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jeudi 19 mai 2011

Parce que la tradition est la tradition

Quand nous sommes arrivés au 1001e post, j'ai pensé que Jacqueline (promo Anne Dacier) était la personne idéale pour nous faire franchir fièrement cette symbolique étape… Je ne m'étais pas trompée. Beau résultat ! Dans ces conditions, comment aurait-il pu en être autrement pour le 2000e ? Et donc, la plume élégante et imaginative de notre apprentie traductrice a de nouveau été sollicitée pour le 3000e… et à présent pour le 4000e, ô combien important alors que les éléments se déchaînent autour de l'embarcation tradabordienne.
Merci à elle !
Avec l'amitié du capitaine.

***

La chanson du mal-aimé
par Jacqueline Daubriac


Tradabord’oh !
L’empereur des post a le blues, le bourdon, le spleen, le cafard, du vague à l’âme et de la nostalgie plein les doigts. Ciel, c’est donc si grave ? Dites-moi tout, mon doux ami. Entre deux soupirs, il évoque une cure de sommeil … forcé, chuchote qu’en son absence la chanson sera reine, en France, on le sait bien, tout finit par des chansons et que sont les traducteurs sinon des rimailleurs à leur heure, des pinailleurs à toute heure, les temps sont durs, l’empereur solitaire à sa table, suant, décortiquant le mot, traquant le sens, n’est plus dans le ton : « C’est si doux » rime aujourd’hui comme hier avec « bras dessus, bras dessous » et ça va comme ça ou ça ira, ça ira et vlan le coup-heu-rets tombe. Timidement, j’ose le retour de l’île d’Elbe, il me répond Sainte-Hélène et l’exil.
J’ai pris alors ma harpe et convoqué Apollinaire.

Mon beau navire ô ma mémoire
Avons-nous assez navigué
Dans une onde mauvaise à boire
Avons-nous assez divagué
De la belle aube au triste soir

Oui, elle fut belle l’aube et joyeux les moussaillons, mille post partirent se bousculant, creusant, fouillant, bâtissant en tous sens mais le but était un, le navire neuf et fier et le post roi, en ce temps-là, et puis vint la moisson, mille post encore, le 2001ème toutefois, prémonition ? pointait déjà son nez « se léchant les babines et découvrant ses crocs »… d’autres semailles et d’autres moissons suivirent, une armée de mille autres recrues monta la garde autour de notre empereur, hélas le sort en fut jeté et le 3000ème post le laissa, crime de lèse-majesté, post-it enchanté au sein de sa muraille… Mais ô surprise, tout n’était pas joué, on le croyait flapi, que nenni, une autre vague monta à l’assaut, flamboyante à sa manière, et mille post en jaillirent, les coffres en étaient pleins, la route toute tracée,
______________________________________________ / ARRÊTEZ !

Mon beau navire, ô ma mémoire, sommes-nous déjà au triste soir ?
Mais s’il nous reste cette mémoire, les mots continueront de voyager à travers le temps et à travers l’espace, alors nous aurons l’imaginaire et l’espérance, ai-je chanté sur ma harpe au roi si tourmenté. Je ne sais s’il en fut apaisé mais le fait est qu’il s’endormit … au moins pour un an, m’a–t-on dit. Chut ! laissons-le rêver…
Et nous, chantons gaiement, la barcarolle ou la carmagnole, c’est tout un. Et si nous traduisions leurs chansons ?
Jacqueline

NDLR :
Ce texte étant codé, je recommande à tout lecteur éventuel de se reporter aux éditions précédentes pour l’apprécier tout aussi éventuellement.
Au-delà de la fable, et en clair, j’encourage ce même lecteur à méditer cette phrase de Charles Péguy (Clio) :

« Qu’une même souche donne toutes les promesses du printemps et ensuite tous les regrets et tous les blanchiments de l’hiver, qu’elle donne toutes ces vertes promesses et qu’ensuite et qu’aussi elle donne cette vieille souche fendue et blanche, non seulement il n’y a là aucune contrariété naturelle, mais cela est de l’ordre même de la nature. »
Alors…

lundi 29 novembre 2010

Entretien avec Jacqueline Daubriac (promo Anne Dacier), réalisé par Vanessa Canavesi

J'ai rencontré Jacqueline, ancienne apprentie de la promo Anne Dacier, pour discuter avec elle autour du thème de la traduction longue et du stage. Elle a gentiment proposé de répondre à mes nombreuses questions par écrit. Voici donc son texte, publié comme une lettre ouverte, récit de son expérience enrichissante. Je la remercie encore vivement.

« […] L’échange amical que nous avons eu il y a quelques heures m’a beaucoup intéressée, car si je doute que le récit de mon expérience puisse t’être d’un quelconque secours – cela peut s’écouter comme une histoire plus ou moins enjolivée d’ailleurs, comme toute histoire, mais de mon point de vue cela ne peut s’entendre comme un modèle à suivre ou à ne pas suivre –, en revanche, je réalise la chance que grâce à toi j’ai de refaire un bout de chemin en arrière : ma philosophie et le temps qui me presse ne me conduisent pas volontiers à retourner sur mes pas et c’est une question intéressante, en tout cas qui m’intéresse, de voir si mon regard a changé sur ce temps de vie que j’ai consacré à Tradabordo, pour le dire ainsi.
Tu me poses deux séries de questions, sur mon stage d’une part, et sur la traduction longue d’autre part, qui sont évidemment les deux pierres d’achoppement de tout apprenti traducteur.
Le stage, donc. Je l’ai terminé en juin 2009, j’ai à présent assez de recul pour avoir un regard dénué de passion et ce que je peux dire de plus vrai aujourd’hui, est que si c’était à refaire, je le referais. Je crois en effet que ce n’était pas un mauvais choix ; pour répondre à ta question, il me semble qu’il vaut mieux, quand cela est réalisable, faire son stage dans une maison d’édition qui bouge, où des choses se passent, et de ce point de vue-là, j’ai été comblée ! Cette expérience m’a appris qu’un travail dans le privé, à ce niveau, dans ce secteur, n’ouvre pas droit à l’erreur mais que si on accepte de l’aborder en se disant qu’on ne sait rien et qu’on a tout à apprendre, si on retrousse ses manches et qu’on laisse de côté toute susceptibilité, alors oui, on peut faire de belles rencontres et se tailler une toute petite place au soleil, même à Paris ! J’ai gardé pour ma part en mémoire quelques-unes d’entre elles, avec deux auteurs dont un directeur de collection dont j’avais relu les tapuscrits, avec rédaction d’une note de lecture à la clé, avec un autre auteur dont j’avais corrigé le manuscrit, avec mes responsables directs que j’ai sollicités sans arrêt pour glaner le plus d’informations possible, avec des collègues que j’ai revus déjà plusieurs fois depuis la fin de mon stage : c’est un moment de ma vie que j’ai plaisir à me rappeler. Bien sûr rédige ton rapport de stage le plus tôt possible quand tout est frais à ta mémoire – tape Jacqueline dans Tradabordo et tu auras la réponse à ta question pour les problèmes techniques – et cultive des relations, c’est essentiel dans ce milieu.
Pour ce qui est de la traduction, je ne saurais te conseiller assez de t’y mettre dès maintenant, c’est beaucoup plus long qu’on ne pense, et c’est très frustrant au bout du compte de s’apercevoir qu’on aurait pu faire mieux avec un peu plus de temps. La gestion du temps a donc été une de mes difficultés. Ce que j’en ai retiré ? L’exigence, celle d’un travail soigné et sans cesse questionné.
Depuis, qu’ai-je fait ? Une première année de licence de portugais, qui m’a beaucoup intéressée ; cette année, je suis en deuxième année, consacrée au brésilien, encore une découverte, et puis nous allons aborder l’Afrique lusophone et j’attends ces cours avec gourmandise. J’ai fait aussi beaucoup de corrections de manuscrits et la traduction d’un mémoire de recherches. Bien sûr ce sont des tâches « alimentaires » mais pas seulement, rien n’est inutile, on apprend toujours. Impossible pour l’instant d’envisager une traduction longue à éditer ; même si j’ai en projet celle d’un ouvrage portugais, en collaboration avec une de mes enseignantes, je ne maîtrise pas assez mon emploi du temps pour m’engager plus avant. Mais dans le secret de mon cabinet, je traduis – de l’espagnol – chaque fois que je peux grappiller un peu de temps. C’est mon jardin secret et je le cultive avec bonheur.
Tu me demandes si cela a été plus ou moins difficile par rapport à ce que j’avais imaginé ? D’abord, j’aime la difficulté, elle me stimule et, non bien sûr, l’année de master n’a pas été un long fleuve tranquille ; mais au bout du compte elle a changé mon regard qui n’était pourtant pas celui d’une jouvencelle. J’ai gardé le réflexe post, un traducteur, une traductrice est pour moi avant tout quelqu’un de curieux et qui fait son miel de tout. Eh bien je ne jette rien, je fais mon miel de tout. Tu veux un exemple ? J’ai participé il y a quelques jours à un colloque intitulé La signature, organisé par mon directeur de recherches de master recherche ; a priori, rien à voir avec la traduction, sauf qu’un des intervenants qui, soit dit en passant, a monté une maison d’éditions spécialisée en province, a fait une communication fort intéressante sur « La marque, une signature typographique », mais je l’ignorais avant de venir ; eh bien, j’ai appris plein de choses sur la typographie et je me suis surprise à penser à Tradabordo et à me dire que cela aurait pu faire un post intéressant ; puis à la pause-café, je me suis présentée à cet enseignant, nous avons parlé de sa maison d’éditions, de ses difficultés, voilà, tu vois, ces réactions sont typiquement des réactions Tradabordo.
Tu auras donc compris, chère Vanessa, que l’année Tradabordo, débarrassée des scories inhérentes à tous les contacts humains, a été pour moi une année positive. Je te souhaite la même chance. Enfin, me demandes-tu : « question subsidiaire : deux ans après, continues-tu à visiter Tradabordo ? » Très peu en vérité. Ce n’est pas une forme de désintérêt, c’est de la sagesse, une page s’est tournée, place aux autres, mais tu le vois, je n’hésite pas à répondre présente quand c’est possible. [...]
Amicalement,
Jacqueline »

samedi 9 octobre 2010

Le 3000e

Dans quelques jours, nous allons fièrement franchir la barre du 3000e post sur notre blog. Pour fêter cela, j'ai fait appel (comme pour le 1000e et le 2000e… car une tradition est une tradition) à Jacqueline, de la promo Anne Dacier.

Voici son texte :


Le IT POST

En ce temps-là, l’empereur des posts1 s’ennuyait fort. De rayonnage en rayonnage, il avait tout lu, tout vu, tout entendu. De voyage en voyage, il avait fait trois fois le tour de la terre, de sa bibliothèque veux-je dire, évidemment. Les ans lui pesaient. Tenez, il avait froid aux pieds et Jeanne au bûcher qui les enveloppait ne parvenait pas à les réchauffer. Il se traînait à la fenêtre et priait : « Anne, ma sœur Anne »…mais la pauvrette ne voyait rien venir que l’herbe qui mouroie et le ciel qui flamboie. Alors elle sonna la charge et tous à la rescousse les livres bien-aimés, se prêtèrent à son jeu et l’allèrent consoler.
L’empereur des posts fut très entouré, les trois mousquetaires lui firent une haie d’honneur et un rempart de leurs épées, l’Ecclésiaste en sa main droite alla se loger, les uns bravache et l’autre résigné avaient comme un air de famille. Alors tous s’animent et dans une sarabande folle, trois mille post en délire tourbillonnent deux années en arrière ; les livres l’un après l’autre sautent des étagères et se mettent à construire patiemment leur muraille… Au loin Sancho pressa sa mule, son maître avait vu juste, la fête était bien là et qu’importe après tout si les ailes du moulin n’étaient que de papier, l’important, c’est d’y croire
Cependant, la muraille montait, elle était si haute à présent qu’une douce chaleur se répandait dans son sein apaisé, les post enguirlandés dansaient autour de lui. « Dame, se dit sa majesté ragaillardie, mon corps est lourd et las mais du moins je peux le penser et le dire et même le traduire », car tout est question d’interprétation, n’est-ce pas, de je et de jeux dans ce grand théâtre du monde. A cette pensée notre ami fut tout retourné.
Que croyez-vous qu’il arriva ?
Il s’assoupit, bercé et quand il se réveilla, simple post-it était devenu. Personne ne le crut. Le siècle a ses légendes et la mer au plus près permet d’appareiller à toute heure pour une autre aventure, une autre lecture du temps, une traduction longue, si longue… Tant il est vrai qu’il n’est de pur bonheur et de sage raison qu’en folies littéraires.
« Caramba ! » dit le maure et mon père : «cette leçon vaut bien…un it post sans doute », et le chapeau tomba et le post s’envola… au bout de trois, un, deux, trois : croisez les bras !

