración y de ahorro. Gasta todo lo que puede con sus hijos.
La familia había acariciado siempre el proyecto de que yo sustituyera a mi padre, pero no lo pudo conseguir. La titular quedó vacante antes que concluyera yo la licenciatura. Se intentó, por los amigos, una prórroga en la provisión del cargo hasta que me encontrara en condiciones de solicitarlo. Las esperanzas resultaron fallidas, y se nombró a otro farmacéutico en la aldea.
Ya abandonado el proyecto, decidí quedarme en Madrid. Pensé que quizá fuera mejor. En el pueblo me hubiera achabacanado y hubiera hecho, probablemente, una vida demasiado mecánica y ramplona.
Estuve en una farmacia del Centro, con muy poco sueldo; después pasé de regente a una botica popular de la calle Ancha de San Bernardo, en donde ganaba cien duros al mes.
La dueña de esta farmacia, doña Margarita, para los amigos doña Márgara, era viuda de un tipo algo excéntrico, que se había distinguido como persona importante en el partido republicano federal y como aficionado a las corridas de toros.

Références culturelles, 319 : General Tomás Cipriano de Mosquera

http://www.presidencia.gov.co/prensa_new/historia/tomascipria.htm

mercredi 23 décembre 2009

« De la traduction des auteurs du Siècle d’or espagnol à l’époque contemporaine », par Ghislaine Fournès

En photo : Terra Incognita
par Lindsay Beyerstein

À ma demande, Ghislaine Fournès (Professeur à l'Université de Bordeaux 3) a aimablement accepté de rédiger ces quelques pages… L'objectif était de convaincre les sceptiques et les fâcheux de l'intérêt et de la richesse de la version / traduction classique – un univers mystérieux et hostile pour nombre d'entre nous (dont je fais partie, je l'avoue très humblement)… peut-être un peu moins mystérieux et hostile à présent qu'il nous est présenté par une grande spécialiste.
Merci Ghislaine !

La meilleure traduction est celle qui sacrifie le moins la richesse de l’original, ce qui implique qu’on recherche, sur chaque problème concret, toutes les ressources qu’offre à cet endroit la langue française et qu’on choisisse en fonction de notre connaissance, qui se doit d’être aussi précise que possible, de la langue, de la civilisation — ce terme recouvrant à la fois les faits historiques et aussi les mentalités —, et de la littérature du pays où est né le texte d’origine. Cette double exigence est d’autant plus forte qu’elle s’applique à des textes d’une époque lointaine et révolue. La langue du Siècle d’or — plus exactement des œuvres écrites entre le début du XVIe et le XVIIIe siècle — présente de nombreuses difficultés : nombre de mots d’usage ont vu leur sens évoluer, certaines tournures déroutent, la syntaxe fluctuante renferme des pièges, et, surtout, le discours est porté par des valeurs délaissées et par des mœurs tombées en désuétude, ce qui les rend souvent peu accessibles au lecteur contemporain.
La pratique de la version classique demande donc, tout d’abord, une immersion dans les modes de pensée du Siècle d’or, ce qui ne peut se faire qu’à travers la fréquentation assidue des grands auteurs, assortie d’une connaissance des moments forts de cette époque, à la fois une, puisque sous le gouvernement des Habsbourg, et plurielle, car cette Espagne, ainsi que sa langue, ne sont ni statiques, ni uniformes durant ces trois siècles. Tout traducteur se doit d’être avant tout un lecteur ; le traducteur des auteurs du Siècle d’or fera en sorte d’être familier de la langue lumineuse de Cervantès — la première partie du Don Quichotte fut traduite par César Oudin en 1614 et la seconde par François de Rosset quelques années plus tard —, il se frottera bien sûr au roman picaresque, du Lazarillo au Buscón, et tâtera également de la pensée des mystiques, tout en ne dédaignant pas de musarder du côté de la poésie amoureuse ou de la comedia.
Que voilà un beau programme, me direz-vous, pour quelqu’un qui peine parfois à appréhender ne fût-ce que le sens littéral de certaines de ces œuvres ! À cela je répondrai que c’est précisément le rôle des œuvres déjà traduites que d’ouvrir la voie de la compréhension. Pour s’en persuader, il n’est que de citer le succès que recueillirent les premières traductions des grands auteurs de ce Siècle d’or, traduits, diffusés, appréciés et commentés — ainsi que joués pour quelques œuvres — de ce début du XVIIe siècle jusqu’à nos jours. François de Rosset, après sa traduction de la seconde partie du Don Quichotte, met de plus à son actif une version de Persilès et Sigismunda (1617) et, en collaboration avec Audiguier, traduit les Nouvelles exemplaires (1615). Jean Chapelain propose en 1620 une version du Guzman de Alfarache d'Alemán sous le titre Le Gueux ou la Vie de Guzman de Alfarache. Claude Lancelot donne en 1624 les Délices de la Vie pastorale de l'Arcadie de Lope de Vega, après avoir traduit un roman dialogué de Figueroa sous le titre La Constante Amarillis. Le Lazarillo sera également traduit par Jean Baudoin et il faut attendre 1633 pour avoir la première traduction La Celestina de Fernando de Rojas. Citons, enfin, la traduction intégrale en 1645 des Œuvres de Don Francisco de Quevedo. Cette énumération, qui est loin d’être exhaustive, prouve assez l’engouement des lettrés du XVIIe siècle pour les grands auteurs espagnols ; ce siècle fut donc également l’époque dorée de la traduction littéraire.
Cependant le siècle des Lumières tourna le dos à la traduction des grands auteurs baroques car, pour les philosophes, l'esprit doit s'affranchir de la tutelle de l'Antiquité et la littérature de celle de la traduction. Pour les rationalistes, il reste à progresser, à créer plus qu'à traduire. Cette attitude, Montesquieu l'illustre de manière très caustique dans une de ses Lettres persanes (CXXVIII, 1719) : « J'ai une grande nouvelle à vous apprendre, fait-il dire à l'un de ses personnages ; je viens de donner mon Horace au public. -Comment ! dit le géomètre, il y a deux mille ans qu'il y est. -Vous ne m'entendez point, reprend l'autre, c'est une traduction de cet ancien auteur que je viens de mettre au jour : il y a vingt ans que je m'occupe à faire des traductions. Quoi Monsieur, dit le géomètre, il y a vingt ans que vous ne pensez pas ! ».
Il incombe donc à chaque traducteur de prouver que l’on peut traduire et penser conjointement ou, pour mieux dire, que la pensée sert la traduction et vice-versa. Certains se sont attelés avec excellence à cette tâche : Georges Hérelle a traduit coup sur coup plusieurs romans de Vicente Blasco Ibañez, M. Bixio a donné Boue et roseaux (1905) du même auteur mais aussi Miséricorde de Benito Pérez Galdós ; Valery Larbaud a signé une traduction d'Echantillons de Ramón Gómez de la Serna. Mis à part ces œuvres, citées à titre d'exemple, c'est surtout la foisonnante production des écrivains latino-américains qui intéressent les maisons d’édition d’aujourd’hui et leurs traducteurs ; citons parmi les auteurs les plus traduits Miguel Angel Asturias, Ernesto Sabato Julio Cortázar, Jorge Borges, Gabriel García Márquez, Carlos Fuentes, Alejo Carpentier, Pablo Neruda, Luís Cernuda…
Est-ce à dire que la traduction des auteurs du Siècle d’or n’intéresse plus le public d’aujourd’hui et qu’il n’est nul besoin de remettre sur le métier les grandes œuvres classiques ? Le succès rencontré par le Don Quichotte nouvellement traduit, dépoussiéré a-t-on écrit, en 2001 par Aline Schulman, apporte un premier démenti. On se doit de citer également comme traducteurs des auteurs du Siècle d’or espagnol Jean Bourg, qui s’est s'intéressé au grand représentant baroque de la fin de l'Âge d'or, Francisco Quevedo, dont il a traduit en 1981 le chef-d'oeuvre L'Heure de tous. Florence Delay a proposé en 1989 une version moderne de La Celestina de Fernando de Rojas qui fut jouée par la suite au Théâtre de l’Odéon à Paris avec Jeanne Moreau dans le rôle titre. En plus de cette œuvre, ce sont principalement les dramaturges du Siècle d'or espagnol qui fascinent à l’époque contemporaine des traducteurs, et non des moindres comme Alexandre Arnoux qui traduit La Vie est un songe de Calderón, Albert Camus traducteur de nombreuses pièces de Calderón et de Lope de Vega, Jules Supervielle qui donne en 1956 L'Etoile de Séville de Lope de Vega, Maurice Clavel qui signe une version du Don Juan de Tirso de Molina, et, enfin, Georges Pillement qui, en plus du Rufian heureux de Cervantès, traduit des pièces de Calderón, de Lope de Vega et de Tirso de Molina.
Une fois immergé dans l’esprit que d’aucuns qualifient de siècledoriste, l’apprenti traducteur, armé de sa connaissance des mentalités, des débats, des mœurs et des inquiétudes d’une époque certes révolue mais qui nous tend souvent un miroir grossissant et dérangeant, saura alors déjouer l’anachronisme — danger qui sans relâche guette —, remettre sur pied une syntaxe enjouée et quelque peu libertine afin de transporter le génie de l’écriture d’une langue à l’autre. Entreprise ardue que celle d’un traducteur de textes classiques, où l’érudition doit aller de pair avec la plus extrême rigueur, sans toutefois négliger l’intuition d’un mot, d’une résonance, intuition qui nous livrera, enfin et après moult efforts, le sens et l’humanité du texte.

