mercredi 27 avril 2011

Exercice d'écriture à 16 mains…

Vous l'avez vu il y a quelques jours : je nous (« nous », les 7 étudiants de la promo Claude Bleton [Olivier Marchand, Stéphanie Maze, Vanessa Canavesi, Auréba Sadouni, Perrine Huet, Julie Sanchez, Alexis Porazska] et moi, Caroline Lepage) ai lancé le défi d'un exercice d'écriture collective, une véritable histoire imaginée et produite à 8 cerveaux et à 16 mains… dont le thème serait précisément nous, les traducteurs. J'avais proposé à Olivier de prendre le relais des quelques lignes avec lesquelles j'avais lancé l'affaire (depuis le début jusqu'à « par des années d'expérience »)… Vous voyez que notre jeune et entreprenant ami a été fidèle à sa réputation puisqu'il les a prolongées dans de bonnes proportions et, surtout, avec talent. Comme il n'est évidemment pas question que je laisse le bateau partir vers l'horizon sans lui donner une petite pichenette pour, légèrement, orienter sa course avant l'arrivée définitive au port, j'ajoute à la fin de la partie produite par Olivier les quelques lignes de transition pour que Stéphanie prenne sa place… Je te précise d'ailleurs dès à présent que ce sera à toi de décider qui écrira la suite, c'est-à-dire la 4e partie.

Le traducteur s'assit à son bureau et ouvrit l'enveloppe jaune : un gros et beau volume rouge et bleu de 576 pages… Il le tourna et retourna pour le soupeser (« Belle bête ») et peut-être commencer à l'apprivoiser (tel un certain chat d'un certain roman espagnol, celui-ci avait à l'évidence "un lomo servicial", très prometteur pour celui qui se décrivait souvent comme un dompteur de textes). Les engrenages de son « cerveau espagnol-français » étaient déjà en mouvement, encore un peu rouillés mais parfaitement réglés par des années d'expérience dans le métier. Les dictionnaires qui peuplaient sa masse grise – bilingues, unilingues et autres comparses –, émoustillés à l'idée d'être de nouveau feuilletés, faisaient frétiller leurs pages jaunies dans une déconcertante symphonie de papier. Son moi lecteur, lui se dressait, prêt à affronter, dans un duel qu'il imaginait amical, le monstre de liber aux habits azur et magenta.
À voir le livre sous ses yeux, il se remémora les nombreux doutes qui l'avaient assailli quand son éditeur lui avait proposé le travail.
Oui, il ressentait l'envie d'accomplir la difficile, mais ô combien palpitante, mission de passer un texte d'une langue à l'autre. Oui, il désirait se replonger des heures, des jours, des semaines durant dans un texte, le déchiffrer pleinement et lui ôter ses habits de lumière. Oui, il aspirait à lutter, une nouvelle fois, dans un combat à armes égales, contre ses deux adversaires de toujours : Compréhension et Restitution.
Mais, le traducteur vétéran qu'il était, avait-il encore les armes qu'il fallait : cette persévérance sans limite, cette fidélité à toute épreuve, cette curiosité de tous les instants ?
Il en avait fait le pari et voilà qu'il tenait, entre ses mains, l'objet de toutes ses appréhensions et de toutes ses hâtes. Un bien bel objet au titre des plus évocateurs : « Cinco maneras de comerse un gato ». Décidément, la référence féline que son cerveau lui avait soufflée était des plus appropriées. Ce chat en question, il allait devoir, lui aussi, le croquer, le mastiquer, le digérer et l'expulser, en version française, de la meilleure façon qu'il soit. Indigeste, assurément, impossible, nullement !
L'étrangeté de ce premier contact, à la fois sensuel et carnassier, bien loin de le dégoûter, ne fit que renforcer son solide appétit. Il attrapa la couverture qui tapissait le corps du félin et se décida à parcourir les milliers de lignes que les pattes de l'auteur avaient noircies. Le moment était arrivé d'entrer dans cette jungle, de se familiariser avec les bruits singuliers qu'on y entendait, d'habituer ses yeux à cette lumière entre chien et loup et, surtout, de faire confiance à son instinct de traducteur. Son crayon à papier, en guise de machette, à la main droite, son fouet lové à la boucle de sa ceinture et une gourde pleine de café dans une des poches de son pantalon, il franchit le seuil du livre qui lui faisait face, prêt à dompter la bête sauvage.

Chère Stéphanie,
C'est donc ici qu'Olivier t'abandonne le gouvernail…
Mais, comme annoncé en amorce, j'ajoute quelques petits ingrédients à ton propre voyage… les lignes de transition.

Il franchit sans ambages le cap de la couverture, de la page de garde, de la page de titre et buta sur un bel obstacle : une longue citation en exergue, avec des guillemets certes, mais sans mention du moindre auteur (« Oh bon sang, ce qu'ils sont agaçants quand ils font ça ! »). Et qu'est-ce que ça disait, en plus ?

« Sí: había alguien en la casa en quien podría reencarnarse: ¡en el gato! Vaciló luego. Era difícil resignarse a vivir dentro de un animal. Tendría una piel suave, blanca, y habría en sus músculos concentrada una gran energía para el salto. En la noche sentiría brillar sus ojos en la sombra como dos brasas verdes. Y tendría unos dientes blancos, agudos, para sonreírle a su madre desde su corazón felino con una ancha y buena sonrisa animal. ¡Pero no...! No podía ser. Se imaginó de pronto metida dentro del cuerpo del gato, recorriendo otra vez los pasadizos de la casa, manejando cuatro patas incómodas y aquella cola se movería suelta, sin ritmo, ajena a su voluntad. ¿Cómo sería la vida desde esos ojos verdes y luminosos? En la noche se iría a maullarle al cielo para que no derramara su cemento enlunado sobre el rostro de “el niño” que estaría bocarriba bebiéndose el rocío. Tal vez en su situación de gato también sienta miedo. Y tal vez, al fin de todo no podría comerse la naranja con esa boca carnívora. Un frío venido de allí mismo, nacido en la propia raíz de su espíritu tembló en su recuerdo. No. No era posible encarnarse en el gato. »

Drôle d'idée ! Bon… Il allait falloir procéder avec ordre et méthode.

Aucun commentaire: