mercredi 27 avril 2011

Version pour le 26 avril

Esto es sólo el principio

Aquí estoy otra vez. Soy Manolito, el mismo de un libro que se llama Manolito Gafotas. Hay tíos que se piensan que saben todo sobre mi vida por haber leído ese libro. Hay tíos en el Planeta Tierra que se creen muy listos. Dice mi abuelo Nicolás que con mi vida se podrían rellenar enciclopedias; y no lo dice porque sea mi abuelo, lo dice porque es cierto. En los ocho años que llevo viviendo en la bola del mundo (del mundo mundial) me han pasado tantas cosas que no me daría tiempo a contarlas en los próximos 92 años; y digo 92 porque a mí, si pudiera elegir, me gustaría morirme a los cien años; es que morirse antes no merece la pena. Es lo que yo le digo a mi abuelo.

–Morirse a los ochenta y siete no mola, abuelo; te mueres a los cien años y quedas como un rey, con dos ceros como catedrales.

Yo no puedo entender a esas personas tan importantes que se ponen a escribir sus memorias cuando son viejos y sólo les sale un libro de 357 páginas. Te digo una cosa: yo tengo sólo ocho años y a mí, ahí, en 357 páginas, mi vida no me cabe. Así que tendré que escribir libros y libros y libros para que te vayas enterando de la verdad de mi vida: Manolito se compra un chándal, El Imbécil tiene nombre, Los chistes de Manolito, Manolito en Nueva York. Bueno, este último es de ciencia ficción, porque yo en Nueva York no voy a estar nunca; es una tradición que hay en mi familia, la de no ir nunca a Nueva York; es casi tan antigua como la de comer doce uvas en Noche Vieja o bailar la conga en las fiestas de Carabanchel. Hasta donde yo puedo saber de mis antepasados ninguno fue a Nueva York, y no creo que yo vaya a ser el primero, porque en mis ocho años de vida en este Planeta no he sido el primero en nada; pregúntaselo a mi sita Asunción, que me definió al acabar el curso como «el clásico niño del montón». Pero no quiero adelantarte el final del libro, no voy a ser como el Orejones, que se va tres días antes que tú a ver una película para contarte el final y reventártela. Es una gracia típica de mi gran amigo (aunque sea un cerdo traidor).

En este libro vienen algunas de las aventuras que me pasaron en los últimos meses, y son tantas, tantas, las cosas que me ocurren todos los días que me costó mucho decidirme por cuáles contarte. Y lo malo es que todo el mundo tenía que meter baza:

Yihad me dijo que si no sacaba la aventura del silbato nos veríamos las caras un atardecer en el parque del Ahorcado.

La Susana Bragas–sucias me pedía todos los días un capítulo para ella sola:

–... y no como en el otro libro, que sólo contaste lo de las bragas, gracioso –me dijo.

La Luisa no quería que apareciera la historia de Los cochinitos, pero, como en el fondo, le hacía mucha gracia, me propuso que a ella y a Bernabé les sacara con seudónimo. Al final, se me olvidó y están con sus verdaderos nombres. Mi madre ha dicho:

–Ya veremos las repercusiones del librito en el barrio.

El Imbécil, como de momento es analfabeto, tiene una única obsesión: que le saquen continuamente en los dibujos. Así, cogerá el libro, señalará sus retratos con el chupete (llenando las hojas de babas) y dirá:

–Yo.

Y pasará las hojas hasta que vuelva a encontrarse. Cuando sepa leer exigirá ser el protagonista. Fijo.

La madre de Arturo Román llamó a mi madre para decirle:

–Con lo amigo que es mi Arturo de Manolito y la vez anterior el pobre sólo decía una frase.

El Orejones me confesó el otro día que después de mucho pensar ha llegado a la conclusión de que las partes que más molan son las que sale él.

–Te lo digo con el corazón –me dijo llevándose la mano al lado derecho (su fuerte no es la anatomía humana).

El dueño del Tropezón me pidió que no sacara que el año pasado intoxicó a medio Carabanchel Alto con una ensaladilla rusa que estaba caducada; así que ese capítulo lo guardaré para hacerle chantaje de vez en cuando.

Los únicos que no han protestado ni han pedido nada han sido mi padre (aunque sé que está muy contento porque en este libro aparece cantidad) y mi abuelo, que, viendo que entre unos y otros no me dejaban en paz, me dijo:

–Tú a tu bola, Manolito; si quieren salir en un libro que se lo escriban ellos.

Así que eso he hecho, he ido a mi bola, que para eso soy el que cuenta estas espeluznantes historias.

Elvira Lindo, Pobre Manolito

***

Julie nous propose sa traduction :

Ce n’est que le début.

Je suis là de nouveau. Je suis Manolito, le même que dans le livre qui s’appelle Manolito le Binoclard. Il y a des types qui pensent qu’ils savent tout de ma vie parce qu’ils ont lu ce livre. Il y a des types sur la Planète Terre qui se croient très malins. Mon grand-père Nicolás dit qu’avec ma vie, on pourrait remplir des encyclopédies ; et il ne le dit pas parce qu’il est mon grand-père, il le dit parce que c’est vrai. Sur les huit ans que j’ai passés à vivre sur le globe terrestre (du monde mondial), il m’est arrivé tellement de choses que je n’aurais pas le temps de les raconter dans les 92 prochaines années. Je dis 92 parce que moi, si je pouvais choisir, j’aimerais mourir à cent ans ; c’est que mourir avant, ça ne vaut pas la peine. C’est ce que j’explique à mon grand-père.

— Mourir à quatre-vingt-sept ans, c’est pas la classe, papi. Tu meurs à cent ans et t’es comme un roi, avec deux zéros comme des cathédrales.

