mardi 30 juin 2009

Un post de Laure Gentile, qui reste Tradabordienne… malgré tout !

Ce n’est qu’un au revoir…
Chères camarades apprenties… Avec force déception et un peu d’amertume, je vous annonce mon départ du Master de Traduction. Précisons d’emblée que je ne le considère pas comme une démission de ma part, mais bien comme un départ forcé par les circonstances.
D’aucuns ont accepté de laisser leur chance à des étudiants qui n’en étaient pas (moi, Brigitte, Olivier et Laëtitia), qui étaient des passionnés de traduction avec un métier prenant à côté.
Après un an d’investissement où je n’ai pas compté les aller-retour en train et les départs à 5 heures du matin le mercredi pour arriver à Caen à temps pour mon travail après avoir assisté aux cours du lundi et du mardi de Master, après de longues heures passées sur la Traduction longue dont je suis arrivée à bout, mais que personne ne lira, après un mois de stage en maison d’édition et un rapport que j’ai déjà largement rédigé mais qui ne sera encore une fois lu par personne, après des ateliers d’écriture que j’ai menés avec entrain pour donner naissance à une nouvelle… après ces efforts passionnés et passionnants… j’essuie un revers ! Mon emploi du temps de l’année prochaine ne me permet pas d’assister aux cours communs et aux ateliers de traduction collective, ateliers qui, j’en conçois, sont essentiels pour progresser. Je me sais donc d’emblée condamnée à un échec universitaire, d’autant plus dur à encaisser que nous avons été recrutés sur dossier et CV, avant de passer le test !
Je comprends que la formation offre un parfait apprentissage du métier de traducteur et qu’il faille jouer le jeu. Dans deux jours, ma déception aura laissé place à nouveau à la création… et je poursuivrai le façonnage de ma plume à travers le blog, où j’espère vous re-lire très souvent !
Mais je conseille vivement à tous ceux et celles qui prétendent faire des études en même temps qu’ils travaillent, que cette formation m’a fait l’effet du miroir aux alouettes. Qu’à cela ne tienne, Caroline reste de bons conseils ; je retiens des paroles sensées et encourageantes qu’elle a prononcées : celui qui veut devenir traducteur doit travailler dur chaque jour, avec ou sans Master, et ce labeur quotidien est la meilleure porte d’entrée dans une maison d’édition qui accepterait de publier nos traductions. Je vais donc m’acharner avec plaisir !
Bien à vous toutes
A très bientôt
Laure Gentile

Entretien avec Benoît Casas (éditions « Nous »), par Laure G.


En photo : logo des éditions « Nous »








Vous vous définissez comme un « activiste disparate ». Peut-on établir une hiérarchie dans vos activités, et si oui, à quelle place se situe l’édition ?

Question difficile : la réponse se modifierait au fil des ans. L'activité éditoriale est de plus en plus décisive, la photographie également. J'ai un goût immodéré de la lecture publique et je travaille à un grand livre de poésie. La peinture est passée un peu au second plan mais il n'y a pas de réelle hiérarchie. Le pari est conjonctif.

Quand et comment est né le nom de la maison d’édition : « Nous » ?
En 1998, je crois; face à un collage où était inscrit ce mot : Nous. Une espèce d'évidence : voilà le nom idéal pour une maison d'édition.

Quand fut édité le premier livre des éditions Nous et quel fut-il ?
Un recueil de Gerard Manley Hopkins, immense poète, en 1999.

Avec le recul, que pensez-vous de cette première édition aujourd’hui ?
Très heureux d'avoir commencé par Hopkins. Avec le recul je vois des approximations concernant la mise en page.

Quels sont votre meilleur et votre pire souvenir d’éditeur ?
Pas vraiment de meilleur souvenir : de nombreuses petites joies et, au fil des ans, le constat heureux d'une amplification, d'une consistance. Le pire souvenir : l'incendie du dépôt des Belles-Lettres. Ces millions de livres en cendre dont les nôtres.

Quelles sont les qualités d’un bon éditeur, d’une bonne maison d’édition ?
Le bon éditeur est celui qui n'édite que les livres qu'il a vraiment envie d'éditer. Une bonne maison d'édition c'est un bon catalogue.

Comment dénicher le « bon livre » ou juger que tel livre est « bon » pour faire le pari de l’éditer ?
Pour dénicher le « bon livre » : s'adresser à de bons auteurs. Et en éditant de bons auteurs, après quelques années, on en vient à recevoir de bons manuscrits

Comment définissez-vous l’édition aujourd’hui ?
Je n'ai pas de définition de l'édition. Les brigands occupent la place, envahissent les librairies. Mais il y a de vrais éditeurs : Eric Hazan, Michel Surya, Paul Otchakovsky-Laurens, Gérard Bobillier, quelques autres.

La traduction a-t-elle selon vous un rôle particulier dans le monde de l’édition et du livre ?
La traduction joue un rôle décisif, irremplaçable. Il n'y a qu'elle à pouvoir empêcher les nombrilismes; elle est accès au monde.

Pensez-vous que l’industrie du livre est en crise et que le goût de la lecture se perd ? Êtes-vous d’accord avec une vision pessimiste qui tend à dire que les gens lisent de moins en moins car ils sont influencés par de nombreuses autres activités qui n’existaient pas au siècle dernier ?
Aucune véritable activité ne menace la lecture. Télé, tchat, msn, sms, Facebook & co : la technologie à toute heure, le communicationnel obligé, ne sont qu'une organisation de la perte du temps. La lecture est une activité essentiellement solitaire et silencieuse, c'est une activité asociale et supposée improductive : productrice d'autonomie. En cela la lecture est injure à l'époque et ennemie de toute technocratie.

Le délégué général du Marché de la Poésie qui s’est tenu entre le 18 et le 21 juin à Paris, Vincent Gimeno-Pons, dit vouloir « défendre l’économie d’un livre différent, en situation de crise dans l’économie du Livre ». Que pensez-vous de cette parole militante qui sous-entend que plus que le livre en lui-même, ce qui est en crise c’est le livre différent ? Et qu’est ce livre « différent » qu’il faut défendre ?
Le livre "différent" c'est le livre tout court, distingué de ses ersatz (dont le paradigme est le roman de journaliste). Il y aura eu livre si la chaîne affirmative auteur-éditeur-libraire-lecteur s'atteste. Et cette attestation est disjointe de toute numération-décoration (ventes, prix, presse...). Il y aura eu livre si un 'nous' disparate le déclare.

Pour les admiratrices tradabordiennes d'Eduardo Mendoza (Brigitte en tête)

Nous sommes nombreuses à beaucoup l'aimer et à beacoup l'admirer… alors pour le plaisir.

Pour la réunion de jeudi

Finalement, je vous propose que nous nous retrouvions vers 14h30, c'est-à-dire une heure plus tôt, afin d'avoir plus de temps pour discuter (ensuite, j'ai une réunion à 17h00). Les « anciennes » pourraient nous rejoindre vers 15h30. À l'heure actuelle seule Nathalie m'a confirmé pouvoir être là…
Dites-moi, via les commentaires (comme vous allez désormais en prendre l'habitude), si cela vous convient. En cas contraire, nous garderons l'heure initialement prévue.

Le quiz du mardi…, par Laure L.

En photo : Pitufos par aas©

En me baladant sur le blog, et plus particulièrement dans « le quizz du dimanche », je me suis demandé comment s’appelaient tous les schtroumpfs en espagnol… Ils n’y sont pas tous mais voici une petite liste. Retrouverez-vous leurs noms en français ?

Gran/Papá Pitufo
Pitufita/Pitufina
Pitufo Fortachón/Valiente/Deportista
Pitufo Filósofo/Gafitas
Pitufo Bromista
Pitufo Gruñón
Pitufo Soñador
Pitufo Torpe/Tontín
Pitufo Goloso
Pitufo Cocinero
Pitufo Vanidoso
Pitufo Carpintero/Mecánico/Mañoso/Manitas/Genio
Pitufo miedoso
Pitufo cochinón
Pitufo armonia
Pitufo Pintor
Pitufo poeta
Pitufo bebé
Pitufo Abuelo
Pitufo Granjero/Campesino/Aldeano
Pitufo Alquimista
Pitufo Arquitecto

Références culturelles, 173 : La carne mechada

En photo : Carne Mechada par Rachelle @ Mommy? I'm...

http://www.blogrecetas.com/carne-mechada-un-plato-tipico-de-venezuela/

lundi 29 juin 2009

Réponse d'Amélie à la question de Caroline

En photo : vive le vent par youpi matin

Ma rencontre avec Tradabordo, par Amélie

Pour répondre à la question de Caroline, je vous raconte comment j’ai eu vent de ce master 2 de Bordeaux 3…
Pendant les vacances de février, j’étais lassée des semaines de grèves à répétition dans la fac où j’ai suivi mon master 1 (l’UFR d’Angers pour ne pas la citer), ainsi que de l’organisation plus que bancale de la formation : le master 1 métiers de la traduction datant de la rentrée 2008, nous avons essuyé les plâtres toute l’année et c’est vraiment fatigant de voir que rien n’est jamais organisé, que tout change sans arrêt et que personne n’est jamais au courant de rien (je sais que vous, apprenties 2008-2009 étiez aussi les premières, mais ça change beaucoup de choses d’avoir une directrice de master motivée !).
Je naviguais donc sur internet, à la recherche de je-ne-sais-quoi d’ailleurs, regardant sur google si certains sites proposaient des stages, quand un des intitulés de sites a appelé mon regard : il devait sans doute s’agir du titre du post de l’une d’entre vous sur les recherches de stage. J’ai donc cliqué, par pure curiosité (le nom du site l’ayant aiguisée), et j’ai découvert votre blog et cette formation qui m’a immédiatement redonné le sourire et la motivation, tant celle-ci se dégageait des articles que vous laissiez chaque jour. Au fil du temps, je suis devenue une fidèle lectrice de vos traductions, questionnaires, sondages et autres récits d’aventures… La passion de la traduction, l’acharnement au travail et la réflexion approfondie, le tout dans la complicité et la bonne humeur m’ont immédiatement séduite. J’ai posé une simple question sur le blog, Caroline a tout de suite publié un post pour demander aux apprenties de me répondre … cela me paraissait irréel car je n’ai jamais rencontrée une telle envie de partager sa passion au cours de mes études (et je suis certaine que c’est rare). Certaines apprenties m’ont répondu, par mail ou via le blog, ce qui n’a fait que me conforter dans l’idée que je me faisais de cette formation, et m’a confirmé la générosité des personnes en faisant partie.
Grâce au lien sur le blog, j’ai pu me rendre sur le site de Bordeaux 3, y lire le programme du M2, découvrir les nombreux ateliers, cours de traduction, etc. Je me suis rendue compte qu’il y avait bien plus d’heures de cours que dans le M2 que proposait (et propose toujours d’ailleurs) la fac d’Angers … donc je me suis lancée.
La suite vous la connaissez … et il me tarde d’écrire le début de mon histoire tradabordienne.

