samedi 17 septembre 2011

Version de CAPES, 11 (à rendre pour le 16 septembre)

Llevaba varias horas con él y acababa de darme cuenta de que no sabía su nombre. Me lo había dicho, incluso se había apresurado a darme su tarjeta, antes de que nos sentáramos en los taburetes del falso bar inglés en la zona de tránsitos del aeropuerto de Pittsburgh, pero yo no presté atención, o me olvidé del nombre nada más oírlo, y ahora me encontraba en la circunstancia absurda de estar recibiendo las confesiones sentimentales o sexuales de un desconocido que me llamaba por mi first name y se comportaba como si fuéramos amigos de toda la vida. As a matter of fact, como dicen aquí, nos habíamos visto por primera vez hacia las once a.m., en un puesto de prensa, o más bien él había visto sobresalir del bolsillo de mi gabardina un ejemplar atrasado de El País Internacional, e inmediatamente se había dirigido a mí en español, con la seguridad absoluta, según dijo más tarde, de que éramos compatriotas.
-Tú haz caso de lo que me dice la experiencia, Claudio -yo no me acordaba de su nombre, pero él manejaba ya fluidamente el mío-. Un español reconoce a otro mucho antes de oírlo hablar, nada más que viéndole la pinta. Vas por Nueva York, un ejemplo, por la Quinta Avenida, a la hora de más gentío y más tráfico, ves en un semáforo a una pareja, de espaldas a ti, los dos con camisas y vaqueros, de unos treinta y tantos años, ella con un poco de culo, con zapatillas de deporte muy nuevas, con un jersey fino echado por los hombros, o atado a la
cintura, y no sé por qué pero lo sabes, lo puedes jurar: «Esos dos son españoles».
Qué le vas a hacer, tenemos esa pinta, ese look, como dicen ahora.
Me disgustó que una persona tan vulgar se concediera tales prerrogativas sobre lo que él llamaba mi pinta. Si alguien así, tan cheap, para decirlo con crudeza, me identificaba tan rápidamente como compatriota suyo, era que tal vez yo compartía, sin darme cuenta, una parte de su vulgaridad, de su ruda franqueza española. También debo añadir que con los años me he acostumbrado a lo que al principio me atosigaba tanto, a las formalidades y reservas de la etiqueta académica norteamericana, y que ya me siento incómodo, o más exactamente, embarrassed, ante cualquier despliegue excesivo de simpatía, que casi nunca llega sin su contrapartida de mala educación.
Hay otra consideración que no debo eludir: en los viajes soy del todo incapaz de relacionarme con los otros, apenas salgo de casa hacia el aeropuerto o la estación de ferrocarril, es como si me sumergiera en el agua vestido con un traje de buzo, y cualquier amenaza de conversación me incomoda. Pertenezco a lo que los sociólogos llaman aquí, con una metáfora no infortunada, el tipo cocoon. Aunque no esté en mi casa, bien calefactada y forrada de moquetas, por dondequiera que voy me envuelve mi capullo cálido de confortable privacy. Abro con avaricia cualquiera de los libros o los journals que he escogido para el viaje, o recurro, si tengo mucho trabajo, a algún paper urgente, a mi pequeño ordenador, mi imprescindible lap top, me pongo las gafas de cerca, las que llevan una oportuna cadenita para evitar su pérdida, guardo las otras en su funda y en el bolsillo interior de mi chaqueta, y por lo que a mí respecta, aunque me encuentre en un aeropuerto populoso, igualmente podía estar en mi despacho del departamento, en una de esas tardes de final de semestre en que ya apenas quedan estudiantes y reina en las aulas, en los patios alfombrados de césped y en los corredores, un silencio de verdad claustral.

Antonio Muñoz Molina, Carlota Fainberg

***

Laëitia Sw. nous propose sa traduction :

J’étais en sa compagnie depuis plusieurs heures et je venais de m’apercevoir que je ne connaissais pas son prénom. Il me l’avait pourtant dit, il s’était même hâté de me donner sa carte, avant que nous nous asseyions sur les tabourets du faux bar anglais dans la zone de transit de l’aéroport de Pittsburgh, mais je n’y prêtai pas attention, ou alors j’oubliai son prénom dès que je l’entendis, et je me trouvais maintenant dans la situation absurde de recevoir les confessions sentimentales voire sexuelles d’un inconnu qui m’appelait par mon first name et se comportait comme si nous étions des amis de toute la vie. As a matter of fact, comme on dit ici, nous nous étions vus pour la première fois vers onze heures a.m., devant un kiosque à journaux, ou plutôt c’est lui qui avait vu surgir de la poche de mon imperméable un vieil exemplaire de El País Internacional, et immédiatement il s’était adressé à moi en espagnol, avec la certitude absolue, d’après ce qu’il me raconta plus tard, que nous étions compatriotes.

– Tu ne fais pas cas de ce que l’expérience m’enseigne, Claudio – je ne me souvenais pas de son prénom, lui, en revanche, maniait déjà le mien avec fluidité. Un Espagnol en reconnaît un autre bien avant de l’entendre parler, rien qu’à son air. Tu te promènes dans New York, par exemple, sur la Cinquième Avenue, à l’heure où il y a le plus de monde et le plus de trafic, à un feu, tu vois un couple, de dos, en tee-shirt et jean, la trentaine passée, la fille, légèrement callipyge, avec des chaussures de sport ultra neuves et un pull-over fin jeté sur les épaules ou attaché autour de la taille, et je ne sais pas pourquoi mais tu le sais, tu peux le jurer : « Ces deux-là sont espagnols ».

Qu’est-ce que tu veux, on a cette allure, ce look, comme on dit aujourd’hui.

Le fait qu’une personne aussi triviale concède de telles prérogatives à mon allure supposée me déplut. Si quelqu’un de semblable, de si cheap, pour le dire brutalement, m’identifiait aussi rapidement comme l’un de ses compatriotes, c’était que je partageais peut-être, sans m’en rendre compte, une part de sa trivialité, de sa rude franchise espagnole. Je dois également ajouter qu’avec les années, je me suis habitué à ce qui, au début, m’agaçait tant, à savoir les formalités et les réserves de l’étiquette académique nord-américaine, et que, désormais, je me sens incommodé, ou plus exactement, embarrassed, devant tout déploiement excessif de sympathie, qui s’accompagne presque toujours de son corollaire de mauvaise éducation.

Il y a une autre considération que je ne dois pas éluder : lorsque je voyage, je suis dans l’incapacité totale d’entretenir la moindre relation avec les autres, c’est à peine si je sors de chez moi pour aller à l’aéroport ou à la gare, comme si je m’immergeais dans l’eau, vêtu d’une combinaison de plongée, et toute menace de conversation me gêne. J’appartiens à ce que les sociologues nomment ici, par le biais d’une métaphore assez heureuse, le type cocoon. Même quand je ne suis pas chez moi, dans mon intérieur bien chauffé et moquetté, mon cocon douillet de confortable privacy m’enveloppe, où que j’aille. J’ouvre avec avidité un des livres ou des journals que j’ai choisi pour le voyage, ou je recours, si j’ai beaucoup de travail, à quelque paper urgent, à mon petit ordinateur, mon indispensable lap top, je chausse mes lunettes pour voir de près, celles avec une chaînette pratique pour qu’on évite de les perdre, je garde les autres dans leur étui et dans la poche intérieure de ma veste, et, même si je me trouve dans un aéroport bondé, je pourrais aussi bien être, en ce qui me concerne, dans mon bureau de l’université, durant l’une de ces après-midi de fin de semestre où il ne reste plus que quelques étudiants et où règne dans les salles, sur les pelouses des cours et dans les couloirs, un silence de vérité claustrale.


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Hélène nous propose sa traduction :

