samedi 11 octobre 2008

Votre thème du week-end, 3

J'imagine que la révolte doit commencer à gronder dans les rangs… eu égard à la quantité de travail que nous vous donnons tous : 15 pages d'Atxaga pour l'une, La reja, le répertoire lexical, la fiche sur la traduction longue, etc. pour l'autre, la base de données à établir à partir du corpus de 250 textes différents pour l'autre encore. Ouf ! Néanmoins, un rituel est un rituel, alors voici, donc, votre troisième thème du week-end ; un petit hommage à notre tout nouveau Prix Nobel de littérature.

« Du plus loin que je me souvienne, j'ai entendu la mer. Mêlé au vent dans les aiguilles des filaos, au vent qui ne cesse pas, même lorsqu'on s'éloigne des rivages et qu'on s'avance à travers les champs de canne, c'est ce bruit qui a bercé mon enfance. Je l'entends maintenant, au plus profond de moi, je l'emporte partout où je vais. Le bruit lent, inlassable, des vagues qui se brisent au loin sur la barrière de corail, et qui viennent mourir sur le sable de la Rivière Noire. Pas un jour sans que j'aille à la mer, pas une nuit sans que je m'éveille, le dos mouillé de sueur, assis dans mon lit de camp, écartant la moustiquaire et cherchant à percevoir la marée, inquiet, plein d'un désir que je ne comprends pas.
Je pense à elle comme à une personne humaine, et dans l'obscurité, tous mes sens sont en éveil pour mieux l'entendre arriver, pour mieux la recevoir. Les vagues géantes bondissent par-dessus les récifs, s'écroulent dans le lagon, et le bruit fait vibrer la terre et l'air comme une chaudière. Je l'entends, elle bouge, elle respire.
Quand la lune est pleine, je me glisse hors du lit sans faire de bruit, prenant garde à ne pas faire craquer le plancher vermoulu. Pourtant, je sais que Laure ne dort pas, je sais quelle a les yeux ouverts dans le noir, je sais qu'elle retient son souffle. J'escalade le rebord de la fenêtre et je pousse les volets de bois, je suis dehors, dans la nuit. La lumière blanche de la lune éclaire le jardin, je vois briller les arbres dont le faîte bruisse dans le vent, je devine les massifs sombres de rhododendrons, des hibiscus. Le cœur battant, je marche sur l'allée qui va vers les collines, là où commencent les friches… »

J.M.-G. Le Clézio, Le Chercheur d'or, 1985.


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