À propos des traductions longues…, 2

Quand vous aurez définitivement arrêté votre choix sur un texte, il vous faudra rédiger un post pour l'expliquer… Après une présentation générale du roman (comme le ferait une simple lectrice), vous en parlerez en traductrice. Outre que cela vous habitue à commenter votre travail, ce sera un moyen de mettre vos idées au clair pour le repérage des "particularités" de ce volume dont vous avez désormais la responsabilité. Vous savez, ces choses qui font système dans la stratégie de l'auteur-narrateur et dont vous devez trouver l'équivalent en français… Ne démarrez pas tant que vous n'avez pas réussi à ouvrir deux ou trois grandes perspectives à l'horizon, même de manière intuitive – dans un premier temps, c'est déjà pas mal – ; sans cela, vous risquez de partir à l'aveuglette, sans comprendre comment fonctionne votre histoire… et peut-être de le découvrir trop tard, quand la traduction est terminée et qu'il est si difficile de revenir en arrière pour donner un autre tour à ce qui existe déjà et, vous vous en apercevrez, à ce qui vit de manière presque autonome. Prenez garde : que votre traduction ne vous échappe pas !

À propos des traductions longues…

Certaines d'entre vous étant à la veille de se lancer dans la grande aventure de la traduction longue, je vous conseille un coup d'œil attentif à ce que les unes et les autres ont pu en écrire dans divers posts publiés l'année dernière. C'était hier certes, mais il n'est pas inutile de prendre connaissance de ce par quoi sont passées les autres… peut-être pour suivre leurs conseils (implicites), éviter quelques erreurs qui vous feront perdre du temps et vous encourager… Vous trouverez tout cela dans la colonne de droite, libellé « Traductions longues ». Ce sera également l'occasion de glaner quelques informations techniques, pour la présentation, etc.

Exercice de version, 34

Pasaron muchos días de agitación. Porque sabía que volvería a verla, tenía la seguridad de que ella volvería al mismo lugar.
Durante ese tiempo no hizo otra cosa que pensar en la muchacha desconocida y cada tarde se sentaba en aquel banco, con la misma mezcla de temor y de esperanza.
Hasta que un día, pensando que todo había sido un disparate, decidió ir a la Boca, en lugar de acudir una vez más, ridículamente, al banco del parque Lezama. Y estaba ya en la calle Almirante Brown cuando empezó a caminar de vuelta hacia el lugar habitual ; primero con lentitud y como vacilando, con timidez; luego, con creciente apuro, hasta terminar corriendo, como si pudiese llegar tarde a una cita convenida de antemano.
Sí, allá estaba. Desde lejos la vio caminando hacia él.
Martín se detuvo, mientras sentía cómo golpeaba su corazón.
La muchacha avanzó hacia él y cuando estuvo a su lado le dijo :
— Te estaba esperando.
Martín sintió que sus piernas se aflojaban.
—¿A mí? —preguntó enrojeciendo.
No se atrevía a mirarla, pero pudo advertir que estaba vestida con un sweater negro de cuello alto y una falda tam­bién negra, o tal vez azul muy oscuro (eso no lo podía pre­cisar, y en realidad no tenía ninguna importancia). Le pare­ció que sus ojos eran negros.
—¿Los ojos negros? —comentó Bruno.
No, claro está: le había parecido. Y cuando la vio por segunda vez advirtió con sorpresa que sus ojos eran de un verde oscuro. Acaso aquella primera impresión se debió a la poca luz, o a la timidez que le impedía mirarla de frente, o, más probablemente, a las dos causas juntas. También pudo observar, en ese segundo encuentro, que aquel pelo largo y lacio que creyó tan renegrido tenía, en realidad, reflejos ro­jizos. Más adelante fue completando su retrato: sus labios eran gruesos y su boca grande, quizá muy grande, con unos pliegues hacia abajo en las comisuras, que daban sensación de amargura y de desdén.

Ernesto Sabato, Sobre héroes y tumbas

***

Marie G. nous propose sa traduction :

Nombreux furent les jours agités qu'il passa. Parce qu'il savait qu'il la reverrait, il était sûr qu'elle reviendrait au même endroit. Pendant ce temps-là, il ne fit rien d'autre que de penser à cette jeune fille inconnue et chaque après-midi, il s'asseyait sur ce banc, éprouvant le même mélange de crainte et d'espoir. Jusqu'au jour où, pensant que tout cela n'avait été qu'une idée farfelue, il décida d'aller à la Boca, au lieu de se rendre, ridiculement, au banc du parc Lezama. Et il était déjà dans la rue Almirante Brown quand il se mit à marcher dans le sens contraire vers le lieu habituel; d'abord avec lenteur, comme s'il hésitait, tout timide; puis, avec un empressement croissant, jusqu'au point de courir, finalement, comme s'il pouvait arriver en retard à un rendez-vous convenu d'avance. Oui, elle était là . Il la vit, au loin, marcher vers lui. Martin s'arrêta, tandis qu'il sentait son coeur battre.
La jeune femme s'avança vers lui et lorsqu'elle atteint sa hauteur, elle lui dit:
— Je t'attendais.
Martin sentait ses jambes fléchir.
— Qui ? Moi ? – demanda-t-il en rougissant.
Il n'osait pas la regarder, mais il put remarquer qu'elle portait un sweat-shirt noir à col roulé ainsi qu'une jupe noire, ou peut-être bleue foncée (ce détail, il ne pouvait pas le préciser et, en réalité, cela avait peu d'importance). Il lui sembla que ses yeux étaient noirs.
– Les yeux noirs ? - commenta Bruno.
Non, bien sûr que non ; il lui avait juste semblé. Et quand il la vit pour la deuxième fois, il aperçut avec surprise que ses yeux étaient verts foncés. Cette première impression avait peut-être été causée par le peu de lumière, ou par sa timidité qui l'empêchait de la regarder en face, ou plus probablement, par les deux réunis. Il put observer aussi, lors de cette deuxième rencontre, que ces cheveux longs et raides qu'il crut si noirs, avaient en fait des reflets roux. Plus tard, il compléta son portrait: ses lèvres étaient charnues et sa bouche grande, peut-être très grande, avec quelques plis dans le bas des commissures, lui donnant un air d'amertume et de dédain.

***

Alexandra nous propose sa traduction :

Il s’était passé beaucoup de jour d'agitation. Car il savait qu'il allait la revoir, il était persuadé qu'elle reviendrait au même endroit. Pendant ce temps, il ne fit rien d'autre que de penser à la jeune inconnue et chaque après-midi, il s'asseyait sur ce banc-là, avec ce mélange de peur et d'espérance à la fois. Jusqu'au jour, pensant que tout n'avait été que supercherie, il décida d'aller à la Boca, au lieu de se rendre une fois de plus, ridiculement, au banc du parc Lezama. Et il était déjà dans la rue Almirante Brown lorsqu'il commença à rebrousser chemin vers le lieu habituel; tout d'abord d'un pas lent, un peu hésitant et timide; puis, d’un pas de plus en plus pressant, il se mit à courir, comme s’ il pouvait arriver en retard à un rendez-vous convenu d’avance. Et oui, elle était là. De loin, il l'avait vue marcher vers sa direction. Martin s'arrêta tandis qu'il sentait son cœur battre.
La jeune fille s'avança vers lui et, lorsqu'elle fut à ses côtés, déclara :
- J'étais en train de t'attendre.
Martin sentait ses jambes qui tremblaient.
– Qui ça ? Moi ? demanda t-il en rougissant.
Il n'osa pas la regarder, mais il remarqua qu'elle était habillée d'un sweater noir avec un long col et d’une jupe, elle aussi, noire, ou bien bleu très foncé (cela il ne pouvait pas le préciser, et en réalité, ça n'avait aucune importance). Il lui sembla que ses yeux étaient noirs.
- Les yeux noirs ? commenta Bruno.
Non bien sûr : c'est ce qu'il lui avait semblé. Et quand il la vit pour la deuxième fois, il vit avec surprise que ses yeux étaient vert foncés. Peut-être que cette première impression était due au peu de lumière ou à la timidité qui l'empêchait de la regarder de face, ou, plus probablement à cause des deux. Il remarqua aussi, lors de cette deuxième rencontre, que ses cheveux longs et raides qu'il crut noirs avaient, en réalité, des reflets rouges. Plus tard, il compléta son portrait : ses lèvres étaient épaisses et sa bouche grande, peut être trop grande, avec quelques plis vers le bas des commissures, lui donnant une impression d'amertume et de dédain.