Message aux candidates sur liste d'attente

Celles qui le souhaitent peuvent se joindre à la réunion pré-vacances prévue le jeudi 2 juillet à 15h30…

Résultats du sondage : « Rencontrer 'son' auteur pour… »

En photo : Pont de Singes par jmcgsxr







Sur 11 votants :

apprendre à le connaître = 3 voix (27%)
lui demander de l'aide = 3 voix (27%)
établir une relation étroite = 4 voix (36%)
faire valoir votre travail = 1 voix (9%)

Les avis sont partagés, mais il ne fait pas de doute que ce qui ressort de ce sondage tourne autour de la nécessité de construire des ponts (de singe ?) pour accéder à cet autre, l'auteur, que vous semblez ne pas vouloir cantonner à la catégorie d'étranger, justement. À tort ou à raison… ? L'expérience vous le dira ; en tout cas pour les apprenties, qui font leurs premiers pas dans le métier et ont par conséquent des avis théoriques sur bien des choses encore. En disant cela, je ne les rabaisse pas, je tiens à la préciser, et à le souligner même… C'est un point que nous avons abordé avec certaines, il y a peu : l'expérience acquise dans notre profession consiste en effet principalement à infirmer la kyrielle de préjugés… que nous avions en tant que débutant. Au départ, on part avec beaucoup de certitudes, surtout quand on commence à prendre un peu d'aisance. « Croyez-moi, et je sais de quoi je parle, je suis TRADUCTEUR… la traduction, c'est ceci, c'est cela… et pas autrement ». Le ton n'est pas toujours aussi catégorique, certes, mais l'intention y est. D'où l'utilité de formations professionnelles, à part entière, qui permettent (entre autres), j'en suis persuadée, de gagner du temps là dessus, précisément… pour se défaire plus rapidement de cette gangue bien entravante des idées préconçues. En matière de traduction, un apprentissage ne fait certainement pas tout… On ne peut en effet y acquérir le talent, indispensable, le mélange de modestie et d'auto-exaltation (il y a un peu de cela, reconnaissez-le !), tout aussi indispensable, mais est certainement plus efficace que l'auto-formation. Le geste appris seul peut malheureusement souvent être tors et bien difficile à redresser ensuite. Viendrait-il à l'idée de quelqu'un qu'on peut devenir un grand sportif sans les conseils et le soutien d'un professionnel ?
Question annexe : l'une d'entre vous a-t-elle eu des contacts directs avec l'auteur du texte choisi pour sa traduction longue… et, le cas échéant, comment cela s'est-il passé ?

Une question à Amélie…

J'ai oublié de te demander comment tu as su qu'il y avait un Master de traduction littéraire à Bordeaux 3 ? Le cas échéant ce qui t'a donné envie de t'y inscrire… Je sais que ça fait un peu questionnaire du consommateur, mais ça m'intéresse vraiment.

Un petit message de Sophie

En parcourant un bouquin, je suis tombée sur quelques pages de synthèse sur une étude de ce que font les traducteurs français de titres en provenance de la littérature espagnole et hispano-américaine.

Inés Oseki-Dépré De Walter Benjamin à nos jours… (Essais de traductologie) Honoré Champion, Paris 2007 pp130-133 XA 82.03 OSE DE

Les stratégies présentées pourraient faire l'objet d'une petite discussion sur tradabordo, peut-être pour la prochaine promo.
Voilà, c'était surtout pour avoir l'occasion de te dire un petit bonjour en passant.

Entretien avec Bernard Lesfargues (traducteur – espagnol), par Blandine

1- Comment êtes-vous venu à la traduction ?
Je suis venu à la traduction par hasard. J’étais ami de Roger Nimier et des « hussards » qui l’entouraient ; ami, certes, mais avec quelque condescendance car j’étais un provincial pas trop dégourdi. Roland Laudenbach, maître d’œuvre des éditions de La Table ronde, me demanda de traduire de l’italien qu’une connaissance très superficielle, je calai vite. Alors Laudenbach me mit entre les mains un livre épais en espagnol dont l’auteur était Salvador de Madariaga. Le titre : Vida del muy magnífico señor don Cristobal Colón. Je savais plus d’espagnol que d’italien, mais à vrai dire je n’en savais pas beaucoup. Traduire Madariaga me fut une redoutable épreuve, mais je sentais que, page après page, je faisais des progrès. D’énormes progrès. J’ai retrouvé récemment ma traduction, je sais que je n’ai pas à en rougir. Mais elle ne devait jamais voir le jour.
Voici pourquoi : le livre de Madariaga faisait 650 pages ; l’éditeur avait des problèmes de trésorerie, il eut l’idée saugrenue d’alléger l’ouvrage d’environ 200 pages. Il me confia cette tâche stupide, dont je me tirai assez bien. Mais Madariaga et son éditeur londonien ne furent pas de cet avis et refusèrent mon chef-d’œuvre. J’étais tellement dépité que Laudenbach s’arrangea avec les éditions Plon pour qu’elles me proposent une autre traduction : c’était La vida nueva de Pedrito de Andía, de Rafael Sanchez Mazas. Je fis cette traduction sans trop de difficulté, mais elle ne plus pas à un correcteur de Plon. Cet individu ne connaissait pas l’espagnol et il retoucha mon texte d’une façon extravagante. Je protestai, l’affaire remonta à Charles Orengo, un grand monsieur alors directeur chez Plon, qui me donna raison. Pedrito de Andía obtint le prix de la traduction (1953) qui s’appelait et qui s’appelle toujours le prix Halpérine-Kaminski.
En ce temps-là je ne faisais pas que traduire, j’écrivais des nouvelles –je n’en ai jamais publié une seule- et un roman. Roger Nimier eut la gentillesse de le présenter chez Gallimard, mais Marcel Arland n’en voulut à aucun prix. Alors je dis adieu au roman et me résignai à n’être que traducteur.

2- Votre première traduction, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
Ma première traduction, disons que c’est Pedrito de Andía puisque Madariaga n’a jamais vu le jour. Pedrito a soixante ans. C’est l’âge où toutes ou presque toutes les traductions ont besoin d’être révisées : les langues évoluent.
Il y a longtemps que je n’ai pas rouvert Pedrito de Andía, mais il me semble que je n’ai pas à rougir de ma traduction. Je la corrigeais volontiers si un éditeur s’intéressait à Sanchez Mazas. J’espérais que la publication du très beau livre de Javier Cercas, Soldats de Salamine, attirerait l’attention sur l’auteur de Las aguas de Arbeloa et de Rosa Kruger, qui est aussi le père de Sanchez Ferlosio. Il n’en est rien. Je concècedrais que Pedrito est écrit d’une encre violette à laquelle on a ajouté quelques gouttes d’eau de rose, et que cela n’est absolument pas au goût du jour.

3- Comment voyez-vous aujourd’hui le métier de traducteur ?
Je précise : le métier de traducteur littéraire, qui n’a rien à voir avec le métier de traducteur scientifique, juridique, etc. D’ailleurs mon métier était celui de professeur d’espagnol. La traduction, je lui consacrais des fins de semaine et une bonne partie des vacances scolaires. Beaucoup de traducteurs sont, comme moi, professeurs et rares sont ceux qui ne vivent que de leurs traductions. Si j’avais opté pour le métier de traducteur, je me demande comment j’aurais pu subvenir aux besoins de ma famille, d’autant plus que je traduis très lentement. En fait, je ne me suis vraiment consacré à la traduction que depuis que j’ai pris ma retraite.

4- Préférez-vous traduire des ouvrages en catalan ou en castillan ? Voyez-vous une différence en tant que traducteur ?

J’ai commencé par traduire des ouvrages écrits en espagnol ; il était hors de question de traduire des écrivains catalans aussi longtemps que leur langue a été persécutée par le franquisme. Peu à peu cette persécution a perdu de sa virulence, et avant la mort du « caudillo » la culture catalane connaissait un semblant de normalité. Cependant les éditeurs français ne s’intéressaient absolument pas aux ouvrages écrits en catalan, ne voyant dans cette langue qu’un « patois ». Dans ces conditions il a fallu attendre 1962 pour que soit édité un premier livre traduit du catalan : Gloire incertaine, de Joan Sales (Gallimard, 1962). Il sera suivi, en 1971, de La Place du Diamant, de Mercè Rodoreda. À partir de là, les livres traduits du catalan ont été relativement nombreux. Par contre peu nombreux sont les traducteurs, il y a donc du travail pour tous. Depuis plusieurs années, je ne traduis presque plus que du catalan. J’en suis heureux parce que pour diverses raisons je suis très lié à la Catalogne. Mais c’est une autre histoire.

5- Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs avec lesquels vous travaillez ?
Généralement, mes rapports avec les éditeurs sont bons, voire excellents. Il arrive qu’ils débouchent sur une authentique amitié. Il m’est cependant arrivé d’avoir à me battre. Cela, lorsque disposant de la traduction, l’éditeur se rend compte que l’ouvrage n’est pas ce qu’il attendait et cherche noise au traducteur afin de se dispenser de le payer et justifier sa dédite.
Récemment, j’ai été dans l’obligation d’interdire que mon nom figure sur une œuvre lorsque j’ai vu qu’on avait tripatouillé ma traduction. Je n’ai pas voulu faire un procès, mais je l’aurais vraisemblablement gagné. J’ai eu gain de cause grâce à l’assistance de l’Association des Traducteurs Littéraires de France (ATLF), à laquelle tout traducteur devrait adhérer sans la moindre hésitation.

6- Quels rapports éventuels entretenez-vous avec les auteurs sur lesquels vous travaillez ?
Les auteurs morts depuis belle lurette sont toujours ceux avec lesquels on entretient les meilleures relations. Des vivants, par contre, il convient de se méfier. Au moins dans un premier temps. Et surtout de ceux qui s’imaginent posséder parfaitement le français. On les rencontrera le moins possible et, surtout, on ne leur montrera jamais le travail qu’on mène sur leur œuvre. Cela n’empêche pas de rester constamment en relation avec eux, de leur poser des questions, de leur demander des explications, parfois même de leur suggérer quelque correction. Je ne connais pas d’écrivain qui refuse d’aider son traducteur et qui même n’en soit pas honoré. De cette pratique naissent souvent de belles amitiés.

7- Quel est votre meilleur et moins bon souvenir de traducteur
Mon meilleur souvenir, le voici. Invité, en tant que traducteur, à la création de Le Récit de Colometa, adaptation pour le théâtre de La Place du Diamant, (en 1998, à la salle Gérard Philippe, à Villeurbanne), je me suis vite aperçu que c’était mon texte que disait l’actrice, Isabelle Sadoyan. À la virgule près. Il passait parfaitement la rampe. J’ai eu alors l’impression d’avoir gagné une bataille.
Le plus mauvais ? Mario Vargas Llosa, à qui j’avais eu la sottise de communiquer une bonne partie de ma traduction de La Maison verte, me la restitua avec les feuillets barrés d’un épais trait bleu. Je retapai ma traduction sans modification aucune, mais que de temps gaspillé ! Cela venait de ce qu’à la première page du roman des bonnes sœurs récitent le « je vous salue, Marie » et que, en espagnol, le texte de cette prière n’est pas tout à fait le même qu’en français.

8- Y a-t-il un texte en particulier que vous auriez aimé ou aimeriez traduire ?
Nombreux sont les livres que j’aimerais ou j’aurais aimé traduire. Pour m’en tenir au catalan, je cite Solitud, un roman de Victor Català, 1906. Un classique. Une traduction en a été faite en français à la veille de la Seconde Guerre mondiale, mais elle est si mauvaise qu’il faut absolument la refaire. Je mentionne aussi ce magnifique roman de Mercè Rodoreda qu’est Mirall trencat, 1974.

9- Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
Auteur, pourquoi pas ? De même pour passeur. Je me souviens d’une campagne menée par le Centre régional des lettres d’Aquitaine pour valoriser le travail du traducteur. Le thème en était « Traduire, c’est écrire ». On ne pense pas assez que le traducteur est un écrivain à part entière. J’aimerais que vous ouvriez Rabelais, Le Quart Livre, chapitres LV et LVI. Lisez à partir de « Compagnons, oyez vous rien ? » Une langue que nous n’entendons pas a, comme dit Pantagruel, ses mots gelés. Pour les comprendre il nous faut les dégeler. Sans l’intervention du traducteur, ils sont inaudibles, prisonniers de leur gangue de froid. Pour moi, le traducteur est un « dégeleur de mots ».

10- Traduire, a-t-il fait de vous un lecteur différent ? Le cas échéant quel lecteur ?
Non, je ne crois pas que traduire ait fait de moi un lecteur différent. Simplement, lorsque je lis une traduction, je suis attentif, malgré moi si je peux dire, à ces passages où l’on sent bien que le traducteur a souffert et où l’on aurait envie de l’aider à se tirer d’affaire.

Pour information

Je viens de publier la proposition de traduction de Brigitte de la version journalistique proposée par Marta pour le test de juin… Je ne doute pas que les candidates seront curieuses de jeter un œil. N'hésitez pas à lui poser des questions, si vous en avez. Elle se fera un plaisir de répondre, toujours très contente de trouver des interlocuteurs pour débattre des traductions…

Le quiz nathalien du dim… du lundi

Aujourd'hui, je vous demande d'écrire ces chiffres en toutes lettres (sans oublier les accents) :

16 :
22 :
74 :
105 :
11° :
57° :
92° :
365° :
XIV° :
¾ :
0,1 :

Oui, oui et oui…

À toutes celles qui se sont étonnées que le blog sommeille pendant tout ce week-end – avec, par exemple, l'absence du quiz de Nathalie –, je réponds que oui, j'étais absente… Mais enfin quoi !?! C'était moins de deux jours, et pour prendre un peu de repos, que je n'ai pas pris, évidemment. Au moins ai-je pu me changer les idées. Donc, rassurez-vous, me revoilà à la barre du navire. Et je publie tout ce que j'ai reçu pendant le week-end.

Références culturelles, 172 : El gaucho

En photo : Gaucho par qarlos_ruiz

http://es.wikipedia.org/wiki/Gaucho

dimanche 28 juin 2009

Votre thème du week-end, Giono

En photo : jean giono par tontonflingueur

Il y a environ une quarantaine d’années, je faisais une longue course à pied, sur des hauteurs absolument inconnues des touristes, dans cette très vieille région des Alpes qui
pénètre en Provence.
Cette région est délimitée au sud-est et au sud par le cours moyen de la Durance, entre Sisteron et Mirabeau ; au nord par le cours supérieur de la Drôme, depuis sa source jusqu’à Die ; à l’ouest par les plaines du Comtat Venaissin et les contreforts du mont Ventoux. Elle comprend toute la partie nord du département des Basses-Alpes, le sud de la Drôme et une petite enclave du Vaucluse.
C’étaient, au moment où j’entrepris ma longue promenade dans ces déserts, des landes nues et monotones, vers mille deux cents à mille trois cents mètres d’altitude. Il n’y poussait que des lavandes sauvages.
Je traversais ce pays dans sa plus grande largeur et, après trois jours de marche, je me trouvais dans une désolation sans exemple. Je campais à côté d’un squelette de village abandonné. Je n’avais plus d’eau depuis la veille et il me fallait en trouver. Ces maisons agglomérées, quoique en ruine, comme un vieux nid de guêpes, me firent penser qu’il avait dû y avoir là, dans le temps, une fontaine ou un puits. Il y avait bien une fontaine, mais sèche. Les cinq à six maisons, sans toiture, rongées de vent et de pluie, la petite chapelle au clocher écroulé, étaient rangées comme le sont les maisons et les chapelles dans les villages vivants, mais toute vie avait disparu.
C’était un beau jour de juin avec grand soleil, mais, sur ces terres sans abri et hautes dans le ciel, le vent soufflait avec une brutalité insupportable. Ses grondements dans les carcasses des maisons étaient ceux d’un fauve dérangé dans son repas.

Jean Giono, L'homme qui plantait des arbres, 1953.

***

Brigitte nous propose sa traduction :



THEME Jean GIONO – L’HOMME QUI PLANTAIT DES ARBRES

Hace aproximadamente unos cuarenta años, yo estaba haciendo una excursión pedestre, por unas tierras altas totalmente desconocidas de los turistas, en esta región muy antigua de los Alpes que se adentra a Provenza.
Dicha región está delimitada al sureste y al sur por el curso medio del río Durance, entre Sisteron y Mirabeau ; al norte por el curso superior del río Drôme, desde su nacimiento hasta Die ; al oeste por las llanuras del Condado de Venasque y los contrafuertes del monte/Mont Ventoux. Comprende toda la parte norte del departamento de Alpes Bajos, el sur del departamento de Drôme y un pequeño enclave de Vaucluse.
En el momento en que emprendí mi larga travesía por esos páramos, eran unas landas yermas y monótonas, entre mil doscientos y mil trescientos metros de altura. Sólo crecían allí unas espliegos agrestes/lavandas silvestres.
Atravesaba esta tierra en su anchura más amplia y al cabo de tres días de camino, me encontré en medio de una desolación sin par. Acampaba al lado del esqueleto de un pueblo abandonado. Ya no me quedaba agua desde el día anterior y necesitaba encontrarla. Estas casas amontonadas, aunque en ruinas, como un antiguo avispero, me hicieron pensar que habría habido aquí, en otros tiempos, una fuente o un pozo. Efectivamente había una fuente, pero estaba seca. Las cinco o seis casas, sin techos, roídas por el viento y la lluvia, la pequeña capilla con el campanario derrumabado, estaban dispuestas como lo suelen estar las casas y capillas en los pueblos vivos, pero de ellas había desaparecido toda vida.
Era un hermoso día soleado de junio, pero en estas tierras al descubierto y altas en el cielo, el viento soplaba con una violencia insoportable. Sus gruñidos por los armazones de las casas eran los de una fiera molestada en plena comida.

Références culturelles, 171 : El Garcibuzo


El GARCIBUZO, un drôle d’engin ?
par Brigitte

Le GARCIBUZO n’est autre que le tout premier submersible !
Cosme García Sáez, un ingénieur et inventeur originaire de Logroño (1818-1874) construisit le premier sous-marin, avant Isaac Peral, autre espagnol auquel on attribue généralement cette invention.
En réalité, dès 1859, un premier submersible baptisé el GARCIBUZO pouvant accueillir deux passagers fut construit à Barcelone et transporté à Alicante.
Expérimenté le 4 août 1860 au cours d’un premier essai concluant, l’inventeur, accompagné de son fils Enrique, effectua une plongée en immersion totale d’une durée de 45 minutes.
Fort de sa réussite, il partit présenter son invention à Isabel II qui lui refusa tout aide financière pour développer sa géniale invention.
Génie non reconnu, l’ingénieur perdit tout espoir de développer son projet en Espagne et mourut ruiné à l’âge de 55ans.
Vers 1898, au moment de la Guerre d’Indépendance, son fils Enrique fit une nouvelle tentative pour proposer à l’Etat l’invention de son père, mais sa proposition fut encore repoussée.
Le GARCIBUZO resta donc ancré dans le port d’Alicante pendant des années.
Enfin, averti par les autorités maritimes que l’engin gênait le trafic portuaire, Enrique García Sáez décida alors de couler le GARCIBUZO dans la rade du port d’Alicante où il se trouverait encore aujourd’hui !
En hommage tardif à ce génial inventeur déconsidéré et méprisé, la Marine Nationale espagnole donna son nom à l’un de ses submersibles en 1917.
Dans sa province d’origine, La Rioja, ce n’est qu’en 1993 qu’on lui rendit hommage.

samedi 27 juin 2009

Une question se pose… Je la pose

Lors de la dernière réunion d'il y a quelques jours, nous avons beaucoup parlé du passé, mais nous n'avons pas vraiment abordé la question de savoir quels étaient vos projets pour l'avenir. Bien sûr, cela dépend en partie de l'évaluation de votre traduction longue et du rapport de stage… et donc de l'obtention ou non du diplome, mais j'imagine que pas seulement. Que comptez-vous faire après ? Poursuivre dans cette voie, en essayant d'y faire votre place… ou bifurquer vers d'autres horizons, en gardant néanmoins cette belle corde à votre arc ? Je suis vraiment curieuse d'avoir des réponses à ces questions.

Références culturelles, 170 : La Puya


LA PUYA, une plante hors du commun !
par Brigitte

De son nom scientifique Puya Raimondii (du mot Mapuche Puuya) cette plante extraordinaire appelée également Titanca fut découverte vers 1830 par le scientifique français Alcide d’Orbigny (1802-1857) au cours d’un de ses voyages dans la puna.
Son nom lui vient cependant du biologiste italien Antonio Raimundi (1826-1890) qui l’étudia plus tard.
La Puya est considérée comme l’une des plantes les plus extraordinaires de la planète. C’est une véritable curiosité à elle seule et détient des records à plus d’un titre :
Espèce endémique des hauts plateaux andins on la trouve dans la puna en Bolivie, au Pérou et au Chili entre 3200 et 4800 mètres d’altitude.
À l’état végétatif, elle peut atteindre 3 à 4 mètres et jusqu’à 9 mètres de haut si l’on compte ses inflorescences.
Il lui faut plusieurs dizaines d’années avant que n’apparaissent ses fleurs.
Elle peut alors former des grappes de 6 à 8000 fleurs contenant plus de 6 millions de graines.
Mais la Puya ne fleurit qu’une seule fois dans sa vie au bout de 100 ans d’existence pour mourir après sa floraison car elle ne se reproduit pas !
Devenue très rare en Bolivie où on ne la trouve plus que dans deux régions, la PUYA est menacée de disparition et a été déclarée espèce protégée.
Un article complémentaire : « La puya se nos muere »

vendredi 26 juin 2009

Je pose quelques jalons…

Chères « anciennes »,
Afin que la disparition ne soit pas trop brutale, je vous préviens – longtemps à l'avance, vous en conviendrez –, qu'en septembre, par là, votre belle Anne Dacier (une petite pensée pour Laure L., dont c'était l'idée) disparaîtra de la colonne de droite… Eh bien oui, il faudra laisser la place à la figure tutélaire des « nouvelles ».

Histoire que…

… les apprenties de la promo 2008-2009, Anne Dacier, celles que nous appelons désormais « les anciennes » ne se sentent pas abandonnées… (je me rends bien compte que nombre de posts s'adressent désormais aux « nouvelles »), je vous rappelle ce que vous savez déjà (mais ça fait toujours du bien à entendre) : l'aventure tradabordienne continuera tant que vous voudrez qu'elle continue ; autant dire que vous conservez votre place et, évidemment, votre pleine légitimité pour écrire, traduire, jouer… commenter.
Alors pas de coup de blues, chères amies ! D'autant que la cuvée de cette année a bien besoin de vos conseils.

Entretien avec Corinne Atlan (traductrice du japonais)

http://www.japonline.com/jfra/eterv/atlan.asp

Merci à Nathalie pour le lien !

Un billet de commande, par Nathalie

En photo : Navigatrice par simplequidam

Nostalgie ? Vous avez dit nostalgie ?

Voilà, c'est fini (ou presque) : cette année de Master s'achève... La réunion-bilan de la semaine dernière a marqué le début de la fin : retour sur une traversée plus ou moins mouvementée, mais qui a su éviter les écueils, derniers conseils avant la soutenance (l'arrivée au port est toujours une opération délicate), et recrutement d'un nouvel équipage pour le prochain voyage...
Suis-je la seule à éprouver ce sentiment de tristesse et de regret ? Et pourquoi parler de nostalgie ? Je pourrais tout aussi bien me dire : « Ah, l'année se termine enfin ! Plus besoin d'être sur le pont en permanence ! Ou de suivre les instructions de notre capitaine, qui est un véritable bourreau de travail ! ». Je préviens gentiment les nouvelles recrues : ne vous attendez pas à vivre une croisière... Certes, on s'amuse, mais qu'est-ce qu'il faut trimer !
Eh bien, non, ce n'est pas ce que je me dis. Même si certains jours, je scrutais désespérément l'horizon en quête de répit, je n'ai jamais regretté d'être à bord. Parce que, à l'image de ces marins qui s'embarquaient pour l'inconnu, nous avons suivi une voie jamais explorée jusqu'alors et c'était plutôt exaltant de découvrir une formation qui prenait corps au fur et à mesure, grâce à notre présence et notre action. Nous avons donné un nom à notre promotion, nous avons animé et personnalisé le blog, nous sommes en train de monter une association... autant de points de repère pour les futures promotions.
Mais tout a une fin : pas question de rompre les amarres avec la communauté tradabordienne, même si une nouvelle relation – plus distendue – va s'instaurer. Après tout, quoi de plus normal ? Place aux jeunes !
Bon vent à la promotion X ! Et un grand merci à toutes celles et ceux qui ont agrémenté notre voyage inaugural.

