mercredi 14 janvier 2009

Devoirs de vacances (Noël), 25

En photo : Pont desArts par E ♥ A

Encuentro con la Maga

¿ Encontraría a la Maga ? Tantas veces me había bastado asomarme, viniendo por la rue de Seine, al arco que da al Quai de Conti, y apenas la luz de ceniza y olivo que flota sobre el río me dejaba distinguir las formas, ya su silueta delgada se inscribía en el Pont des Arts, a veces andando de un lado a otro, a veces detenida en el pretil de hierro, inclinada sobre el agua. Y era tan natural cruzar la calle, subir los peldaños del puente, entrar en su delgada cintura y acercarme a la Maga que sonreía sin sorpresa, convencida como yo de que un encuentro casual era lo menos casual en nuestras vidas, y que la gente que se da citas precisas es la misma que necesita papel rayado para escribir o que aprieta desde abajo el tubo de dentífrico.
Pero ella no estaría ahora en el puente. Su fina cara de translúcida piel se asomaría a viejos portales del ghetto del Marais, quizá estuviera charlando con una vendedora de papas fritas o comiendo una salchicha caliente en el boulevard de Sébastopol. De todas maneras subí hasta el puente, y la Maga no estaba. Ahora la Maga no estaba en mi camino, y aunque conocíamos nuestros domicilios, cada hueco de nuestras dos habitaciones de falsos estudiantes en París, cada tarjeta postal abriendo una ventanita Braque o Ghirlandaio o Max Ernst contra las molduras baratas y los papeles chillones, aun así no nos buscaríamos en nuestras casas. Preferíamos encontrarnos en el puente, en la terraza de un café, en un cine-club o agachados junto a un gato en cualquier patio del barrio latino. Andábamos sin buscarnos pero sabiendo que andábamos para encontrarnos. Oh Maga, en cada mujer parecida a vos se agolpaba como un silencio ensordecedor, una pausa filosa y cristalina que acababa por derrumbarse tristemente, como un paraguas mojado que se cierra. Justamente un paraguas, Maga, te acordarías quizá de aquel paraguas viejo que sacrificamos en un barranco del Parc Montsourris, un atardecer helado de marzo. Lo tiramos porque lo habías encontrado en la Place de la Concorde, ya un poco roto, y lo usaste muchísimo, sobre todo para meterlo en las costillas de la gente en el metro y en los autobuses, siempre torpe y distraída y pensando en pájaros pintos o en un dibujito que hacían dos moscas en el techo del coche, y aquella tarde cayó un chaparrón y vos quisiste abrir orgullosa tu paraguas cuando entrábamos en el parque, y en tu mano se armó una catástrofe de relámpagos fríos y nubes negras, jirones de tela destrozada cayendo entre destellos de varillas desencajadas, y nos reíamos como locos mientras nos empapábamos, pensando que un paraguas encontrado en una plaza debía morir dignamente en un parque, no podía entrar en el ciclo innoble del tacho de basura o del cordón de la vereda ; entonces yo lo arrollé lo mejor posible, lo llevamos hasta lo alto del parqué, cerca del puentecito sobre el ferrrocarril, y desde allí lo tiré con todas las fuerzas al fondo de la barranca de césped mojado mientras vos proferías un grito donde vagamente creí reconocer una imprecación de walkyria. Y en el fondo del barranco se hundió como un barco que sucumbe al agua verde y procelosa, à la mer qui est plus félonesse en été qu’en hiver, a la ola pérfida, Maga, según enumeraciones que detallamos largo rato, enamorados de Joinville y del parque, abrazados y semejantes a árboles mojados o actores de cine de alguna pésima película húngara. Y quedó entre el pasto, mínimo y negro, como un insecto pisoteado. Y no se movía, ninguno de sus resortes se estiraba como antes. Terminado. Se acabó. Oh Maga, y no estábamos contentos.