Références culturelles, 318 : General Pedro Alcántara Herrán

http://www.presidencia.gov.co/prensa_new/historia/pedroalcantar.htm

mardi 22 décembre 2009

Résultats du sondage : « Achetez-vous davantage de livres… »

Sur 24 votes exprimés, nous obtenons les résultats suivants :

Neufs = 19 voix (79%)
D'occasion = 5 voix (20%)

Cela appelle un complément… que vous trouverez dans la marge de droite.

Résultats du sondage : « Si vous déceliez un gros contresens dans une traduction… seriez-vous prêt à écrire à l'auteur pour le lui signaler

Sur 21 votes exprimés, nous obtenons les résultats suivants :

Oui = 8 voix (38%)
Non = 13 voix (61%)

C'est un test à faire, ne serait-ce que pour voir si l'auteur bondit pour manifester sa solidarité à l'égard du traducteur ou si, au contraire, il est saisi par l'angoisse paranoïaque que d'autres erreurs aient pu se glisser dans son texte.

Exercice de version, 33

CON Oriana en el concierto. De Beethoven a Wagner, los músicos no han hecho más que novelas.
Sólo que Wagner a sus novelas las llamaba óperas. Beethoven se obstina en contarnos sus tormentas interiores y Wagner nos cuenta sus amores a través del amor de unos mitos incómodos, Tristán e Isolda, todo eso.
La burguesía y la aristocracia han consumido mucho psicologismo, mucho novelismo y mucho
chisme creyendo que consumían música en estado puro. Pero la música sin novela no la hubieran entendido ni gustado. Un melodrama no es sino un drama con música, lo que hicieron siempre los músicos que he nombrado y tantos otros. La gran burguesía europea, ya digo, ha consumido mucha novela barata y mucho psicologismo tardo, mientras las buenas novelas contemporáneas a todo eso dormían en casa, y a lo mejor sólo las leía un poco el estudiante inquieto o el abuelo cansado, empecinado, un hombre todavía de la solitaria galaxia Gutenberg.
La música principia a ser música con Debussy, formas sonoras y gratuitas, gracia inopinada del
sonido, combinaciones felices de las formas sonoras, algo así como los móviles de Calder, pues Debussy tiene ya mucho que ver con el abstracto. Era el músico de Gerardo Diego, el poeta
pianista, mi amigo, que como poeta, efectivamente, hizo toda una lírica de creación que no es sino estructura léxica, palabra por sí misma, «jitanjáfora», como él hubiera dicho.
La avidez por la música tácitamente argumental es la avidez de toda la burguesía —clase industriosa— por las cosas de provecho, por el sentido práctico de las cosas, que va del didactismo a la curiosidad, dos actitudes que nada tienen que ver con ningún arte. Lo que no se comprende en este fin de siglo es que desde el XVIII la música, esa música, siga constituyendo espiritualidad, refinamiento y buen gusto. Leían novelones malos y escuchaban música selecta: no puede ser, aquí hay un equívoco: el equívoco estaba en que los novelones musicales eran tan novelones como los editoriales o literarios, sólo que se consumían en más distinguida ocasión: un concierto, una ópera, una gala.

Francisco Umbra, Un ser de lejanías

Références culturelles, 317 : José Ignacio de Marquez Barreto

http://www.presidencia.gov.co/prensa_new/historia/joseignmarquez.htm

lundi 21 décembre 2009

Version pour les étudiants du groupe 1 de CAPES (à rendre la semaine de la rentrée)

El Bueno, el Feo y el Malo

No veas la bronca que me cayó ; todavía me tiemblan las piernas. Y no sólo fue la bronca ; mi madre me puso el castigo más terrible de la historia del rock and roll. Cuando me estaba gritando todas las humillaciones a las que iba a ser sometido durante este fin de semana, le dije :
– Por favor, ¿ podrías ir más despacio que lo voy a apuntar en un papel ?
Y mi madre gritó más si cabe para decir :
– Encima con cachondeíto.
Ella es así, más chula que un ocho. Apunté mi castigo en un papel y mandé a mi abuelo Nicolás a hacer fotocopias para poner una copia en todos los lugares estratégicos de mi casa, esos lugares que yo visito con mucha frecuencia: el water, la nevera, la tele y el sofá. No me podía arriesgar a olvidarme ; las represalias de mi madre pueden ser terribles; no la conoces bien.
Mi castigo consiste en :
1. No verás la televisión en todo el fin de semana. Y no preguntarás continuamente : « Entonces, ¿ qué hago ? ».
2. No llamarás al imbécil El Imbécil (el Imbécil es mi hermano pequeño). Y no preguntarás continuamente : ¿ Alguien me puede decir cómo se llama el Imbécil ?
3. No saldrás con tus amigos al parque del Ahorcado.
4. No recibirás paga durante dos fines de semana.
5. Comerás verdura sin decir « Qué asco ».
6. Ayudarás a poner y a quitar la mesa.
7. No le esconderás la dentadura al abuelo.
8. No le pedirás recompensa para encontrarle la dentadura.
9. Te lavarás los pies todas las noches.
10. No comerás bollicaos hasta nueva orden.
Cuando mi abuelo leyó estos nueve mandamientos me dijo al oído, para que no lo oyera mi madre :
– Manolito, yo hubiera preferido ir a la cárcel.
A la cárcel... Qué cerca he tenido la cárcel estos días. Esas cárceles que dice mi sita Asunción que debería haber para los niños como nosotros, unos niños que no tienen vergüenza.
A mí me gustaría tener un ángel de la Guarda de esos que dice la Luisa que tenían los niños de antes para sacarles de todos los aprietos de su vida (la Luisa es mi vecina de abajo). Dice la Luisa que cada niño de antes tenía su ángel de la Guarda invisible en su chepa y que, por ejemplo, iba un coche a pillar al niño y el ángel de la Guarda hacía que el coche se estrellara contra un árbol en el último instante mortal para que el niño pudiera seguir su camino feliz por en medio de la carretera. Y por ejemplo, otro ejemplo : iba ese niño por el campo y se formaba una tremenda tormenta y un rayo asesino iba a caer sobre la espalda del niño, pero entonces un agricultor bondadoso se interponía entre el rayo y el niño, y, mientras el agricultor agonizaba en el suelo, el niño seguía andando sin enterarse ni dar las gracias, porque todo había sucedido a sus espaldas. Y todo gracias al trabajo del ángel de la Guarda, que, la verdad, con un niño como ese debía de estar el pobre al borde del infarto de miocardio.

Elvira Lindo, Pobre Manolito

***

Émeline nous propose sa traduction :

Le Bon, la Brute et le Truand.

T’imagines pas l’engueulade que je me suis pris ! Mes jambes en tremblent encore. Et il y a pas eu que l’engueulade ; ma mère m’administra la punition la plus terrible de l’histoire du rock’n’roll ! Quand elle était en train de me crier toutes les humiliations que j’allais devoir subir ce week-end, je lui ai dit :
—Tu pourrais aller moins vite s’il te plait pour que je puisse l’écrire sur un papier ?
Et ma mère a crié encore plus fort pour dire :
—Et tu te moques de moi par-dessus le marché !
Elle, elle est comme ça, elle est arrogante. J’ai noté ma punition sur un papier et j’ai envoyé mon grand-père Nicolas faire des photocopies pour mettre un exemplaire dans tous les endroits stratégiques de la maison, ces endroits où je suis très souvent : les toilettes, le réfrigérateur, la télé et le canapé. Je ne pouvais pas prendre le risque d’oublier ; les représailles de ma mère peuvent être terribles, tu la connais pas bien.
Ma punition consiste en :
1.Tu ne regarderas pas la télévision de tout le week-end. Et tu ne demanderas pas à tout bout de champ: « Alors je fais quoi ? »
2.Tu n’appelleras l’imbécile L’Imbécile (l’Imbécile c’est mon petit frère). Et tu ne demanderas pas à tout bout de champ : « Quelqu’un peut me dire comment s’appelle l’Imbécile ? »
3.Tu n’iras pas au Parc du Pendu avec tes amis.
4.Tu n’auras pas d’argent de poche pendant deux week-end.
5.Tu mangeras des légumes sans dire « c’est trop dégueu ».
6.Tu aideras à mettre le couvert et à débarrasser.
7.Tu ne cacheras pas le dentier de ton grand-père.
8.Tu ne lui demanderas donc pas de récompense pour lui retrouver son dentier.
9.Tu te laveras les pieds tous les soirs.
10.Tu ne mangeras pas de Bollycaosi jusqu’à nouvel ordre.
Quand mon grand-père a lu ces neuf commandements, il m’a dit à l’oreille pour que ma mère ne l’entende pas :
—Manolito, personnellement j’aurais préféré la prison.
La prison… Qu’est-ce que j’en ai été proche ces derniers jours ! Ces prisons que dit ma m’selle Asunción qu’il devrait y avoir pour les enfants comme nous, des enfants qui n’ont pas honte.
Moi, j’aimerais avoir un ange gardien, comme ceux que raconte Luisa, qui veillaient sur les enfants d’autrefois pour les sauver de tous les pétrins de leur vie. (Luisa est ma voisine d’en bas). Luisa dit que chaque enfant d’avant avait son ange gardien invisible au-dessus de lui, et que, par exemple, une voiture allait écraser l’enfant et l’ange gardien faisait s’exploser la voiture contre un arbre au dernier moment mortel pour que l’enfant puisse poursuivre son chemin, heureux au beau milieu de la route. Et par exemple, un autre exemple : cet enfant marchait dans la campagne et une énorme tempête se formait, et un éclair assassin allait tomber sur le dos de l’enfant, mais alors un gentil agriculteur au cœur tendre s’interposait entre l’éclair et l’enfant, et alors que l’agriculteur agonisait parterre, l’enfant continuait de marcher sans se rendre compte de rien ni même remercier puisque tout s’était passé dans son dos. Et tout cela grâce au travail de l’ange gardien, qui, à vrai dire, avec un enfant comme celui-là, devait être, le pauvre, au bord d’un infarctus du myocarde.

