jeudi 20 août 2009

Réflexions d'une spectatrice…

En photo : Paquebot, par twiga269 ॐ FREE TIBET

Oui, même si je suis impliquée – et pour cause ! –, c'est tout de même en spectatrice que l'enseignante que je suis regarde les apprenties de la promotion 2008-2009 se débattre avec les dernières relectures de leurs traductions longues. D'après ce que je comprends, ça peine, ça souffre, ça pleure et, globalement, ça râle… Mon Dieu que c'est difficile. Oui, oui, je sais. On en parlait depuis le début de l'année, mais c'était théorique, n'est-ce pas ? D'où l'utilité de l'exercice. Car en définitive, ce voyage ô combien solitaire aura été autant formateur pour ce que vous aurez appris de techniques et de procédés de traduction (attention aux généralisations !) que pour ce que vous avez découvert sur la pratique de la traduction elle-même et sur vous. On l'a souvent dit lors de nos discussions : le traducteur ne cesse jamais de se regarder, de se sentir et de se penser en tant que traducteur quand il traduit. Drôle d'expérience extra-corporelle ! Il va de soi que la peine, la souffrance, les pleurs et les grognements sont malheureusement le lot commun. Je ne sais pas si ça vous soulage de l'apprendre, mais c'est ainsi. Dur métier que celui de traducteur, n'est-ce pas ? Souvenez-vous de ce qu'expliquait Olivier Manoni, le président de l'ATLF, quand il est venu à Bordeaux 3 : le traducteur est toujours seul, il n'a personne au-dessus de lui pour l'aider quand il trébuche, pour le rappeler à son devoir quand il est gagné par la facilité (après tout, qui s'en apercevra ?) et pour le soutenir dans ses moments de doutes. Alors vous, jeunes traductrices, comment ne pas vous sentir effrayées dans un moment pareil… ? Le premier point final de votre première traduction… Quelle responsabilité ! Car enfin, vous voilà tout de même à présent à la tête d'une centaine de pages – nous sommes loin de la misérable version de quelques lignes – et il faut s'assurer de n'avoir rien oublié en route, d'avoir bien maîtrisé le sens certes (c'est l'évidence, et pourtant ça n'est pas gagné pour autant, personne n'en doute), mais aussi, bien plus complexe, l'ensemble de ce qui le soutient et permet la transmission. Où est-elle cette vilaine petite bête qui pourrait tout gâcher ? Personnellement, j'envisage le manuscrit terminé comme l'arrivée au port d'un paquebot. L'aube. Le navire est las et chargé de grappes de gens aux balcons (tellement d'histoires à raconter à ceux qui sont à terre, juste en face). Et, surtout, il est tellement compliqué à manœuvrer dans les derniers mètres d'une rade qu'on trouve forcément trop étroite et si dangereuse. Un petit coup à gauche, une légère poussée à droite. Boum, ça cogne, ça grince, ça craque… et ça vient finalement épouser le quai. Car le pilote est à son poste, fier dans sa cabine… Après tout, vous avez fait toute la traversée, depuis la première jusqu'à la dernière ligne. Qui connaît mieux la route que vous ? Et ces belles escales, avec d'intéressantes rencontres !
Alors maintenant, profitez d'un repos bien mérité…
Simplement un petit conseil : étant entendu qu'à l'avenir, c'est-à-dire en tant que professionnelles et non plus en apprenies, vous n'aurez pas une année universitaire mais quelques mois (2, 3 ou 4) pour boucler une traduction, certainement plus étendue que 100 pages de 1500 signes… et, plus encore, que vous ne pourrez pas êtres soumises à de telles émotions sans y laisser la peau, il serait bon que vous preniez un peu de recul. Réflechissez à votre manière de travailler et à votre façon de vous impliquer dans le texte. Voyez les points forts et les faiblesses de l'échafaudage… pour être plus performantes (eh bien oui, car il s'agit aussi de cela) et moins émotives.
Et je termine en vous félicitant d'être arrivées au bout…

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