Julio Cortázar, Rayuela, Edit. Sudamericana, 1980, pp.15-16.

***

La traduction « officielle » par Laure Guille-Bataillon pour les éditions Gallimard :

Allais-je rencontrer la Sibylle ? Il m'avait tant de fois suffit de déboucher sous la voûte qui donne Quai Conti en venant de la rue de Seine pour voir, dès que la lumière cendre olive au-dessus du fleuve me permettait de distinguer les formes, sa mince silhouette s'inscrire sur le Pont des Arts, parfois allant et venant, parfois arrêtée contre la rampe de fer, penchée au dessus de l'eau. Et c'était tout naturel de traverser la rue, de monter les marches du pont, d'entrer dans sa mince ceinture et de m'approcher de la Sibylle qui souriait sans surprise, persuadée comme moi qu'une rencontre fortuite était ce qu'il y avait de moins fortuit dans la vie et que les gens qui se donnent des rendez-vous précis sont ceux qui écrivent sur du papier rayé et pressent leur tube de dentifrice par le fond.
Mais elle ne serait pas sur le pont à présent. Son fin visage à la peau transparente devait se pencher sous de vieux portails dans le ghetto du Marais, ou peut-être bavardait-elle avec une marchande de frites si elle ne mangeait pas une saucisse chaude sur le boulevard Sébastopol. De toute façon, je montais jusqu'au pont, et la Sybille n'y était pas. Elle ne trouvait plus sur mon chemin à présent et bien que nous connaissions nos domiciles, chaque recoin de nos deux chambres de faux étudiants à Paris, toutes les cartes postales qui ouvraient sur les tapisseries criardes ou les moulures bon marché, une petite fenêtre Braque, Ghirlandaio ou Max Ernest, nous n'irions sûrement pas nous chercher chez nous. Nous préférions nous rencontrer sur le pont, à la terrasse d'un café, dans un ciné-club ou penchés au-dessus d'un chat, dans une cour du Quartier latin. Nous nous promenions sans nous chercher mais en sachant que nous nous promenions pour nous retrouver. O Sibylle, sur chaque femme qui te ressemblait se précipitait comme un silence assourdissant, une pause aiguisée et cristalline qui finissait par retomber tristement comme un parapluie mouillé qui se referme ! Et à propos de parapluie, Sibylle, tu te rappelles le vieux pépin que nous avons jeté dans un vieux ravin du parc Montsouris par une soirée glaciale de Mars ? Nous l'avons jeté là parce que nous l'avions trouvé place de la Concorde, déjà un peu déchiré, et tu t'en étais beaucoup servie, surtout pour l'enfoncer dans les côtes des gens dans l'autobus ou dans le métro, toujours distraite et maladroite, bayant aux corneilles ou à ce petit dessin que faisaient deux mouches au plafond de la voiture, et cet après-midi-là il y eut un orage et tu voulus ouvrir fièrement ton parapluie quand nous sommes entrés dans le parc, alors ta main a déclenché un cataclysme d'éclairs glacés et de nuages noirs, de lambeaux d'étoffes déchirées et de tiges arrachées, et nous riions comme des fous en nous faisant tremper, puis nous avons pensé qu'un parapluie trouvé sur une place devait mourir dignement dans un parc, il ne pouvait entrer dans le cycle ignoble de la poubelle ou du ruisseau ; alors je l'ai refermé de mon mieux, nous l'avons emporté jusqu'en haut du jardin près du petit pont sur le chemin de fer et je l'ai lancé de toutes mes forces au fond du ravin mouillé, tandis que tu poussais une imprécation de valkyrie. Et il s'est enfoncé dans le creux du ravin comme un bâteau qui succombe à l'eau verte, à l'eau verte et orageuse, à la mer qui est félonesse en été qu'en hiver, à la vague perfide, selon des citations que nous poursuivîmes longuement, tous les deux amoureux de Joinville et du parc, enlacés et pareils à des arbres mouillés ou à des acteurs de cinéma d'un très mauvais film hongrois. Il reposait dans l'herbe, tout petit et noir, comme un insecte écrasé. Et il ne bougeait plus, aucun de ses ressorts ne s'étirait plus comme avant. Fichu. Fini. O Sibylle ! Et nous n'étions pas contents.