Une référence intéressante

Le traducteur et ses outils, Presses de la Sorbonne Nouvelle, Coll. Palimpsestes, n° 8, 1993.

Vous pouvez jeter un œil à cette adresse :

http://books.google.fr/books?id=w71r2biUhFsC&pg=PA57&lpg=PA57&dq=%22le+traducteur+et+la+traduction%22&source=bl&ots=k4io1WLYby&sig=kCRPvfEQ00DlsU1OKEZ1py8Hoag&hl=fr&ei=CDQvS7fYN8vQ4gbO9ayqCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=8&ved=0CCAQ6AEwBw#v=onepage&q=%22le%20traducteur%20et%20la%20traduction%22&f=false

Résultats du sondage : « Si vous déceliez un gros contresens dans une traduction… seriez-vous prêt à écrire à l'éditeur pour le signaler ? »

Sur 23 votes exprimés, nous obtenons les résultats suivants :

Oui = 11 voix (47%)
Non = 12 voix (52%)

Si je ne commente pas le résultat en lui-même, je me demande comment ceux qui ont répondu « oui » tourneraient leur courrier et, évidemment, s'ils le signeraient. Une chose est sûre – et pas très rassurante : le traducteur est sous haute surveillance !


Exercice de version, 32

No recordaban Abel Sánchez y Joaquín Monegro desde cuándo se conocían. Eran conocidos desde antes de la niñez, desde su primera infancia, pues sus dos sendas nodrizas se juntaban y los juntaban cuando aún ellos no sabían hablar. Aprendió cada uno de ellos a conocerse conociendo al otro. Y así vivieron y se hicieron juntos amigos desde nacimiento, casi más bien hermanos de crianza. En sus paseos, en sus juegos, en sus otras amistades comunes, parecía dominar e iniciarlo todo Joaquín, el más voluntarioso; pero era Abel quien, pareciendo ceder, hacía la suya siempre. Yes que le importaba más no obedecer que mandar. Casi nunca reñían. «¡Por mí como tú quieras...!», le decía Abel a Joaquín, y este se exasperaba a las veces porque con aquel «¡como tú quieras... !» esquivaba las disputas.
-¡Nunca me dices que no! -exclamaba Joaquín.
-¿ Y para qué? -respondía el otro. -
-Bueno, este no quiere que vayamos al Pinar -dijo una vez aquel, cuando varios compañeros se disponían a un paseo.
-¿Yo? ¡pues no he de quererlo...! -exclamó Abel-. Sí, hombre, sí; como tú quieras. ¡Vamos allá!
-¡No, como yo quiera, no! ¡Ya te he dicho otras veces que no! ¡Como yo quiera no! ¡Tú no quieres ir!
-Que sí, hombre...
-Pues entonces no lo quiero yo...
-Ni yo tampoco...
-Eso no vale -gritó ya Joaquín-. ¡O con él o conmigo!
Y todos se fueron con Abel, dejándole a Joaquín solo. Al comentar este en sus Confesiones tal suceso de la infancia, escribía: «Ya desde entonces era él simpático, no sabía por qué, y antipático yo, sin que se me alcanzara mejor la causa de ello, y me dejaban solo. Desde niño me aislaron mis amigos.»
Durante los estudios del bachillerato, que siguieron juntos, Joaquín era el empollón, el que iba a la caza de los premios, el primero en las aulas y el primero Abel fuera de ellas, en el patio del Instituto, en la calle, en el campo, en los novillos, entre los compañeros. Abel era el que hacía reír con sus gracias y, sobre todo, obtenía triunfos de aplauso por las caricaturas que de los catedráticos hacía. «Joaquín es mucho más aplicado, pero Abel es más listo... si se pusiera a estudiar...» Y este juicio común de los compañeros, sabido por Joaquín, no hacía sino envenenarle el corazón. Llegó a sentir la tentación de descuidar el estudio y tratar de vencer al otro en el otro campo, pero diciéndose: «¡bah!, qué saben ellos...», siguió fiel a su propio natural. Además, por más que procuraba aventajar al otro en ingenio y donosura no lo conseguía. Sus chistes no eran reídos y pasaba por ser fundamentalmente serio. «Tú eres fúnebre -solía decirle Federico Cuadrado-, tus chistes son chistes de duelo.»

Miguel de Unamuno, Abel Sánchez

***

Morgane nous propose sa traduction :

Abel Sánchez et Joaquín Monegro ne se souvenaient pas depuis combien de temps ils se connaissaient. On les avait connus avant l’enfance, depuis leur petite enfance, puisque leurs deux chemins nourriciers se rejoignaient et les réunissaient alors qu’ils ne savaient pas encore parler. Chacun apprit à se connaître à travers l’autre. Et ils vécurent ainsi et ils devinrent amis dès leur naissance, presque davantage que des frères de lait. Au cours de leurs promenades, de leurs jeux, dans leurs autres amitiés communes, Joaquín, le plus volontaire, semblait dominer et tout entreprendre, mais c’était Abel qui, en semblant céder, n’en faisait qu’à sa tête. Il lui importait davantage obéir que commander. Ils ne se disputaient presque jamais. « Pour moi, c’est comme tu veux… ! », disait Abel à Joaquín, et ce dernier s’exaspérait à chaque fois car avec ce « comme tu veux… ! » il esquivait les disputes.
— Tu ne me dis jamais non !, s’exclamait Joaquín.
— Et pourquoi ?, répondait l’autre.
— Bon, Monsieur ne veut pas que nous allions à Pinar, dit-il quand plusieurs camarades s’apprêtaient à faire un tour.
— Moi ?, je n’ai pas à le vouloir… ! s’exclama Abel. Oui, mon vieux, oui ; comme tu veux. Allons-y !
— Non, comme je veux, non ! Je t’ai déjà dit que non ! Comme je veux non ! Tu ne veux pas y aller !
— Bien sûr que si, mon vieux…
— Eh bien alors je ne le veux pas…
— Ni moi non plus…
— Ça ne compte pas, cria Joaquín. Ou c’est avec lui ou c’est avec moi !
Et tous s’en allèrent avec Abel, en laissant Joaquín seul. En commentant dans ses Confessions un tel succès de l’enfance, il écrivait :
« Depuis ce temps là, il était déjà sympathique, j’ignorais pourquoi, et moi j’étais antipathique, sans que j’en comprenne la cause. Mes amis me délaissèrent dès l’enfance. »
Durant les études du baccalauréat, qu’ils suivirent ensemble, Joaquín était un bûcheur, celui qui recevait les prix, le premier à rentrer en cours et Abel était le premier en dehors de tout cela, dans la cours du lycée, dans la rue, à la campagne, pour faire l’école buissonnière, entre amis. Abel était celui qui faisait rire avec ses drôles de tours et, surtout, obtenait maints applaudissements pour les caricatures qu’il faisait de ses professeurs. « Joaquín est beaucoup plus appliqué, mais Abel est plus intelligent…s’il se mettait à étudier… ». Et ce jugement commun des camarades, connu de Joaquín, ne faisait que lui empoisonnait le cœur. Il en arriva à ressentir la tentation de négliger ses études et essayer de vaincre l’autre dans un autre domaine, mais il se disait : « bah ! que savent-ils ? … », il resta fidèle à lui-même. De plus, il avait beau tenter de surpasser l’autre en génie et en finesse, il n’y parvenait point. Ses blagues ne faisaient pas rire et il passait pour quelqu’un de fondamentalement sérieux. « Tu es funèbre », avait l’habitude de dire Federico Cuadrado, « tes blagues sont des blagues d’enterrement ».