J’étais avec lui depuis plusieurs heures et je venais tout juste de me rendre compte que je ne connaissais pas son nom. Il me l’avait dit, il s’était même empressé de me donner sa carte, avant que nous nous asseyions sur les tabourets du faux bar anglais dans la zone de transit de l’aéroport de Pittsburg, mais je ne prêtai guère attention, ou bien j’oubliai le nom aussitôt après l’avoir entendu, et maintenant je me retrouvais dans une situation absurde à écouter les confessions sentimentales ou sexuelles d’un inconnu que m’appelait par mon first name et se conduisait comme si nous étions des amis de toujours. As a matter of fact, comme on dit ici, nous nous étions rencontrer vers onze heures, dans un kiosque à journaux, ou plutôt il avait vu dépasser de la poche de ma gabardine un vieil exemplaire de El País Internacional et s’était aussitôt adressé à moi en espagnol, avec la certitude absolue, d’après ce qu’il dit plus tard, que nous étions compatriotes.
– Vois mon expérience, Claudio – je ne me souvenais pas de son nom, mais lui il maîtrisait déjà le mien avec fluidité –. Un Espagnol reconnaît un autre Espagnol bien avant de l’entendre parler, rien qu’en voyant son allure. Prends New York par exemple, la Cinquième Avenue, à l’heure de pointe où il y a le plus de monde, à un feu, tu vois un couple, qui te tourne le dos, tous deux vêtus d’un tee-shirt et d’un jean, âgés de trente et quelques années, elle avec une légère culotte de cheval, des chaussures de sport toutes neuves, un pull fin posé sur les épaules ou attaché à la ceinture, et j’ignore pourquoi mais tu le sais, tu peux le jurer : « ces deux là sont espagnols ». On n’y peut rien, on a cette allure, ce look comme on dit maintenant. J’étais contrarié qu’une personne aussi vulgaire obtienne de telles prérogatives sur ce qu’il appelait mon allure. Si quelqu’un comme lui, si cheap, pour le dire crûment, m’identifiait aussi rapidement comme son compatriote, c’était peut-être parce que je partageais, sans m’en rendre compte, une partie de sa vulgarité, de sa rude franchise espagnole. Je dois dire aussi qu’avec le temps je me suis habitué à ce qui me tourmentait autant au début, aux formalités et à la réserve propres à l’étiquette académique nord-américaine, et que maintenant je me sens incommodé, ou plus exactement embarrassed, face à quelque démonstration excessive de sympathie qui n’arrive jamais sans sa contrepartie de mauvaise éducation. Je ne dois pas oublier de considérer autre chose : en voyage, je suis totalement incapable d’avoir de bons rapports avec les autres, c’est à peine si je sors de la maison pour aller à l’aéroport ou à la gare, c’est comme si on me submergeait dans l’eau avec un scaphandre, et la moindre menace d’une conversation me dérange. J‘appartiens à ce que les sociologues appellent ici, avec une métaphore peu disgracieuse, le type cocoon. Même si je ne suis pas à la maison, au chaud, emmitouflé, où que j’aille, un chaleureux cocon m’enveloppe de confortable privacy. J’ouvre avec parcimonie n’importe lequel des livres ou journals que j’ai choisis pour le voyage ou j’ai recours, si j’ai beaucoup de travail, à quelque paper urgent, à mon petit ordinateur, mon indispensable lap top, j’enfonce mes lunettes sur le nez, celles qui ont une chainette pour éviter de les perdre, je range les autres dans leur housse, dans la poche intérieure de ma veste, et en ce qui me concerne même si je me trouve dans un aéroport populeux, je pourrais tout aussi bien être dans mon bureau du département, lors de l’un de ces après-midi de fin de semestre où il reste à peine quelques étudiants et où il règne dans les salles de cours, les patios tapissés de gazon et les couloirs, un silence claustral de vérité.

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Annabelle nous propose sa traduction


J'avais passé plusieurs heures avec lui et je venais de me rendre compte que je ne savais pas son nom. Il me l'avait dit, il s'était même empressé de me donner sa carte, avant que nous nous asseyions sur les tabourets du faux bar anglais dans la zone de transit de l'aéroport de Pittsburgh, mais je n'y avais pas prêté attention, ou j'avais oublié le nom en l'entendant, et je me trouvais alors dans la situation absurde d'être en train de recevoir les confessions sentimentales ou sexuelles d'un inconnu qui m'appelait par mon first name et se comportait comme si nous étions amis depuis toujours. As a matter of fact, comme on dit ici, nous nous étions vus pour la première fois vers onze heures a.m. , dans un kiosque de presse, ou plutôt, il avait vu sortir de la poche de ma gabardine un exemplaire périmé de « El País internacional », et il s'était immédiatement adressé à moi en espagnol, avec la certitude absolue, comme il me dirait plus tard, que nous étions compatriotes.

– Toi, considère ce que me dit l'expérience, Claudio – je ne me rappelais pas son nom, mais il maniait déjà le mien avec fluidité. Un espagnol en reconnaît un autre bien avant de l'entendre parler, rien qu'en voyant sa touche. Tu vas dans New-York, par exemple, sur la Cinquième Avenue, à l'heure où il y a le plus de monde et le plus de circulation, tu vois un couple à un feu, dos à toi, tous les deux en chemises et jeans, d'environ trente et quelques années, elle avec un peu de cul, avec des chaussures de sport toutes neuves, avec un petit pull jeté sur les épaules, ou attaché au tour de la taille, et je sais pas pourquoi mais tu le sais, tu peux le jurer : « Ces deux-là sont espagnols ». Qu'est-ce que tu veux faire, on a cette touche, ce look, comme on dit maintenant.