Je n’arrive pas à comprendre ces gens importants qui se mettent à écrire leurs mémoires quand ils sont vieux et que ça leur fait juste un livre de 357 pages. Je vais te dire une chose : j’ai que huit ans et pour moi, là, dans 357 pages, ma vie ne rentre pas. Donc, je vais devoir écrire des livres, des livres et des livres pour que tu apprennes la vérité sur ma vie : Manolito s’achète un survêtement, L’Imbécile a un nom, Les blagues de Manolito, Manolito à New-York. Bon, le dernier c’est de la science fiction, parce que moi, je n’irai jamais à New York ; c’est une tradition dans ma famille, celle de ne jamais aller à New York. Elle est presque aussi ancienne que celle de manger douze grains de raisin le soir du réveillon ou de danser la conga aux fêtes de Carabanchel. D’après ce que j’ai pu savoir de mes ancêtres, aucun n’est allé à New York, et je ne crois pas que je vais être le premier, parce que pendant mes huit ans de vie sur cette Planète je n’ai été le premier en rien. Demandez à ma maîtresse Asunción, qui m’a défini à la fin du cours comme « l’enfant classique de la masse ». Mais je ne veux pas anticiper la fin du livre, je ne vais pas faire comme Grandes-Oreilles, qui va voir un film trois jours avant toi pour te raconter la fin et tout gâcher. C’est un trait typique de mon grand ami (même si c’est un cochon de traître).

Certaines des aventures que j’ai vécues ces derniers mois sont dans ce livre. Et les choses qui m’arrivent tous les jours sont si nombreuses que j’ai eu beaucoup de mal à choisir lesquelles te raconter. Et le pire, c’est que tout le monde venait y fourrer son nez :

Yihad m’a dit que si je n’enlevais pas l’histoire du sifflet, on se retrouverait un soir au parc du Pendu pour se castagner.

Susana Culottes-sales me demandait chaque jour un chapitre pour elle tout seule :

— … et pas comme dans l’autre livre, où t’as juste raconté l’histoire des culottes, coquin ! – m’a-t-elle dit.

Luisa ne voulait pas que l’histoire des Petits Cochons apparaisse, mais, comme au fond, elle lui plaisait beaucoup, elle m’a proposé que je change son nom et celui de Bernabé par un pseudonyme. Finalement, j’ai oublié et ils ont leurs vrais noms. Ma mère a dit :

— On verra bien les répercussions qu’aura ton livre dans le quartier.

L’Imbécile, qui est analphabète pour le moment, a une seule obsession : qu’on le dessine continuellement. Comme ça, il prendra le livre, il montrera ses portraits avec sa sucette (en remplissant les feuilles de bave) et il dira :

— Moi.

Et il tournera les pages jusqu’à ce qu’il se trouve à nouveau. Quand il saura lire, il exigera d’être le personnage principal. C’est sûr.

La mère d’Arturo Román a appelé ma mère pour lui dire :

— Vu toute l’amitié que mon Arturo a pour Manolito… Et la fois d’avant le pauvre disait une seule phrase.

Grandes-Oreilles m’a confié l’autre jour qu’après avoir beaucoup réfléchi il en était arrivé à la conclusion que les parties les plus cool étaient celles dans lesquelles il apparaissait.

— Ça vient du cœur – m’a-t-il dit en portant sa main sur le côté droit (l’anatomie humaine, ce n’est pas son fort).

Le gérant du Tropezón m’a demandé de ne pas préciser que l’année dernière il avait intoxiqué la moitié de Carabanchel Alto avec une salade russe périmée ; du coup, je garderai ce chapitre pour lui faire du chantage, parfois.

Les seuls qui ne se sont pas plaints ou qui n’ont rien demandé ont été mon père (même si je sais qu’il est très content parce qu’il apparaît beaucoup dans ce livre) et mon grand-père, qui, en voyant que les uns et les autres ne me fichaient pas la paix, m’a dit :

— Occupe-toi de tes affaires, Manolito ; s’ils veulent être dans un livre, ils n’ont qu’à se l’écrire.

Alors c’est ce que j’ai fait, je me suis occupé de mes affaires, parce que c’est pour ça que je suis celui qui écrit ces histoires ébouriffantes.

***

Vanessa nous propose sa traduction :

Et ce n'est que le début...

Me revoilà ! Je suis Manolito, le même que celui du livre Manolito le Binoclard. Il y a des gens qui pensent tout connaître de ma vie parce qu'ils ont lu ce livre-là. Il y en a, sur la Planète Terre, qui se croient très intelligents. Mon grand-père Nicolás, il dit qu'avec ma vie, on pourrait remplir des encyclopédies ; et il ne dit pas ça parce que c'est mon grand-père, non, il le dit parce que c'est vrai. Pendant les huit années de mon existence sur la surface du monde (du monde mondial), il m’est arrivé tellement de choses que j'aurais jamais assez de temps pendant les 92 années à venir pour tout raconter ; et je dis 92, parce que, si je pouvais choisir, je voudrais mourir à cent ans : mourir avant, ça sert à rien. Alors, voilà ce que je lui dis, à mon grand-père :

― Papi, mourir à quatre-vingt sept ans, ça craint ; pourquoi tu meurs pas à cent ans, comme ça tu seras comme un roi, avec tes deux énormes zéros ! Je peux pas comprendre ces gens si importants qui commencent à écrire leurs mémoires alors qu'ils sont vieux, et qui, à la fin, n'ont qu'un livre de 357 pages. Tu sais quoi ? J'ai que huit ans, mais ma vie à moi, dans ces 357 pages-là, ben elle rentre pas. En réalité, il faudrait que j'écrive des livres, et des livres, et des livres pour que tu comprennes la vraie vérité de ma vie : « Manolito achète un pull », « L'Imbécile a un prénom », « Les blagues de Manolito », « Manolito à New-York ». Bon, celui-là, c'est de la science-fiction, parce que moi, j’y mettrai jamais les pieds, à New-York. Oui, c'est une tradition familiale, on ne va jamais à New-York. Elle est presque aussi ancienne que celle d'avaler douze raisins pour le réveillon du jour de l'an, ou que celle de danser la conga aux fêtes de Carabanchel. Aussi loin que je puisse remonter dans mes ancêtres, aucun n'a été à New-York. Et je pense pas que je serai le premier, parce qu'en huit ans de vie sur la Planète, j'ai jamais été le premier nulle part. Demande à ma maîtresse Asunción ; à la fin de l'année dernière, elle a dit que j'étais un petit garçon « classique et ordinaire. » Mais je voudrais pas te raconter la fin du livre maintenant, je vais pas faire comme Grandes-Oreilles ; lui, il va voir un film trois jours avant toi, exprès pour te raconter la fin et tout te gâcher. C’est un truc que fait tout le temps ce grand ami à moi (même si c’est un cochon de traître.)