Références culturelles, 316 : Manuel González Prada

http://www.biografiasyvidas.com/biografia/g/gonzalez.htm

dimanche 20 décembre 2009

Résultats du sondage : « Adopter un rythme français plutôt que le rythme espagnol… est-ce trahir la langue de départ ? »

Sur 15 votes exprimés, nous obtenons les résultats suivants :

Oui = 0 voix
Non = 15 voix

Dans ce cas, pourquoi ne pas unanimement adopter un rythme français (cf sondage précédent sur le sujet et où nous étions partagés…) ?

Pour information…

Je viens de publier les propositions de traduction pour le texte de Aira (version de la semaine dernière) de Coralie, de Pascaline et d'Amélie.

Exercice d'écriture

Pour vendredi, il fallait décrire une odeur…

***

Coralie :

L’odeur du premier entrainement, l’odeur de l’effort, l’odeur de la souffrance, tant physique que morale, l’odeur des coups, l’odeur de l’amitié, l’odeur de l’amour, l’odeur du courage, l’odeur de la rage, l’odeur du premier combat, l’odeur de l’angoisse, l’odeur de l’adrénaline, l’odeur de la déception, l’odeur de la fierté, l’odeur de la victoire, l’odeur de l’épanouissement, l’odeur du respect, l’odeur de l’affront, l’odeur d’un univers masculin dans lequel il faut réussir à faire sa place, l’odeur de la complicité, l’odeur du soutien, l’odeur de l’engagement, l’odeur du dépassement de soi, l’odeur d’une salle froide et humide, l’odeur de la chaleur humaine, l’odeur du bien-être, l’odeur du bonheur, l’odeur du cuir, l’odeur de mes gants de boxe… J’aurais pu décrire leur odeur de façon réaliste, une odeur de sueur, acide, forte, repoussante, qui s’empare du tissu sans jamais le libérer… une odeur désagréable. J’aurais pu, mais j’ai préféré souligner toutes les odeurs plaisantes de la passion.

***

Amélie :

Par une chaude après-midi d’été, je déambule dans la maison de ma grand-mère, en quête de fraîcheur et d’occupation. Toutes les pièces sont occupées : cette période de l’année est synonyme de renaissance pour cette ancienne bâtisse, qui assiste à un véritable défilé familial. Je décide donc de me réfugier au grenier, comme quand j’étais plus jeune. Je pouvais y rester des heures sans que l’on vienne me déranger, espérons que cela n’ait pas changé !
Je monte à l’étage, ouvre la trappe, attrape l’échelle, grimpe les quelques barreaux qui me séparent de la tranquillité avant de faire disparaître toute trace de mon passage. Pour la fraîcheur, c’est raté, il fait aussi chaud ici que dans un four, et ce n’est pas le peu d’air qui pénètre par le vasistas qui changera quoi que ce soit. Peu importe. Je me mets à fureter dans le grenier, et là, sous un tas de rideaux et de draps usés, je tombe sur une caisse en bois, contenant les histoires qui ont bercé mon enfance : celles du Club des Cinq.
Je me crée un siège de fortune dans de vieux coussins percés et choisis un livre au hasard dans la collection. Sous la couche de saletés, je distingue le titre sur la tranche rose : Le Club des Cinq et le trésor de l’île. Je l’essuie, faisant tomber à terre toiles d’araignées –sans leurs occupantes, heureusement– et autres moutons, et je l’ouvre à la première page. Je suis alors assaillie par l’odeur caractéristique qui en émane. Il dégage les mêmes senteurs qu’autrefois : les tartelettes à la fraise que Grand-mère me donnait pour le goûter et que je laissais toujours tomber entre les pages, le sable de la plage qui s’y glissait constamment, l’odeur de la mer quand, malencontreusement, on renversait l’eau du seau sur les serviettes, la lessive qui s’y imprégnait quand je m’endormais à une heure avancée de la nuit, le livre ouvert sur l’oreiller… Mais ces odeurs familières, bien qu’elles fassent ressurgir un flot de souvenirs d’enfance, ne sont pas celles qui me touchent le plus ; un autre parfum prend le pas sur elles, un parfum que j’étais incapable d’apprécier étant jeune et qui, à présent, revêt une importance capitale. L’odeur reconnaissable du papier et de l’encre des premiers Bibliothèque Rose, que beaucoup d’enfants nés au XXIe siècle refusent d’ouvrir parce que « ça pue », et que « les pages sont toutes jaunes ». Cette odeur de renfermé qui nous transporte dans l’univers de nos cinq personnages, sur l’île de Kernach, dans les souterrains qui s’emplissent d’eau à marée haute, ou encore dans les multiples passages secrets de la ferme. Après avoir vécu de telles aventures à leurs côtés, qui voudrait relire ces mêmes épopées sur papier glacé ?
Seule dans le grenier, je cherche à définir cette senteur particulière mais, comme toujours, j’en suis incapable. C’est vraiment difficile à décrire : je la respire, je sais à quoi elle correspond, mais je ne peux la décomposer. Elle fait partie intégrante de l’âme du livre que j’ai entre les mains, chaque livre a sa propre odeur, et chaque personne ressent l’odeur d’un livre différemment. C’est peut-être pour cela qu’elle est aussi difficile à saisir, à détailler, à analyser : elle est unique. En faire un objet d’études serait la faire disparaître un petit peu, lui retirer les rêveries et les trésors qu’elle garde cachés, lui ôter toute authenticité et toute singularité. Imaginez s’il existait un parfum nommé « Senteur de livre d’antan » ?

***

Laëtitia So :

Je voudrais qu’elle dure toujours qu’elle ne me quitte pas, qu’elle ne se retrouve pas perdue dans les méandres de ma mémoire. Parfois, je peux la sentir ou plutôt j’en ai l’impression, j’en suis même persuadée. C’est un peu de javel mélangée à de l’eau de rose, ou à un steak trop frit, à du lait caillé. Elle vient souvent le samedi, au marché sans crier gare entre les effluves de menthe et de naphtaline. Sans que je le l’aie invitée, elle vient. Je peux aussi l’invoquer, les jours de pluie, assise devant la fenêtre ouverte en mangeant un yaourt nature et des biscuits secs. Elle aime faire la sourde oreille mais le simple fait d’y penser me réconforte. Elle s’accompagne de la sensation d’être enveloppée, protégée, dorlotée. Et me voilà transportée plus de vingt ans auparavant, dans la cour d’une école aujourd’hui détruite à grand coup de pelleteuse et autres machines barbares ; ou dans le jardin public si agréable à l’époque et plein d’enfants de mon âge devenu le terrain de prédilection de tous les dealers, junkies et macros du quartier. Et, lorsque je me rends compte qu’elle n’est plus que le souvenir d’une odeur, qu’aucune de ses molécules n’a effleuré mes narines, que mon imagination l’a inventée, je dois fournir un effort surhumain pour m’accrocher à elle et la faire exister encore.

***

Laëtitia Sw. :

La campagne s’étendait sur des kilomètres en coteaux, en champs, en bois sombres, où l’aube pour l’instant régnait en maître absolu. Des effluves de terre mouillée remontaient du sol que Martin foulait d’un bon pas. Surtout tenir le rythme. Il devait absolument arriver chez le vieux Léonard avant le jour. Continuer à se faufiler dans la fraîcheur des herbes hautes. Et rester sur le qui-vive. On ne savait jamais. Malgré le calme apparent, n’importe quel homme embusqué pouvait surgir brusquement. Les fourrés n’étaient pas sûrs dans la région... Donc, laisser sa lampe éteinte et marcher aussi vite que possible, en évitant le moindre bruit. Ne pas commettre une malheureuse imprudence qui pourrait le trahir. Il connaissait ces terres par cœur. Il saurait bien se repérer, même sans lumière. Pas de chance... De gros cumulus, qui s’étaient massés à l’horizon, s’avançaient maintenant rapidement, déroulant dans le ciel un épais tapis d’ombres. La pluie allait être de la partie. De quel droit s’invitait-elle, celle-là, à l’improviste, au dernier moment. Au camp, on lui avait assuré que la nuit serait claire. Tu parles d’une information... Il allait lui être encore plus difficile à présent de trouver son chemin dans ces conditions. Et puis, même s’il ne voulait pas se l’avouer, il avait toujours eu peur de l’orage. Il redoutait en particulier ces longues minutes pendant lesquelles il se préparait : les grondements annonciateurs du tonnerre, les premiers éclairs, l’air chargé d’électricité, les nuages se massant furieusement, se gonflant jusqu’au paroxysme, menaçant à chaque instant de lâcher leur eau. Ce poids en suspension au-dessus de sa tête lui donnait une impression intense d’étouffement. Alors, comme ça, les éléments naturels s’étaient donnés le mot pour venir le ralentir dans sa course ; ils avaient décidé eux aussi de se dresser contre lui pour l’empêcher d’accomplir sa mission. Soudain, au loin, derrière la colline, retentit le craquement significatif d’une explosion à retardement. Encore un pont qui avait dû sauter. Il accéléra. Il y était presque. Plus que quelques centaines de mètres. Il serra un peu plus contre sa poitrine la chemise en carton gris qui contenait les précieux documents. Il essayait de refréner les battements capricieux de son cœur. Il pestait intérieurement. Quand verrait-il la fin de ce poison de guerre ? Il respirait de plus en plus mal. Non, ne pas haleter. Il essaya de se calmer. Prendre de profondes inspirations. Ce qu’il pouvait détester cette odeur pénétrante de poudre, de peine, de peur, de perdant.