Il me déplut qu'une personne si vulgaire s'octroie de telles prérogatives sur ce qu'il appelait ma touche. Si quelqu'un comme lui, si cheap, pour parler crûment, m'identifiait si rapidement comme son compatriote, c'était peut-être que je partageais, sans m'en rendre compte, une partie de sa vulgarité, de son rude franc-parler espagnol. Je dois aussi ajouter qu'avec les années je me suis habitué à ce qui au début m'agaçait tant : aux formalités et à la réserve de l'étiquette académique nord-américaine, et qu'à présent je me sens mal à l'aise ou, plus exactement, embarrassed, devant tout déploiement excessif de sympathie, qui n'arrive presque jamais sans sa contrepartie de mauvaise éducation.

Il y a une autre considération que je ne dois pas éluder : en voyage je suis complètement incapable de me lier aux autres, à peine sorti de chez moi pour l'aéroport ou la gare de chemin de fer, c'est comme si je m'immergeais dans l'eau vêtu d'une tenue de plongeur, et toute menace de conversation m'incommode. Je fais partie de ce que les sociologues appellent ici, avec une métaphore en rien malencontreuse, le type cocoon. Bien que je ne sois pas dans ma maison, bien chauffée et recouverte de moquettes, partout où je vais mon chaud cocon de confortable privacy m'enveloppe. J'ouvre avec avarice n'importe lequel des livres ou des journals que j'ai choisis pour le voyage, ou je fais appel, si j'ai beaucoup de travail, à un paper urgent, à mon petit ordinateur, mon indispensable lap top ; je mets mes lunettes de près, celles qui ont une opportune chaînette pour éviter leur perte, je garde les autres dans leur étui, dans la poche intérieure de ma veste, et en ce qui me concerne, bien que je me trouve dans un aéroport populeux, je pourrais aussi bien être dans mon bureau du département, un de ces après-midi de fin de semestre où il ne reste presque plus d'étudiants et où règne dans les classes, dans les cours tapissées de gazon et dans les couloirs, un silence de vérité claustral.


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Amandine nous propose sa traduction :


J'étais avec lui depuis quelques heures et je venais de me rendre compte que je ne savais pas son nom. Il me l'avait dit, il s'était même dépêché à me donner sa carte, avant que l'on s'assoit sur les tabourets d' un bar à l'apparence anglaise dans la zone de passage de l'aéroport de Pttsburgh, cependant je n'y fis pas attention ou j'oubliai le nom juste après l'avoir entendu et maintenant je me trouvais dans une absurde circonstance à écouter les confessions sentimentales ou sexuelles d'un inconnu qui m'appelait par mon first name et se comportait comme si nous étions amis depuis toujours. As a matter of fact, comme ils disent ici, nous nous étions vu pour la première fois vers onze heure du matin au kiosque à journaux ou plutôt il avait vu dépasser de ma gabardine un vieil exemplaire del País Internacional, et il s'était immédiatement dirigé vers moi en espagnol, avec la sûreté absolue, selon ce qu'il dit plus tard, que nous étions compatriotes.

-Toi, fais attention à ce que l'expérience m'a appris, Claudio-moi je ne me souvenais pas de son nom, mais lui, maniait déjà facilement le mien. Un espagnol reconnaît un autre bien avant de l'entendre parler, seulement à son aspect. Vas à New York, par exemple, dans la cinquième avenue, à l'heure à laquelle il y a le plus d'affluence et de trafic, tu vois au feu un couple, de dos, les deux avec des tee-shirt et des jeans, ayant à peu près trente et quelques années, elle avec un peu de fesses, avec des chaussures de sport toutes neuves, un pull fin tiré aux épaules ou attaché et je ne sais pas pourquoi mais tu le sais, tu peux le jurer : « Ces deux là sont espagnols ».