À tous mes collègues bâtisseurs de la 3ème génération, avec mes vœux sincères pour cette rude et passionnante histoire : celle qu’ils vont écrire à leur tour au long de cette année. Jacqueline

1- voir éditions des 18 juin 2009 et 16 janvier 2010.

dimanche 16 mai 2010

« Deuxième semaine de stage », par Laëtitia Sobenes

Le stage se poursuit et déjà les journées s’accélèrent, nous sommes dans le bain. Cette semaine, nous avons eu à lire trois manuscrits à la vitesse grand V pour donner notre avis de stagiaire. Laura lit plus vite que son ombre, il a fallu mettre le turbo. Les manuscrits n’étaient pas mauvais, mais ils ne correspondaient pas à la ligne éditoriale du Bord de l’eau. Il semblerait que les auteurs ne prennent pas la peine de se renseigner sur les maisons d’éditions auxquelles ils envoient leur manuscrit. Cela agace évidemment l’éditeur, car il perd du temps mais aussi parce qu’il ne se sent pas pris en considération. L’édition est un métier de goût et de convictions où la personnalité est donc mise en avant. L’éditeur, Jean-Luc Veyssy n’a d’ailleurs pas manqué de faire le parallèle avec la candidature pour un stage. Selon lui, il est triste de constater que, comme la plupart des auteurs, les étudiants envoient des lettres types à toutes les maisons d’éditions sans prendre la peine de s’intéresser à ce qu’elles font. Je me suis alors dit que j’avais déjà entendu ça quelque part et qu’heureusement, j’avais bien suivi ce conseil. Á l’heure de recruter des stagiaires, Jean-Luc Veyssy dit se concentrer sur la lettre de motivation et ne parcourir qu’à peine le CV. Une fois le choix fait, l’entretien est primordial. C’est le moment où il faut montrer qu’effectivement on a au moins jeté un œil dans le catalogue des publications, que le travail de la maison d’éditions nous importe et que l’on ne considère pas le stage comme une simple formalité sous les traits d’une signature de convention. Petits conseils d’un éditeur qui devraient être mis à profit par les prochains apprentis...
Nous avons également eu à corriger : Dans les griffes de la Hammer de Nicolas Stanzick – un ouvrage sur la société de production de films fantastiques et d’horreur britannique fondée en 1934 qui a notamment produit les Draculas et Frankenstein. Le livre avait été publié chez un autre éditeur en 2008, mais, à l’époque, il avait subi de nombreuses critiques non sur le fond mais sur la forme. En effet, la correction du manuscrit avait été négligée et il restait beaucoup trop de fautes ce qui desservait le contenu du livre, selon les commentaires laissés par les acheteurs du site Amazon. Le manuscrit a donc été récupéré par Le Bord de l’Eau qui a mis un point d’honneur à traquer la moindre erreur qu’elle soit typographique ou orthographique. Lorsque nous avons eu l’épreuve entre les mains, elle en était déjà à sa troisième correction, et nous avons malgré tout trouvé des fautes. Comme quoi, s’il est plus facile de voir les fautes des autres, on n’est pas à l’abri d’en laisser passer. Le responsable PAO a rentré lui-même les corrections et a relu une dernière fois, puis a retouché la mise en page et a envoyé le fichier à l’auteur qui n’en finissait plus de vouloir recorriger des corrections. Il s’est ensuite occupé de la couverture, de choisir le type de papier et de faire la mise en page des nombreuses photos du livre pour finalement l’envoyer à l’impression. Un travail de longue haleine ; le résultat final sera expédié d’ici quelques semaines.

samedi 16 janvier 2010

Le 2000e post tradabordien

En photo : Vive le roi graffiti, par His and Hers Parigi

Eh bien oui, d'ici quelques jours, nous en serons au 2000ème post…, depuis septembre 2008. Et comme j'aime les bilans, en particulier les bilans chiffrés, voici deux autres chiffres, tout aussi impressionnants :

42 abonnés fidèles
98672 visites… bientôt 100 000

À l'occasion du 1000ème, j'avais demandé à une « promo Anne Dacier », Jacqueline, de nous écrire un petit texte de circonstance ; exercice auquel elle s'était spontanément pliée, comme à presque tout le reste… (n'est-ce pas ?), nous livrant les quelques lignes que je reproduis à la suite – avant de publier le deuxième, celui que je lui ai "commandé" pour le 2000ème… J'en profite pour lui rappeler qu'un rituel étant un rituel, elle sera de corvée de 3000ème, si la cohabitation tradabordienne perdure jusque-là (ce dont je ne doute pas !).
Merci, chère Jacqueline de ta bonne volonté et de ta belle plume…

Pour le 1000ème :

Un jour, la grand-mère dit à ses petits : je vais vous raconter une histoire, l’histoire du…

POST-ROI

… et c’est ainsi qu’elle commença :

Dans un lointain pays dont je veux bien me rappeler le nom, tout en « o » et en « a » je crois, et qui invitait au voyage, vivaient une traduction longue et un post-roi. Lui était fou et gai, rien ne le limitait, elle digne et compassée entre ses guillemets, lui mettait le holà ! Il prit les choses en ligne, et du soir au matin autour d’elle virevolta ; il débuta très fort, traçant des volutes de Reja autour de sa belle… elle bailla.
— Fort bien, dit-il. Essayons autre chose. Il offrit un sonnet tout de lys et de rose aux reflets mordorés : la belle le dédaigna. Alors il pensa la séduire en la faisant rire, essaya cent jeux subtils, la couvrit de mots et de billets sans cesser un seul jour… La belle résista :
— Vous bloguez, dit-elle. J’ai cent pages à mon cou, toutes plus belles que vous ;
je dois les bichonner, leur parler, les amadouer, cela me prend du temps, voyez-vous : je n’ai que faire de vos frivolités.
— Il essaya encore, donna l’artillerie, offrit sans trêve les douze incontournables
à ses petits matins et pour les soirées fraîches, il cousit des recettes et les mit en quatrains. En vain. Alors il sonna le clairon : qu’en pensez-vous ? Qu’en pensez-vous ? Oui ? Non ? Les deux à la fois ? Je n’y comprends rien, je ne sais plus, que faire en cette circonstance ?
— Rien, mon cher, amusez-vous tout seul. Moi, j’ai mes rimes à faire et mon titre
à trouver.
Il devint fou et grave, chercha des référents dans les contrées lointaines, par-delà les océans, remua ciel et terre pour la belle enfant. L’histoire dura des mois, sept, je crois. Peine perdue. La belle s’en alla, on ne la revit pas. Le post-roi désolé s’arracha une virgule de chagrin et puis frappa du point. Il fit tant et si bien qu’il éclata … en mille confettis tout d’or et de diamants, mille it-post qui tombèrent en pluie drue .
L’éditeur au long cou dressa si tôt l’oreille, ajusta ses lorgnons, s’approcha du navire et sous les confettis entasc’est alors qu’il vit des trésors en feuillets : une infante en chaussons, l’amour dans la prison, un avion en piqué, des petits plats(a) à
Rio, un aimé (Eme) à Séville, un conseil pour la route : « Es aconsejable no bañarse dos veces en la misma agua… » Plus de doute : il se frotta les mains, emporta son butin. Les post s’envolèrent, un resta bien au chaud sous la couverture lue de sa traduction longue.
Je fus ce post -là, traduction me voilà, car nous ne faisons qu’un, lui et moi, moi et lui, sur l’étagère rose de votre librairie.

Voyez-vous, mes enfants, la morale de cette histoire, si morale il y a, c’est qu’il n’y avait pas un post-roi mais mille post-roi. Chacun avait sa part, chacun son importance : les versions de Brigitte, les jeux de Nathalie, les fiches de Kaki, les billets du dimanche, les thèmes du lundi, les recettes de Blandine, et des jumelles Laure les chants et les danses, Laetitia la plus jeune fermait la marche de son abécédaire. Oui, la troupe était fière et la moisson jolie. C’était en … ne me le demandez pas, je ne veux pas m’en souvenir, c’était hier et c’est aujourd’hui.

Pour le 2000ème :

L’empereur des posts

Le 1000ème post a dit, Ciel, je suis doublé, que faire ? Vous adapter, mon cher, lui répond l’autre sans pitié. Considérer que tout va très vite désormais : on zappe, on esèmesss, six mois sont écoulés, qu’en avez-vous donc fait ? 6 mois !!! Je suis toujours dans mon lointain pays, je ramasse mes confetti tout d’or et de diamants, un à un, patiemment, pour m’en faire un manteau et me tenir au chaud.
Écoutez, ce n’est plus de saison, nous avançons, nous avançons. Le post-roi est mort, vive le post-roi, se rengorgea « l’itou » d’un air très important. Tout doux mon bon ami. Traduisez-moi cela, je vous prie : Quem não arrisca não petisca. Que me chantez-vous là, quel est ce charabia, s’inquiète le double-it en se grattant la tête. C’est tout simple pourtant, qu’avez-vous donc appris des deux mille it qui vous ont précédé : il faut oser, mon cher, pour se retrouver sur l’étagère rose des rêves du passé. Allons, traduisez donc.
Mais balbutie l’autre aux abois, je n’y comprends fève. C’est bien, tirons les rois, j’offre la galette, la bobinette cherra. L’élu prend sa part, y découvre un bout de parchemin roussi, le tire et lit : « Qui ne risque rien n’a rien ». Et voilà mon souhait, mon viatique, mon élixir de guerre et mon bâton de paix, restez fidèle à l’esprit, les mots viendront d’eux-mêmes. Osez croire à l’étoile, la vôtre et votre voix, suivez-la. Voilà mon doux ami, ce qu’en six mois, je fis. Les mots vont et viennent. Je les oublie. Je réfléchis.
Moi, je suis pressé, je suis pressé, dit l’autre en se levant, à moi, les soirées trop courtes pour ma traduction longue et l’immersion prochaine dans ma maison d’édition. Je traque le mot juste, vous comprenez, je n’ai pas de temps pour vos élucubrations.
Je l’ai traqué aussi, puis l’ai apprivoisé. Laissez-moi donc rêver. Le 2000ème post prit la pose et dit : « C’est moi, l’empereur des post. »
AH OUI? fit le 2001ème, se léchant les babines et découvrant ses crocs…

dimanche 25 octobre 2009

Votre thème du week-end, Benson

Pour faire plus ample connaissance avec votre animatrice-meneuse d'ateliers d'écriture, Stéphanie Benson, quelques lignes du début de son roman Un meurtre de cordeaux, Paris, Rivages, col. Noir, 1999.