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La traduction que je vous propose, après confrontation de nos idées avec les étudiants du groupe 2 de CAPES, lors du cours du jeudi 19 février :

Allais-je tomber sur Maga ? Il m’avait si souvent suffi de déboucher, arrivant par la rue de Seine, devant l’arche qui ouvre sur le Quai de Conti, pour qu’aussitôt la lumière cendre et olivâtre flottant sur le fleuve me permette de distinguer les formes ; sa silhouette mince s’inscrivait déjà sur le Pont des Arts, marchant parfois d’un côté à l’autre, d’autres fois arrêtée contre le parapet en fer, penchée au-dessus de l’eau. Et il était si naturel de traverser la rue, de grimper les marches du pont, de pénétrer dans sa maigre ceinture et de m’approcher de Maga qui souriait, pas surprise, convaincue comme moi de ce qu’une rencontre fortuite était ce qu’il y avait de moins fortuit dans nos vies, que les gens se donnant des rendez-vous précis sont les mêmes que ceux qui ont besoin de papier quadrillé pour écrire ou qui presse leur tube de dentifrice jusqu’au bout. Mais aujourd’hui elle ne devait pas être sur le pont. Son délicat visage à la peau translucide devait s’encadrer dans de vieux porches du quartier du Marais ; peut-être était-elle en train de discuter avec une vendeuse de frites ou en train de manger un hot-dog sur le boulevard de Sébastopol. Je n’en montai pas moins jusqu’au pont, et Maga n’y était pas, en effet. Pour l’heure, Maga n’était pas sur ma route, et bien que nous connûmes nos domiciles respectifs, chaque recoin de nos deux chambres de faux étudiants à Paris, la moindre carte postale ouvrant une petite fenêtre Braque ou Ghirlandaio ou Max Ernst sur les moulures bon marché et les papiers criards, oui, malgré cela il ne nous serait pas venu à l’idée de venir nous chercher chez nous. Nous préférions nous rencontrer sur le pont, à la terrasse d’un café, dans un ciné-club ou accroupis près d’un chat dans quelque cour du Quartier latin. Nous marchions sans nous chercher mais sachant que nous marchions pour nous retrouver. Oh Maga ! En chaque femme te ressemblant se pressait comme un silence assourdissant, une pause aiguisée et cristalline qui finissait par s’effondrer tristement, comme un parapluie mouillé qui se referme. À propos de parapluie, Maga, peut-être vas-tu te souvenir de ce vieux parapluie que nous sacrifiâmes dans un ravin du Parc Montsouris, une après-midi gelée de mars. Nous le jetâmes parce que tu l’avais trouvé sur la Place de la Concorde, déjà un peu cassé, qu’ensuite tu l’utilisas beaucoup, sutout pour l’enfoncer dans les cotes des gens dans le métro et dans les autobus, toujours maladroite et distraite, pensant aux petits oiseaux ou à un minuscule dessin que faisaient deux mouches sur le plafond de la voiture. Cette après-midi-là il y eut une averse et quand tu voulus fièrement ouvrir ton parapluie quand nous entrâmes dans le parc, dans ta main se déchaîna une catastrophe d’éclairs froids et de nuages noirs, des lambeaux de toile déchirée tombèrent au milieu des scintillements de baleines déboîtées, et nous riions comme des fous tandis que nous étions en train de nous tremper, nous jugions qu’un parapluie trouvé sur une place se devait de mourir dignement dans un parc, il ne pouvait pas entrer dans le cycle ignoble du conteneur à ordures ou du caniveau ; alors je le roulai du mieux que je pus, nous le portâmes jusqu’au point le plus haut du parc, près du petit pont sur la voie ferrée ; là que je le lançai de toutes mes forces vers le fond du ravin de gazon mouillé pendant que toi, tu poussais un cri où je crus vaguement reconnaître une imprécation de walkyrie. Et au fond du ravin il sombra comme un bateau succombant à l’eau verte et orageuse, à la mer qui est plus félonesse en été qu’en hiver, à la vague perfide, Maga, selon des énumérations que nous détaillâmes un long moment, amoureux de Joinville et du parc, enlacés et semblables aux arbres trempés ou à des acteurs de cinéma d’un quelconque minable film hongrois. Et il finit dans l’herbe, infime et noir, comme un insecte écrabouillé. Il ne bougeait plus, aucune de ses baleines ne se déployait comme autrefois. Terminé. Fini. Oh Maga ! Et nous étions heureux.