Qu'est ce que tu veux faire, nous avons cette allure, ce look, comme ils disent aujourd'hui. Cela me déplu qu'une personne aussi vulgaire accorde de telles prérogatives sur ce qu'il appelait mon allure. Si quelqu'un comme cela, aussi cheap, pour le dire avec cruauté, m'identifiait aussi rapidement comme son compatriote, c'était que peut-être je partageais, sans m'en rendre compte, une part de sa vulgarité, de sa grossière franchise espagnole. Je dois aussi ajouter qu'avec les années je me suis habitué à ce qui au début me pressait autant, aux formalités et réserves de l'étiquette académique de l'Amérique du nord et que je me sens déjà gêné ou plus exactement, embarrassed, devant n'importe quel déploiement excessif de sympathie, qui n'arrive pratiquement jamais sans sa contrepartie de mauvaise éducation. Il y a une autre consideration que je ne dois pas éviter : pendant les voyages je sios complètement incapable d'avoir une relation avec les autres, dès que je sors de la maison jusqu'à l'aéroport ou la gare de chemins de fer, c'est comme si je plongeais dans l'eau vêtu d'une combinaison de plongeur et toute menace de conversation me dérange. J'appartiens à ce que les sociologues appelent ici, avec une métaphore non infortunée, le type cocoon. Même si je ne suis pas chez moi, bien calfeutré et emmitouflé dans une couverture, n'importe où je vais mon cocon chaud de confortable privacy m'enveloppe. J'ouvre avec avarice n'importe quels livres ou journaux que j'ai choisi pour le voyage, en cas de besoin, si j'ai beaucoup de travail, quelque paper urgent, mon petit ordinateur, mon indispensable lap top, je mets les lunettes tout près , celles qui portent un cordon oportun pour éviter leur perte, je garde les autres dans leur étui et dans la poche intérieure de ma veste et en ce qui me concerne, même si je me trouve dans un aéroport populeux, je pourrais également être dans mon bureau du département, lors d'un de ces après-midi de fin de semestre où il ne reste déjà pratiquement plus d'étudiants et où il règne dans les salles de cours, dans les cours recouvertes de pelouse et dans les couloirs, un silence vraiment égal à celui d'un cloître.


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Justine nous propose sa traduction :


Cela faisait déjà plusieurs heures que je passais avec lui, et je venais de me rendre compte que je ne connaissais pas son prénom. Il me l'avait dit, il s'était même hâté de me donner sa carte, avant que l'on ne s'assoie sur les tabourets du faux pub dans la zone de transit de l'aéroport de Pittsburgh, mais je n'y avais pas prêté attention, et j'avais oublié son nom juste après l'avoir entendu,et maintenant je me trouvais dans une situation absurde où je recueillais les confidences sentimentales ou sexuelles d'un inconnu qui m'appelait par mon first name et se comportait comme si nous étions amis depuis toujours.

As a matter of fact, comme on dit ici,nous nous étions vus pour la première fois vers onze heures du matin, dans un kiosque à journaux, ou plus exactement il avait vu dépasser de la poche de ma gabardine un vieil exemplaire de El país internacional, et immédiatement il s'était adressé à moi en espagnol, avec la certitude absolue,selon ce qu'il m'a dit par la suite, que nous étions des compatriotes.