Message destiné à celles qui ont fait parler la vache d'Atxaga…

En photo : vache espagnole(??) par pascalorenzon

Comme vous le verrez, Brigitte – toujours très scrupuleuse quand elle traduit… là n'est pas la moindre de ses qualités – s'interroge sur certains passages du texte d'Atxaga… Je demande donc à celles, Jacqueline et Nathalie notamment, qui ont meuglé avec cette fichue vache espagnole de lui venir en aide pour démêler ses doutes et répondre à ses questions. Merci…

Votre version de la semaine, Laforet

La madre estaba mirando hacia el patio por la ventana de la cocina, cuando Lucas llegó por detrás y la levantó en vilo. Bueno, la alzó apenas un palmo del suelo, porque aunque Lucas era grande, cuadrado y fuerte y su madre muy pequeña de estatura, la señora parecía una bolita, y pesaba lo suyo.
— Mamá.
Doña Pepita sintió una emoción muy grande en la voz del muchachote y aquella emoción se le contagió a ella de manera algo ridícula.
Afortunadamente la cocina estaba a oscuras, tibia y tranquila, sin más claridad que la poca que al atardecer dejaba colarse en un patio, donde muchas cuerdas de ropa con sábanas tendidas, hacían pensar en una exposición de fantasmas. Sobre aquellos fantasmas, muy alto, al filo de la azotea, se veía una franja de cielo donde se fundían suavísivamente rosas y azules y hasta brillaba un lucero de plata.
En la ventanilla se recortaban dos tiestos de geranios floridos, y detrás, alrededor de la madre y del hijo, suaves sombras envolvían el fogón apagado, el fregadero donde brillaban los grifos del agua como dos puntos de oro y la mesa de pino cubierta con un hule brillante, blanco y rojo.
— Hijo..., ¡qué loco eres!... ¿Cómo has venido tan pronto?... Ahora mismo pensaba encender la lumbre para empezar a preparar la cena...
Lucas no hacía caso de aquella charla. Cogió la cabeza de la mujer entre sus manos, la besó en los ojos y luego la oprimió contra sus propios hombros, en un abrazo tierno, durante unos segundos en los que la madre pudo oír latir el corazón del muchacho.
— Mamá, ¿por qué te andas preocupando de estas cosas? ¿No tienes criada?
La criada — lujo que la familia había introducido el invierno anterior— era el orgullo de la casa.
— Sí, tengo criada... pero ha salido, como todas las tardes, a verse con el novio... Buenas andarían las cosas si no me ocupara yo... Pero a ti, ¿ qué te pasa hoy ?
— ¿A mí?... Nada; no me pasa nada. Pero no me gusta que trabajes. Ya sabes que no te conviene cansarte. Hoy mismo me ha dicho el médico que te debes cuidar mucho.
— ¡Ah!...
No era más que eso. Una exclamación suave, tierna, pero doña Pepita volcó en ella muchas cosas y muchas angustias. Al principio de su enfermedad, cuando se sintió tan mal, había tenido miedo de morir pronto. Después había visto a sus hijos y a su marido tan preocupados, la habían hecho desfilar por tantos especialistas en un mes, que ya sólo tenía miedo de la angustia de ellos.
La idea de la muerte había entrado en ella, la había asimilado, la había aceptado como algo inevitable, casi hermoso, ya que la convertía en aquel centro de interés para todos aquellos hombres suyos, tan queridos. Por fin, la idea de la muerte se había borrado de su espíritu substituida por el deseo de engañar a los muchachos, al marido. Hasta se encontraba mucho mejor. Ahora le parecía una bobada haber pensado en morir. ¿Qué harían sin ella aquellos tontos?
— Hazme el favor de no hacer caso al médico. Estoy mejor. Se puede decir que estoy buena.
— Sí —dijo Lucas.
Recordaba las palabras del especialista: "Todo depende de lo que tarde en repetirle el ataque. No se confíen ustedes por verla aparentemente mejorada. No quiero ser pesimista, pero no le doy un año de vida, aunque siempre cabe pensar en un milagro...".
— Mamá.
Doña Pepita se rehízo.
— Bueno, ya está bien. "Mamá, mamá...". ¡Un hombre con novia!... Voy a encender la luz. Así... Déjame que te mire... A ti te pasa algo. ¿Has reñido con la novia?
Lucas, debajo de la luz amarillenta de la bombilla recién encendida, tenía un aspecto torpe, fatigado. Puso una cara de sorpresa un tanto estúpida.
— ¡Dios míol... ¡Si me estará esperando!... Doña Pepita alzó los brazos.
— ¿De modo que te has olvidado de ella?... ¡Vaya un enamorado! Corre a buscarla ».
Y no te asombres mucho si no te espera ya... Estas chicas de ahora no esperan ni un minuto... Y hacen bien... Yo me pasaba horas en la ventana... Es un desperdicio de tiempo... Pero, ¿qué haces que no te marchas ?

Carmen Laforet, El último verano

***

Nathalie nous propose sa traduction :

La mère était en train de regarder vers la cour intérieure, à travers la fenêtre de la cuisine, lorsque Lucas arriva par derrière et la souleva dans les airs. Bon, d'accord, il ne la décolla que de quelques centimètres du sol, car bien que Lucas fût grand, carré et fort, et sa mère de très petite taille, la dame en question ressemblait à une boule et faisait son poids.
– Maman.
Doña Pepita perçut, dans la voix de ce grand garçon, une très vive émotion, qui l'envahit à son tour, de manière quelque peu ridicule.
Heureusement, la cuisine, tiède et calme, était plongée dans l'obscurité, sans d'autre clarté que celle, bien mince, que le soir laissait passer dans la cour intérieure, où les nombreuses cordes à linge, recouvertes de draps, faisaient penser à une exposition de fantômes. Au-dessus de ces fantômes, très haut, à l'extrémité de la terrasse, on apercevait une frange de ciel où se fondaient, tout en douceur, les roses et les bleus et où brillait même un astre d'argent.
Deux pots de géraniums fleuris se découpaient sur la vitre, et derrière, autour de la mère et du fils, des ombres douces enveloppaient le fourneau éteint et l'évier où brillaient deux robinets, semblables à deux points dorés, ainsi que la table en pin recouverte d'une toile cirée brillante, rouge et blanche.
– Tu es fou, mon fils !... Comment se fait-il que tu sois là si tôt ?... Je pensais justement allumer le gaz pour commencer à préparer le dîner...
Lucas ne prêtait guère attention à ces remarques. Il saisit la tête de la femme dans ses mains, lui baisa les yeux puis la serra contre son épaule, dans une tendre accolade; et pendant quelques secondes, la mère put entendre battre le cœur du jeune homme.
– Maman, pourquoi est-ce que tu te préoccupes de ce genre de choses ? Tu n'as pas de domestique ?
La domestique – un luxe que la famille avait introduit l'hiver dernier – faisait l'orgueil de la maison.
– Oui, j'ai une domestique... mais, comme tous les soirs, elle est sortie retrouver son petit ami... Les choses ne seraient pas très reluisantes, si je ne m'en souciais pas... Mais, toi, dis-moi, qu'est-ce que tu as aujourd'hui ?
– Moi ?... Rien ; je n'ai rien. Mais je n'aime pas te voir travailler. Tu sais bien qu'il ne faut pas que tu te fatigues. Pas plus tard qu'aujourd'hui, le médecin m'a dit que tu devais prendre grand soin de toi.
– Ah !
Ce n'était rien d'autre qu'une exclamation douce, tendre, mais doña Pepita y introduisit beaucoup de choses et beaucoup d'angoisse. Au début de sa maladie, quand elle se sentait vraiment mal, elle avait eu peur de mourir prématurément. Puis, elle avait vu ses fils et son mari si inquiets, ils l'avaient montrée à tant de spécialistes en un mois, que seule leur angoisse, désormais, lui faisait peur. L'idée de la mort était entrée en elle; elle l'avait assimilée, elle l'avait acceptée comme quelque chose d'inévitable, de beau, presque, car elle était devenue « le » centre d'intérêt de tous ces hommes - eux, qu'elle chérissait tant. Finalement, l'idée de la mort avait disparu de son esprit, remplacée par le désir de tromper les garçons, le mari. Elle se sentait même beaucoup mieux. Avoir pensé à la mort lui semblait, maintenant, une absurdité.
– Fais-moi plaisir : ne t'occupe plus du médecin. Je vais mieux. On peut même dire que je vais bien.
– D'accord - répondit Lucas.
Il se rappelait les paroles du spécialiste : « Tout dépend du répit dont elle bénéficiera avant une nouvelle attaque. Ne vous fiez pas à une apparente amélioration de son état. Je ne veux pas être pessimiste, mais je ne lui donne pas un an, bien qu'il faille toujours compter sur un miracle... »
– Maman.
Doña Pepita retrouva aussitôt ses esprits.
– Bon, maintenant, ça suffit. « Maman,maman... ». Un homme qui est fiancé ! Je vais allumer la lumière. Voilà... Laisse-moi te regarder... Toi, tu as quelque chose. Tu t'es disputé avec ta fiancée ?
Lucas, sous la lumière jaunâtre de l'ampoule qui venait de s'éclairer, avait l'air bête, fatigué. Son visage marqua une surprise un peu stupide.
– Mon Dieu !… Mais, c'est qu'elle doit m'attendre !
Doña Pepita leva les bras au ciel.
– Alors, comme ça, tu l'as oubliée ? Quel amoureux tu fais ! Cours la chercher ! Et ne n'étonne pas trop si elle ne t'attend plus...Les filles d'aujourd'hui n'attendent pas plus d'une minute... Et elles ont raison... Moi, j'attendais des heures à ma fenêtre... C'est une perte de temps... Mais qu'est-ce tu fais là ? Tu n'es pas encore parti ?