Le plus bizarre, c'est que ce fut justement cette nuit-là que je me mis à songer au suicide, comme si la mort était dans l'air, en train de rôder, à l'affût. Je pensais à Florence, comme toutes les nuits, ma compagne de solitude fidèle et irremplaçable. Mais même elle n'arrivait pas à me consoler et je me trouvai tout d'un coup envahi par une fatigue incommensurable, une lourdeur de corps et d'âme, alors je me dis : ça suffit. Comme ça, rien de plus. Un simple constat. Assez. Seulement, je suis un lâche et je ne veux pas souffrir. Je veux que la mort me surprenne, que je traverse la rivière avant de me rendre compte ; je ne veux pas d'yeux larmoyants, emplis de reproches tus, agglutinés à mon chevet. Je veux être pris au dépourvu ; les surprendre, eux, également, et la surprise, ça se prépare. Si j'avais eu une arme à portée de main, peut-être me serais-je supprimé, sur le coup, mais en réfléchissant à la laideur d'une tête partiellement éclatée, l'envie de faire sauter la mienne disparut. Restaient la fatigue, la tristesse, le vide de la nuit.
Je ne pense pas avoir entendu de cri, et pourtant, subitement j'étais debout, aux aguets, mon cœur battait à toute allure, me rappelait à la vie. Je restai là, tendis l'oreille, alors qu'aucun son ne venait déranger le silence ambiant. Je pris ma lampe, fermai la veste en cuir que Florence m'avait offerte (un blouson d'aviateur parce que ça faisait artiste) et sortis dans la nuit.
Il faisait froid. Depuis ma dernière ronde une gelée blanche était venue recouvrir arbres et bâtiments. Je me souviens d'avoir pensé que si j'avais une voiture, j'aurais du mal à nettoyer le pare-brise, mais je venais travailler à pied, et à l'heure où je suis finalement parti, il ne gelait plus.
Je n'aimais pas faire les rondes ; des peurs enfantines m'envahissaient la tête à chaque pas ; je voyais des vampires et croque-mitaines à chaque tournant, une sorcière dans l'ombre de la porte, trois lutins maléfiques derrière les buissons, un tueur fou qui m'attendait tapi dans l'ombre, en suivant des yeux ma lente progression vers la mort…
Les ateliers étaient vides, toutes lumières éteintes, les portes coulissantes verrouillées et cadenassées. Je les imaginais mal en état de fonctionnement, remplis de monde, de bruit, de moniteurs qui passaient de table en table pour surveiller, aider, corriger. Je n'y était venu qu'une seule fois, tout au début, quand Jean-Pierre m'avait fait la visite guidée de l'ensemble avec tant de fierté que j'avais longtemps cru qu'il était à l'origine de tout le projet, que c'était lui l'instigateur, le bienfaiteur premier. C'était déconcertant la première fois, toutes ces têtes difformes, ces regards étranges, ces voix trop fortes, trop basses ou trop aiguës. On avait l'impression de se trouver parachuté en arrière, dans la chambre des horreur d'une foire médiévale. J'étais mal à l'aise. Eux aussi.

***

Brigitte nous propose sa traduction :

Lo más extraño fue que aquella noche precisamente empecé a imaginar el suicidio, como si la muerte estuviera en el aire, merodeando, al acecho. Como cada noche estaba pensando en Florence, mi compañera de soledad, fiel e insustituible. Pero ni siquiera ella lograba consolarme y me encontré de repente sumergido por un cansancio sin par, una pesadez de cuerpo y alma, entonces me dije : ya está bien. Así no más. Una simple constatación. Basta ya. Sólo que soy un cobarde y no quiero sufrir. Quiero que la muerte venga a cogerme de improviso, que yo cruce el río antes de enterarme ; no quiero ojos llorosos, llenos de reproches callados, aglutinados a mi cabecera. Quiero que me coja desprevenido ; y a ellos también, pero la sorpresa es algo que se prepara. Si hubiera tenido un arma al alcance de la mano, tal vez me hubiera matado en el instante, pero al imaginar lo horrible de una cabeza medio destrozada, el deseo de hacer estallar la mía se desvaneció. Entonces permanecían el cansancio, la tristeza, el vacío de la noche.
No pienso haber oído grito alguno y, sin embargo, de golpe, estaba de pie, al acecho, mi corazón latía a toda prisa, me traía otra vez a la vida. Me quedé ahí, agucé el oído, sin que ningún ruido turbara el silencio ambiante. Cogí mi linterna, me abroché la cazadora de piel que me había regalado Florence (una cazadora de aviador porque daba la impresión de ser artista) y salí en medio de la noche.
Hacía frío. Desde mi última rondan una escarcha blanca había ido cubriendo los árboles y edificios. Recuerdo haber pensado que de tener un coche, me costaría mucho limpiar el parabrisas, pero iba al trabajo andando, y a la hora a la que salí por fin, ya no helaba.
No me gustaba nada hacer las rondas/patrullar ; unos temores infantiles invadían mi mente a cada paso ; veía vámpiros y espantajos en cada bocacalle, un bruja en el umbral oscuro de la puerta, tres duendes maléficos detrás de los matorrales, un asesino loco esperándome, agazapado en la oscuridad, que seguía con la mirada mi lenta progresión camino de la muerte…
Los talleres estaban desiertos, con todas las luces apagadas, todas las puertas correderas cerradas con cerrojos y candados. Me costaba imaginarlos en estado de funcionamiento, llenos de gente, de ruido, de montadores que pasaban de una mesa a otra para vigilar, ayudar, corregir. Sólo había venido aquí una vez, en su mismo principio, cuando Jean–Pierre me había guiado en la visita del conjunto con tanto orgullo que durante mucho tiempo había pensado que era él el iniciador de todo el proyecto, que era él el instigador, el bienhechor inicial. A la primera vez, era desconcertante ver todas esas cabezas deformes, esas miradas extrañas, esas voces demasiado fuertes, demasiado bajas o demasiado águdas. Daba la sensación de haber sido proyectado siglos atrás, en la cámara de horrores de una feria medieval. Yo sentía un profundo malestar. Ellos también.

***

Sonita nous propose sa traduction :

Lo más extraño, es que fue justamente esa noche que empecé a pensar en el suicidio, como si la muerte estuviera en el aire, merodeando, al acecho. Pensaba en Florence, como todas las noches, mi compañera de soledad fiel e irremplazable. Pero ni ella lograba consolarme, y de repente me sentía invadido por un cansancio inconmensurable, una pesadez en el cuerpo y en el alma, entonces me dije a mi mismo: basta. Así, nada más. Una simple constatación. Suficiente. No obstante, soy un cobarde y no quiero sufrir. Quiero que la muerte me sorprenda, cruzar el río antes de darme cuenta; no quiero ojos llorosos, llenos de reproches callados, aglutinados en mi cabecera. Quiero que me agarren desprevenido, sorprenderlos por igual, y la sorpresa, necesita preparación. Si hubiera tenido un arma al alcance de la mano, quizá me hubiera borrado, en ese instante, pero al reflexionar sobre la fealdad de una cabeza parcialmente estallada, las ganas de hacer explotar la mía desapareció. Quedaban el cansancio, la tristeza, el vacío de la noche. No creo haber escuchado algún grito, y sin embargo, de repente estaba de pie, al acecho, mi corazón latía a toda marcha, llamándome a la vida. Me quedé ahí, agucé el oído, mientras ningún sonido venía a perturbar el silencio que reinaba. Tomé mi lámpara, cerré la chaqueta de cuero que me había regalado Florence (una cazadora de aviador porque daba un aire de artista) y salí en la noche. Hacía frío. Desde mi última ronda una helada blanca había venido a cubrir los árboles y los edificios. Recuerdo haber pensado que si hubiera tenido un coche, me habría sido difícil limpiar el parabrisas, pero yo venía al trabajo caminando, y a la hora a la que finalmente me fui ya no helaba. No me gustaba hacer las rondas; miedos infantiles me invadían la mente a cada paso; veía vampiros y el coco en cada esquina, una bruja en la sombra de la puerta, tres duendes maléficos en los matorrales, un asesino loco que me esperaba escondido en la sombra, siguiendo con su mirada mi lenta progresión hacia la muerte… Los talleres estaban vacíos, todas las luces apagadas, las puertas correderas cerradas con llave y candado. Me los imaginaba mal laborando, llenos de gente, de ruido, supervisores que iban de mesa en mesa vigilando, ayudando, corrigiendo. Solamente había estado ahí una única vez, totalmente al inicio, cuando Jean Pierre me había hecho la visita guiada del lugar con tanto orgullo que por mucho tiempo creí que él había estado en el origen del proyecto, que él era el instigador, el benefactor del principio. Fue desconcertante la primera vez, todos esos rostros deformes, esas miradas raras, esas voces tan fuertes, demasiado bajas o demasiado agudas. Uno tenía la sensación de haber sido arrojado al pasado, en la recámara de los horrores de una feria medieval. No me sentía cómodo. Ellos tampoco.

vendredi 16 octobre 2009

Votre version de la semaine, Zafón

En photo : La sombra del viento, par gicol

Aquella tarde, mientras entraba de nuevo en calor, Bea me refirió la historia de cómo «El ángel de bruma» había llegado a las manos de la familia Aldaya. El relato era un melodrama escabroso que bien podría haberse escapado de la pluma de Julián Carax. La casa había sido construida en 1899 por la firma de arquitectos de Naulí, Martorell i Bergadá bajo los auspicios de un próspero y extravagante financiero catalán llamado Salvador Jausá, que sólo habría de vivir en ella un año. El potentado, huérfano desde los seis años y de orígenes humildes, había amasado la mayor parte de su fortuna en Cuba y Puerto Rico. Se decía que la suya era una de las muchas manos negras tras la trama de la caída de Cuba y la guerra con Estados Unidos en que se habían perdido las últimas colonias. Del Nuevo Mundo se trajo algo más que una fortuna: le acompañaban una esposa norteamericana, damisela pálida y frágil de la buena sociedad de Filadelfia que no hablaba palabra de castellano, y una criada mulata que había estado a su servicio desde los primeros años en Cuba y que viajaba con un macaco enjaulado vestido de arlequín y siete baúles de equipaje. Por el momento se instalaron en varias habitaciones del hotel Colón en la plaza de Cataluña, a la espera de adquirir la vivienda adecuada a los gustos y apetencias de Jausá.
A nadie le cabía la menor duda de que la criada —belleza de ébano dotada de mirada y talle que según las crónicas de sociedad inducía taquicardias— era en realidad su amante y guía en placeres ilícitos e innombrables. Su calidad de bruja y hechicera se asumía por añadidura. Su nombre era Marisela, o así la llamaba Jausá, y su presencia y aires enigmáticos no tardaron en convertirse en el escándalo predilecto de las reuniones que las damas de buena cuna propiciaban para degustar melindros y matar el tiempo y los sofocos otoñales. En estas tertulias circulaban rumores sin confirmar que sugerían que la hembra africana, por inspiración directa de los infiernos, fornicaba aupada al varón, es decir, cabalgándolo cual yegua en celo, lo cual violaba por lo menos cinco o seis pecados mortales de necesidad. No faltó pues quien escribiera al obispado, solicitando una bendición especial y protección para el alma impoluta y nívea de las familias de buen nombre de Barcelona ante semejante influencia. Para más inri, Jausá tenía la desfachatez de salir a pasear con su esposa y con Marisela en su carruaje los domingos a media mañana, ofreciendo así el espectáculo babilónico de la depravación a ojos de cualquier mozalbete incorrupto que pudiere deambular por el paseo de Gracia en su camino a misa de once. Hasta los diarios se hacían eco de la mirada altiva y orgullosa de la negraza, que contemplaba al público barcelonés «como una reina de las selvas miraría a una cofradía de pigmeos».
Por aquella época, la fiebre modernista ya consumía Barcelona, pero Jausá indicó claramente a los arquitectos que había contratado para que le construyesen su nueva morada que quería algo diferente. En su diccionario, «diferente» era el mejor de los epítetos. Jausá había pasado años paseándose frente a la hilera de mansiones neogóticas que los grandes magnates de la era industrial americana se habían hecho construir en el tramo de la Quinta Avenida varado entre las calles 58 y 72, frente a la cara este del Central Park. Prendido con sus ensueños americanos, el financiero se negó a escuchar cualquier argumento en favor de construir según la moda y uso del momento, del mismo modo en que se había negado a adquirir un palco en el Liceo, como era de rigor, calificándolo de babel de sordos y colmena de indeseables. Deseaba su casa alejada de la ciudad, en el por entonces todavía relativamente desolado paraje de la avenida del Tibidabo. Quería contemplar Barcelona desde la distancia, decía. Por única compañía sólo deseaba un jardín de estatuas de ángeles que según sus instrucciones (destiladas por Marisela) debían estar ubicadas en los vértices del trazado de una estrella de siete puntas, ni una más ni una menos. Resuelto a llevar sus planes a cabo, y con las arcas rebosantes para hacerlo a su capricho, Salvador Jausá envió a sus arquitectos tres meses a Nueva York para que estudiasen las delirantes estructuras erigidas para albergar al comodoro Vandervilt, a la familia de John Jacob Astor, Andrew Carnagie y al resto de las cincuenta familias de oro. Dio instrucciones para que asimilasen el estilo y las técnicas del taller de arquitectura de Stanford, White & McKim y les advirtió que no se molestasen en llamar a su puerta con un proyecto al gusto de los que él denominaba «charcuteros y fabricantes de botones».