-Fie toi à mon expérience Claudio- je ne me souvenais pas de son prénom, mais lui maniait déjà le mien avec fluidité.Un Espagnol en reconnaît un autre bien avant de l'entendre parler,rien qu'à son allure. Va à New- York par exemple, sur la cinquième avenue,à l'heure où il y a le plus de monde et où le trafic est dense.A un feu tu vois un couple qui te tourne le dos.Les deux personnes sont vêtues d'une chemise et d'un jean, elles ont une treintaine d'années,elle avec un petit cul, des chaussures de sport toutes neuves,un pull léger sur les épaules, ou noué à la taille, et tu ne sais pas pourquoi mais tu le sais, tu peux le jurer: "Ces deux-là sont Espagnols". Qu'est ce que tu veux y faire,nous avons cette allure, ce look, comme on dit maintenant. j'étais dégoûté qu'une personne aussi vulgaire s'accorde de telles prérogatives sur ce qu'il appelait mon allure. Si quelqu'un comme ça, aussi cheap, pour parler crûment, m'identifiait aussi rapidement comme un de ses compatriotes, c'était que peut-être je partageais, sans m'en rendre compte, une partie de sa vulgarité, de sa grossière franchise espagnole.Je dois aussi ajouter qu'au fil du temps je me suis habitué à ce qui au début m'obsédait tant , les formalités et les réserves de l'étiquette académique nord américaine, et que je me sens mal à l'aise, ou plus exactement embarrassed, devant un déploiement excessif de sympathie quel qu'il soit,qui n'arrive quasiment jamais sans une contrepartie de mauvaise éducation. Il y a une autre considération que je dois prendre en compte: lors d'un voyage je suis tout à fait incapable de me lier avec les autres, je sors tout juste de chez moi pour aller a l'aéroport ou à la gare, et déjà c'est comme si je plongeais dans l'eau vêtu d'une combinaison de plongée, et n'importe quelle menace de conversation me met mal à l'aise.J'appartiens à ce que les sociologues appellent ici, en utilisant une métaphore bien trouvée, le genre cocoon. Même si je ne suis pas dans ma maison, bien chauffée, avec de la moquette au sol, où que j'aille je m'enveloppe dans mon cocon chaud, confortable et privé. J'ouvre avidement n'importe quel livre ou jornals que j'ai choisi pour le voyage, ou j'ai recours si j'ai beaucoup de travail, à un quelconque paper urgent, à mon petit ordinateur , mon indispensable lap top, je mets mes lunettes pour voir de près, celles qui ont heureusement une chaînette pour m'éviter de les perdre, je garde l'autre paire dans son étui, dans la poche intérieure de ma veste, et en ce qui me concerne, même si je me trouve dans un aéroport bondé, je pourrais aussi bien être dans mon bureau du département, par un de ces après-midi de fin de semestre, où il ne reste déjà plus que quelques étudiants et qu'il règne dans les salles, dans les cours tapissées de gazon,et dans les couloir, un silence digne d'un cloître.


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Ana nous propose sa traduction :

Cela faisait déjà quelques heures que j'étais avec lui et je venais juste de me rendre compte que je ne connaissais pas son prénom. Il me l'avait dit. Il n'avait pas tardé à me donner sa carte de visite avant même de nous asseoir sur les tabourets du faux bar anglais dans la zone des transits à l'aéroport de Pittsburgh. Mais je n'ai pas fait attention, ou peut-être ai-je oublié son prénom juste après de l'avoir entendu. C'était à ce moment que je me trouvais dans l'absurde situation de recevoir les confessions sentimentales ou sexuelles d'un quelconque qui m'appelais par mon first name et se comportait comme si nous étions amis depuis toujours. As a matter of fact, comme on dit ici, nous nous étions rencontré par la première fois vers once a.m. dans un poste de vente de presse. À mieux dire, c'était lui qui avait vu un exemplaire de El País Internacional dépasser la poche de ma gabardine, et dans l'immédiat s'était adressé à moi en espagnol, avec la certitude absolue, (selon il a dit plus tard) que nous étions compatriotes.

- Fait moi confiance, Claudio, j'ai de l'experience- Moi, je ne me souvenais pas de son prénom, mais lui, il maniais couramment le mien-. Un espagnol reconnais un autre bien avant de l'écouter parler, qu'en regardant son allure. Par exemple, disons qu'on est à New York, et on marche dans la Cinquième Avenue à l'heure où il y a plus de foule et de trafique et on voit au feu un couple de dos, tous les deux portant des chemises et des jeans, d'environs trente ans. Elle, avec un fesse un peu rond, des baskets très neufs, un pull fin aux épaules ou attaché à la ceinture, et là, je ne sais pas pourquoi, mais on le sais, tu peux le jurer: « ces deux là, ce sont des espagnols » . C'est comme ça, nous avons cet allure, ce look, comme on dit aujourd'hui.

Le faite qu'une personne si vulgaire se permettait telles prérogatives sur ce qu'il appelais « mon allure », me dégouta. Si quelqu'un comme lui, si cheap, pour parler rudement, m'identifiais si rapidement comme son compatriote, c'était parce que, peut-etre , je partageais, sans me rendre compte, une partie de sa vulgarité, de sa rude franchise espagnole. En plus, je dois ajouter qu'au cours des années je me suis habitué à ce qu'au début me harcelais autant: les formalités et réserves d'une étiquette académique nord-américaine. Maintenant, je me sens gêné, ou plus exactement, embarrased, devant n'importe quel déploiement excessif de sympathie, qui n'arrive, presque jamais, sans sa contrepartie de mauvaise éducation.