***

Brigitte nous propose sa traduction :


VERSION - CARMEN LAFORET - EL ULTIMO VERANO

La mère regardait dans le patio par la fenêtre de la cuisine, lorsque Lucas arriva derrière elle et la souleva en l’air. Enfin, d’à peine quelques centimètres au-dessus du sol, car Lucas avait beau être grand, carré et fort et sa mère de petite taille, la femme avait l’air d’une petite boule et pesait son poids.
- Maman.
Doña Pepita remarqua une vive émotion dans la voix du garçon et il lui transmit cette émotion d’une manière un peu ridicule.
Heureusement, la cuisine était dans l’ombre, tiède et calme, sans autre clarté que le peu de lumière qui pouvait pénétrer dans un patio en fin d’après-midi. Là, des draps étendus sur de nombreuses cordes à linge faisaient penser à une exposition de fantômes. Au-dessus de ces fantômes, tout en haut, au ras du toit, on voyait une frange de ciel où se fondaient tout en douceur des roses et des bleus et où luisait même un éclat d’argent.
Sur la petite fenêtre, deux pots de géraniums en fleurs se profilaient et derrière, autour de la mère et du fils, de douces ombres enveloppaient le fourneau éteint, l’évier où les robinets étincelaient comme deux points d’or et la table de pin recouverte d’une toile cirée brillante, blanche et rouge.
- Mon fils… Mais tu es fou ! … Comment se fait-il que tu rentres si tôt ?...Je pensais à l’instant à allumer le feu pour commencer à préparer le dîner.
Lucas ne faisait pas attention à ce qu’elle disait. Il prit la tête de la femme entre ses mains. Il l’embrassa sur les paupières puis il la serra contre lui en l’enlassant avec tendresse, pendant quelques secondes où la mère put entendre battre le cœur du garçon.
- Maman, pourquoi est-ce que tu t’occupes de ça ? Tu n’as pas de bonne ?
La bonne – luxe que la famille avait introduit l’hiver précédent – était la fierté de la maison.
- Si, j’ai une bonne…mais elle est sortie, comme tous les soirs, pour retrouver son fiancé…Ah, ce serait du joli si je ne m’occupais pas de… Mais qu’est-ce que tu as ?
- Moi ? …Rien. Mais ça ne me plaît pas que tu travailles. Tu sais bien que tu ne dois pas te fatiguer. Aujourd’hui même, le médecin m’a dit que tu devais prendre bien soin de toi.
- Ah ! …
Rien de plus. Juste une exclamation douce, tendre, mais doña Pepita y mit beaucoup de choses et beaucoup d’angoisses. Au début de sa maladie, quand elle s’était sentie si mal, elle avait eu peur de mourir très vite. Puis elle avait trouvé ses enfants et son mari tellement soucieux, ils l’avaient emmenée voir tant de spécialistes en un mois, qu’elle n’avait plus peur que de leur propre angoisse.
L’idée de la mort était entrée en elle, elle l’avait assimilée, elle l’avait acceptée comme quelque chose d’inévitable, de presque beau, car elle devenait le centre d’intérêt aux yeux de tous ces hommes, ses hommes à elle, qu’elle chérissait tant. Enfin, l’idée de la mort s’était effacée de son esprit, remplacée par le désir de tromper ses garçons, son mari. Elle s’en sentait même beaucoup mieux. A présent, elle trouvait stupide d’avoir pensé qu’elle allait mourir. Qu’est-ce qu’ils feraient sans elle, ces bêtas ?
- Fais-moi le plaisir de ne pas faire attention au médecin. Je vais mieux. On peut dire que je suis en bonne santé.
- Oui, dit Lucas.
- Il se souvenait des paroles du médecin : « Tout dépend dans combien de temps se produira la prochaine crise. Ne vous fiez pas à son amélioration apparente. Je ne veux pas être pessimiste, je ne lui donne pas plus d’un an à vivre, mais on peut toujours espérer un miracle… »
- Maman.
Doña Pepita arrangea sa tenue.
- Bon…allez ça suffit. « Maman, Maman… ». Un homme qui a une fiancée !... Je vais allumer la lumière. Voilà…Laisse-moi te regarder…Toi, il y a quelque chose qui ne va pas. Tu t’es disputé avec ta fiancée ?
Sous la lumière jaunâtre de l’ampoule qui venait d’être allumée, Lucas avait l’air mal à l’aise, fatigué. Il fit une tête étonnée et un peu bête.
- Zut … ! Elle doit être en train de m’attendre !... Doña Pepita leva les bras au ciel.
- Ne me dis pas que tu l’as oubliée ? … Tu parles d’un amoureux ! File vite la rejoindre ! ».
- Et ne t’étonne pas trop si elle ne t’attend plus…Les filles de maintenant n’attendent pas même une minute…Et elles ont bien raison…Moi, je passais des heures devant la fenêtre… C’est une perte de temps… Mais, qu’est-ce que tu fabriques, tu n’y vas ?

***

Laëtitia nous propose sa traduction :

La mère était en train de regarder vers la cour par la fenêtre de la cuisine, quand Lucas arriva par derrière et la leva en l’air. Bon, il la souleva à peine à deux doigts du sol, parce que bien que Lucas soit grand, carré et fort et sa mère haute comme trois pommes, la dame ressemblait à une petite boule, et faisait son poids.
- Maman.
Doña Pepita sentit une émotion très vive dans la voix du jeune homme et cette émotion la contamina de manière un peu ridicule.
Heureusement, la cuisine était dans le noir, tiède et tranquille, sans plus de clarté que la rare qui le soir réussissait à s’infiltrer dans une cour, où une multitude de cordes à linge avec des draps tendus, faisait penser à une exposition de fantômes. Au-dessus de ces fantômes, très haut sur le bord de la terrasse, on voyait un bandeau de ciel où se fondaient doucement des roses et des bleus et où étincelait même une étoile. Sur la fenêtre on distinguait deux pots de géraniums fleuris, et derrière, autour de la mère et de son fils, de douces ombres entouraient le foyer éteint, l’évier dans lequel luisaient les robinets d’eau comme deux points d’or et la table en pin couverte d’une toile cirée brillante, blanche et rouge.
- Mon fils..., mais tu es fou !... Pourquoi arrives-tu si tôt ?... Je pensais allumer le feu à l’instant même pour commencer à préparer le dîner...
Lucas ne faisait pas attention à ces bavardages. Il prit la tête de la femme entre ses mains, l’embrassa sur les yeux puis la serra contre ses épaules, dans une accolade tendre, durant quelques secondes durant lesquelles la mère put entendre battre le cœur du jeune homme.
- Maman, pourquoi te préoccupes-tu de ces choses-là ? Tu n’as pas de bonne ? La bonne – luxe que la famille avait introduit l’hiver dernier – était la fierté de la maison.
- Si, j’ai une bonne... mais elle est sortie, comme tous les soirs, pour voir son fiancé... La maison tournerait bien, tiens, si je ne m’en occupais pas... Mais qu’est-ce qu’il t’arrive à toi aujourd’hui ?
- A moi ?... rien ; il ne m’arrive rien. Mais je n’aime pas que tu travailles. Tu sais que ce n’est pas bon pour toi de te fatiguer. Aujourd’hui même, le docteur m’a dit que tu dois prendre bien soin de toi.
- Ah !
Ce n’était rien que ça. Une exclamation douce, affectueuse, mais doña Pepita y introduisit beaucoup d’inquiétudes et beaucoup d’angoisses. Au début de sa maladie, quand elle s’était sentie si mal, elle avait eu peur de mourir trop vite. Ensuite, elle avait vu ses enfants et son mari très préoccupés, ils l’avaient fait défiler devant tant de spécialistes en un mois, qu’elle n’avait plus peur que de leur angoisse à eux. L’idée de la mort était entrée en elle, elle l’avait assimilée, elle l’avait acceptée comme quelque chose d’inévitable, de presque beau, car elle la transformait en ce centre d’intérêt pour tous ces hommes à elle, tant aimés. Enfin, l’idée de la mort s’était effacée de son esprit substituée par le désir de leurrer ses enfants, son mari. Elle s’en sentait même mieux. Maintenant le fait d’avoir voulu mourir lui semblait stupide. Que feraient ces imbéciles sans elle?
- Fais-moi le plaisir de ne pas prêter attention à ce que dit le médecin. Je vais mieux. On peut dire que je suis en bonne santé.
- Oui – dit Lucas.
Il se rappelait les mots du spécialiste : « Tout dépend du temps que la crise mettra à se répéter. Ne vous faites pas de faux espoirs en voyant son état s’améliorer. Je ne veux pas être pessimiste, mais je ne lui donne pas une année à vivre, bien qu’il ne faille jamais écarter la possibilité d’un miracle... ».
- Maman.
Doña Pepita se reprit.
- Bon, ça y est. “Maman, Maman...”. Un homme fiancé !... Je vais allumer la lumière. Voilà... Laisse-moi te regarder... Il t’arrive quelque chose. Tu t’es disputé avec ta fiancée ?
Lucas, sous la lumière jaunâtre de l’ampoule tout juste allumée, avait une allure maladroite, fatiguée. Il prit une mine de surprise un tantinet bêtasse.
- Mon Dieu... Si je m’y attendais !... Doña Pepita leva les bras.
- Alors comme ça tu l’as oubliée ? Tu parles d’un amoureux ! Cours la chercher. Et ne t’étonne pas trop si elle ne t’attend plus. Ces filles de maintenant n’attendent pas une seconde... Et elles font bien... Moi je passais des heures à la fenêtre... C’est une perte de temps... Mais, qu’est-ce que tu fais encore là ?

***

Jacqueline nous propose sa traduction :

Sa mère regardait en direction de la cour par la fenêtre de la cuisine quand Lucas, arrivant derrière elle, la souleva à bout de bras. Bon, disons qu’il la souleva tout juste à un pied du sol, car Lucas était certes grand, large d’épaules et robuste, et sa mère avait une très petite stature, mais cette dame était ronde comme une boule et pesait bien son poids.
- Maman.
Doña Pepita sentit une grande émotion dans la voix de son garçon, émotion qui, par contagion, se propagea en elle d’une façon un peu ridicule.
Heureusement la cuisine était dans l’obscurité, tiède et tranquille, sans autre clarté que le peu qui s’en glissait à la tombée du jour dans la cour, où plusieurs cordes à linge sur lesquelles des draps étaient tendus, faisaient penser à une exposition de fantômes. Au-dessus de ces fantômes, très haut, au ras de la terrasse, on apercevait une frange de ciel où se fondaient de doux tons pastel de roses et de bleus et où brillait même l’étoile d’argent.
Sur la petite fenêtre, se découpaient deux pots de géraniums en fleurs, et derrière la mère et son fils, des ombres adoucies enveloppaient le foyer éteint, l’évier dont les robinets brillaient tels deux points d’or et la table en pin couverte d’une toile cirée brillante, blanche et rouge.
- Mon fils… Mais tu es fou ! Pourquoi es- tu venu si tôt ? J’allais justement allumer la lumière et préparer le repas …
Lucas ne faisait pas attention à son bavardage. Il prit le visage de sa mère entre ses mains, il l’embrassa sur les yeux puis il la pressa contre ses propres épaules, dans une étreinte tendre, pendant une poignée de secondes où la mère put entendre battre le cœur de son garçon.
- Maman, pourquoi te tracasses-tu pour ces choses-là ? Tu as bien une servante ?
- La servante – luxe que la famille s’était offert l’hiver dernier – était l’orgueil de la maison.
- Bien sûr, j’ai une servante… mais elle est sortie, comme tous les soirs, pour voir son fiancé… Ah, Il faudrait voir comment ça marcherait si je ne m’en occupais pas moi-même … Mais toi, qu’est-ce qui t’arrive aujourd’hui ?
- À moi ? … Rien ; rien du tout. Mais je n’aime pas te voir travailler. Tu sais bien qu’il ne faut pas que tu te fatigues. Aujourd’hui même, le médecin m’a dit que tu devais prendre bien soin de toi.
- Ah !…
- Ce n’était rien d’autre qu’une exclamation douce, tendre, mais doña Pepita et mit beaucoup de choses et bien des angoisses. Au début de sa maladie, quand elle se sentait si mal, elle avait eu peur de mourir rapidement. Et puis, elle avait vu son mari et ses enfants si inquiets, ils l’avaient montrée à tant de spécialistes en un mois qu’elle n’avait plus que la crainte de leur propre angoisse.
- L’idée de la mort, elle l’avait intégrée, assimilée. Elle l’avait acceptée comme quelque chose d’inévitable, de presque beau, dès lors qu’elle en faisait le centre d’intérêt de tous ses hommes, qu’elle chérissait tant. A la fin, l’idée de la mort, dans un fondu enchaîné, était devenue dans son esprit celle du souci de donner le change à ses garçons, à son mari. Elle se portait même beaucoup mieux. A présent, elle trouvait stupide d’avoir pensé qu’ elle allait mourir. Que feraient-ils sans elle, ces bêta.
- Fais-moi le plaisir de ne pas faire attention à ce que dit le docteur. Je vais mieux. On peut dire que je vais bien ?
- D’accord – dit Lucas.
- Il se rappelait les paroles du spécialiste : « Tout dépend du temps que l’attaque va mettre à se reproduire. Ne vous fiez pas à ce semblant d’amélioration. Je ne veux pas être pessimiste, mais je lui donne un an à vivre, pas plus, mais on peut toujours envisager un miracle… ».
- Maman.
- Doña Pepita se ressaisit.
- Bon, nous voilà bien. « Maman, maman… ». Alors que tu as une fiancée !… Je vais allumer la lumière. Voilà… Laisse-moi te regarder… Toi, tu as quelque chose. Tu t’es disputé avec ta fiancée ?
- Lucas, sous la lumière jaunâtre de l’ampoule tout juste allumée, paraissait un peu mal à l’aise, fatigué. Il prit une expression de surprise un peu stupide.
- Mon Dieu !… Elle doit m’attendre !… Doña Pepita leva les bras.
- Alors comme ça, tu l’as oubliée ? En voilà un amoureux ! Va vite la retrouver ».
- Et que cela ne t’étonne pas trop si elle ne t’attend plus… Les filles, aujourd’hui, n’attendent même pas une minute… Et elles ont raison… Moi, je passais des heures à ma fenêtre… C’est une perte de temps… Mais, quoi, tu ne t’en vas pas ?