Exercice de version, 31

Ese largo y angustioso escalofrío que parece mensajero de la muerte, el verdadero escalofrío del miedo, sólo lo he sentido una vez. Fue hace muchos años, en aquel hermoso tiempo de los mayorazgos, cuando se hacía información de nobleza para ser militar. Yo acababa de obtener los cordones de Caballero Cadete. Hubiera preferido entrar en la Guardia de la Real Persona; pero mi madre se oponía, y siguiendo la tradición familiar, fui granadero en el Regimiento del Rey. No recuerdo con certeza los años que hace, pero entonces apenas me apuntaba el bozo y hoy ando cerca de ser un viejo caduco. Antes de entrar en el Regimiento mi madre quiso echarme su bendición. La pobre señora vivía retirada en el fondo de una aldea, donde estaba nuestro pazo solariego, y allá fui sumiso y obediente. La misma tarde que llegué mandó en busca del Prior de Brandeso para que viniese a confesarme en la capilla del Pazo. Mis hermanas María Isabel y María Fernanda, que eran unas niñas, bajaron a coger rosas al jardín, y mi madre llenó con ellas los floreros del altar. Después me llamó en voz baja para darme su devocionario y decirme que hiciese examen de conciencia:
-Vete a la tribuna, hijo mío. Allí estarás mejor...
La tribuna señorial estaba al lado del Evangelio y comunicaba con la biblioteca. La capilla era húmeda, tenebrosa, resonante. Sobre el retablo campeaba el escudo concedido por ejecutorias de los Reyes Católicos al señor de Bradomín, Pedro Aguiar de Tor, llamado el Chivo y también el Viejo. Aquel caballero estaba enterrado a la derecha del altar. El sepulcro tenía la estatua orante de un guerrero. La lámpara del presbiterio alumbraba día y noche ante el retablo, labrado como joyel de reyes. Los áureos racimos de la vid evangélica parecían ofrecerse cargados de fruto. El santo tutelar era aquel piadoso Rey Mago que ofreció mirra al Niño Dios. Su túnica de seda bordada de oro brillaba con el resplandor devoto de un milagro oriental. La luz de la lámpara, entre las cadenas de plata, tenía tímido aleteo de pájaro prisionero como si se afanase por volar hacia el Santo.

Valle-Inclán, El miedo

Références culturelles, 315 : Domingo Caycedo Santamaría

http://es.wikipedia.org/wiki/Domingo_Caicedo_y_Santa_Mar%C3%ADa

vendredi 18 décembre 2009

Votre version de la semaine, Arenas

En photo : 0000237854-002, par cristee12

Mi madre acaba de salir corriendo de la casa. Y como una loca iba gritando que se tiraría al pozo. Veo a mi ma­dre en el fondo del pozo. La veo flotar sobre las aguas verdosas y llenas de hojarasca. Y salgo corriendo hacia el patio, donde se encuentra el pozo, con su brocal casi ca­yéndose, hecho de palos de almácigo.
Corriendo llego y me asomo. Pero, como siempre : so­lamente estoy yo allá abajo. Yo desde abajo, reflejándome arriba. Yo, que desaparezco con sólo tirarle un escupitajo a las aguas verduscas.
Madre mía, ésta no es la primera vez que me engañas : todos los días dices que te vas a tirar de cabeza al pozo, y nada. Nunca lo haces. Crees que me vas a tener como un loco, dando carreras de la casa al pozo y del pozo a la casa. No. Ya estoy cansado. No te tires si no quieres. Pero tampoco digas que lo vas a hacer si no lo harás.
Lloramos detrás del mayal viejo. Mi madre y yo, llo­ramos. Las lagartijas son muy grandes en este mayal. ¡Si tú las vieras! Las lagartijas tienen aquí distintas formas. Yo acabo de ver una con dos cabezas. Dos cabezas tiene esa lagartija que se arrastra.
La mayoría de estas lagartijas me conocen y me odian. Yo sé que me odian, y que esperan el día... «¡Cabronas!», les digo, y me seco los ojos. Entonces cojo un palo y las caigo atrás. Pero ellas saben más de la cuenta, y enseguida que me ven dejan de llorar, se meten entre las mayas, y desaparecen. La rabia que a mí me da es que yo sé que ellas me están mirando mientras yo no las puedo ver y las busco sin encontrarlas. A lo mejor se están riendo de mí.
Al fin doy con una. Le descargo el palo, y la trozo en dos. Pero se queda viva, y una mitad sale corriendo y la otra empieza a dar brincos delante de mí, como diciéndome: no creas, verraco, que a mí se me mata tan fácil.
«¡Animal!», me dice mi madre, y me tira una piedra en la cabeza. «¡Deja a las pobres lagartijas que vivan en paz!» Mi cabeza se ha abierto en dos mitades, y una ha salido corriendo. La otra se queda frente a mi madre. Bai­lando. Bailando. Bailando.
Bailando estamos todos ahora sobre el techo de la casa. ¡Qué de gente sobre el techo! A mí me encanta en­caramarme en las pencas de guano, y siempre encuentro algún que otro nido de totises acá arriba. Yo no me como los huevos de los totises, porque dicen que siempre están podridos, y entonces lo que hago es que se los tiro a la cabeza a mi abuelo, que siempre que me ve arriba de la casa, coge la vara larga de desmochar palmas y empieza a juzgarme como si yo fuera un racimo de palmiches. Uno de los huevos se le ha reventado a mi abuelo en un ojo, y yo no sé por qué, pero a mí me parece que se ha quedado tuerto. Pero no: a ese viejo hay que sacarle los ojos con una garrocha, porque lo que tiene ahí es más duro que el fondo de una caneca.

Reinaldo Arenas, Celestino antes del alba, 2000

***

Laëtitia Sw nous propose sa traduction :

Ma mère vient de sortir en courant de la maison. Et comme une folle elle criait qu’elle allait se jeter dans le puits. Je vois ma mère au fond du puits. Je la vois flotter sur les eaux verdâtres et pleines de feuilles mortes. Je sors en courant vers le patio, où se trouve le puits, avec sa margelle presque éboulée, faite de bouts de bois de lentisque.
J’arrive en courant et je me penche. Mais, comme toujours : il n’y a que moi là en bas. Moi d’en bas me reflétant en haut. Moi, qui disparais en lançant seulement un crachat dans les eaux verdâtres.
Ma mère, ce n’est pas la première fois que tu me trompes : tous les jours tu dis que tu vas te jeter la tête la première dans le puits, et rien. Tu ne le fais jamais. Tu crois que tu vas me rendre fou, à force de courir de la maison au puits et du puits à la maison. Non. Désormais, je suis fatigué. Ne t’y jettes pas si tu ne veux pas. Mais ne dis pas non plus que tu vas le faire si après tu ne le fais pas.
Nous pleurons derrière le vieux pressoir. Ma mère et moi, nous pleurons. Les lézards sont très gros dans ce pressoir. Si tu les voyais ! Les lézards ont différentes formes ici. Je viens d’en voir un à deux têtes. Ce lézard qui se traîne a deux têtes.
La plupart de ces lézards me connaissent et me détestent. Je sais qu’ils me détestent, et qu’ils attendent le jour... « Salauds ! », leur dis-je, et je sèche mes yeux. Alors je prends un bâton et je leur tombe dessus. Mais ils en savent long, et dès qu’ils me voient arrêter de pleurer, ils se faufilent entre les pâquerettes, et ils disparaissent. Ce qui me fait enrager, c’est que je sais qu’ils sont en train de me regarder alors que moi, je ne peux pas les voir et que je les cherche sans les trouver. Peut-être qu’ils se moquent de moi.
À la fin, j’en touche un. Je lui assène un coup de bâton et je le coupe en deux. Mais il est toujours vivant, une moitié part en courant et l’autre commence à sautiller devant moi, comme pour me dire : ne crois pas, gros bêta, qu’on me tue si facilement.
« Espèce de brute ! », me dit ma mère, et elle me jette une pierre à la tête. « Laisse ces pauvres lézards vivre en paix ! » Ma tête s’est ouverte en deux moitiés, l’une est partie en courant. L’autre reste face à ma mère. En train de danser. Danser. Danser.
Nous sommes tous en train de danser maintenant sur le toit de la maison. Que de monde sur le toit ! Moi, j’adore grimper dans les feuilles charnues de guano (1), je trouve toujours quelques nids de totises (2) là haut. Moi, je ne mange pas les œufs des totises, parce qu’on dit qu’ils sont toujours pourris, ce que je fais alors c’est que je les jette à la tête de mon grand-père, qui, chaque fois qu’il me voit en haut de la maison, prend la longue perche servant à écimer les palmiers et se met à me traiter comme si j’étais un régime de dattes. Un des œufs atteint mon grand-père à un œil, et je ne sais pas pourquoi, mais il me semble qu’il est borgne. Mais non : à ce vieux, il faut lui extirper les yeux avec une pique, parce que ce qu’il a là est plus dur que le fond d’un cruchon.