Dans ce livre, il y a quelques-unes des aventures qui me sont arrivées pendant ces derniers mois, et il y a tellement, tellement de choses qui m’arrivent tous les jours, que j’ai eu beaucoup de mal à choisir lesquelles te raconter. Et le pire, c’est que tout le monde s’en est mêlé : Yihad m’a dit que si je racontais pas le coup du sifflet, j'aurai affaire à lui un de ces soirs dans le parc du Pendu. Susana Les Culottes-Sales me demandait tous les jours un chapitre pour elle toute seule :

― … et pas comme dans l’autre livre, hein, où t’as raconté que le truc des culottes, petit malin – elle m’a dit. Luisa ne voulait pas qu'il y ait l'histoire des Petits Cochons, mais, comme au fond, ça la faisait bien rire, elle m'a proposé de leur donner des pseudonymes, à Bernabé et à elle. Et puis, ça m'est sorti de la tête, alors ils ont eu leurs vrais prénoms. Ma mère a dit :

― On verra bien les répercutions qu'aura ce petit livre dans le quartier.

L'Imbécile, puisque pour l'instant, il est toujours analphabète, il a une seule obsession : être dans tous les dessins. Comme ça, il va prendre le livre, il va montrer son portrait avec sa tétine (en inondant les feuilles de bave au passage), et il va dire :

― Moi.

Et il va tourner les pages jusqu'à ce qu'il se trouve à nouveau. Quand il saura lire, c'est sûr, il exigera d'être le personnage principal. C'est obligé.

La mère d'Arturo Román, elle a appelé ma mère pour lui dire :

― Quand même, mon Arturo est un très bon ami de Manolito, et pourtant la dernière fois, le pauvre ne disait qu'une seule phrase ! Grandes-Oreilles, l'autre jour, il m'a avoué qu'il était arrivé à une conclusion, après avoir beaucoup réfléchi : les parties les plus géniales, c'est celles où il est là.

― Et je te dis ça avec le coeur – m'a-t-il annoncé en posant sa main sur le côté droit (l'anatomie humaine, c'est pas son fort.)

Le patron du Tropezón, il m'a demandé de ne pas dire que l'année dernière il a intoxiqué la moitié du Haut Carabanchel avec une macédoine de légumes périmée ; donc, je vais garder ce chapitre pour lui faire du chantage de temps en temps.

Les seuls qui n¡ont pas protesté et qui n'ont rien demandé, c'est : mon père (même si je sais qu'il est très contente parce que dans ce livre on le voit beaucoup), et mon grand-père, qui, quand il a vu que personne ne me laissait tranquille, m'a dit: Toi, avec ton ballon, Manolito ; s'ils veulent être dans un livre ils n'ont qu'à l'écrire eux-mêmes ! Et c'est ce que j'ai fait, je suis retourné jouer au ballon, puisque c'est pour ça que je suis celui qui raconte d'aussi sinistres histoires.

***

Perrine nous propose sa traduction :

Ce n’est que le début

Me revoici ! Je suis Manolito, le même que celui d’un livre qui s’appelle Manolito Le Binoclard. Y a des mecs qui pensent tout savoir sur ma vie parce qu’ils ont lu ce livre. Ya des mecs sur la Planète Terre qui se croient super intelligents. Mon grand-père Nicolás dit qu’avec ma vie, on pourrait remplir des encyclopédies, et il le dit pas pasque c’est mon grand-père, non, y le dit pasque c’est vrai. Pendant les huit ans que j’ai vécu sur la sphère du monde (du monde mondial), il m’est arrivé tellement de choses que 92 ans me suffiront pas pour les raconter ; et je dis 92 pasque moi, si je pouvais choisir, j’aimerais bien mourir à cent ans, pasque mourir avant, je trouve que ça vaut pas le coup. C’est ce que moi je dis à mon grand-père :

— Mourir à quatre-vingt-sept ans, papi, c’est nul ; quand tu meurs à cent ans, t’es comme un roi, avec deux zéros, comme des cathédrales.

Moi j’arrive pas à comprendre ces gens si importants qui commencent à écrire leurs mémoires quand ils sont vieux et qui sortent un livre de 357 pages seulement. Je vais t’avouer un truc : moi, j’ai que huit ans, et ma vie à moi, dans 357 pages, là, elle rentre pas. Faudrait donc que j’écrive des tonnes de livres pour que tu te rendes compte de la réalité de ma vie : Manolito s’achète un survêt’, L’Imbécile a un prénom, Les blagues de Manolito, Manolito à New-York. Enfin, le dernier, c’est de la science-fiction, pasque moi, j’irai jamais à New-York, c’est une tradition dans ma famille de jamais aller à New-York, presque aussi vieille que celle d’avaler douze grains de raisin la nuit de la Saint-Sylvestre ou celle de danser la conga aux fêtes de Carabanchel. De tout ce que je sais sur mes ancêtres, aucun est allé à New-York, et je pense pas que je vais être le premier, pasque pendant les huit ans de ma vie sur cette Planète, j’ai jamais été le premier pour rien. Vous pouvez même demander à ma maîtresse Asunción, qui m’avait défini au début de l’année scolaire comme « le gamin ordinaire qui se fond dans la masse ». Mais je veux pas te dévoiler la fin du livre, je vais pas faire comme Dumbo qui va voir un film trois jours avant toi pour te raconter la fin et te la gâcher. C’est l’humour typique de mon super copain (même si c’est un sale traître).