***

Amélie nous propose sa traduction :

La mère regardait du côté de la cour par la fenêtre de la cuisine, quand Lucas arriva par derrière et la souleva dans les airs. En fait, elle décolla à peine d’un poil, car bien que Lucas fusse grand, carré et fort, et sa mère de petite taille, celle-ci ressemblait à une petite boule et pesait son poids.
« Maman. »
Doña Pepita ressentit une vive émotion dans la voix du jeune homme et cette émotion se propagea en elle de façon assez ridicule.
Heureusement, la cuisine se trouvait dans la pénombre, fraîche et calme, sans autre clarté que le peu de lumière que le coucher du soleil laissait pénétrer dans une cour, où les draps étendus sur de nombreux fils à linge faisaient penser à une parade de fantômes. Au-dessus de ces fantômes, très haut, au niveau de l’arrête du toit, apparaissait un coin de ciel où les roses et les bleus se mélangeaient très légèrement, et où brillait même une étoile d’argent.
Deux pots de géranium en fleurs se découpaient sur la fenêtre, et derrière, autour de la mère et du fils, des ombres légères enveloppaient le fourneau éteint, l’évier où les robinets d’eau brillaient tels deux points dorés et la table en pin recouverte d’une toile cirée brillante, blanche et rouge.
« Fiston…, tu es complètement fou !…Pourquoi es-tu arrivé si tôt ?... J’étais justement en train de penser à allumer le feu pour commencer à préparer le repas… »
Lucas ne prêta pas attention à ces bavardages. Il prit la tête de la femme entre ses mains, l’embrassa sur les yeux puis la serra contre lui, tendre étreinte de quelques secondes, durant lesquelles la mère put entendre battre le cœur du jeune homme.
« Maman, pourquoi tu te préoccupes de ces choses-là ? Tu n’as pas de domestique ? »
La domestique – luxe que la famille pouvait s’offrir depuis l’hiver précédent – était la fierté de la maison.
« Si, j’ai une domestique… mais elle est partie retrouver son fiancé, comme toutes les après midi… Les choses se passeraient bien si je ne m’en occupais pas moi-même… Mais toi, qu’est-ce qu’il t’arrive aujourd’hui?
- Moi ?… Rien ; tout va bien. Mais ça ne me plaît pas que tu travailles. Tu sais bien que ça n’est pas bon pour toi de te fatiguer. Le médecin m’a dit aujourd’hui même qu’il fallait que tu fasses très attention à toi.
- Ah !… »
Rien de plus que ça. Une exclamation douce et tendre. Pourtant, cela remuait beaucoup de choses et d’angoisses chez doña Pepita. Au début de sa maladie, quand elle se sentit si mal, elle avait eu peur de mourir jeune. Puis elle avait vu ses enfants et son mari tellement inquiets, la faisant défiler devant un tel nombre de spécialistes en un mois, qu’elle n’avait plus eu peur que de leur propre angoisse.
L’idée de mourir s’était introduite en elle, elle l’avait assimilée, elle l’avait acceptée comme quelque chose d’inévitable, de presque beau, puisqu’elle en devenait le centre d’intérêt de tous les hommes de sa vie, qu’elle chérissait tant. Pour finir, l’idée de mourir s’était effacée de son esprit, remplacée par le désir de tromper les enfants, le mari. Elle s’en trouvait même bien mieux. Aujourd’hui, elle trouvait idiot d’avoir songé à la mort. Que feraient-ils sans elle, ces gros bêtas ?
« Fais-moi plaisir, ne parle pas du médecin. Je vais mieux. On peut dire que je vais bien.
- D’accord, répondit Lucas. »
Il se remémorait les termes du spécialiste : « Tout dépend du temps qui va s’écouler avant la prochaine attaque. Ne placez pas trop d’espoir dans ce rétablissement apparent. Je ne veux pas être pessimiste, mais je ne lui donne pas plus d’un an à vivre, bien qu’on puisse toujours espérer un miracle.
« Maman. »
Doña Pepita se ressaisit.
« Bon, ça va maintenant. ˝Maman, maman…˝. Un homme fiancé !... Je vais allumer la lumière. Voilà… Laisse-moi te regarder… Toi, quelque chose ne va pas. Tu t’es disputé avec ta fiancée ? »
Sous la lumière blême de l’ampoule fraîchement allumée, Lucas paraissait gauche et fatigué. Il prit un air surpris, quelque peu stupide.
« Mon Dieu ! Si je m’y attendais !... Doña Pepita leva les bras.
- Alors comme ça tu l’as oubliée?... Tu parles d’un amoureux ! Cours la chercher ! Et ne sois pas trop surpris si elle n’est pas déjà en train de t’attendre… Les filles de cette époque n’attendent pas une minute… Et elles ont bien raison… Moi j’ai passé des heures à la fenêtre… C’est une perte de temps… Mais, qu’est-ce qui t’empêche de partir ?

***

Coralie nous propose sa traduction :

La mère regardait vers la cour à travers la fenêtre de la cuisine, quand Lucas arriva derrière elle et la souleva. En réalité, il ne la leva qu’à peine du sol, car, bien que Lucas fût grand, carré et fort et sa mère de très petite taille, la dame ressemblait à une petite boule, et pesait son poids.
— Maman.
Doña Pepita sentit une très vive émotion dans la voix de son grand garçon et cette émotion s’empara d’elle d’une façon quelque peu ridicule. Heureusement la cuisine était sombre, tiède et calme, sans aucune autre clarté que celle qui se laissait glisser l’après-midi dans un patio, où des draps étendus sur de nombreuses cordes à linge faisaient penser à une exposition de fantômes. Au dessus de ces fantômes, très haut, sur le tranchant de la terrasse, on voyait une bande de ciel où se mélangeaient suavement des roses et des bleus et où brillait même une étoile d’argent. A la fenêtre, deux pots de géraniums en fleur se découpaient, et derrière, autour de la mère et de son fils, de douces ombres enveloppaient le foyer éteint, l’évier où brillaient les robinets d’eau comme deux points d’or et la table en pin couverte d’une toile cirée brillante, blanche et rouge.
— Mon fils… tu es fou ! Pourquoi es-tu venu si tôt ?… Je pensais justement à allumer le feu pour commencer à préparer le dîner… Lucas ne faisait pas cas de ce bavardage. Il prit la tête de la femme entre ses mains, l’embrassa sur les yeux et la serra contre ses propres épaules, dans une tendre étreinte, pendant quelques secondes où sa mère put entendre battre le cœur du jeune homme.
— Maman, pourquoi continues-tu à t’occuper de ces choses-là ? N’as-tu pas de domestique ?
La domestique - un luxe que la famille avait acquis l’hiver précédent – faisait l’orgueil de la maison.
— Oui, j’ai une domestique… mais elle est sortie, comme tous les après-midi, pour voir son fiancé… Tout irait bien si je ne m’en occupais pas moi même… Mais à toi, que t’arrive-t-il aujourd’hui ?
— A moi ?… Rien ; rien du tout. Mais je n’aime pas que tu travailles. Tu sais bien qu’il ne faut pas que tu te fatigues. Le médecin m’a dit aujourd’hui même que tu devais faire très attention à toi.
— Ah !…
Ce n’était rien d’autre que cela. Une exclamation douce, tendre, mais Doña Pepita remua en elle de nombreuses choses et de nombreuses angoisses. Au début de sa maladie, quand elle s’était sentie si mal, elle avait eu peur de mourir tôt. Ensuite elle avait vu ses fils et son mari si inquiets, ils l’avaient faite défiler chez tant de spécialistes en l’espace d’un mois, qu’elle n’avait désormais plus peur que de leur angoisse. L’idée de la mort était entrée en elle, elle l’avait assimilée, elle l’avait acceptée comme une chose inévitable, presque belle, puisqu’elle l’avait transformée en ce centre d’intérêt de tous ses hommes, qu’elle chérissait tant. Enfin, l’idée de la mort s’était effacée de son esprit, substituée par le désir de duper ses petits, son mari. Elle se trouvait même mieux. Maintenant, avoir pensé à mourir lui semblait être une sottise. Que feraient ces innocents-là sans elle ?
— Fais moi le plaisir de ne pas tenir compte du médecin. Je vais mieux. On peut dire que je suis en bonne santé.
— Oui – dit Lucas.
Il se souvenait des paroles du spécialiste : « Tout dépend de ce que tarde à se répéter la crise. Ne vous fiez pas à ce qu’elle paraisse mieux. Je ne veux pas être pessimiste, mais je ne lui donne pas un an, bien qu’on puisse penser à un miracle… »
— Maman.
Doña Pepita se ressaisit.
— Bon, tout va bien maintenant. « Maman, maman… ». Un homme fiancé !… Je vais allumer la lumière. Voilà… Laisse-moi te regarder…Toi, il t’arrive quelque chose. Tu t’es disputé avec ta fiancée ?
Lucas, sous la lumière jaunâtre de l’ampoule juste allumée, avait un aspect gauche, fatigué. Il eut une expression de surprise un tantinet stupide.
— Mon Dieu ! Elle doit m’attendre !…
Doña Pepita leva les bras au ciel.
— Tu ne l’as tout de même pas oublié ? En voilà un amoureux ! Cours la rejoindre ».
Et ne t’étonne pas trop si elle ne n’attend plus… Ces filles d’aujourd’hui n’attendent même plus une minute… Et elles font bien… Moi je passais des heures à la fenêtre… C’est une perte de temps… Mais que fais-tu ? Pourquoi ne pars-tu pas ?