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Olivier nous propose sa traduction :

Allais-je rencontrer Maga ? Il m’avait suffi si souvent, en arrivant par la rue de Seine*, de déboucher sous l’arc qui donne sur le quai de Conti, pour qu’immédiatement la lumière de cendre oliveâtre qui flotte sur le fleuve me permette de distinguer les formes, que déjà sa mince silhouette se découpait sur le Pont des Arts*, marchant parfois d’un côté à l’autre, parfois immobile contre le pa rapet de fer, penchée au dessus de l’eau. Et traverser la rue était tellement naturel, monter les marches du pont, fouler son étroite ceinture, et m’approcher de Maga qui souriait, sans montrer la moindre surprise, convaincue comme moi qu’une rencontre fortuite était la chose la moins fortuite de nos existences, et que les gens qui se fixent des rendez-vous précis sont les mêmes que ceux qui ont besoin de papier quadrillé pour écrire ou qui pressent le tube de dentifrice par le bas.
Mais, pour l’heure, elle ne devait pas être sur le pont. Son fin visage à la peau translucide devait s’encadrer aux vieux porches du ghetto du Marais, peut-être était-elle en train de bavarder avec une marchande de frites ou de manger un hot-dog sur le boulevard Sébastopol. Quoiqu’il en fût, je montai jusqu’au pont, et Maga n’y était pas. Maintenant, Maga n’était pas sur mon chemin, et bien que nous connaissions nos domiciles respectifs, chaque recoin de nos deux chambres de faux étudiants à Paris, chaque carte postale ouvrant une lucarne Braque, Ghirlandaio ou Max Ernst sur les moulures bon marché et les papiers peints criards, même ainsi ce n’est pas à la maison que nous allions nous chercher. Nous préférions nous rencontrer sur le pont, à la terrasse d’un café, dans un ciné-club ou accroupis près d’un chat dans une quelconque cour du quartier latin. Nous marchions sans nous chercher mais sachant que nous marchions pour nous rencontrer. O ! Maga, dans chaque femme qui te ressemblait, s’accumulait, tel un assourdissant silence, une retenue affilée et cristalline, qui finissait par s’effondrer tristement, comme un parapluie mouillé qui se ferme. Un parapluie, tiens, Maga, tu t’en souviendras peut-être, comme celui que nous sacrificâmes dans un fossé du Parc Monsouris* par un froid crépuscule de mars. Nous le jetâmes car tu l’avais trouvé sur la Place de la Concorde*, déjà un peu cassé, et tu l’utilisas beaucoup , surtout pour l’enfoncer dans les côtes des gens dans le métro et dans l’autobus, toujours gauche et distraite, l’esprit occupé par des oiseaux multicolores ou par un petit dessin que deux mouches faisaient sur le plafond de la voiture ; et ce fameux après-midi éclata une averse et tu voulus, toute fière, ouvrir ton parapluie alors que nous entrions dans le parc, ce qui déclencha dans ta main une catastrophe de froids éclairs et de nuages noirs, de lambeaux de toile mise en pièces au milieu d’étincelles de baleines disloquées ; et nous riions comme des fous, trempés jusqu’aux os, à l’idée qu’un parapluie trouvé sur une place avait droit à une mort digne, dans un parc, qu’il ne pouvait intégrer le cycle sans noblesse de la poubelle ou du caniveau ; je l’enroulai donc du mieux possible, nous l’emportâmes jusque sur les hauteurs du parc, près du petit pont enjambant la voie ferrée, et de là je le jetai de toutes mes forces au fond du fossé de gazon mouillé pendant que je crus vaguement reconnaître dans le cri que tu lanças une imprécation de walkyrie. Et il sombra au fond du fossé comme un navire qui succombe à l’eau verte et tourmentée, à la mer qui est plus félonesse en été qu’en hiver*, à la vague perfide, Maga, selon des énumérations que nous égrénâmes un long moment, amoureux de Joinville et du parc, enlacés et semblables à des arbres détrempés ou à des acteurs de cinéma de quelque éxécrable film hongrois. Il demeura là, entre les herbes, tout petit et noir, comme un insecte écrasé. Et il ne bougeait pas, tous ses ressorts hors d’usage. Terminé. Fini. O ! Maga, et nous n’étions pas contents.