Carlos Ruiz Zafón, La sombra del viento, 2001.

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La traduction « officielle », par François Maspéro, pour les éditions Grasset, 2004 :
[Remercions Amélie d'avoir pris le temps de la recopier… C'est fastidieux, mais bien utile quand on a le courage de le faire]

Cette après-midi-là, tandis que je me réchauffais, Bea me raconta comment « L’Ange de brume » était devenu la propriété des Aldaya. Le récit composait un mélodrame scabreux qui aurait très bien pu naître sous la plume de Julián Carax. La villa avait été construite en 1899 par l’atelier d’architecture Naulí, Martorell i Bergadà sous les auspices d’un financier prospère et extravagant nommé Salvador Jausà, qui n’y avait vécu qu’un an. Le magnat, orphelin à six ans et d’humble origine, avait amassé la plus grande partie de son argent à Cuba et à Porto Rico. On disait qu’il avait, comme bien d’autres, profité de la perte de Cuba et de la guerre contre les États-Unis qui nous a privés de nos dernières colonies. Du Nouveau Monde, il n’avait pas seulement ramené une fortune : il était flanqué d’une épouse nord-américaine, une jeune femme pâle et fragile de la bonne société de Philadelphie ne parlant pas un mot d’espagnol, et d’une domestique mulâtre qui le servait depuis ses premières années à Cuba et qu’accompagnaient sept malles et un singe en cage habillé en Arlequin. Ils s’installèrent provisoirement à l’hôtel Colón, sur la place de Catalogne, dans l’attente d’acquérir une résidence qui réponde aux goûts et aux envies de Jausà.
Nul n’avait le moindre doute que la servante – une beauté d’ébène dont les yeux et les formes, au dire des chroniqueurs mondains, déclenchaient des tachycardies – était en réalité sa maîtresse et son guide dans des plaisirs illicites et innombrables. Qu’elle fût en outre sorcière et jeteuse de sorts allait de soi. Son nom était Marisela, ou du moins était-ce ainsi que l’appelait Jausà, et son allure, ses airs énigmatiques ne tardèrent pas à constituer le scandale favori des dames de la société dans les réunions qu’elles organisaient pour déguster des petits fours en tuant le temps et les suffocations automnales. Au cours de ces cinq-à-sept, la rumeur, bien entendu non confirmée, ne tarda pas à circuler que cette femelle africaine, par l’inspiration directe des enfers, forniquait debout sur le mâle, c’est-à-dire en le chevauchant comme une furie en rut, ce qui ne représentait pas moins de cinq ou six péchés capitaux. Il s’en trouva même pour écrire à l’évêque en sollicitant une bénédiction spéciale aux fins de protéger de pareille influence l’âme pure et immaculée des bonnes familles de Barcelone. Pour comble, Jausà poussait l’impudence jusqu’à se promener en calèche le dimanche matin avec sa femme et Marisela, offrant ainsi le spectacle babylonien de la dépravation à toute la jeunesse innocente qui déambulait sur le Paseo de Gracia pour se rendre à la messe de onze heures. Même les journaux se faisaient les échos du regard hautain et orgueilleux de la négresse, qui toisait le public barcelonais « comme une reine de la jungle regarderait une bande de Pygmées ».
À cette époque, la fièvre moderniste s’était déjà emparée de Barcelone, mais Jausà fit clairement savoir aux architectes engagés pour construire sa maison qu’il attendait quelque chose de différent. Dans son vocabulaire, l’adjectif « différent » avait valeur de superlatif. Pendant des années, Jausà était passé devant la file de demeures néogothiques que les magnats de l’ère industrielle américaine s’était fait édifier dans la partie de la Cinquième Avenue située entre les cinquante-huitième et soixante-douzième rues, face à la lisière est de Central Park. Pris dans ses rêves américains, le financier refusa d’écouter tout argument en faveur d’une construction à la mode du jour, de la même manière qu’il avait refusé d’avoir sa loge au Liceo comme l’imposaient les convenances, en le qualifiant de Babel de sourds et de ramassis d’indésirables. Il désirait une maison à l’écart de la ville, dans les parages encore passablement désolés de l’avenue de Tibidabo. Il disait vouloir contempler Barcelone d’en haut. Pour seul voisinage, il ne souhaitait qu’un jardin peuplé de statues d’anges qui, selon ses instructions (transmises par Marisela), devaient être disposées à chaque pointe du tracé d’une étoile à sept branches, pas une de plus ni de moins. Bien décidé à réaliser son projet, et les coffres assez remplis pour satisfaire son caprice, Salvador Jausà expédia ses architectes passer trois mois à New York afin d’étudier les structures métalliques délirantes qui hébergeaient le commodore Vanderbilt, John Jacob Astor, Andrew Carnegie et le reste des cinquante familles en or. Il leur donna pour instructions d’assimiler le style et les techniques architecturales de l’école de Stanford, White and McKim, et prévint qu’il n’accepterait jamais un projet du genre de ceux qui faisaient les délices de ceux qu’il appelait « les charcutiers et les marchands de boutons ».

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Amélie nous propose sa traduction :

Cet après-midi-là, tandis que je me réchauffais, Bea me raconta comment « L’ange de la brume » s’était retrouvée entre les mains de la famille Aldaya. Le récit était un mélodrame scabreux qui aurait très bien pu naître de la plume de Julián Carax. La demeure avait été construite en 1899 par la maison d’architectes Naulí, Martorell i Bergadá, sous les auspices d’un financier catalan prospère et extravagant nommé Salvador Jausá, qui ne devait y vivre qu’une année. Le potentat, orphelin depuis l’âge de six ans et d’origine modeste, avait amassé la majeure partie de sa fortune entre Cuba et Puerto Rico. On disait que, comme beaucoup d’autres, celle-ci était le fruit de bénéfices accumulés après le complot de la chute de Cuba et la guerre contre les Etats-Unis, au cours de laquelle on avait perdu les dernières colonies. Il revint du Nouveau Monde avec autre chose que sa fortune : son épouse nord-américaine, une demoiselle pâle et fragile issue de la bonne société de Philadelphie, qui ne parlait pas un mot de castillan l’accompagnait, ainsi qu’une domestique mulâtresse, employée à son service dès les premières années à Cuba, qui voyageait avec un macaque en cage habillé en arlequin et sept malles. Ils s’installèrent alors dans plusieurs chambres de l’hôtel Colón, place de Cataluña, en attendant d’acquérir le logement adapté aux goûts et aux appétences de Jausá.
Nul n’avait le moindre doute que la domestique – une beauté d’ébène dotée d’un regard et d’une silhouette qui, selon les histoires de la société, entraînait des crises de tachycardie – était en réalité son amante et une guide dans des plaisirs illicites et innombrables. Par ailleurs, on était certain qu’elle avait des compétences de sorcière et d’ensorceleuse. Elle se prénommait Marisela, ou du moins, voilà comment Jausá l’appelait ; sa présence et ses airs énigmatiques ne tardèrent pas à devenir le scandale le plus prisé des réunions que les dames de bonne famille organisaient pour déguster des petits gâteaux, tout en tuant le temps et l’ennui automnal. Dans ces cafés-commères circulaient des rumeurs non fondées qui suggéraient que la femme africaine, émanation directe des enfers, forniquait grimpée sur l’homme, le chevauchant ainsi telle une jument en chaleur, et ne violant pas moins de cinq ou six pêchés mortels capitaux. Devant une telle influence, on ne manqua pas de volontaires pour écrire à l’évêché afin de solliciter une bénédiction particulière et une protection pour l’âme pure et blanche immaculée des familles renommées de Barcelone. Pour couronner le tout, Jausá avait le toupet de sortir se promener en voiture avec son épouse et Marisela, le dimanche en milieu de matinée, offrant ainsi le spectacle babylonien de la dépravation aux yeux de n’importe quel jeune garçon non corrompu pouvant déambuler le long de la promenade de Gracia, sur le chemin de la messe de onze heures. Même les journaux se faisaient l’écho du regard hautain et fier de la négresse, qui contemplait le public barcelonais « comme une reine des forêts regarderait une confrérie de pygmées ».
A cette époque, la fièvre moderniste consumait déjà Barcelone, mais Jausá avait clairement indiqué aux architectes qu’il avait engagés pour construire sa nouvelle maison qu’il voulait quelque chose de différent. Dans son dictionnaire, « différent » était le meilleur des épithètes. Pendant des années, Jausá s’était promené devant la file de demeures néogothiques que les grands magnats de l’ère industrielle américaine s’étaient faites construire sur une partie de la Cinquième Avenue, située entre la cinquante-huitième et la soixante-douzième rue, face à la lisière est de Central Park. Attaché à ses rêves américains, le financier refusa d’écouter tout argument favorable à une construction fidèle à la mode et aux pratiques du moment, de la même façon qu’il avait refusé d’acquérir une loge au Liceo, comme c’était l’usage, qualifiant l’endroit de Babel des sourds et de ruche d’indésirables. Il souhaitait une maison éloignée de la ville, dans les parages de l’avenue de Tibidabo, plutôt désolés pour lors. Il voulait contempler Barcelone à distance, disait-il. Il ne désirait pour unique compagnie qu’un jardin de statues d’anges qui, selon ses instructions (distillées par Marisela), devaient être placées sur les pointes du contour d’une étoile à sept branches, pas une de plus, pas une de moins. Résolu à mener ses projets à bien, et ayant les richesses nécessaires pour satisfaire son caprice, Salvador Jausá expédia ses architectes à New York pendant trois mois, afin qu’ils étudient les structures délirantes érigées pour abriter le commodore Vandervilt, la famille de John Jacob Astor, Andrew Carnagie et le reste des cinquante familles en or. Il leur donna des instructions pour qu’ils assimilent le style et les techniques de l’atelier d’architecture de Stanford, White & McKim et les prévint de ne pas s’embêter à venir frapper à sa porte avec un projet au goût de ceux qu’il appelait « les charcutiers et fabricants de boutons ».