Il y a une autre considération à ne pas éviter: quand je voyage, je suis totalement incapable de me mettre en rapport avec les autres, je ne sors à peine de la maison que pour aller vers l'aéroport ou la gare, c'est comme si je me plongeais dans l'eau portant une tenue de plongeur et n'importe quelle menace dans la conversation me dérange. J'appartiens à ce que les psychologues appellent ici, avec une métaphore pas infortunée, au type cocoon. Bien que je ne sois pas dans ma maison bien chauffée et couverte de moquettes, n'importe où je vais, mon cocon chaud de confortable privacy m'entoure. J'ouvre avec avarice n'importe quel livre ou journal que j'ai choisi pour le voyage, ou bien, si j'ai beaucoup de travaille, je fais appel à un paper urgent quelconque, à mon petit ordinateur, mon indispensable lap top, je met mes lunettes de près, celles qui ont une opportune petite chaine pour éviter sa perte, je range les autres dans sa pochette puis dans la poche intérieur de ma veste et, quant à moi, bien que je sois dans un aéroport populeux, je pourrais être également dans mon bureau du département, dans une des ces après-midis à la fin du semestre où il ne restent à peines d'étudiants et règne dans les salles, dans les cours tapissés de pelouse et dans le couloir, un silence de vérité claustral.


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Jean-Nicolas nous propose sa traduction :


Je passais des heures avec lui et finissais par me rendre compte que je ne savais pas son prénom. Il me l’avait dit, il s’était même empressé de me donner sa carte avant que nous nous asseyions sur les tabourets du pseudo bar anglais situé dans la zone de transit de l’aéroport de Pittsburg mais ; je n y ai même pas prêté attention ou j’ai oublié son prénom aussitôt après l’avoir entendu et maintenant, je me trouvais dans une situation absurde : recevant les confessions sentimentales ou sexuelles d’un étranger qui m’appelait par mon premier prénom et se comportait comme si nous étions amis depuis toujours. As a matter of fact, comme on dit ici, nous nous étions vus pour la première fois vers onze heures du matin à un kiosque de journaux ou, plutôt, lui avait vu dépasser de la poche de mon pardessus un vieil exemplaire du País Internacional et il s’était immédiatement adressé à moi en espagnol avec l’intime conviction, à ce qu’il dit plus tard, que nous étions compatriotes. Crois-en mon expérience, Claudio-je ne me souvenais plus de son prénom mais lui maniait déjà le mien aisément. Un espagnol reconnaît son semblable longtemps avant lui avoir parlé, rien qu’à son allure. Un exemple : Rends-toi à New York sur la Cinquième Avenue à l’heure où la foule et la circulation abondent ; tu vois à un feu un couple, dos à toi, tous les deux vêtus de chemises et de jeans, âgés d’une trentaine d’années, avec un peu de cul, des chaussures de sport toutes neuves ainsi qu’un pull fin mis sur les épaules ou attaché à la taille et j’ignore pourquoi mais tu le sais, tu peux en être sur : « Ces deux sont des espagnols ».

Que veux tu y faire, nous avons cette allure, ce qu’on appelle aujourd’hui look.

Le fait qu’une personne aussi vulgaire concède de tels avantages à ce qu’il appelait mon allure me déplut. Si quelqu’un comme tel, d’autant insignifiant pour le dire crûment, m’identifiait comme étant un de ses compatriotes, c’était sans doute que je partageais, à mon insu, une part de sa vulgarité, de sa franchise espagnole grossière. Je dois aussi ajouter, qu’avec les années, je me suis habitué aux formalités et réserves de l’étiquette académique nord américaine qui m’étouffaient au départ et que je me sens bien mal à l’aise pour ne pas dire embarassé devant n’importe quelle marque excessive de sympathie qui n’arrive presque jamais sans sa contrepartie de mauvaise éducation.

Il y a un autre point que je ne dois pas passer sous silence : au cours des voyages, je suis complètement incapable de me mêler aux autres, à peine sors-je de chez moi en direction de l’aéroport ou de la gare de chemin de fer que c’est comme si je plongeais dans l’eau vêtu d’un habit de plongeur et passons toute menace de conversation qui m’incommode. J’appartiens à ce que les sociologues appellent, avec une métaphore bienvenue, le type cocoon. Quand bien même je ne me trouve pas dans ma maison, bien chauffée et aux sols moquettés, mon nid douillet assurant mon propre confort me suit où que j’aille. J’ouvre avec une certaine avidité les livres ou les journaux et j’ai recours, si j’ai un peu de travail, à quelque papier urgent, à mon petit ordinateur (mon indispensable lap top) ; je chausse mes lunettes de près, celles portant une chaînette bien pratique pour ne pas les perdre, je garde les autres dans leur étui et dans la petite poche intérieure de ma veste et, pour mon compte, ce serait la même chose de me trouver dans un aéroport réputé que d’être à mon bureau du département lors d’un de ces soirs de fin de semestre où il ne reste à peine que quelques étudiants et règne, dans les salles, dans les cours recouvertes de gazon et dans les couloirs, un silence de vérité claustral.