*En Français dans le texte.

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Vanessa nous propose sa traduction :

Rencontre avec la Magicienne.

Rencontrerais-je la Magicienne ? De nombreuses fois, il m’avait suffit que je me mette à la fenêtre ; elle venait par la rue de Seine, l’arc qui débouche sur le Quai de Conti, et la lumière cendrée et verdâtre qui flottait sur le fleuve me permettait à peine de distinguer les formes, sa silhouette mince s’inscrivait déjà sur le Pont des Arts, parfois allant d’un côté à l’autre, parfois, immobile sur le parapet en fer, penchée vers l’eau. Et c’était tellement naturel de traverser la rue, de monter les marches du pont, de pénétrer dans sa petite structure et de m’approcher de la Magicienne qui souriait sans être surprise, comme moi convaincue qu’une rencontre imprévue était le moins imprévu dans nos vies, et que les gens qui se donnent rendez-vous sont les mêmes que ceux qui ont besoin d’une feuille de papier ave des lignes pour écrire ou qui presse le tube de dentifrice à la base.
Mais à cette heure-ci, elle ne serait pas sur le pont. Son fin visage à la peau translucide doit apparaître devant de vieux porches du ghetto du Marais, peut-être discute-t-elle avec une vendeuse de frites ou mange-t-elle un hot-dog chaud sur le boulevard Sébastopol. De toute façon, je montai jusqu’au pont, mais la Magicienne n’y était pas. A ce moment-là, la Magicienne ne se trouvait pas sur mon chemin, et, bien que nous connaissions nos adresses respectives, chaque recoin de nos deux chambres de faux étudiants à Paris, chaque carte postale qui faisait un trou, Braque ou Ghirlandaio ou Max Ernst, sur les moulures bon marché et les tapisseries criardes, même ainsi, nous ne nous cherchions pas à nos domiciles. Nous préférions nous rencontrer sur le pont, à la terrasse d’un café, dans un ciné-club ou accroupis à côté d’un chat dans un quelconque patio du quartier latin. Nous marchions sans nous chercher mais en savant que nous marchions pour nous rencontrer. Oh Magicienne, dans chaque femme semblable à toi, se choquait tel silence assourdissant, une pause fileuse et cristalline qui finissait par s’effondre tristement, tel un parapluie mouillé qui se ferme. A propos de parapluie, Magicienne, tu te rappelleras sans doute de ce vieux parapluie que nous sacrifiâmes dans un fossé du Parc Montsouris, une fin d’après-midi gelé de mars. Nous le jetâmes car tu l’avais trouvé sur le Place de Concorde, déjà un peu cassé, mais tu l’utilisas énormément, surtout pour l’enfoncer dans les côtes des gens dans le métro et dans le bus, sans cesse maladroite et distraite et pensant à des oiseaux peints ou à un dessin que faisaient deux mouches sur le toit d’une voiture, mais cet après-midi-là, il tomba une averse et tu as voulu ouvrir, fière, ton parapluie alors que nous entrions dans le parc, mais, dans tes mains se produisit une catastrophe d’éclairs froids et noirs, des bouts de tissus déchiré tombant entre l’ensemble de tiges défaites, et nous riions comme des fous alors que étions de plus en plus trempés, en pensant qu’un parapluie trouvé sur une place devait mourir dignement dans un parc, il ne pouvait pas rentrer dans le cycle ignoble du tas d’ordures ou du bord du trottoir ; je le repliai du mieux possible ; nous l’emmenâmes tout en haut du parc, près du petit pont au dessus de la voie ferrée, et de là, je le jetai de toutes mes forces au fond de la fosse de pelouse mouillé alors que tu proférais un cri dans lequel je crus vaguement reconnaître une imprécation de walkyria. Et dans le fond du fossé, il se noya comme un bateau qui succombe à l’eau verte et langoureuse, à la mer qui est plus félonesse en été qu’en hiver, à la vague perfide, Magicienne, selon les énumérations que nous détallâmes pendant un long moment, amoureux de Joinville et du parc, enlacés et semblables à des arbres mouillés ou des acteurs de cinéma d’un très mauvais film hongrois. Et il demeura entre l’herbe, minime et noir, comme un insecte écrasé. Et il ne bougeait pas, aucunes de ses tiges s’étendaient comme auparavant. Terminé. C’est fini. Oh Magicienne, mais nous n’étions pas contents.