Dans ce livre, y a quelques-unes des aventures qui me sont arrivées ces derniers mois, et tous les jours, il se passe tellement de choses dans ma vie que j’ai vraiment du mal à choisir lesquelles raconter. Et le pire, c’est qu’il fallait que tout le monde y mette son nez :

Yihad m’a prévenu que si je parlais pas de l’aventure du sifflet, on se retrouverait une après-midi au parc du Pendu.

Susana Culottes Sales me réclamait tous les jours un chapitre juste pour elle :

—… et pas comme dans l’autre livre, hein, où t’as raconté que le truc des culottes, p’tit coquin, va ! – m’a-t-elle dit.

Luisa voulait pas que l’histoire des Tirelires apparaisse, mais comme, en fait, ça la faisait beaucoup rire, elle m’a proposé d’utiliser des pseudonymes pour elle et Bernabé. Au final, j’ai oublié et j’ai mis leurs vrais prénoms. Ma mère m’a dit :

— On verra vite les répercussions de ton petit livre dans le quartier.

L’Imbécile, puisqu’il est analphabète, pour l’instant, a qu’une seule obsession : qu’on le représente tout le temps sur les dessins. Comme ça, il prendra le livre, il montrera ses portraits avec sa tétine (remplissant les feuilles de bave) et dira :

— Moi.

Et il tournera les pages jusqu’à retomber sur lui. Quand il saura lire, il voudra être le protagoniste. On verra.

La mère d’Arturo Román a appelé ma mère pour se plaindre :

— Mon Arturo a beau être très ami avec Manolito, la dernière fois le pauvre ne disait qu’une seule phrase.

Dumbo m’a avoué l’autre jour qu’après y avoir beaucoup réfléchi, il est arrivé à la conclusion que les parties les plus chouettes sont celles où il apparaît.

— Je te le dis avec le cœur – me confessa-t-il en plaçant sa main sur le côté droit (l’anatomie humaine, c’est pas son fort).

Le patron du Tropezón m’a demandé de pas dévoiler l’affaire de l’année dernière quand il a empoisonné la moitié de Carabanchel Alto avec une salade russe qui était périmée ; j’ai donc décidé de garder ce chapitre pour lui faire du chantage de temps en temps.

Les seuls qui ont pas protesté et qui ont rien réclamé, c’est mon père (même si je sais qu’il est très content pasqu’il est très présent dans ce livre) et mon grand-père qui, en voyant que les uns et les autres me laissaient pas tranquille, m’a conseillé :

— Toi, fais comme bon te semble, Manolito. S’ils veulent apparaître dans un livre, ils ont qu’à en écrire un eux-mêmes.

C’est donc ce que j’ai fait, j’ai fait comme bon me semblait, et c’est pourquoi c’est moi qui raconte ces histoires à faire dresser les cheveux sur la tête.

***

Stéphanie nous propose sa traduction :

Ce n’est que le début

Me revoici. Je suis Manolito, celui d’un livre qui s’appelle Manolito Labinocle. Il y a des gens qui pensent qui savent tout sur ma vie parce qu’ils ont lu ce livre. Il y a des gens sur la Planète Terre qui se croient très intelligents. Mon grand-père Nicolás, il dit qu’avec ma vie, on pourrait remplir des encyclopédies ; et c’est pas parce que c’est mon grand-père, il le dit parce que c’est vrai. Depuis huit ans que je vis sur la boule du monde (du monde mondial), il m’est arrivé tellement de choses que je n’aurais jamais assez des 92 années à venir pour les raconter ; et je dis 92, parce que, moi, j’aimerais bien mourir à 100 ans ; parce que mourir avant, ça ne vaut pas le coup ! C’est ce que je dis à mon grand-père.

― Mourir à quatre-vingt sept ans, c’est pas génial, papy, alors que si tu meurs à cent ans, t’es le roi du monde, avec deux zéros pareil les cathédrales.

Je n'arrive pas à comprendre ces personnes super importantes qui se mettent à écrire leurs mémoires quand ils sont vieux et qu'elles ne font que 357 pages. Je vais te dire un truc : je n'ai que huit ans et à moi, 357 pages, là, ça ne me suffit pas. Du coup, je vais devoir écrire des livres et des livres et toujours plus de livres pour que tu comprennes la réalité de ma vie : Manolito s'achète un pull, L'Imbécile a un prénom, Les blagues de Manolito, Manolito à New-York. Bon, le dernier, c'est de la science-fiction, parce qu'à New-York, je n'irais jamais ; c'est une tradition familiale qui existe dans ma famille, celle de ne pas aller à New-York ; elle est presque vieille comme celle de manger douze grains de raisins la nuit du jour de l'an ou de danser la conga aux fêtes de Carabanchel. D'après ce que j'ai pu apprendre de mes ancêtres, aucun n'est allé à New-York, et je ne crois pas que je serais le premier, parce que je n'ai jamais été le premier en rien ; demandez à ma maîtresse Asuncion, qui m'a défini comme le « classique garçon ordinaire ». Mais je ne veux pas te révéler la fin du livre, je ne vais pas faire mon Feuillesdechoux, qui va voir un film trois jours avant toi pour te raconter la fin et te la massacrer. C'est une plaisanterie typique de mon grand ami (même si c'est un vrai traître).

Dans ce livre il y a plusieurs aventures qui me sont arrivées au cours des derniers mois, et il y en a eu tellement, tellement des choses qui se sont produites tous les jours que ça a été difficile de choisir celles que j'allais te raconter. Et le problème, c'est qu'il a fallu que tout le monde y mette son grain de sel :

Yihad m'a dit que si je crachais pas l'histoire du sifflet, on s'expliquerait le soir venu dans le parc de l'arbre du pendu.

Susana Culottes-sales me réclamait tous les jours un chapitre pour elle toute seule :

— ...et pas comme dans l'autre livre, où tu as juste raconté le truc des culottes, petit marrant – m'a-t-elle dit.

Luisa ne voulait pas qu'apparaisse l'histoire des Petits cochons, mais, comme au fond, ça la faisait beaucoup rire, elle m'a proposé que, elle et Barnabé, je les mette sous un pseudonyme. Finalement, j'ai oublié et ils apparaissent avec leurs vrais prénoms. Ma mère m'a dit :

— On va voir les répercussions qu'il aura dans le quartier ton livre.