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Émeline nous propose sa traduction :

Cet après-midi là, alors que je commençais à me réchauffer lentement, Bea me raconta comment « l’ange de la brume » avait terminé entre les mains de la famille Aldaya. Le récit relevait du mélodrame scabreux, et aurait très bien pu s’être échappé de la plume de Julían Carax. La maison avait été construite en 1899 par le cabinet d’architectes de Naulí, Martorell i Bergadá, sous les auspices d’un financier catalan prospère et extravagant, appelé Salvador Jausá, qui y vivrait à peine un an. Ce grand patron, orphelin depuis l’âge de six ans et d’origines modestes, avait amassé la majorité de sa fortune à Cuba et Porto Rico. On racontait que celle-ci provenait d’un des nombreux pots-de-vin versés après le complot de la chute de Cuba et la guerre contre les Etats-Unis lors de laquelle les dernières colonies avaient été perdues.
Du Nouveau Monde, il ne ramena pas qu’une fortune : une épouse américaine, jeune femme pâle et fragile de la bonne société de Philadelphie qui ne parlait pas un mot d’espagnol, et une mulâtresse, à son service depuis les premières années à Cuba, et qui voyageait avec un macaque en cage habillé en arlequin et sept malles de voyage. Au début, ils s’installèrent dans plusieurs chambres de l’hôtel Colón, place de Catalogne, dans l’espoir d’acquérir la maison répondant aux goûts et aux attentes de Jausá.
Personne ne doutait du fait que la servante –beauté d’ébène dotée d’un regard et d’une anatomie qui selon les carnets mondains provoquait de la tachycardie- était en réalité sa maîtresse et son guide en matière de plaisirs illicites et innommables. De plus, elle était perçue comme une sorcière et une guérisseuse. Son nom était Marisela, du moins Jausá l’appelait-il ainsi, et son allure et ses airs énigmatiques ne tardèrent pas à devenir le scandale favori des réunions que les dames de bonne famille organisaient pour se délecter de mignardises et tuer le temps et l’ennui automnal. Dans ces salons, des rumeurs infondées circulaient, selon lesquelles la femelle africaine, sous l’emprise directe du diable, forniquait dressée sur l’homme, c’est-à-dire le chevauchant telle une jument en rut, ce qui équivalait, au moins, à cinq ou six péchés forcément mortels. Quelqu’un ne manqua donc pas d’écrire à l’évêché, demandant une bénédiction spéciale et la protection de l’âme pure et saine des familles de bonne réputation de Barcelone devant pareille influence. Pire encore, Jausá avait l’audace de sortir se promener en voiture avec son épouse et Marisela, le dimanche matin, offrant ainsi le spectacle fastueux de la dépravation aux yeux de n’importe quel honnête blanc-bec qui pouvait bien déambuler Paseo de Gracia, sur le chemin de la messe de onze heures. Même les journaux se faisaient l’écho du regard hautain et orgueilleux de la négresse, qui toisait le public barcelonais « comme une reine de la jungle regarderait une assemblée de pygmées ».
A cette époque, la fièvre moderniste consumait déjà Barcelone, mais Jausá indiqua clairement aux architectes qu’il avait recrutés pour qu’ils lui construisent sa nouvelle demeure, qu’il voulait quelque chose de différent. Dans son dictionnaire, « différent » était le meilleur des qualificatifs. Jausá avait passé des années à se promener face à la rangée de bâtisses néogothiques que les grands magnats de l’ère industrielle américaine s’étaient fait construire, sur le tronçon de la Cinquième Avenue échoué entre le 58° et la 72° rue, donnant sur le côté est de Central Park. Bien accroché à ses rêves américains, le financier avait refusé d’écouter un quelconque argument en faveur de construire selon la mode et l’usage du moment, de la même façon qu’il avait refusé d’acquérir une loge au Liceo, comme il était de rigueur, le qualifiant de Babel de sourds et ruche d’indésirables. Il voulait une maison retirée de la ville, sur le bord, alors encore relativement désolé, de l’avenue du Tibidabo. Il souhaitait contempler Barcelone de loin, disait-il, avec pour seule compagnie un jardin de statues d’anges, qui, selon ses instructions (distillées par Marisela), devaient être placés aux pointes du tracé d’une étoile à sept branche, pas une de plus, pas une de moins. Résolu à mener ses plans à bien, et avec des caisses débordantes pour le faire à sa guise, Salvador Jausá envoya ses architectes à New York pendant trois mois étudier les délirantes structures érigées pour héberger le commodore Vandervilt, la famille de John Jacob Astor, Andrew Carnagie, et le reste des cinquante familles dorées. Il donna des instructions pour qu’ils assimilent le style et les techniques du cabinet d’architecture de Stanford, White et McKim, et les avertit de ne pas prendre la peine de sonner à sa porte avec un projet qui conviendrait à « des charcutiers et des marchands de boutons ».

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Coralie nous propose sa traduction :

Cette après-midi là, alors que je me réchauffais de nouveau, Bea me raconta comment « L’ange de brume » était arrivé aux mains de la famille Aldaya. L’histoire était un mélodrame scabreux qui aurait bien pu s’être échappé de la plume de Julián Carax. La maison avait été construite en 1899 par le bureau d’architectes Naulí, Martorell i Bergada sous les auspices d’un prospère et extravagant financier catalan dénommé Salvador Jausá, qui n’y vivrait qu’un an. Le potentat, orphelin depuis l’âge de six ans et d’origines modestes, avait amassé la majeure partie de sa fortune à Cuba et Puerto Rico. On disait qu’elle provenait de l’un des nombreux pots-de-vin survenus après la conspiration pour la chute de Cuba et la guerre contre les Etats Unis durant laquelle l’Espagne avait perdu ses dernières colonies. Du Nouveau Monde, il rapporta bien plus qu’une fortune : une épouse nord-américaine, demoiselle pâle et fragile de la bonne société de Philadelphie, qui ne parlait pas un mot d’espagnol, et une domestique métisse qui avait été à son service depuis ses premières années à Cuba, qui voyageait avec un macaque en cage déguisé en arlequin, et sept malles de bagage. Au départ, ils s’installèrent dans plusieurs appartements de l’hôtel Colón sur la place de Catalogne, en attendant d’acquérir le logement approprié aux goûts et appétences de Jausá. Personne ne doutait un instant que la domestique –beauté d’ébène dotée d’un regard et d’une silhouette qui, selon les chroniques de société, déclenchait une tachycardie- était en réalité sa maîtresse et son guide en matière de plaisirs illicites et innombrables. Elle assumait en outre sa qualité de sorcière et fée. Elle s’appelait Marisela, c’était au moins ainsi que Jausá la nommait, et sa présence et ses airs énigmatiques ne tardèrent pas à devenir le scandale préféré des réunions dont les dames d’illustre naissance profitaient pour déguster des mignardises et tuer le temps et l’ennui automnal. Lors de ces réceptions circulaient des rumeurs sans confirmation qui suggéraient que la femelle africaine, de provenance directe des enfers, forniquait hissée sur le mâle, c’est-à-dire, le chevauchant telle une jument en chaleur, ce qui violait au moins cinq ou six pêchés mortels capitaux. On ne manqua donc pas d’écrire à l’évêché pour solliciter une bénédiction extraordinaire et protectrice contre pareille infuence en faveur de l’âme non souillée et blanche des familles de bonne renommée de Barcelone. Pour couronner le tout, Jausá avait le toupet de sortir se promener avec son épouse et Marisela en voiture le dimanche en milieu de matinée, offrant ainsi le spectacle babylonien de la dépravation aux yeux de quelques jeunes gens vertueux susceptibles de déambuler sur la promenade de Gracia, chemin de la messe de onze heures. Même les journaux se faisaient l’écho du regard hautain et orgueilleux de la négresse, qui contemplait le public barcelonais « comme une reine des savanes regarderait une communauté de pygmées ».
A cette époque, la fièvre moderniste consumait déjà Barcelone, mais Jausá indiqua clairement aux architectes qu’il avait engagé pour la construction de sa nouvelle résidence qu’il voulait quelque chose de différent. Dans son vocabulaire, « différent » était le meilleur des épithètes. Jausá avait passé des années à se promener face au rideau de demeures néogothiques que les grands pontes de l’ère industrielle américaine s’étaient fait construire dans le tronçon de la Cinquième Avenue échoué entre les 58e et 72e rues, face à l’entrée est de Central Park. Attaché à ses rêves américains, le financier refusa d’écouter quelque argument approuvant de construire selon la mode et l’usage du moment, de la même façon qu’il avait refusé de bénéficier d’une loge au Grand Théâtre Liceo, comme il était de rigueur, la qualifiant de Babel de sourds et de ruches d’indésirables. Il désirait sa maison éloignée de la ville, par conséquent dans les parages encore relativement désolés de l’avenue du Tibidabo. Il voulait contempler Barcelone avec de la distance, disait-il. Pour seule compagnie il ne souhaitait qu’un jardin de statues d’anges qui, d’après ses instructions (épurées par Marisela), devaient être placées, selon le tracé, aux sommets d’une étoile à sept branches, pas une en plus ni en moins. Résolu à mener ses projets à bien, et avec les coffres débordant pour les réaliser à sa guise, Salvador Jausá envoya ses architectes trois mois à New York pour étudier les délirantes structures érigées pour héberger le commodore Vandervilt, la famille de John Jacob Astor, Andrew Carnagie, et le reste des cinquante familles fortunées. Il ordonna qu’ils assimilent le style et les techniques de l’office d’architecture de Standford, White & McKim et les avertit de ne pas prendre la peine de frapper à sa porte avec un projet au goût de ceux qu’il baptisait «charcutiers et fabricants de boutons ».

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Chloé nous propose sa traduction :

Cette après-midi là, alors que je me réchauffais, Bea me rapporta l’histoire de comment « L’ange de la brume » était arrivé aux mains de la famille Aldaya. Le récit était un mélodrame scabreux qui aurait bien pu s’échapper de la plume de Julián Carax. La maison avait été construite en 1899 par le cabinet d’architectes de Naulí, Martorell i Bergadá sous les auspices d’un prospère et extravagant financier catalan nommé Salvador Jausá, qui y aurait vécu seulement un an. Le potentat, orphelin depuis ses six ans et aux humbles origines, avait amassé la majeure partie de sa fortune à Cuba et à Porto Rico. On disait qu’il avait profité pour s’enrichir, comme tant d’autres, de la chute de Cuba et de la guerre contre les Etats-Unis qui nous a fait perdre nos dernières colonies .En plus de sa fortune, il avait ramené autre chose du nouveau monde : il était accompagné de son épouse nord-américaine, une demoiselle pâle et fragile de la haute société de Philadelphie qui ne parlait pas un mot d’espagnol, ainsi que d’une domestique mulâtre qui avait été à son service depuis ses premières années à Cuba et qui voyageait avec un macaque en cage habillé en arlequin et sept malles. Au début, ils s’installèrent à l’hôtel Colón sur la place de Cataluña, en attendant d’acquérir la maison correspondant aux goûts et aux envies de Jausá.
Il ne faisait aucun doute pour personne que la domestique – beauté d’ébène dotée d’un regard et de formes qui, selon les chroniqueurs mondains, provoquaient des tachycardies – était en réalité sa maîtresse et son guide dans les plaisirs illicites et innombrables. La réputation de sorcière et d’ensorceleuse allait de soi. Son nom était Marisela, ou du moins était-ce ainsi que Jausá l’appelait. Sa présence et ses airs énigmatiques ne tardèrent pas à devenir le scandale favori des réunions que les dames de la haute société organisaient pour déguster des petits gâteaux en tuant le temps et l’ennui automnal. Lors de ces rencontres, circulaient des rumeurs qui suggéraient, sans confirmer, que la femelle africaine, directement inspirée par Satan, forniquait au-dessus du mâle, c’est-à-dire en le chevauchant comme une jument en rut, et se rendait donc coupable de pas moins de cinq ou six péchés capitaux. Il n’en fallu pas plus pour que quelqu’un écrive à l’évêque, sollicitant une protection et une bénédiction spéciale pour l’âme pure et immaculée des bonnes familles de Barcelone devant une pareille influence. Pour couronner le tout, Jausá avait le culot d’aller se promener en calèche avec sa femme et sa maîtresse le dimanche matin, offrant ainsi le spectacle babylonien de la dépravation aux yeux de n’importe quel jeune homme innocent qui pouvait déambuler sur le paseo de Gracia, en chemin pour la messe de onze heures. On faisait écho, jusque dans les journaux, du regard hautain et orgueilleux de la négresse, qui contemplait le public barcelonais « comme une reine de la jungle regarderait une tribu de pygmées ».
À cette époque, la fièvre moderniste consumait déjà Barcelone, mais Jausá avait clairement indiqué aux architectes engagés pour construire sa nouvelle demeure, qu’il voulait quelque chose de différent. Dans son vocabulaire, « différent » était le meilleur épithète. Jausá avait passé des années à se promener devant la file de bâtisses néogothiques que les grands magnats de l’ère industrielle américaine s’étaient fait édifier dans la partie de la Cinquième Avenue située entre les rues 58 et 72, face au côté est de Central Park. Epris de ses rêves américains, le financier refusa d’écouter n’importe quel argument en faveur de la construction à la mode et à l’usage du moment, de la même manière qu’il avait refusé d’acquérir une loge au Liceo, comme il était de rigueur, le qualifiant de Babel de sourds et de tas d’indésirables. Il désirait sa maison à l’écart de la ville, dans les parages, encore relativement désolés à l’époque, de l’avenue du Tibidabo. Il voulait contempler Barcelone de loin, disait-il. Pour unique compagnie, il désirait seulement un jardin de statues d’anges qui, selon ses instructions (dictées par Marisela), devaient être disposées sur les pointes du tracé d’une étoiles à sept branches, ni une de plus, ni une de moins. Résolu à mener ses plans à bien, et les coffres assez remplis pour satisfaire ses caprices, Salvador Jausá envoya ses architectes trois mois à New York pour qu’ils étudient les structures délirantes érigées pour héberger le commodore Vandervilt, le famille de John Jacob Astor, Andrew Carnagie et le reste des cinquante familles en or. Il donna des instructions pour qu’ils assimilent le style et les techniques de l’atelier d’architecture de Stanford, White & McKim et les prévint de ne pas s’embêter à frapper à sa porte avec un projet au goût de ceux qu’il appelait « charcutiers et fabricants de boutons ».