(1) guano : variété de palmier cubain
(2) totises : oiseaux cubains de couleur noire

***

Auréba nous propose sa traduction :

Ma mère vient de sortir en courant de la maison. Et comme une folle, elle criait à tout va qu’elle se jetterait dans le puits. Je vois ma mère au fond du puits. Je la vois flotter sur les eaux verdâtres et pleines de feuilles mortes. Et je sors en courant vers le patio, où se trouve le puits, avec sa margelle qui part presque en morceaux, faite en bois de lentisque.
En courant j’arrive et me penche. Mais comme toujours, il n’y a que moi là en- bas. Moi d’en haut, me reflétant en haut. Moi qui disparais quand je crache dans les eaux verdâtres.
Maman, ce n’est pas la première fois que tu me trompes : tous les jours tu dis que tu vas te jeter la tête la première dans le puits, puis rien. Tu ne le fais jamais. Tu penses que tu vas me rendre dingue, en faisant des va-et-vient de la maison au puits et du puits à la maison. Non. J’en ai assez. Ne te jette pas si tu ne veux pas. Mais ne dis pas non plus que tu vas le faire si tu ne le feras pas.
Nous pleurons derrière notre vieux fléau. Ma mère et moi, nous pleurons. Les lézards sont très gros sur ce fléau. Si tu les voyais! Les lézards ont ici différentes formes. Je viens d’en voir un à deux têtes. Il a deux têtes, ce lézard qui grimpe.
La plupart de ces lézards me connaissent et me détestent. Moi je sais qu’ils me détestent, et qu’ils attendent le jour … « Connards!», je leur dis, et je sèche mes larmes. Alors je prends un bâton et les fais tomber en arrière. Mais ils sont loin d’être bêtes, et dès qu’ils me voient ils arrêtent de pleurer, se mettent entre les pâquerettes, et disparaissent. Ce qui me met vraiment en colère c’est de savoir qu’ils sont en train de me regarder alors que moi, je ne peux pas les voir et que je les cherche sans les trouver. Ils sont peut-être en train de se moquer de moi. Enfin j’en déniche un. Je lui donne un gros coup de bâton, et le coupe en deux. Mais il demeure vivant, et une moitié part en courant et l’autre commence à faire des bonds devant moi, l’air de dire : ne crois pas, vieux putois, que moi on peut me tuer comme ça. « Sale brute ! », me dit ma mère, et elle me jette une pierre sur la tête. « Laisse donc ces pauvres lézards vivre en paix ! » Ma tête s’est ouverte en deux moitiés, et l’une d’elles est partie en courant. L’autre reste en face de ma mère. En train de danser. En train de danser. En train de danser.
Nous sommes tous en train de danser maintenant sur le toit de la maison. Qu’est-ce qu’il y a du monde sur le toit ! J’adore me jucher sur les feuilles charnues de guano, et je trouve toujours quelques nids de totis là-haut. Moi je ne mange pas les œufs des totis, parce qu’on dit qu’ils sont toujours pourris, alors ce que je fais, c’est que je les jette sur la tête de mon grand-père, qui me voit toujours en-haut de la maison, il prend la grande perche qui sert à écimer les palmiers et commence à me jauger comme si j’étais un régime de fruits de palmier. Un des œufs a éclaté dans l’œil de mon grand-père, et je ne sais pas pourquoi, mais moi, je crois qu’il est resté borgne. Mais non : à ce vieux, il faut lui arracher les yeux avec un croc, parce que ce qu’il a là, c’est plus dur que le fond d’un cruchon à liqueur.

***

Pascaline et Loïc nous proposent leur traduction commune :

Ma mère vient juste de sortir de la maison en courant. Comme une folle, elle criait qu’elle se jetterait dans le puits. J’imagine ma mère au fond du puits. Je la vois flotter sur les eaux verdâtres et pleines de feuilles mortes. Je me précipite dans la cours, à l’endroit où se trouve le puits, dont la margelle en bois de lentisque manque de tomber.
J’arrive en courrant et me penche. Mais, comme toujours : il n’y a que moi là, en bas. Moi en bas, mon reflet en haut. Moi, qui disparais en un crachat dans les eaux verdâtres.
Mon dieu, ce n’est pas la première fois que tu me fais ce coup-là : tous les jours tu me dis que tu vas te jeter la tête la première dans le puits, et en fait, rien. Tu ne le fais jamais. Tu crois que je vais être là comme un fou, à faire des aller-retour de la maison au puits et du puits à la maison ? Non. Je suis fatigué. Ne t’y jette pas si tu ne le veux pas. Mais ne dis pas non plus que tu vas le faire si tu ne compte pas le faire.
Nous pleurons derrière le vieux fléau. Ma mère et moi, nous pleurons. Les petits lézards sont très grands dans ce fléau. Si tu les voyais ! Ici, les petits lézards ont des formes différentes. Je viens d’en voir un avec deux têtes. Ce petit lézard qui se traîne a deux têtes.
La plupart de ces petits lézards me connaissent et me haïssent. Je sais qu’ils me détestent, et qu’ils attendent le jour où… « Espèce d’enfoirés ! », que je leur dis en séchant mes larmes. Alors je prends un bâton pour les faire tomber en arrière. Mais il en savent un peu trop, et dès qu’ils me voient, ils cessent de pleurer, se réfugient dans les pâquerettes et disparaissent. Ce qui m’énerve, c’est que je sais qu’ils sont en train de m’observer alors que moi, je ne peux pas les voir et donc, je les cherche sans les trouver. Si ça se trouve, ils sont en train de se moquer de moi.
Je finis enfin par en attraper un. Je lui donne un coup de bâton, et le coupe en deux. Mais il est encore en vie : une moitié part en courant, l’autre se met à sauter devant moi, comme pour me dire : n’imagine pas qu’on peut me tuer aussi facilement, pauvre crétin.
« Sale brute ! », me crie ma mère qui me lance une pierre à la tête. « Laisse ces pauvres lézards tranquille ! ». J’ai la tête coupée en deux : une partie s’est enfuie en courant, l’autre reste face à ma mère, en dansant, en dansant, en dansant.
Maintenant, on est tous en train de danser sur le toit de la maison. Il y a tant de monde sur le toit ! J’adore grimper aux feuilles de palmier, car j’y trouve toujours un ou deux nids de merles. Je ne mange pas les œufs de merles, parce qu’on dit qu’ils sont toujours pourris ; donc moi, ce que je fais, c’est que je les jette au visage de mon grand-père qui, chaque fois qu’il me voit en haut de la maison, prend un long bâton qui sert à étêter les palmiers et se met à me prendre pour une grappe de fruits. Un des œufs a éclaté dans l’œil de mon grand-père, et je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que ça l’a rendu borgne. Mais non : c’est avec une pique qu’il faut lui arracher les yeux à ce vieux ; c’est qu’il est plus dur que le fond d’un bidon celui-là !