L'Imbécile comme, pour le moment, il est analphabète, il a une seule obsession : c'est d'être tout le temps sur les dessins. Comme ça, il prendra le livre, il montrera ses portraits avec sa tétine (en remplissant les feuilles de bave) et il dira :

— Moi.

Et il tournera les pages jusqu'à ce qu'il se voie à nouveau. Quand il saura lire, il exigera d'être le protagoniste. C'est sûr !

La mère d'Arturo Román, elle a appelé ma maman pour lui dire :

— Mon Arturo, il est très ami avec Manolito pourtant la dernière fois le pauvre petit, il a dit qu'une seule phrase.

Feuillesdechoux, il m'a avoué l'autre jour qu'après avoir beaucoup réfléchi, il trouve que les parties les plus géniales, c'est celles dans lesquelles il est.

— Je te le dis du fond du coeur – m'a-t-il dit en portant sa main du côté droit (l'anatomie humaine, c'est pas son point fort).

Le propriétaire du Faux pas m'a demandé que je ne révèle pas que l'année dernière, il a intoxiqué la moitié des habitants de Carabanchel Alto avec une salade russe périmée ; donc ce chapitre-là je le garderais pour lui faire du chantage de temps à autre.

Les seuls qui n'ont pas protesté et qui n'ont pas fait de réclamations, ça a été mon père (même si je sais qu'il est très content parce que dans ce livre, il apparaît plein de fois) et mon grand-père, qui, voyant que les uns et les autres me laissaient pas tranquille, m'a dit :

— Toi, tu fais ce que tu veux ; s'ils veulent être dans un livre, ils n'ont qu'à l'écrire eux-mêmes. Du coup, j'ai obéi, j'ai fait ce que je voulais, c'est pour ça que je suis celui qui raconte des histoires à dresser les cheveux sur la tête.

***

Auréba nous propose sa traduction :

Ça, ce n’est que le début.

Me revoilà. C'est Manolito, le même que celui d'un livre qui s'appelle Manolito Gafotas. Y a des gens qui croient tout connaître de ma vie juste parce qu'ils ont lu ce livre. Y a des gens sur la Planète Terre qui se croient très malins. Mon grand-père Nicolás, il dit qu'avec ma vie, on pourrait remplir des encylopédies entières ; et c'est pas parce que c'est mon grand-père, qu'il le dit, il le dit parce que c'est vrai. Pendant ces huit années où j'ai vécu sur la boule du monde (du monde mondial), il m'est arrivé tellement de trucs que j'aurai pas le temps de les raconter les quatre-vingt-douze prochaines années ; et je dis 92 parce que moi, si je pouvais choisir, j'aimerais mourir à cent ans, parce que mourir avant, ça n'en vaut pas la peine.

— C'est pas cool, pépé, de mourir à quatre-vingt huit ans ; si tu meurs à cent ans, là, par contre, t'es comme un roi, avec deux beaux zéros.

Moi, j'ai du mal à comprendre ces personnes si importantes qui se mettent à écrire leurs mémoires quand elles sont déjà vieilles et qui écrivent un livre qui fait que 357 pages. Tu sais quoi ? Moi, j'ai que huit ans, mais moi, ma vie, dans 357 pages, elle tient pas. Il va donc falloir que j'écrive des livres et des livres et des livres pour que tu te tiennes au courant de ce qui se passe vraiment dans ma vie : Manolito s'achète un survêtement. L'imbécile a un nom. Les blagues de Manolito. Manolito à New York. Bon, en fait, celui-là, c'est plus de la science fiction, parce que moi, tu vois, à New York, j'suis pas prêt d'y être ; c'est une tradition qu'y a dans ma famille, de n'jamais aller à New York ; cette tradition, elle est presque aussi vieille que celle de manger douze raisins la nuit du nouvel an, ou de danser la conga aux fêtes de Carabanchel. À c'que j'sache, mes ancêtres, y en a pas un seul qui soit allé à New York, et j' crois pas que je s'rai l'premier, vu que pendant mes huit ans de vie sur cette Planète, j'ai jamais été le premier pour quoi qu' ce soit ; demande à Mam'zelle Asunción, elle qui m'a décrit à la fin de l'année comme « le garçon quelconque classique ». Mais j'ai pas envie de te donner la fin de mon livre, j'veux pas faire comme Grandes-oreilles, qui va voir un film trois jours avant toi pour te raconter la fin et te la gâcher. Ça, ça fait partie de son charme, à mon pote (même si en vrai, c'est qu'un sale traître).

Dans ce livre, tu trouveras quelques unes des aventures qui me sont arrivées ces derniers mois, et tous les jours, y a tellement, tellement de choses qui m'arrivent, que ça m'a été difficile de choisir lesquelles raconter. Et le pire, c'est qu'il a fallu que tout le monde y mette son grain de sel.

Jihad, il m'a dit que si j'mettais pas l'aventure du sifflet, on se retrouverait face à face un après-midi dans le parc du Pendu.

Susana Culottes-sales, elle me demandait tous les jours un chapitre rien que pour elle.

— Mais attention, hein, pas comme dans l'autre livre, là, où t'as parlé de ma p'tite culotte, espèce de p'tit rigolo qu’elle m’a-t-elle dit.

Luisa, elle voulait pas qu'y ait l'histoire des p'tits cochons, mais, comme au fond ça la f'sait beaucoup rire, elle m'a proposé de les faire apparaître sous un pseudonyme, elle et Bernabé. Finalement, j'ai oublié, et ils apparaissent sous leur vrai nom. Ma mère a dit :

— On va bien voir quelles répercussions il aura dans le quartier, le fameux p'tit livre.

L'imbécile, comme pour l'instant il est analphabète, il n'a qu'une seule obsession : que je le mette toujours dans les dessins. Comme ça, il prendra le livre, montrera ses portraits, avec sa sucette (en couvrant les feuilles de bave), et il dira :

— Moi.

Et il tournera les pages jusqu'à ce qu'il se retrouve. Quand il saura lire, il exigera être le héros. C'est sûr.