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Sonita nous propose sa traduction :

Cette après-midi-là, alors qu’elle se réchauffait à nouveau, Bea me raconta l’histoire de comment « l’ange de brume » était arrivé dans les mains de la famille Aldaya. Le récit était un mélodrame scabreux qui aurait bien pu s’être échappé de la plume de Julián Carax. La maison avait été construite en 1899 par le cabinet d’architectes de Naulí, Martorell et Bergadá sous l’égide d’un extravagant financier catalan fort prospère du nom de Salvador Jausá, qui n’y vivrait qu’un an. Le potentat, orphelin depuis l’âge de six ans et d’origine modeste, avait fait la plus grande partie de sa fortune à Cuba et Puerto Rico. On disait que la sienne était l’un des nombreux sinistres soutiens derrière la machination pour faire tomber Cuba et la guerre avec les États-Unis pendant laquelle beaucoup de colonies avaient été perdues. Du Nouveau Monde il ramena quelque chose de plus qu’une fortune : l’accompagnaient une épouse nord-américaine, jeune demoiselle pâle et fragile de la bonne société de Philadelphie qui ne parlait pas un mot d’espagnol, et une servante mulâtre qui avait été à son service dès les premières années à Cuba et qui voyageait avec un singe dans une cage vêtu d’arlequin et sept malles de bagages. Dans un premier temps, ils s’installèrent dans plusieurs chambres de l’hôtel Colón sur la place de Cataluña, en attendant d’acheter un logement plus adapté aux goûts et aux bons vouloirs de Jausá. Tous avaient la certitude que la servante, beauté d’ébène dotée d’un regard et d’une silhouette, qui aux dires des chroniques de la société provoquait des tachycardies, était en réalité sa maîtresse et guide dans les plaisirs illicites et innommables. En outre, son statut de sorcière et envoûtante était l’évidence même. Son nom était Marisela, ou du moins c’est comme ça que Jausá l’appelait, et sa présence et airs énigmatiques n’ont pas tardé à devenir le scandale préféré lors des réunions que les dames bien nées faisaient pour déguster des beignets au miel, tuer le temps et les bouffées de chaleur automnales. Lors de ces petites réunions entre amis circulaient des rumeurs, encore à confirmer, qui suggéraient que la femelle africaine, directement inspirée par les enfers, forniquait hissée sur l’homme, c’est-à-dire en le montant comme une jument en chaleur ce qui violait au moins cinq ou six pêchés mortels de nécessité. Il n’en manqua pas qui écrivirent à l’épiscopat, demandant une bénédiction spéciale et une protection pour l’âme chaste et blanche comme neige des bonnes familles de Barcelone face à une telle influence. Pour couronner le tout, Jausá avait le toupet de sortir se promener avec sa femme et avec Marisela, dans sa voiture les dimanches matins, offrant ainsi le spectacle somptueux de la dépravation aux yeux de n’importe quel jeunot innocent qui pouvait déambuler sur la promenade de Gracia en route pour la messe de onze heures. Même les journaux faisaient écho au regard hautain et orgueilleux de la négresse, qui contemplait le public barcelonais « de la même manière qu’une reine de la jungle regarderait une confrérie de pygmées ». À cette époque-là, la fièvre moderniste s’était déjà emparée de Barcelone, mais Jausá indiqua clairement aux architectes qu’il avait engagés pour construire sa nouvelle demeure qu’il voulait quelque chose de différent. Dans son dictionnaire « différent » était la meilleure des épithètes. Jausá avait passé des années à se promener devant la rangée de résidences néo-gothiques que les grands magnats de l’ère industrielle américaine s’étaient fait construire dans le tronçon de la cinquième avenue situé entre la 58è et 72è rue, juste en face de Central Park. Accroché à ses rêves américains, le financier refusa d’écouter un quelconque argument en faveur de construire ce qui était à la mode et ce qui se faisait alors, de la même manière qu’il avait refusé d’acquérir une loge au théâtre du Liceo, comme il était d’usage, en le qualifiant de capharnaüm de sourds et ruche d’indésirables. Il souhaitait que sa maison se trouve loin de la ville dans la partie encore relativement inhabitée sur l’avenue du Tibidabo. Il voulait contempler Barcelone au loin, disait-il. Pour seule compagnie, il ne désirait qu’un jardin de statues d’anges qui selon ses instructions (distillées par Marisela) devaient être situées au bout du tracé en forme d’une étoile à sept branches, ni une de plus ni une de moins. Résolu à mener son plan à bien, et l’argent plein les poches pour satisfaire ses caprices, Salvador Jausá envoya ses architectes à New-York pendant trois mois afin qu’ils étudiassent les délirantes structures érigées pour héberger le commodore Vanderbilt, la famille de John Jacob Astor, Andrew Carnagie et le reste des cinquante familles qui valaient de l’or. Il donna des instructions pour qu’ils assimilassent le style et les techniques de l’atelier d’architecture de Stantord, White et McKim et il les avertit qu’ils ne perdissent pas leur temps à sonner à sa porte avec un projet du goût de ceux qu’il appelait « des charcutiers et des fabricants de boutons ».


***

Louise nous propose sa traduction :

Cette soirée-là, alors qu'elle fulminait une fois de plus, Béa me raconta comment "L'ange de brume" était entré dans la famille Aldaya. Le récit était un mélodrame scabreux qui aurait bien pu sortir de la plume de Julian Carax. La maison avait été construite et signée en 1899 par les architectes de Nauli, Martorell i Bergada, sous les auspices d'un extravagant et opulent financier catalan, Salvador Jausa, qui n'y vivrait qu'un an. Le potentat, d'humble naissance et orphelin depuis ses six ans, avait amassé la plus grande partie de sa fortune à Cuba et à Puerto Rico. On prétendait qu'il était l'un des pouvoirs occultes des manigances de la chute de Cuba et de la guerre contre les Etats-Unis où avaient été perdues les dernières colonies. Du Nouveau Monde, il ne revint pas seulement avec une fortune: il était accompagné d'une épouse nord-américaine, demoiselle pâle et fragile de la bonne société de Philadelphie qui ne parlait pas un mot de castillan, et d'une mulâtre, domestique à son service depuis ses premières années à Cuba, qui voyageait avec un macaque en cage vêtu d'un costume d'arlequin et sept grosses valises. Provisoirement, ils occupèrent plusieurs chambres de l'hôtel Colon sur la plaza de Cataluña, en attendant d'acquérir la demeure adaptée aux bons goûts et désirs de Jausa.
Personne n'avait le moindre doute sur le fait que la domestique-beauté d'ébaine dotée d'un regard et d'une taille qui, selon les chroniques de société, provoquait des crises de tachycardie-était en réalité sa maîtresse et sa guide de plaisirs illicites et innomables. S'ajoutait à cela sa condition assumée de sorcière envoûtante. Elle portait le nom de Marisela, ou, du moins, c'est ainsi que l'appelait Jausa. Sa présence et son air énigmatique ne tardèrent pas à se convertir en le scandale privilégié des réunions dont profitaient les dames de bonne famille pour déguster des beignets au miel et tuer le temps et les bouffées de chaleur d'automne. Dans ces assemblées, circulaient des rumeurs non fondées insinuant que la femelle africaine, par inspiration directe des enfers, forniquait hissée sur l'homme, c'est-à-dire en le chevauchant telle une pouliche en chaleur, ce qui violait au moins cinq ou six péchés fatals. Devant pareille influence, on ne manqua donc pas de candidats pour écrire à l'évêché afin de solliciter une bénédiction spéciale et une protection de l'âme impollue et neigeuse des familles de noble nom de Barcelone. Pour couronner le tout, Jausa avait le culot le dimanche matin de se promener en voiture en compagnie de son épouse et de Marisela, offrant ainsi le spectacle babylonique de la dépravation aux yeux de tout jeune garçon incorrompu susceptible de déambuler sur le paseo de Gracia en chemin vers la messe de onze heures. Même les journaux se faisaient l'écho du regard altier et orgueilleux de la négresse qui contemplait le public barcelonais "comme une reine des forêts regarderait une confrérie de pygmées".
A cette époque, la fièvre moderniste consumait déjà Barcelone, mais Jausa indiqua clairement aux architectes embaûchés pour la construction de sa nouvelle résidence qu'il voulait quelquechose de différent. Dans son vocabulaire, "différent" était l'épithète supérieur. Jausa avait passé des années à se promener devant la rangée des manoirs néogothiques que les grands magnats de l'ère industrielle américaine s'étaient fait construire dans le tronçon de la Cinquième Avenue, bloqué entre les rues 58 et 72, face au flan est de Central Park. Attaché à son rêve américain, le financier refusa d'écouter quelconque argument en faveur d'une construction selon la mode et l'usage du moment, de la même façon qu'il avait refusé d'acheter une loge au Liceo, comme il était de rigueur, qualifiant celui-ci de tour de Babel de sourds et de fourmilière d'indésirables. Il voulait que sa maison soit éloignée de la ville, dans les alentours alors encore relativement désolés de la avenida de Tidibado. Il disait vouloir contempler Barcelone de loin. Pour unique compagnie, son seul désir était un jardin de statues d'anges qui, selon ses instructions (raffinées par Marisela), devaient être placées aux sommets du tracé d'une étoile à sept branches. Ni une de plus, ni une de moins. Résolu à mener ses plans à bien, et les coffres bien remplis pour le faire selon ses caprices, Salvador Jausa envoya ses architectes trois mois à New-York afin qu'ils étudient les délirantes structures érigées pour loger le commodore Vardervilt, la famille de John Jacob Astor, Andrew Carnagie et les autres cinquante richissimes familles. Il leur donna l'ordre d'assimiler le style et les techniques de l'atelier d'architecture de Stanford, White&McKin, et les avertit de ne pas se fatiguer à frapper à sa porte avec un projet au goût de ceux qu'il dénommait "charcutiers et fabricants de boutons".