Références culturelles, 169 : La macorina

LA MACORINA, une femme qui fait partie des "curiosités" cubaines et qui a inspiré une chanson du même titre.
Une idée de Brigitte

http://www.tvavila.icrt.cu/noticia.php?id=631&clas=Curiosidades

Le premier jour du reste de ma vie…, par Amélie

En photo : Efectos Adversos par OMNIVERSUS

Vous l’aurez sans doute compris, le titre de mon premier post (d’une longue série si j’en juge le nombre d’articles postés par les apprenties cette année) sur le blog Tradabordo m’a été soufflé par Rémi Bezançon, cinéaste français. Je dois cependant avouer que je ne sais pas très bien à quel jour attribuer cette lourde tâche : est-ce le jour où le hasard m’a portée jusqu’aux portes de l’univers tradabordien ? Ou bien ce jour où j’ai décidé de tenter ma chance en constituant un dossier de candidature ? Ou encore ce mardi 24 juin où j’ai appris mon admission au sein de cette communauté ?
Toujours est-il que j’ai vraiment le sentiment que cette journée-là, quelle qu’elle soit, m’a poussée vers un monde nouveau : nouvelle région, nouveau climat, nouvelle ville (encore un peu plus loin de mon environnement ; je devrais m’y faire pourtant mais … on ne se refait pas !) … et surtout nouvelle formation. Une formation tout à fait inédite à mes yeux, qui m’a étonnée, intéressée, passionnée au fil des jours et des visites sur le blog. Une formation qui réveille la soif d’apprendre et de progresser, le tout dans une ambiance qu’aucun étudiant « classique » (que je suis, ou puis-je dire, que j’étais ?) n’a la chance de connaître au cours de son parcours universitaire.
Malgré une impatience certaine de prendre mes marques et d’enfin connaître la fameuse H118, je dois reconnaître que l’article que Caroline a publié hier a provoqué en moi une montée d’adrénaline : « Une version, quoi, déjà ? Un texte qui décrive notre parcours … mais c’est que je n’ai jamais fait ça, moi ! ». Et là, une petite voix dans ma tête : « Bien sûr que tu ne l’as jamais fait, mais il faut une première fois à tout, c’est aussi ce qui t’a attirée là-bas, toutes ces choses nouvelles auxquelles tu allais pouvoir goûter (non, je ne parle pas des goûters apparemment coutumiers des ateliers de traduction) ». Cette petite voix ayant raison (comme souvent d’ailleurs!), j’ai réfléchi, puis j’ai tout de même décidé d’envoyer un mail à Caroline pour lui poser quelques questions, notamment sur la version du vendredi.
C’est donc sur ses conseils que je m’adresse à vous, les « anciennes » apprenties, car je me pose des questions de méthode. Quels sont les choix que vous avez faits pour travailler ces versions hebdomadaires ? Je me demande s’il est plus formateur de travailler avec ou sans dictionnaire, et, si l’usage du dictionnaire est préféré, s’il doit être bilingue ou unilingue, je me demande s’il est bon de travailler en temps limité ou s’il vaut mieux se donner tout le temps nécessaire (en prenant tout de même en compte que dès la rentrée, la version du vendredi ne sera qu’une petite part du travail à abattre). Caroline m’a dit que je devais choisir la méthode la plus formatrice à mes yeux … mais je voulais tout de même connaître votre opinion à la fin d’une année de travail, qui vous a sûrement permis d’acquérir une certaine expérience en la matière.
Et tant que j’y suis, une dernière question … il est 1h45 du matin, je suis en vacances depuis deux jours, et pourtant en train de rédiger un post pour Tradabordo, où je n’ai pas encore mis les pieds. Je crois que je suis atteinte : est-ce grave ?

jeudi 25 juin 2009

Rencontre avec Jean-Luc Furette (éditeur)

Comme nous n'avons pas pu suivre le cours sur le monde de l'édition (cf semaines de blocage à la fac), Jacqueline et moi avions demandé à Jean-Luc Furette s'il pouvait nous recevoir afin de nous parler d'un point important dans la vie d'un traducteur : le contrat avec une maison d'édition. Il a gentiment accepté et ce matin, nous nous sommes rendues dans les locaux de Lire en Poche, à Gradignan.
Nous avons eu la chance de tenir entre nos mains un contrat type – en attendant de pouvoir en signer un, dans les semaines à venir... C'est tout le mal que je souhaite à la promotion sortante ! Ce contrat type, vous pouvez le retrouver sur le site de l'Atlf à l'adresse suivante : http://www.atlf.org/Modele-de-Contrat.html; je vous recommande également la lecture du Code des usages, toujours sur le site de l'Atlf : http://www.atlf.org/Code-des-usages-pour-la-traduction.html
Au cas où vous ne le sauriez pas, nous vous annonçons que le prochain Salon du Lire en Poche (les 2, 3 et 4 octobre 2009) aura pour thème... la traduction. Alors rendez-vous cet automne pour rencontrer des auteurs, des traducteurs, le président de l'Atlf (Olivier Mannoni) qui était venu à Bordeaux 3, début avril, lors de la journée « Horizons Professionnels »... Nous aurons certainement beaucoup de questions à poser... et beaucoup de choses à apprendre au moment de nous allons nous retrouver seules, sur le marché, loin du cocon de la salle H 118 ! Sans oublier que ce sera là une belle occasion de nous retrouver entre « professionnels de la profession »...

Nathalie et Jacqueline

Résultats du sondage : « Les dictionnaires… Vous utilisez davantage les versions électroniques ou papier ? »

Sur 13 votants :

Électroniques = 5 voix (38%)
Papier = 8 voix (61%)

Pas de commentaire pour ce sondage… si ce n'est un nouveau sondage pour affiner, comme d'habitude.

Un autre point dans la liste des bagages à faire avant le départ en terres tradabordiennes…

Afin que vos mails soient « lisibles » par vos différents interlocuteurs (en particulier ceux auprès de qui vous négocierez vos stages) et diffusables sur le blog, je vous conseille de vous créer dès à présent une boite mail spéciale pour le Master. Les apprenties de cette année avait opté pour l'attelage :

nom de famille.traduction@gmail.com (ou tout autre serveur qui aurait votre préférence).

Rendez-vous pré-vacances

Chères nouvelles apprenties,
Je vous propose de nous retrouver pour une petite réunion / goûter (ah oui, il faut vous habituer à ça aussi : on mange beaucoup lors des ateliers de traduction) le 2 juillet à 15h30. Le point de ralliement sera évidemment notre salle fétiche, la H 118. Il est important que vous soyez toutes là… Comme dirait l'autre, « je compte sur vous ».
Confirmez-moi votre présence.

Références culturelles, 168 : La Pachamanca

En photo : Pachamanca par javi270270

La PACHAMANCA , « comida de dioses »
par Brigitte

La Pachamanca est un plat millénaire, originaire de l’époque Inca. Son nom vient du quechua Pacha, « tierra » et manka, « olla ».

http://es.wikipedia.org/Pachamanca

La recette :
http://saboresdelperu.com/pachamanca1.htm

L’écrivain et journaliste autodidacte liménien surnommé « El Corregidor » (1896-1948) décrit les étapes de sa préparation :
« En el centro del grupo glorioso, que ha formado un gran círculo, el « experto » trabaja.
Abrió un hoyo, primero, en la tierra mojada.
¡ Si la tierra es seca, ha de mojarse, para que la Pachamanca salga buena !
Sus ayudantes lavan piedras en el agua barrosa y cantatriz de la acequia vencida.
El sol las seca presto y el entendido las coloca lindamente en el hoyo, hasta alzar una gruta perfecta – la pilca – que enseña en el costado su boquete feliz.
Por allí mete leña y sarmientos resecos.
Luego, enciende la llama y caldea piedras.
Cuando ya están al rojo, defendidos por hojas por hojas medio secas de plátano,- muy limpias a golpe de estropajo – introduce un carnero en aderezo, o dos, o tres : según pese el concurso.Los carneros habían estado en vinagreta y untados con especias punzantes con anticipación.
Después marchan varios cabritos y lechones. Aves. Conejos. Todos muy adobados – ají, ajos, cominos y pimienta chancada – y siguen los camotes y las papas. Las habas verdes en su vaína. Tiernos choclos.Humitas …
¡ Y cien cosas !

mercredi 24 juin 2009

Bienvenue…

… à Amélie, nouvelle abonnée tradabordienne !

Un message pour les nouvelles recrues

Tout d'abord… chaleureuses félicitations du capitaine (puisque c'est ainsi que j'ai été baptisée par les troupes). Vous êtes les bienvenues à bord, pour de belles aventures, je l'espère.
Première chose : eu égard au fait que c'est bien plus pratique et beaucoup plus rapide, sachez que la presque totalité des informations relatives à la formation vous sera délivrée via le blog. Débrouillez-vous par conséquent pour le consulter régulièrement. Il faut, par exemple, que nous fixions la date de notre premier rendez-vous, qui doit impérativement avoir lieu avant les vacances… je l'ai dit. Je vous la communiquerai dans les jours qui viennent.
Deuxième chose : il faut rapidement vous familiariser avec le maniement du blog pour être opérationnelles dès les prochains travaux de traduction à faire… à savoir, eh bien, mais dès la version de vendredi prochain, dans deux jours ! Il serait bon que vous vous y frottiez. Je sais que pour une première fois, il y a de quoi inquiéter la plus courageuse, mais il faut se lancer et croyez-moi, ce n'est que le début du long processus de métamorphose qui fera de vous de vraies traductrices prêtes à l'emploi. N'est-ce pas le but ? Ce pour quoi vous vous êtes soumises à la difficile épreuve du test ? Et, pour certaines d'entre vous, la raison d'un vrai bouleversement dans vos vies. Je demande donc à chacune des nouvelles de faire et de m'envoyer par mail (lepagebx3@gmail.com) la version que je proposerai vendredi matin. Ne vous inquiétez pas ; si nous avons envie de partager avec vous nos propres traductions, nous ne sommes pas là pour vous juger.
Troisième chose : il va de soi que votre intégration dans la communauté tradabordienne ne peut être complète sans passer par l'abonnement au blog (voir colonne de droite, c'est très simple. N'hésitez pas à me contacter si vous rencontrez des difficultés).
Quatrième chose : à partir de maintenant, vous n'êtes plus des étudiantes mais des apprenties et tout le monde se dit « tu » et m'appelle Caroline. Nous sommes là pour travailler – et dur, vous vous en rendrez compte rapidement – mais aussi pour échanger et partager dans une ambiance amicale.
Cinquième chose : il faudra, d'ici peu, m'envoyer une petite présentation de votre parcours – à laquelle vous pouvez donner le ton que vous voulez ; purement administratif ou personnel, à vous de voir… Le tout accompagné d'un CV et d'une photo. Le but ? Faire connaissance (je suis certaine que les anciennes sont curieuses de savoir qui vous êtes et d'où vous venez) et, surtout, être le plus visible possible pour faciliter votre future recherche de stage et, plus encore, votre future conquête de travaux de traduction dans les maisons d'édition que vous préférez.
Un peu de pain sur la planche donc… mais c'est pour la bonne cause.

Références culturelles, 167 : Inti Raymi

En photo : Cuzco, Peru- Inti Raymi Festival par HONDAcrg

INTI RAYMI,
par Nathalie

L'Inti Raymi (littéralement, en quechua, la « Fête du Soleil » : Inti étant le soleil et Raymi, la fête) était, à l'origine, une cérémonie religieuse inca en l'honneur du Soleil, la divinité tutélaire (rappelons que l'Inca était considéré comme le Fils du Soleil, dans la cosmogonie inca). Elle avait lieu le 24 juin, au moment du solstice d'hiver, qui marque le renouveau de l'astre solaire et annonce le retour progressif de la lumière avec l'accroissement des heures diurnes.

Laissons el Inca Garcilaso de la Vega (fils d'un capitaine espagnol et d'une princesse inca, 1539-1616) nous expliquer pourquoi cette fête était si importante pour ses ancêtres :

« Entre cuatro fiestas que solemnizaban los reyes Incas en la ciudad del Cozco [Cuzco], que fue otra Roma, la solemnísima era la que hacían al sol por el mes de junio (que llamaban Intip Raimi, que quiere decir « la pascua solemne del sol ». […]
Hacían esta fiesta al sol en reconocimiento de tenerle y adorarle por sumo, solo y universal dios, que con su luz y virtud criaba y sustentaba todas las cosas de la tierre. Y en reconocimiento de que era padre natural del primer Inca Manco Cápac y de la Coya [mujer del Inca] Mama Ocllo Huaco y de todos los reyes y de sus hijos y descendientes enviados a la tierra para el beneficio universal de las gentes. [...]» (Comentarios Reales de los Incas, I, libro 6, cap. XX, Fondo de Cultura Económica, Pérou, 1991).

Notons, au passage, la volonté de Garcilaso de glorifier l'Inca, dont l'empire est comparable à celui de Rome et dont la filiation s'apparente à celle du Christ.