La mère d'Arturo a appelé ma mère pour lui dire :

— Mon Arturo, qui est très copain avec Manolito, la dernière fois, il ne disait qu'une seule phrase, le pauvre.

Grandes-oreilles m'a dit l'autre jour qu'après y avoir bien réfléchi, il en est arrivé à la conclusion que les parties les plus cool, ce sont celles où il apparaît, lui..

— J'te l'dis en toute sincérité – m'a-t-il sorti en mettant sa main du côté gauche (c'est pas son fort, l'anatomie humaine).

Le patron du Tropezón m'a demandé de ne pas mettre que l'année dernière, il a intoxiqué la moitié de Carabanchel Haut avec une salade russe qui était périmée ; alors moi, ce chapitre, je vais le garder pour lui faire du chantage de temps en temps.

Les seuls à ne pas avoir protesté ni demandé quoi que ce soit, ce sont mon grand-père, qui, comme il voyait qu'entre deux livres, on ne me laissait pas tranquille, il m'a dit :

— Tu t'en fous fous, Manolito. Fais ce qui te chante ; et puis si ils ont envie d'être dans un livre, ils n'ont qu'à l'écire eux-mêmes.

C'est donc ce que j'ai fait ; j'ai fait ce qui me chantait ; c'est quand même pas pour rien qu' c'est moi qui les raconte, ces sacrées histoires.


***


Annabelle nous propose sa traduction :


CECI N'EST QUE LE DÉBUT

Me revoilà. C'est Manolito, celui d'un livre qui s'appelle Manolito Binoclard. Il y a des mecs qui pensent qu'ils savent tout de ma vie en ayant lu ce livre. Il y a des mecs sur la Planète Terre qui se croient très malins. Mon grand-père Nicolas dit qu'avec ma vie on pourrait remplir des encyclopédies ; et il ne le dit pas parce qu'il est mon grand-père, il le dit parce que c'est vrai. Pendant les huit années que j'ai passé à vivre en ce bas monde (le monde mondial), il m'est arrivé tant de choses que les 92 prochaines années ne me suffiraient pas pour les raconter ; et je dis 92 parce que moi, si je pouvais choisir, j'aimerais mourir à cent ans ; c'est que mourir avant n'en vaut pas la peine. Moi, c'est ce que je dis à mon grand-père.
– Mourir à quatre-vingt-sept ans, c'est nul, grand-père ; tu meurs à cent ans et tu es comme un roi, avec deux zéros comme des montagnes.
Je ne peux pas comprendre ces personnes si importantes qui se mettent à écrire leurs mémoires quand ils sont vieux et qui sortent juste un livre de 357 pages. Je te dis une chose : je n'ai que huit ans et moi, là, en 357 pages, ma vie ne rentre pas. Du coup je devrai écrire des livres et des livres et des livres pour que tu te rendes compte de la réalité de ma vie : Manolito s'achète un survêtement, L'Imbécile a un nom, Les Blagues de Manolito, Manolito à New-York. Bon, ce dernier est de la science fiction, parce que, moi, je n'irai jamais à New-York ; c'est une tradition qu'il y a dans ma famille, celle de ne jamais aller à New-York ; elle est presque aussi vieille que celle de manger douze raisins au réveillon du nouvel an ou de danser la conga aux fêtes de Carabanchel. Aussi loin que je puisse connaître mes ancêtres, aucun n'est allé à New-York, et je ne crois pas que je vais être le premier, car dans mes huit ans de vie sur cette Planète je n'ai jamais été le premier en rien ; demande à mon instit Asunción, qui m'a défini à la fin de l'année comme « l'enfant ordinaire par excellence » . Mais je ne veux pas te dévoiler la fin du livre, je ne veux pas être comme Grandes Oreilles, qui va voir un film trois jours avant toi pour te raconter la fin et te l'éventer. C'est une plaisanterie typique de mon grand ami (bien que ce soit un traître de porc).
Dans ce livre figurent quelques-unes des aventures qui me sont arrivées ces derniers mois, et il y en a tellement, tellement, des choses qui m'arrivent tous les jours, qu'il m'a été très difficile de décider lesquelles te raconter. Et le pire, c'est qu'il fallait que tout le monde y mette son nez :
Yihad m'a dit que si je ne mettais pas l'aventure du sifflet, on se retrouverait un soir dans le parc du Pendu.
Susana Culotte-Sale me demandait tous les jours un chapitre rien que pour elle :
— … et pas comme dans l'autre livre, où tu as juste raconté celle de la culotte, plaisantin — m'a-t-elle dit.
Luisa ne voulait pas que paraisse l'histoire des Petits Cochons mais comme, au fond, cela la faisait bien rire, elle proposa que je leur mette un pseudonyme, à elle et à Barnabé. Au final, j'ai oublié et ils sont avec leurs vrais noms. Ma mère a dit :
— Nous verrons bien les répercussions de l'album dans le quartier.
L'Imbécile, comme pour le moment il est analphabète, il n'a qu'une obsession : qu'on le trouve sans arrêt sur les dessins. Comme ça, il prendra le livre, montrera ses portraits avec sa tétine (couvrant les feuilles de bave) et il dira :
— Moi.
Et il tournera les pages jusqu'à ce qu'il se trouve à nouveau. Quand il saura lire, il exigera d'être le personnage principal. C'est sûr.
La mère d'Arturo Roman a appelé ma mère pour lui dire :
— Mon Arturo qui est si ami avec Manolito, et la dernière fois le pauvre disait seulement une phrase.
Grandes-Oreilles m'a confessé l'autre jour qu'après avoir beaucoup réfléchi, il est arrivé à la conclusion que les passages les plus géniaux sont ceux où il est.
— Je te le dis avec le cœur — m'a-t-il dit en mettant sa main sur son côté droit (l'anatomie humaine n'est pas son fort).
Le patron du Faux-Pas m'a demandé de ne pas mettre que l'année dernière il a intoxiqué la moitié du Haut Carabanchel avec une salade russe qui était périmée ; alors je garderai ce chapitre pour le faire chanter de temps en temps.
Les seuls à ne pas avoir protesté ni demandé quoi que ce soit ont été mon père (même si je sais qu'il est très content, car dans ce livre il apparaît beaucoup) et mon grand-père qui, voyant que ni les uns ni les autres ne me laissaient en paix, m'a dit :
— Laisse tomber, Manolito ; s'ils veulent figurer dans un livre, qu'ils se l'écrivent.
Alors c'est ce que j'ai fait, j'ai laissé tomber, voilà pourquoi c'est moi qui raconte ces terrifiantes histoires.