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Laëtitia So nous propose sa traduction :

Ma mère vient de sortir de la maison en courant. Et elle hurle comme une folle qu’elle va se jeter dans le puits. Je vois ma mère dans le fond du puits. Je la vois flotter sur les eaux verdâtres et pleines de feuilles mortes. Je me précipite vers la cour, où se trouve le puits, avec sa margelle presque effondrée, faite en bois de gommier rouge.
J’arrive en courant et je me penche. Mais, comme toujours : il n’y a que moi en bas. Moi d’en bas, qui me reflète en haut. Moi, qui disparaît rien qu’en crachant dans les eaux verdâtres.
Sainte Mère de Dieu, ce n’est pas la première fois que tu réussis à m’avoir : tous les jours tu dis que tu vas te jeter la tête la première dans le puits, et rien. Tu ne le fais jamais. Tu crois que tu vas me rendre fou, à faire la course de la maison au puits et du puits à la maison. Non. J’en ai marre maintenant. Ne t’y jette pas si tu ne veux pas. Mais ne dis pas non plus que tu vas le faire si tu ne le fais pas. Nous pleurons derrière le vieux moulin. Ma mère et moi, nous pleurons. Les petits lézards paraissent très grands sur ce moulin. Si tu les voyais ! Les petits lézards ont des formes différentes ici. Je viens d’en voir un à deux têtes. Il a deux têtes ce petit lézard qui se traîne.
La plupart de ces petits lézards me connaissent et me détestent. Je sais qu’ils me détestent, et qu’ils attendent le jour... « Salauds ! », leur dis-je, et je sèche mes larmes. Alors je prends un bâton et je les fais tomber en arrière. Mais ils en savent plus que de raison, et dès qu’ils me voient arrêter de pleurer, ils se faufilent entre les pâquerettes, et disparaissent. Ce qui me fait enrager c’est de savoir qu’ils me regardent alors que moi je ne peux pas les voir et je les cherche sans les trouver. Si ça se trouve ils se moquent de moi. J’en attrape enfin un. Je lui flanque une dérouillée avec mon bâton qui le fend en deux. Mais il est encore vivant, et une moitié s’enfuit à toutes jambes et l’autre commence à faire des bonds devant moi, comme s’il me disait : ne crois pas gros malin, qu’on peut me tuer aussi facilement.
« Grosse brute! », me dit ma mère, et elle me jette un caillou à la tête. « Laisse les pauvres petits lézards vivre en paix ». Ma tête s’est ouverte en deux parties, et l’une des deux a détalé. L’autre reste devant ma mère. A danser. Danser. Danser.
Nous voilà tous à danser maintenant sur le toit de la maison. Que de monde sur le toit ! J’adore me hisser sur les feuilles de palmier, je trouve toujours un nid de passereaux là-haut. Je ne mange pas les œufs de passereaux, parce qu’il paraît qu’ils sont toujours pourris, alors je les jette à la tête de mon grand-père, qui lorsqu’il me voit en haut de la maison prend toujours la tige qui sert à écimer et commence à me traiter comme un régime de palmier royal. Un des œufs s’est éclaté dans l’œil de mon grand-père, et je ne sais pas pourquoi, mais il me semble qu’il en est ressorti borgne.
Mais non : ce vieux-là il faut lui extraire les globes oculaires avec une perche, parce ce que ce qu’il a à l’intérieur est plus dur que le fond d’une cruche.

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Sonita nous propose sa traduction :

Ma mère vient de sortir en courant de la maison. Et, comme une folle elle criait qu’elle allait se jeter dans le puits. Je vois ma mère au fond du puits. Je la vois qui flotte dans les eaux verdâtres pleines de feuilles mortes. Et je sors en courant vers la terrasse, où se trouve le puits, avec sa gaine sur le point de tomber, faite de bâtons de mastic.
J’y arrive en courant et je me penche. Mais, comme toujours, il n’y a que moi en bas. Moi d’en bas qui se reflète en haut. Moi, qui disparais en jetant simplement un crachat dans les eaux vert foncé. Ma chère mère, celle-ci n’est pas la première fois que tu me leurres : tous les jours tu dis que tu vas te jeter la tête la première dans le puits, et rien. Tu ne le fais jamais. Tu crois que tu vas me faire courir comme un fou, de la maison au puits et du puits à la maison. Non. J’en ai assez maintenant. Ne t’y jette pas si tu ne veux pas. Mais, ne dis pas non plus que tu vas le faire si tu ne vas pas le faire.
On pleure derrière le vieux fléau. Ma mère et moi, on pleure. Les petits lézards sont trop grands dans ce fléau à grain. Si tu les voyais ! Ici, les petits lézards ont des formes bien différentes. Je viens d’en voir un avec deux têtes. Deux têtes à ce petit lézard qui se traîne.
La plupart des petits lézards me connaissent et me haïssent. Je sais qu’ils me haïssent, et qu’ils attendent le jour…
« Enfoirés ! », leur dis-je, et je sèche mes yeux. Alors, je prends un bâton et je leur tombe dessus. Mais, ils savent plus ce qu’il n’en faut, et dès qu’ils me voient ils arrêtent de pleurer, ils se fourrent dans les pâquerettes et ils disparaissent. Ce qui me fout la rage c’est qu’ils sont en train de me regarder alors que je ne peux pas les voir et je les cherche sans réussir à les trouver. Dans le meilleur des cas ils sont en train de se moquer de moi.
Finalement, j’en trouve un. Je lui fais tomber le bâton dessus, et je le coupe en deux. Mais il reste en vie, et une moitié part en courant, et l’autre moitié commence à sauter devant moi, comme s’il me disait : ne crois pas qu’on peut me tuer aussi facilement, verrat.
« Animal !», me dit ma mère, et elle me jette une pierre sur la tête. « Laisse les pauvres petits lézards vivre en paix ! ». Ma tête s’est ouverte en deux, une moitié est partie en courant. L’autre reste devant ma mère. En train de danser. En train de danser. En train de danser.
Nous sommes tous en train de danser maintenant sur le toit de la maison. Que du monde sur le toit ! Moi j’adore me jucher sur les feuilles du guano, et je trouve toujours un nid de totises (1) ici en haut. Moi, je ne mange pas les œufs de totises parce qu’on dit qu’ils sont pourris, et alors ce que je fais c’est que je les jette sur la tête de mon grand-père, qui, à chaque fois qu’il me voit sur le toit de la maison, prend le grand bâton pour écimer les palmiers et commence à me juger comme si j’étais une grappe de fruits de palmiers. L’un des œufs a explosé dans l’œil de mon grand-père, et je ne sais pas pourquoi, mais il me semble qu’il est borgne maintenant. Mais non : ce vieux, il faut lui arracher les yeux avec une perche, parce qu’il a là est plus dur que le fond d’une cruche.

(1)Oiseaux cubains.

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Chloé nous propose sa traduction :

Ma mère vient de sortir en courant de la maison. Et elle court en criant comme une folle qu’elle va se jeter dans le puits. Je vois ma mère au fond du puits. Je la vois flotter sur les eaux verdâtres et pleines de feuilles mortes. Je me précipite vers le patio, où se trouve le puits, avec sa margelle en bois de lentisque sur le point de s’écrouler.
J’arrive en courant et je me penche. Mais, comme toujours, il n’y a que moi, là, en bas. Moi, d’en bas, qui me reflète en haut. Moi, qui disparais seulement en envoyant un crachat dans les eaux glauques.
Mon Dieu, ce n’est pas la première fois que tu me fais le coup : tous les jours tu jures que tu vas te jeter la tête la première dans le puits, et puis rien. Tu ne le fais jamais. Tu crois que tu vas me rendre fou, à faire la course de la maison au puits et du puits à la maison ? Non. Je suis fatigué maintenant. Ne t’y jette pas si tu ne veux pas. Mais ne dis pas non plus que tu vas le faire si après, tu ne le fais pas.
Nous pleurons derrière le vieux fléau. Ma mère et moi, nous pleurons. Les lézards sont très grands sur ce fléau. Si tu les voyais ! Ici, les lézards ont des formes différentes. Je viens d’en voir un avec deux têtes. Ce lézard qui rampe a deux têtes.
La plupart de ces lézards me connaissent et me détestent. Je sais qu’ils me détestent, et qu’ils attendent le jour où… « Salauds ! », leur dis-je, et je sèche mes larmes. Alors, je prends un bâton et je leur tombe dessus. Mais ils en savent plus qu’il n’y paraît, et dès qu’ils voient que j’arrête de pleurer, ils se faufilent entre les pâquerettes et disparaissent. Ce qui me fout la rage c’est que je sais qu’ils sont en train de m’observer alors que je ne peux pas les voir et que je les cherche sans les trouver. Ils doivent se moquer de moi.
Enfin, j’en vois un. Je lui assène un coup de bâton, et je le coupe en deux. Mais il reste vivant, une moitié part en courant et l’autre commence sautiller devant moi, comme pour me dire : ne crois pas, gros malin, qu’on peut me tuer aussi facilement.
« Espèce d’animal ! », me crie ma mère, en me lançant une pierre dans la tête. « Laisse ces pauvres lézards vivre en paix ! ». Ma tête s’est fendue en deux, et une moitié est partie en courant. L’autre reste face à ma mère. En train de danser. Danser. Danser.
Maintenant, nous dansons tous sur toit de la maison. Que de monde sur le toit ! Moi, j’adore me hisser sur les feuilles charnues du guano, car je trouve toujours quelques nids de totises là-haut. Moi, je ne mange pas les œufs des totises, parce qu’on dit qu’ils sont toujours pourris, et donc, ce que je fais, c’est que je les jette à la figure de mon grand-père qui, chaque fois qu’il m’aperçoit en haut de la maison, prend la longue perche pour étêter les palmiers et me traite comme si j’étais un régime de dattes. Un des œufs a éclaté sur l’œil de mon grand-père, et je ne sais pas pourquoi, mais je pense que ça l’a rendu borgne. Mais non : ce vieux-là, faut lui sortir les yeux avec un crochet car, ce qu’il a, c’est plus dur que le fond d’un cruchon à liqueur.