Voici (dans ses grandes étapes) comment se déroule la cérémonie : elle a lieu à Sacsayhuamán, forteresse située à 2 kilomètres de Cuzco, capitale de l'empire inca, dont le nom signifie, en quechua, « nombril du monde ». Des quatre coins du royaume (el Tahuantinsuyu), les invités accourent : chefs militaires, curacas [fonctionnaires, chefs de villages] parés, armés, les bras chargés d'offrandes... Les présents ont respecté un jeûne de 3 jours et se sont abstenus de tout rapport sexuel. Dans la cité, plus un seul feu ne brûle.

La veille de la cérémonie, les prêtres incas sélectionnent les lamas qui vont être sacrifiés tandis que les Vierges du Soleil [= Vestales] préparent à manger (les zancus, petits pains ronds à base de farine de maïs) et à boire (de la chicha).

Le jour de la fête, l'Inca et ses proches se rendent l'un derrière l'autre, selon son rang et son âge, sur la place centrale pour assister au lever du soleil :

« Allí esperaban a que saliese el sol y estaban todos descalzos y con gran atención mirando al oriente. Y en asomando el sol todos se ponían en cuclillas (que entre estos indios es tanto como ponerse de rodillas) para adorarle y con los brazos abiertos y las manos alzadas y puestas en derecho del rostro, dando besos al aire (que es lo mismo que en España besar su propia mano o la ropa del príncipe cuando le reverencian), le adoraban con grandísimo afecto y reconocimiento de tenerle por su dios y padre natural. » (ib, p. 371)

L'Inca s'avance avec deux vases d'or remplis de chicha : il en offre un au Soleil et boit dans l'autre, puis le passe aux membres de sa famille. Sur une autre place de la ville, les invités font de même. Puis tous se dirigent vers le Temple du Soleil (le Coricancha) mais seuls les membres de la famille royale ont le droit d'y pénétrer; une fois que les prêtres ont reçus les vases et les offrandes, ils procèdent aux sacrifices : d'abord un petit lama noir pour lire dans son cœur ou ses poumons ce que leur réserve l'avenir; puis quantité d'autres lamas, dont on récupère le cœur et le sang pour l'offrir au Soleil.

C'est au moyen d'un bracelet en or, orné d'une médaille représentant un vase, qu'est rallumé le feu dans la ville : le Grand Prêtre dirige ce bracelet en direction du soleil et réfléchit les rayons sur un peu de coton qui s'enflamme rapidement : ce feu sacré, « dado de la mano del Sol »(p. 375), va servir à brûler les animaux sacrifiés et à cuire le repas de la cérémonie; il sera ensuite veillé toute l'année dans le Temple du Soleil et dans la Maison des Vierges du Soleil, jusqu'au prochain solstice d'hiver.

Après avoir mangé la viande et les pains de maïs, les invités attendent que l'Inca commence à boire car il faut respecter un ordre précis :

« El que convidaba a beber llevaba sus dos vasos en las manos y si el convidado era de menor calidad le daba el vaso de la mano izquierda. Y si es de mayor o igual, el de la derecha, con más o menos comedimiento conforme al grado o calidad del uno y del otro. Y luego bebían ambos a la par. Y habiendo vuelto a recibir su vaso se volvía a su lugar. Y simepre en semejantes fiestas el primer convite era del mayor al menor, en señal de merced y favor que el superior hacía al inferior. De allí a poco iba el inferior a convidar al superior, en reconocimiento de su vasallaje y servidumbre. » (ib, p. 377)

Après ses libations, on chante et on danse. Les festivités durent 9 jours puis chacun rentre dans sa province après avoir ainsi rendu hommage à son dieu et à son roi. Car l'Inti Raymi n'est pas qu'une fête religieuse : c'est aussi une cérémonie éminemment politique. L'Inca, en respectant le rituel très codifié et très hiérarchisé que l'on vient de décrire, réaffirme son pouvoir – qui émane directement du Soleil – et son autorité sur ses vassaux.

L'Inti Raymi (qui avait disparu depuis 1572, date de l'interdiction espagnole) est à nouveau célébré au Pérou. C'est Humberto Vidal Unda (professeur d'université péruvien) qui a décidé en 1944 de réaliser une reconstitution historique de la cérémonie : devant l'enthousiasme suscité par cette manifestation, la fête du Soleil renaît chaque année, et pas seulement à Cuzco : on la retrouve dans d'autres pays d'Amérique Latine et même en Europe. L'Inti Raymi nouvelle version s'apparente davantage à un spectacle folklorique pour touristes qu'à une véritable cérémonie religieuse mais cette fête témoigne, malgré tout, de la survivance des rites et des croyances incas ou, plus largement de la culture amérindienne.

Si vous souhaitez assister à ce spectacle, je vous conseille d'aller sur You Tube : vous aurez l'embarras du choix ! Voici un extrait de la cérémonie « el Sol dialoga con el Inca » : http://www.youtube.com/watch?v=DddzHZQkJfw&feature=related

mardi 23 juin 2009

Entretien avec Denis Pryen (éditeur, L'Harmattan), par Jacqueline

En photo : Denis Pryen
archimag.com

Entretien avec Denis Pryen, « Manutentionnaire général1 » de l’Harmattan

Denis Pryen vous regarde droit dans les yeux, d’un regard perçant ; on sent qu’il ne s’en laisse pas compter, qu’il aime qu’on aille droit au but ; pour lui, le temps est précieux ; une anecdote pour illustrer mon propos : alors qu’un matin, j’étais en train d’envoyer un mailing comme toute stagiaire entre 9h et 10h chez l’Harmattan, le voilà qui arrive derrière moi et qui se met en devoir de me montrer comment on effectue un pré pliage des documents à envoyer, « en tenant au milieu tout en pinçant sur les côtés »- « ainsi, me dit-il tu gagnes du temps, c’est un gain facteur cinq »- et le voilà qui se met à plier allègrement, visiblement heureux de son quart d’heure formation. En l’observant, j’ai compris que c’était ainsi qu’il était parvenu au 1er rang de l’édition française en nombre de titres, en trente ans. Il a eu la gentillesse de répondre à ma curiosité et ce qui suit est à la fois le fruit de nos échanges et d’une interview qu’il a accordée en 2005 à la revue « Le Journal Littéraire », à l’occasion des 30 ans de sa maison d’édition :

Tradabordo (TR) : A l’évidence, L’Harmattan a une longue et belle histoire, racontez- nous cette histoire ?
DP : Trente cinq ans après, ce n’est plus le même Harmattan. Lorsque nous l’avons crée, nous n’étions que trois, très motivés bien sûr et désirant créer une maison d’édition basée sur des principes fondamentaux comme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les droits de l’homme et de la recherche. Dès le début, nous avons crée une petite librairie dans laquelle nous avons réalisé un fonds de livres sur l’Afrique noire et l’Asie, c’est vrai Mais nous avons démarré sans aucun moyen économique, grâce à de petits prêts d’amis et de frères. Nous voulions dès le début faire une librairie édition et fort heureusement, car la librairie (notamment grâce à la revente des livres d’occasion que nous allions chercher nous-mêmes aux puces) nous a permis d’avoir notre première petite marge. D’abord, nous ne voulions faire que 7 à 10 livres par an, mais, très vite, nous nous sommes trouvés avec 3-4 bouquins par mois. Rapidement, on nous a proposé des textes sur les sciences humaines en disant que les éditeurs n’en voulaient plus. A l’époque, c’était techniquement très difficile, parce que les imprimeurs n’acceptaient pas les tirages au-dessous de 1500-2000 exemplaires. Nous avons trouvé un système et des imprimeurs qui nous ont suivis pour sortir des titres à 500 exemplaires au maximum. Et, neuf ans après notre ouverture, nous y sommes parvenus sans chercher de subventions, mais en proposant aux imprimeurs 300 titres par an et jamais au-dessous de 8 livres à la fois dans le même format. Nous avons continué dans cette filière. C’était notre réponse à la crise d'édition.

TR : vous êtes donc devenu l’éditeur aux petits tirages ?
DP : Nous n’étions pas gênés de produire un livre sur la linguistique africaine ou sur l’économie du Kuweit en 300 exemplaires. Nous n’avions pas honte de dire que nos livres se vendaient à 200 exemplaires, car c’est un vrai mystère de l’édition française : un recueil de poésie qui se vend à 200 exemplaires, c’est une très bonne vente, mais il n’intéresse pas les journalistes. J’avais dit dans notre catalogue d’alors : « Vous trouverez chez nous tous les livres dont Pivot ne parlera jamais. »

TR : Cependant, vous avez eu des succès commerciaux.
DP : Oui, même si Pivot n’en a jamais parlé. A qui appartient le Maroc a fait 27 000 exemplaires etc.

TR : Vous êtes même devenu un grand éditeur.
DP : C’est justement aux alentours de 1984, époque où toute l’édition universitaire était en crise que nous sommes devenus au carrefour des cultures, le plus grand éditeur français en sciences humaines. Car la crise d’édition est un problème de gestion interne.

TR : L’Harmattan d’aujourd’hui, à quoi ressemble-t-il ?
DP : L’Harmattan d’aujourd’hui, c’est une centaine de salariés dans l’édition, les librairies (que j’ai toujours voulu garder, puisque nos librairies travaillent en dehors des sentiers de la rentabilisation à tout prix) et le théâtre2 ; c’est aussi 600 directeurs de collection qui ne sont pas plus naïfs que les directeurs de collection des grands groupes. Nous sortons 60 nouveautés tous les jours et nous vendons livres par an ; notre rentabilité est parmi les meilleures de la profession. Bien sûr, je raconte tout cela d’une manière un peu idyllique. En réalité, nous avons dû créer toute une nouvelle structure économique et nous n’avons commencé à être à l’aise qu’à partir de 400 titre par an.


TR : Et la publicité ?
DP : Vous savez, quand vous ouvrez les grandes revues françaises spécialisées, vous n’y voyez parler que de l’artillerie lourde des best-sellers, mais heureusement, il existe des milliers d’éditeurs petits ou moyens qui font le travail de fond ! On ne parle que des cent plus grands éditeurs et ce sont des méthodes institutionnelles typiquement françaises où, pour être bon, il faut être assimilé aux gros. Ceux qui sont dans une vraie galère, ce sont les éditeurs qui font 20 ou 30 titres par an et qui ne savent pas comment se vendre.

TR : Les problèmes de la diffusion ne vous touchent donc pas ?
DP : Nous avons, dès le début, commencé par nous diffuser nous-mêmes, en faisant le tour des librairies avec notre petit carnet à la main et en plaçant deux ou trois livres et heureusement que nous avons toujours gardé ce système, car sinon nous aurions été cassés par les grands diffuseurs qui utilisent pour cela le système des tirages forts et des retours forts.

TR : Quelle est votre relation avec les medias ?
DP : Nous sommes toujours dans la même position. Mais nous avançons et puis c’est tout.

TR : Précisément, quels sont les projets de l’Harmattan ?
DP : Nous poursuivons nos implantations à l’étranger, notamment en Afrique, et nous allons mettre en place l’Harmathèque, qui permettra aux bibliothèques de s’approvisionner en e-books, moyennant une formule d’abonnement à laquelle nous réfléchissons actuellement.

TR : Une dernière remarque : vous semblez traiter vos stagiaires à l’égal de vos salariés…
DP : (il rit) Oui, le personnel est généralement sous pression, mais il est très motivé, car on n’est pas dans les petits pois : la culture demande une motivation supplémentaire ; quant aux stagiaires, j’ai coutume de dire que lorsqu’on a été stagiaire chez l’Harmattan, on peut aller n’importe où !

Je laisse à Denis Pryen la responsabilité de ses paroles en confirmant juste que le travail dans ses équipes est rude mais motivant et je le remercie au nom de tradabordo –que je lui ai présenté- du temps qu’il nous a accordé.