***


Alexis nous propose sa traduction :


Ce n’est qu’un début.

Me revoilà. Je suis Manolito, le même que celui du livre appelé Manolito Gafotas. Il y a des types qui pensent tout savoir sur ma vie du moment qu’ils ont lu ce livre. Il y a des types sur la planète Terre qui se croient très intelligents. Mon grand-père Nicolás dit qu’avec ma vie, on pourrait remplir des encyclopédies entières ; et il ne le dit pas parce que c’est mon grand-père, mais parce que c’est un fait. Durant les huit ans que j’ai passé dans sur la sphère du monde (du monde mondial), il m’est arrivé tellement de choses que je n’aurais pas assez de 92 ans pour toutes les raconter ; et je dis 92 parce que, si je peux choisir, eh bien j’aimerais mourir à cent ans, car mourir avant, ça vaut pas la peine. C’est ce que je dis à mon grand-père.
—Mourir à quatre-vingt-sept ans, c’est pas classe, papi. Alors que si tu meurs à cent ans, tu es comme un roi, avec deux énormes zéros.
Je n’arrive pas à comprendre ces personnes si importantes qui se mettent à écrire leurs mémoires quand ils sont vieux et qui ne font qu’un livre de 357 pages. Je vais te dire une chose : j’ai que huit ans, mais moi, dans 357 pages, ma vie, elle rentre pas. Il me faudrait écrire des livres, des livres et encore des livres pour que tu puisses savoir la vérité sur ma vie : Manolito s’achète un survêtement, L’Imbécile a un nom, Les blagues de Manolito, Manolito à New York. Bon, le dernier, là, c’est de la science fiction car moi, à New York, j’y mettrai jamais les pieds ; c’est une tradition familiale, de ne jamais aller à New York ; une tradition aussi vieille que celle de manger douze grains de raisin à la Saint Sylvestre ou de danser la conga aux fêtes de Carabanchel. Aussi loin que j’en sais sur mes ancêtres, aucun n’est allé à New York, et je ne pense pas que je vais être le premier, car en huit ans sur cette planète, je n’ai jamais été le premier en quoi que ce soit ; demandez à prof Asunción qui, à la fin de l’année scolaire, m’a défini comme « le parfait garçon ordinaire ». Mais je ne veux pas te raconter la fin du livre, je ne vais pas être comme Oreillard qui va voir un film trois jours avant toi pour t’en raconter la fin et te casser tout effet de surprise. C’est une plaisanterie typique de mon grand ami (même si c’est un traître de porc).
Dans ce livre se trouvent quelques unes des aventures qui me sont arrivées ces derniers mois, et elles sont nombreuses, vraiment, les choses qui m’arrivent tous les jours que ça m’a été vraiment difficile de décider celles que j’allais te raconter. Ce qui est dommage, c’est qu’il y a fallu que tout le monde s’en mêle :
Yihad m’a dit que si je retirais pas l’histoire du sifflet, on s’affronterais, un soir, au Parque del Ahorcado.
Susana Culottes-Sales me demandait tous les jours un chapitre rien que sur elle :
—… mais pas comme celui de l’autre livre où tu as juste parlé des culottes, petit comique – elle m’a dit.
Luisa ne souhaitait pas qu’apparaisse l’épisode des petits cochons, sauf que, étant donné que, dans le fond, ça la faisait beaucoup rire, elle m’a proposé que je parle d’elle ainsi que de Bernabé mais avec des pseudonymes. Finalement, ça m’est sorti de la tête et ils s’y trouvent avec leurs vrais noms. Ma mère a dit :
—On va pas tarder à voir les répercussions de ton petit livre dans le quartier.
L’Imbécile, qui pour l’instant est analphabète, a pour seule obsession qu’on le place sans arrêt dans des dessins. Ainsi, il prendra le livre, désignera ses portraits avec sa tétine (mettant plein de bave sur les pages) et s’exclamera :
—Moi
Puis il tournera les pages jusqu’à se retrouver encore. Quand il saura lire, il exigera d’être le personnage principal. C'est certain.
La mère d’Arturo Román a appelé ma mère pour lui dire :
—Avec toute l’amitié qui unit Arturo à Manolito, la dernière fois, le pauvre ne disait qu’une phrase.
Oreillard m’a confessé l’autre jour qu’après mûre réflexion, il en est arrivé à la conclusion que les meilleures parties sont celles où il apparaît.
—Je te le dis du fond du cœur –m’a-t-il dit portant sa main sur son côté droit (l’anatomie humaine, c’est pas son fort).
Le propriétaire du Tropezón m’a demandé de ne pas mentionné que l’année dernière, il avait intoxiqué la moitié de Carabanchel Alto avec une petite salade russe qui était périmée ; du coup, je garderai ce chapitre pour le faire chanter de temps à autres.
Les seuls qui n’ont pas protesté ni n’ont rien demandé, ça a été mon père (même si je sais qu’il est très content que dans ce livre on parle beaucoup de lui) et mon grand père qui, voyant qu’untel ou untel ne me laissait jamais en paix, m’a dit :
—Reste dans ton monde, Manolito ; s’ils ont envie d’être dans un livre, qu’ils l’écrivent eux-mêmes.
Voici ce que j’ai fait, je suis allé à ma bulle, car c’est pour ça que je suis celui qui raconte ces sinistres histoires.


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Olivier nous propose sa traduction :

C'est que le début.