***

Laëtitia Sw nous propose sa traduction :

Cet après-midi là, alors que je commençai à me réchauffer, Bea me relata comment « L’ange de brume » s’était retrouvé aux mains de la famille Aldaya. L’histoire était un mélodrame scabreux qui aurait bien pu naître sous la plume de Julián Carax. La maison avait été construite en 1899 par la société d’architectes de Naulí, Martorell i Bergadá sous les auspices d’un financier catalan, aussi prospère qu’extravagant, nommé Salvador Jausá, qui ne devait y vivre qu’une année. Cet homme puissant, orphelin à l’âge de six ans et d’origine modeste, avait amassé la plus grande partie de sa fortune à Cuba et à Porto Rico. On disait d’ailleurs que celle-ci avait constitué un des nombreux pouvoirs occultes après la chute de Cuba et la guerre contre les États-Unis qui avait sonné le glas des dernières colonies. Cependant, il avait rapporté du Nouveau Monde plus qu’une fortune : en effet, l’avaient accompagné une épouse nord-américaine, une demoiselle pâle et fragile de la bonne société de Philadelphie qui ne parlait pas un mot de castillan, et une servante mulâtresse qui était à son service depuis les premières années à Cuba et qui voyageait flanquée d’un macaque tenu en cage et vêtu d’un costume d’arlequin, et de sept malles pleines d’affaires. Provisoirement, ils avaient investi plusieurs chambres de l’hôtel Colomb sur la place de Catalogne, en attendant d’acquérir un logement à même de satisfaire les goûts et les désirs de Jausá.
Il ne faisait pas l’ombre d’un doute que la servante — beauté d’ébène dont le regard et les formes provoquaient, à en croire les chroniques mondaines, des crises de tachycardie — était en fait sa maîtresse et son initiatrice dans le domaine d’innombrables plaisirs illicites. De surcroît, sa réputation de sorcière et d’ensorceleuse n’était plus à faire. Elle se prénommait Marisela, ou du moins c’était ainsi que l’appelait Jausá, et sa présence auréolée d’airs énigmatiques n’avait pas tardé à devenir l’objet de scandale préféré des réunions où les dames bien nées se retrouvaient pour déguster des biscuits, tuer le temps et tromper l’ennui de l’automne. Au cours de ces causeries circulaient des rumeurs qui, sans être confirmées, suggéraient que la femelle africaine, sous une sujétion infernale, forniquait en amazone avec son mâle, le chevauchant telle une pouliche en chaleur, ce qui impliquait, par voie de conséquence, la violation d’au moins cinq ou six péchés mortels. Immanquablement, quelqu’un avait écrit à l’évêché pour solliciter une bénédiction spéciale ainsi qu’une protection à l’intention des âmes pures et candides des familles renommées de Barcelone face à une aussi funeste influence. Affront suprême, Jausá avait le culot d’aller se promener avec son épouse et Marisela dans son équipage, chaque dimanche en milieu de matinée, offrant par la même occasion le spectacle babylonien de la dépravation aux yeux du premier innocent venu, susceptible de déambuler le long de la promenade de Gracia pour se rendre à la messe de onze heures. Même les journaux se faisaient l’écho du regard altier et fier de la négresse, qui contemplait le public barcelonais « comme une reine des forêts toiserait une confrérie de pygmées ».
À cette époque, la fièvre moderniste consumait déjà Barcelone, mais Jausá avait clairement indiqué aux architectes, embauchés pour bâtir sa nouvelle demeure, qu’il voulait quelque chose de différent. Dans son dictionnaire, « différent » était la meilleure épithète qui fût. Jausá avait passé des années à se promener le long des résidences néogothiques que les grands magnats de l’ère industrielle américaine s’étaient fait construire sur le tronçon de la Cinquième Avenue compris entre les rues 58 et 72, face à la partie est de Central Park. Emporté par ses rêves américains, le financier s’était refusé à écouter tout argument en faveur d’une construction qui respectât la mode et l’usage du moment, de même qu’il avait écarté l’idée d’acquérir une loge au Liceo, comme il était de rigueur, qualifiant ce lieu de capharnaüm de sourds et de fourmilière d’indésirables. Il désirait que sa maison fût à l’écart de la ville, dans ce qui constituait alors les environs relativement désolés de l’avenue du Tibidabo. Il voulait pouvoir contempler Barcelone de loin, disait-il. Il désirait simplement un jardin avec pour unique compagnie des statues à l’effigie d’anges qui, selon ses instructions (instillées par Marisela) devaient être placées à chaque sommet du tracé d’une étoile à sept pointes, ni plus ni moins. Vu qu’il tenait résolument à réaliser ses projets et qu’il possédait des coffres regorgeant de richesses pour y parvenir à sa guise, Salvador Jausá envoya ses architectes pendant trois mois à New York étudier les délirantes structures érigées en l’honneur d’hôtes comme le commodore Vandervilt, la famille de John Jacob Astor, Andrew Carnagie et le reste des cinquante plus prestigieuses familles de la ville. Il leur intima de s’approprier le style et les techniques de l’atelier d’architecture de Stanford, White & McKim et il les dissuada de revenir frapper à sa porte avec un projet au goût de ceux qu’il appelait « des charcutiers et des fabricants de boutons ».

***

Brigitte nous propose sa traduction :

Cet après-midi là, pendant que je me réchauffais peu à peu, Bea me raconta comment « l’ange de brume » était passée aux mains de la famille Aldaya. L’histoire était un mélodrame scabreux qui aurait très bien pu couler de la plume de Julián Carax. La villa avait été construite en 1899 par le cabinet d’architectes Nauli, Martorell i Bergada sous les auspices d’un financier catalan prospère et exubérant du nom de Salvador Jausá, qui n’y vivrait qu’un an. Le magnat, orphelin à six ans et d’origine modeste, avait amassé la plus grande partie de sa fortune à Cuba et Porto Rico. On disait qu’il était l’une des nombreuses « mains noires » après l’affaire de la chute de Cuba et la guerre contre les Etats Unis qui s’était soldée par la perte des dernières colonies. Du Nouveau Monde, il rapporta bien autre chose que sa fortune : il était accompagné d’une épouse nord américaine, jeune femme pâle et fragile de la bonne société de Philadelphie ne parlant pas un mot d’espagnol, et d’une domestique mulâtre à son service depuis ses premières années à Cuba, voyageant avec un macaque en cage habillé en arlequin et sept malles de bagages. Dans un premier temps, ils occupèrent plusieurs chambres de l’Hôtel Colón, sur la Place de Catalogne, en attendant d’acquérir la demeure qui convienne aux goûts et envies de Jausá.
Il ne faisait aucun doute pour personne que la servante – beauté d’ébène dont le regard et les formes, aux dires de la bonne société, provoquaient la tachycardie - était en réalité sa maîtresse et sa guide en plaisirs illicites et innombrables. On lui attribuait, de surcroît, la qualité de sorcière et jeteuse de sorts. Elle se prénommait Marisela, ou du moins est-ce ainsi que l’appelait Jausá, et sa prestance et ses airs énigmatiques devinrent en peu de temps le sujet de scandale de prédilection/favori des réunions que les dames bien nées organisaient pour déguster des petits-fours et tuer le temps et l’ennui de l’automne. Au cours de ces réunions, des rumeurs non avérées circulaient selon lesquelles la femelle africaine, sous l’influence directe des enfers, forniquait à califourchon sur le mâle, c’est-à-dire le chevauchant telle une jument en chaleur, ce qui violait pas moins de cinq ou six péchés capitaux. On ne manqua pas d’écrire à l’évêché, afin de solliciter bénédiction particulière et protection pour l’âme pure et blanche comme neige des familles de renom de Barcelone, contre une telle influence. Pour couronner le tout, Jausá avait l’impudence de se promener en calèche avec son épouse et Marisela le dimanche matin, offrant ainsi le spectacle babylonien de la dépravation aux yeux du moindre garçon [oie blanche ?] pas encore perverti, susceptible de circuler sur le Paseo de Gracia, en chemin pour la messe de onze heures. Même les journaux se faisaient l’écho du regard altier et fier de la négresse qui toisait/ regardait de haut les Barcelonais, « comme une reine de la jungle regardait une tribu de pygmées ».
A cette époque-là, la fièvre moderniste s’était déjà emparée de Barcelone, mais Jausá indiqua clairement aux architectes engagés pour construire sa nouvelle demeure, qu’il la voulait quelque peu différente. Dans son vocabulaire, l’adjectif «différent» était le meilleur qui soit. Jausá avait passé des années à se promener le long des villas néogothiques que les magnats de l’ère industrielle américaine s’étaient fait bâtir entre la 58ème et la et 72ème rues de la Cinquième Avenue, face à la lisière est de Central Park. Plongé dans ses rêves américains, le financier se refusa à écouter tout argument en faveur d’une construction selon la mode et l’usage du moment, de même qu’il s’était refusé à acquérir, comme il était de rigueur, une loge au Liceo qu’il appelait Babel de sourds et ruche d’indésirables. Il voulait une maison à l’écart de la ville, dans la quartier alors encore relativement désert de l’avenue du Tibidabo. Il souhaitait contempler Barcelone de loin, disait-il. Pour seule et unique compagnie, il ne voulait qu’un jardin de statues d’anges : d’après ses instructions (distillées par Marisela), celles-ci devaient être placées à chaque pointe d’une étoile à sept branches, pas une de plus ni de moins. Fermement décidé à réaliser ses projets, et avec des coffres bien remplis pour en faire à sa guise, Salvador Jausá envoya ses architectes étudier trois mois à New York les structures délirantes érigées pour abriter le commodore Vandervilt, la famille John Jacob Astor, Andrew Carnagie et le reste des cinquante familles dorées. Il donna des instructions pour qu’ils s’imprègnent du style et des techniques de l’atelier d’architecture Stanford, White & McKim et il les avertit qu’ils ne prennent pas la peine de venir frapper à sa porte si c’était pour lui présenter un projet du goût de ceux qu’il appelait « marchands de charcutaille et fabricants de boutons ».

vendredi 25 septembre 2009

Un billet de Laure Gentile (promo 2008-2009)

En photo : Pila de libros por leer, par Eduardo!

Je m’obstine à repérer et à synthétiser pour vous tous les articles sur lesquels je tombe et dont l’objet est le livre… le support de notre passion !
Réjouissez-vous d'apprendre (dans un article paru dans le Monde aujourd’hui, 25 septembre 2009), que le livre est le produit le plus vendu en volume sur internet. Ses ventes drainent des milliards d’euros de chiffre d’affaire, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, et les sites des grands groupes de vente (Fnac.com, Amazon…) de même que ceux des librairies indépendantes (comme notre incontournable Mollat…) sont visités par des dizaines de millions de personnes.
Une des raisons du succès de la vente de livres sur internet est le catalogue très diversifié que le web peut proposer : des dizaines de milliers de références peuvent être recensées, tandis qu’une librairie ne peut mettre en rayon que 15 000 références… Quand on sait qu’en France seulement, 60 000 nouveautés sortent chaque année, inutile de dire que le catalogue proposé sur les différents sites est plus apte à tout référencer que des rayons de librairies, somme toute limités en place.
Le livre a donc de beaux jours devant lui, mais la bonne vente n’est forcément porteuse de bonne littérature. L’éternel problème de l’offre excessive et du pilon qui attend beaucoup de feuillets non lus, non vendus, ne s’en trouvera qu’accru. La vente par internet ne représente actuellement que 8 à 10% des ventes totales, mais ce pourcentage, grandissant, entraîne avec lui un accroissement de l’offre qui peut risquer de perdre le lecteur… C’est un topique bien connu : quand le consommateur se perd dans une offre excessive, il ne sait plus consommer… Si cela est vrai avec les produits de consommation alimentaire, pourquoi cela ne s’appliquerait-il pas à la consommation de littérature ?
Je vous laisse sur ces dernières remarques très personnelles, pures conjectures qui ne demandent qu’à être contredites ou confirmées par les commentaires des blogueurs de Tradabordo !

mercredi 23 septembre 2009

« Ma traduction longue », par Blandine

Les réponses de Blandine aux questions que nous lui avons posées.

1. Comment s’est passée la traduction de ton roman ?
Je dois avouer que traduire Pusimos la bomba… y qué ? n’a pas été chose facile. Entre les cours, le travail à côté, les stages, j’ai eu un peu de mal à m’y mettre comme je l’avais prévu. Résultat ,je n’ai fini le premier jet que fin juin et ensuite je n’ai eu que le mois de juillet et mi-août pour faire les relectures et corrections – un très gros travail en si peu de temps.