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Aurélie Bianchi nous propose sa traduction :

Rencontre avec la Mage

Allais-je retrouver la Mage ? Tant de fois, il m’avait suffit de me pencher, quand j’arrivais de la rue de Seine, au niveau de l’arche qui donne sur le Quai de Conti, et c’est à peine si la lumière de cendre et d’olivier flottant sur le fleuve me laissait distinguer les formes, que déjà sa silhouette mince s’inscrivait sur le Pont des Arts, parfois marchant d’un bout à l’autre, parfois arrêtée sur la rambarde en fer, penchée au-dessus de l’eau. Et c’était si naturel de traverser la rue, de monter les marches du pont, de pénétrer son étroite enceinte et de m’approcher de la Mage, qui souriait sans surprise, convaincue comme moi qu’une rencontre fortuite était la chose la moins fortuite dans nos vies, et que les gens qui se donnent des rendez-vous précis sont ceux-là même qui ont besoin de papier à lignes pour écrire ou qui pressent le tube de dentifrice par le bas.
Mais à présent elle ne devait pas se trouver sur le pont. Son visage fin à la peau translucide devait se pencher aux vieux portiques du ghetto du Marais, peut-être était-elle en train de parler avec une vendeuse de frites ou de manger une saucisse chaude sur le boulevard de Sébastopol. Je montai quand même jusqu’au pont, mais la Mage n’était pas là. A présent la Mage ne se trouvait pas sur mon chemin, et bien que chacun connaisse le domicile de l’autre, chaque trou dans nos chambres de faux étudiants à Paris, chaque carte postale s’ouvrant sur une petite fenêtre de Braque, de Ghirlandaio ou de Max Ernst sur les moulures bon marché et les papiers peints criards, même ainsi nous ne chercherions chez l’autre. Nous préférions nous retrouver sur le pont, sur la terrasse d’un café, dans un ciné-club ou accroupis près d’un chat dans n’importe quelle cour du quartier latin. Nous marchions sans nous chercher mais tout en sachant que nous marchions pour nous retrouver. Ô Mage, dans chaque femme Te ressemblant surgissait comme un silence assourdissant, une pause fileuse et cristalline qui finissait par s’évanouir tristement, comme un parapluie mouillé qui se referme. A propos de parapluie, Mage, peut-être Te souvenais-Tu de ce vieux parapluie que nous sacrifiâmes dans un fossé du Parc Montsourris, une après-midi gelée du mois de mars. Nous le jetâmes parce que nous l’avions trouvé sur la Place de la Concorde déjà un peu abîmé, et Tu l’utilisas tellement, surtout pour l’enfoncer dans les côtes des gens dans le métro et dans les autobus, toujours maladroite et distraite, pensant à des oiseaux peints ou à un petit dessin que faisaient deux mouches sur le toit de la voiture. Et cette après-midi-là, il y eut une averse et Toi, toute fière, Tu voulus ouvrir Ton parapluie alors que nous