Me revoilà. C'est moi, Manolito, le même que celui du bouquin qui s'appelle Manolito Culs-de-Bouteilles. Y'a des mecs qui croient qu'ils savent tout de ma vie, juste parce qu'ils ont lu le bouquin en question. Y'a vraiment des mecs sur la planète Terre qui se croient super intelligents. Mon papi Nicolás, il dit qu'avec ma vie, on pourrait remplir des encyclopédies. Et c'est pas parce que c'est mon papi qu'il dit ça, il dit ça tout simplement parce que c'est vrai. Ça fait huit ans que je suis sur cette terre (sur toute cette terre terrestre) et il m'est arrivé tellement de choses que j'aurais même pas le temps de toutes les raconter lors des prochaines 92 années. Je dis 92, parce que moi, si je pouvais choisir, j'aimerais bien mourir à cent ans. Parce que, franchement, mourir avant, ça vaut pas la peine. C'est ce que je lui dis à mon papi :

– Papi, mourir à 87 ans, c'est trop nul. Parce que, si tu meurs à cent ans, cent ans avec deux gros et beaux zéros, eh bah, t'es heureux comme un coq en pâte.

Moi, j'arrive pas à comprendre ces personnes si célèbres qui se mettent à écrire leurs mémoires quand ils sont vieux et qui arrivent à pondre qu'un malheureux bouquin de 357 pages. Je te dis un truc : moi, j'ai que huit ans, mais moi, déjà, ma vie, sur 357 pages, elle tient pas. C'est pourquoi il faudra que j'écrive des livres, des livres et des tonnes de livres pour que tu comprennes vraiment ma vie à moi : « Manolito s'achète un pull », « L'Imbécile est baptisé », « Les blagues de Manolito », « Manolito à New-York ». Enfin bon, le dernier, là, c'est de la science-fiction, parce que moi, à New-York, j'y mettrai jamais les pieds. C'est une tradition dans la famille, la tradition de ne jamais aller à New-York, c'est une tradition presque aussi vieille que celle d'avaler les 12 grains de raisin le 31 décembre ou de danser la conga dans les fêtes de Carabanchel. Moi, de ce que je connais de mes ancêtres, y'en a pas un qui a été à New-York, et je crois pas que je serai le premier à y aller, parce que, pendant 8 ans de vie sur ce monde, j'ai jamais été le premier à faire quoi que ce soit. Tiens, demandez à ma maîtresse Asunción. Elle a dit de moi, à la fin de l'année dernière, que j'étais « l'élève moyen par excellence ». Mais, je veux pas te raconter la fin du bouquin, je vais pas faire comme Dumbo qui file au ciné trois jours avant que toi t'y ailles juste pour te raconter la fin du film et bien te foutre en l'air ta séance. Ça, c'est la blague typique de mon grand copain (même si c'est quand même un sacré traître).

Dans ce livre, il y a quelques unes des aventures qui me sont arrivées ces derniers mois, mais bon, les histoires qui m'arrivent tous les jours, y'en a tellement et tellement que j'ai eu du mal à me décider à choisir quelles étaient celles que j'allais raconter. Et le truc, c'est qu'il fallait tout le monde vienne y mettre son grain de sel : Yihad, il m'a prévenu que si je racontais pas l'histoire du sifflet, j'aurai affaire à lui un de ces après-midi dans le parc du Pendu.

Suzanne les-Culottes-Sales, elle me demandait tous les jours un chapitre pour elle toute seule :

– … et pas comme dans l'autre livre où t'as juste raconté l'histoire des culottes, mon petit rigolo – qu'elle m'a dit.

Luisa, elle, elle voulait pas apparaître dans l'histoire des petits cochons, mais comme, au fond, ça la faisait bien rire, elle m'a proposé, pour elle et Bernabé, de les mentionner, d'accord, mais, par contre, d'utiliser un pseudonyme. Sauf qu'à la fin, j'ai oublié tout ça et elles sont dedans sous leur vrai nom. Ma mère m'a prévenu :

- On verra bien tout ce que ton petit livre va provoquer dans le quartier

L'Imbécile, comme pour l'instant il est analphabète, il a qu'une seule obsession : être toujours sur les dessins. Alors, il va attraper le livre, il va montrer les illustrations où il est avec sa tétine et (en trempant les pages de sa bave) il va pousser un :

- Moi.

Et, après, il va tourner les pages jusqu'à tomber encore sur lui. Et quand il saura lire, il exigera d'être le héros. C'est sûr. La mère d'Arturo Román, elle a appelé ma mère pour lui directement :

- Quand même, vu que mon Arturo, il est super copain avec Manolito, et comme en plus, la dernière fois, le pauvre, il disait qu'une seule phrase...

Dumbo m'a confié l'autre jour qu'après mûre réflexion, il est arrivé à la conclusion que les chapitres les plus géniaux, c'est ceux où il est dedans.

-Je te le dis en toute sincérité – m'a-t-il déclaré en plaquant sa main sur le côté droit de son torse (l'anatomie humaine, c'est vraiment pas son fort !).

Le propriétaire du Tropezón m'a demandé de ne pas raconté l'épisode où il a intoxiqué la moitié de Carabanchel avec une piémontaise qu'était périmée. Alors du coup, ce chapitre, je le mets de côté pour lui faire du chantage de temps en temps.

Les seuls qui n'ont pas protesté et qui n'ont rien demandé, ç'a été mon père (même si je sais qu'il est tout content parce qu'il apparaît plein plein de fois dans le bouquin) et mon papi qui, quand il a vu que ni les uns ni les autres me fichait la paix, m'a conseillé ça :

-T'occupe pas des autres, Manolito. S'ils veulent qu'on parle d'eux dans un bouquin, ils ont qu'à l'écrire eux-même, tiens.

Eh bah, c'est ce que j'ai fait, je me suis pas occupé des autres, parce que c'est quand même bien moi, à la fin, qui raconte ces histoires ahurissantes.

1 commentaire:

Tradabordo a dit…

À propos de Manolito Gafotas : outre celui de Vanessa, le plus convaincant, je n'aime pas beaucoup vos titres – je pense que vous pouvez trouver quelque chose de plus naturel… Allez !