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Elena nous propose sa traduction :


J’y étais avec lui depuis plusieurs heures et je venais de me rendre compte que je ne savais pas son prénom. Il me l’avait dit, voire même s’était empressé de me donner sa carte de visite, avant que nous nous asseyions sur les tabourets du faux bar anglais dans la zone de transit de l’aéroport de Pittsburg, sauf que moi, je n’y prêtai pas attention, ou j’oubliai son prénom à peine l’avoir entendu, et à présent, je me retrouvais dans l’absurde situation d’être en train de recevoir les confessions sentimentales ou sexuelles d’un inconnu qui m’appelait par mon « first name » et qui se comportait comme si nous étions amis de toute la vie. « As a matter of fact », comme on dit ici, nous nous étions vus pour la première fois vers onze heures a. m., dans un kiosque de presse, ou plutôt il avait vu dépasser de la poche de ma gabardine un vieil exemplaire de El País Internacional, et immédiatement, il s’était adressé à moi en espagnol, avec l’entière certitude, selon me dit-il plus tard, que nous étions compatriotes.

― Toi, écoute bien ce que me dit mon expérience, Claudio ― je ne me rappelais plus son prénom, mais lui, il maniait déjà avec fluidité le mien. ― Un espagnol reconnaît un autre bien avant de l’entendre parler, rien qu’à voir son allure. Si tu te balades à New York, par exemple, sur la Cinquième Avenue, à l’heure de grande affluence et de grande circulation, tu vois un couple à un feu, de dos, tous les deux en chemise et en jeans, d’une trentaine d’années, elle avec un assez gros cul, des chaussures de sport toutes neuves, un pull léger sur les épaules, ou attaché à sa ceinture, et je ne sais pas pourquoi, mais tu le sais, tu peux le jurer : « Ces deux-là sont espagnols ». On n’y peut rien, nous avons cette allure, ce « look », comme on dit maintenant. Cela me contraria qu’une personne tellement vulgaire se permît de telles prérogatives sur ce qu’il appelait mon allure. Si quelqu’un comme lui, si « cheap », pour le dire avec rudesse, m’identifiait aussi rapidement comme son compatriote, c’était peut-être que je partageais, sans m’en rendre compte, une partie de sa vulgarité, de sa rude franchise espagnole. Je me dois aussi d’ajouter qu’avec les années, je m’étais habitué à ce qui au début me contrariait autant : aux formalités et aux retenues de l’étiquette académique nord-américaine, et que désormais, je me sens gêné, ou plus exactement « embarrassed », devant n’importe quel déploiement excessif de sympathie, qui ne vient presque jamais sans sa contrepartie de mauvaise éducation. Il y a une autre considération que je ne dois pas éluder : pendant mes voyages, je suis totalement incapable d’établir un rapport aux autres, à peine sorti de chez-moi vers l’aéroport ou la gare, c’est comme si je me submergeais dans l’eau habillé d’une combinaison de plongée, et n’importe quelle menace de conversation m’agace. J’appartiens à ce que les sociologues appellent ici, par une métaphore pas trop malavisée, le type cocoon. Même si je ne suis pas dans ma maison, bien chauffée et recouverte de moquettes, où que j’aille, mon cocon chaud de confortable « privacy » m’enveloppe. J’ouvre avec avarice n’importe lequel des livres ou des journaux que je choisis pour le voyage, ou je recours, si j’ai beaucoup de travail, à un « paper » urgent quelconque, à mon petit ordinateur, mon indispensable « lap top », je mets mes lunettes loupe, celles qui ont la chaînette adéquate pour éviter de les perdre, je range les autres dans leur étui et dans la poche intérieure de ma veste, et en ce qui me concerne, bien que je sois dans un aéroport bondé, je pourrais tout aussi bien être dans le bureau de mon appartement, l’un de ces après-midi de fin de semestre où il reste à peine quelques étudiants et où il règne dans les salles de cours, dans les cours tapissées de gazon et dans les couloirs, un silence de vérité claustrale.

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