2. Y a-t-il eu des moments de découragement ? De satisfaction ?
Comme vous pourrez le voir par vous-mêmes, on a toujours des moments de découragement. Quand on bloque sur une phrase, sur un mot. On se dit : non, là, ça ne va pas, il faut quelque chose de mieux. On se torture l’esprit, jusqu’au moment où l’on trouve enfin ce que l’on veut. On peut parler de satisfaction, quand on arrive à trouver une bonne solution à son problème. Du moins en ce qui me concerne. Faire lire mon travail à une autre personne m’a énormément aidé ou même le simple fait d’en discuter. Cela m’a permis de résoudre des problèmes de lexique ou de syntaxe.

3. Quelles difficultés as-tu rencontrées ?
Outre le fait que mon texte d’origine n’était pas écrit correctement et qu’il y avait énormément de dialogues, j’ai eu beaucoup de mal à les rendre tels qu’ils auraient dû être. J’avoue ne pas avoir pris suffisamment de risques pour m’éloigner du texte et en faire quelque chose d’agréable à lire.

4. Est-ce que cela a été plus ou moins difficile par rapport à ce que tu avais imaginé ?
Au début, on ne se rend pas trop de compte des difficultés vers lesquelles on va. C’est surtout au moment de la relecture et des corrections que je me suis mise à penser que ça n’était pas aussi bien que je le souhaitais.

5. Qu’attendais-tu d’une telle traduction ?
Je pense que cette première traduction a été une mise à l’épreuve, un défi que je devais relever pour me prouver à moi-même que j’étais vraiment faite pour cela. Car traduire des petits textes de quelques pages ça paraît toujours simple, mais de s’attaquer à un roman, c’est une autre paire de manches.

6. Qu’en retires-tu ?
Une grande remise en question, même si je suis satisfaite d’avoir terminé ce travail. Suis-je vraiment faite pour ce métier ? J’avoue avoir énormément de travail à effectuer pour me remettre à niveau et surtout écrire correctement…

7. Où as-tu trouvé ton texte de traduction longue, est-ce un coup de cœur, un choix « stratégique », un choix par défaut ?
Après plusieurs mois de recherche, une amie m’a proposé ce livre qu’elle avait chez elle. Je l’ai lu et il m’a intéressé en priorité par son contenu. Il s’agit d’un témoignage journalistique basé sur un fait réel et qui est toujours d’actualité.

8. As-tu l’intention d’essayer de faire publier ta traduction longue ?
Suite aux commentaires de mon tuteur, Jean-Marie Saint Lu et de Caroline, la responsable du parcours, je pense qu’il vaut mieux pour moi oublier cette idée. Car j’ai avant toute chose un gros travail de correction et de réécriture à faire. Et comme l’a fait remarquer Nathalie avant moi, il s’agit pour nous d’un travail de débutant et, en ce qui me concerne, avec encore trop d’erreurs pour oser le présenter à une maison d’édition.

dimanche 13 septembre 2009

« Ma traduction longue », par Nathalie

1-Comment s'est passée la traduction de ton roman ?
Cette traduction a été un travail de longue haleine qui m'a demandé de la persévérance, de l'endurance. Au début, j'ai eu du mal à trouver mon rythme (à cause des cours, puis du stage) mais j'ai bouclé le premier jet fin mai/début juin. Et j'ai profité des vacances d'été pour entreprendre relectures et corrections. C'est là que j'ai réalisé le plus gros du travail : prendre des décisions (les fameux « choix du traducteur »), peaufiner, m'assurer que le texte français tenait la route...

2. Y a-t-il eu des moments de découragement ? de satisfaction ?
Je ne me suis jamais lassée de mon texte parce qu'il a toujours eu quelque chose à m'enseigner, étape après étape. Sans être pleinement satisfaite du résultat, je sais que j'ai fait de mon mieux ; aussi est-ce sans regret que j'ai envoyé mon manuscrit au jury.
Mon pire souvenir restera le moment de la mise en forme : photocopie de la VO, impression de la VF, alignement au cordeau... Un cauchemar ! Que de papier gâché (sans compter l'encre), que de temps perdu...
Et mon meilleur souvenir sera celui de la correction en binôme, source d'échanges fructueux et de fous-rires nerveux.

3. Quelles difficultés as-tu rencontrées ?
Elles ont été si nombreuses : traduction ou non traduction des noms de personnes, des lieux, des fonctions officielles ; langue de l'Espagne classique, émaillée d'expressions orales contemporaines ; dialogues, humour ; un romance, deux cuartetas, un trabalenguas ; présence de notes de bas de page...

4. Est-ce que cela a été plus ou moins difficile par rapport à ce que tu avais imaginé ?
Je n'avais pas d'a priori quant au niveau de difficulté : je savais que j'allais rencontrer nombre d'obstacles, même pour des phrases ou des mots très simples. Par contre, je ne m'attendais pas à ce que le travail de relectures/corrections soit aussi long : me voilà prévenue !

5. Qu'attendais-tu d'une telle traduction ?
La possibilité de relever de nombreux défis ; et compte tenu de la difficulté du texte choisi, je n'ai pas été déçue ! Mais comme je l'ai déjà dit, je ne regrette pas mon choix, au contraire : je me félicite d'avoir eu à résoudre tant de problèmes pour un premier texte.

6. Qu'en retires-tu ?
Paradoxalement, une grande fierté et un profond sentiment d'humilité. La tâche est rude et vous oblige à vous remettre en cause à chaque instant mais vous avez le sentiment d'apprendre, de progresser.

7. Où as-tu trouvé ton texte de traduction longue, est-ce un coup de cœur, un choix "stratégique", un choix par défaut ?
Je souhaitais traduire un roman de littérature de jeunesse ; ne trouvant rien dans les librairies bordelaises, je suis partie en Espagne pour avoir tout loisir de flâner dans les rayons et de feuilleter chaque ouvrage. Mon choix s'est porté sur Siete historias para la infanta Margarita de Miguel Fernández Pacheco après avoir vu la couverture qui présente les personnages du célèbre tableau de Velázquez, les Ménines. Le coup de coeur a d'abord été visuel.

8. As-tu l'intention d'essayer de faire publier ta traduction longue ?
Il y a encore une semaine, j'aurais répondu « oui » sans hésiter mais aujourd'hui, je m'interroge : est-ce bien raisonnable de vouloir publier une traduction de débutante...

Un billet de Brigitte

Pour qui sonne le glas

L’heure de la rentrée a sonné…

À l’heure où les ultimes « survivantes » de la promotion Anne Dacier s’apprêtent à faire leurs premiers pas dans le monde de l’édition, - anciennes apprenties à présent néo traductrices brillamment validées, je l’espère … - me voilà, bien malgré moi, obligée de jeter l’éponge et de renoncer à poursuivre ce Master qui me tenait tant à cœur !
En effet, « gratifiée » d’un poste en Lycée à 20 kms de la Corrèze et presque 2 heures quotidiennes de route de mon domicile, 5 niveaux différents de la 2nde à la Terminale en passant par les bac pro et les BEP, 9 groupes classes à gérer avec des activités différentes en classe entière, demi-groupe, soutien …bref, de quoi devenir chèvre et y perdre son latin, ajoutant à cela un emploi du temps ne me permettant plus de me rendre à l’Université de Bordeaux pour y poursuivre le travail entamé l’an dernier !
Ô rage, Ô désespoir ! Quelle cruelle déception !
L’impossibilité de mener ce Master à son terme, malgré un investissement total, me laisse un profond sentiment d’amertume, mêlé d’une frustration certaine : la frustration d’un travail inachevé ou d’une mission non remplie bien malgré moi !
Et pourtant, que le parcours fut difficile et semé d’embûches au cours de cette longue année universitaire ! Sélection sur dossier puis un test d’admission passé avec succès, la rédaction d’une nouvelle, un répertoire ayant nécessité des heures de recherches, un temps énorme consacré aux travaux de traduction – thèmes et versions – et une participation active aux diverses activités ayant permis alimenter régulièrement et généreusement le blog de Tradabordo… Toujours « Travailler plus pour gagner moins » !
Malgré la passion de traduire qui m’anime, le souci du travail bien fait et un acharnement à toute épreuve…, tout comme Laure et Olivier, enseignants également qui m’ont devancée sur le chemin de l’abandon, le « miroir aux alouettes » s’est brisé aussi pour moi ! Que me reste-t-il, en fin de compte, de tout cela ? Rien qui ne soit validé, pas même un stage finalement… et une traduction longue qui prendra sans doute la poussière au fond d’un tiroir, inachevée faute de temps pour la peaufiner…
On aura beau chercher à me consoler en me disant que ce n’est pas un « bout de papier » qui changera les choses et que ce qui compte, c’est le parcours accompli… Certes, le travail a été accompli, en partie du moins, mais sans rien au bout du chemin… qu’une porte close ou une impasse. Ne nous leurrons pas : enseigner est un métier extrêmement prenant pour qui s’efforce de remplir au mieux la « mission » qui lui est confiée. Enseigner et traduire ne sont pas incompatibles mais dans certaines conditions qui ne me sont guère favorables actuellement, il faut bien l’admettre. Pour traduire, il faut du temps et, je le crains, c’est ce qui précisément me fera le plus défaut cette année !
Quoiqu’il en soit, ce qui compte, après tout, c’est que ce Master soit bel et bien né et que le blog Tradabordo existe et reste bien vivant, n’est-ce-pas ?
Mon Master est mort mais vive le Master !
Je reste, bien entendu, très attentive à tout ce qui est publié sur le blog en tant que fidèle abonnée de la première heure et serais très heureuse d’avoir des nouvelles de la Promo Anne Dacier.
Blandine, Jacqueline, Nathalie, Laure L.et Laëtitia, je vous souhaite de belles traductions !
Un clin d’œil à Laure L. et Olivier en ces premiers jours de rentrée !
Merci Caroline.
A bientôt.
Brigitte

mardi 8 septembre 2009

« Y a-t-il une vie après le Sexto ? », par Jacqueline

En photo : vague, par Enn'

[parenthèse de Caroline : Jacqueline m'a envoyé ce post il y a quelques jours, et je n'avais pas pu le publier… C'est fait !]

Franchement, je ne sais pas répondre à cette question existentielle. J’imagine qu’on doit errer lamentablement autour de la H118 en se tordant les bras de désespoir et en pensant aux moments de franche rigolade que sont en train de vivre les copines, qu’on doit se lever le dimanche avec l’impression d’une journée perdue faute de billet à rédiger, qu’on doit vouloir mettre son grain de sel dans le blog et qu’on serre rageusement sa souris pour ne pas succomber à la tentation et laisser le champ libre aux nouvelles… bref vous l’avez compris, le blues me guetterait presque ; j’imagine alors que mille traductions (au moins) nous attendent avec l’excitation de l’inconnu et de la nouveauté, qu’une association peut-être permettra aux pionnières de jouer les grandes sœurs, que la famille, loin de s’éteindre va s’agrandir, que nous sommes le premier maillon d’une solide chaîne, que sais-je et alors oui, je retrouve ma sérénité, c’est préférable, du moins jusqu’à lundi ! Quelques traits d’humour permettent de prendre la distance indispensable avec l’événement, un master Pro, je parle d’expérience, est plus impressionnant qu’un master… tout court.
Toute cette distance ne m’empêche pas de garder la reconnaissance que je dois à qui m’a aidée. Vous me pardonnerez donc, j’en suis sûre, de profiter de ces derniers clics pour remercier comme il se doit François MATTEÏ, un mien ami, lecteur infatigable du blog, qui m’a souvent aidée par ses remarques avisées sur nos productions respectives, ses conseils et ses suggestions. Merci l’ami, et garde un œil sur Tradabordo, on ne sait jamais !