entrions dans le parc, et alors éclata entre tes mains une catastrophe d’éclairs et de nuages noirs, de morceaux de tissu déchiqueté tombant entre les éclats de manches brisés, et nous riions comme des fous tandis que nous nous mouillions, tout en pensant qu’un parapluie trouvé sur une place devait mourir dignement dans un parc, qu’il ne pouvait pas échouer dans le cycle ignoble d’une poubelle ou sur le bord d’un trottoir ; alors je l’enroulai le mieux possible, nous l’emmenâmes jusque sur les hauteurs du parc, près du petit pont au-dessus du chemin de fer, et de là je le lançai de toutes mes forces au fond du fossé d’herbe mouillée tandis que Toi, Tu proférais un cri où je crus vaguement reconnaître une imprécation de Walkyrie. Et, dans le fond du fossé, il s’enfonça comme un bateau qui succombe à l’eau verte et profonde, à la mer qui est plus félonesse en été qu’en hiver, à la vague perfide, Mage, d’après les énumérations que nous détaillâmes un long moment, amoureux de Joinville et du parc, enlacés et semblables aux arbres mouillés ou aux acteurs de cinéma de quelque très mauvais film hongrois. Et il resta entre les herbes, minuscule et noir, comme un insecte piétiné. Et il ne bougeait pas, aucun de ses ressorts ne s’étirait comme avant. Finit. C’était la fin. Ô Mage, et nous ne nous réjouissions pas.

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Odile nous propose sa traduction :

Rencontre avec la Magicienne

Trouverai-je la Magicienne? Tant de fois il m'avait suffit de regarder, arrivant de la rue de Seine, vers l'arche qui donne sur le quai de Conti et, à peine la lumière cendrée et verdâtre qui flotte sur le fleuve me permettait-elle de distinguer les formes, que déjà sa sihouette mince se dessinait sur le Pont des Arts, parfois marchant d' un coté à l'autre, parfois arrêtée contre le parapet de fer, penchée sur l'eau. C'était si naturel de traverser la rue, de monter les marches du pont, d'entrer dans son étroite enceinte et de m'approcher de la Magicienne qui souriait sans être surprise, convaincue comme moi, qu'une rencontre fortuite était le moins fortuit de nos vies et que les gens qui se donnent des rendez-vous à des heures bien précises sont les mêmes que ceux qui ont besoin de papier à lignes pour écrire ou qui pressent en commençant par le bas leur tube de dentifrice. Mais maintenant elle ne serait pas sur le pont. Son fin visage à la peau translucide doit se pencher à de vieilles portes du ghetto du Marais, peut-être est-elle en train de parler avec une marchande de frites ou mange-t-elle un hot-dog sur le boulevard de Sébastopol. Quoi qu'il en soit, je montai jusqu'au pont, et la Magicienne n'était pas là. Maintenant, la Magicienne ne croisait pas mon chemin, et bien que nous connaissions nos domiciles, chaque centimètre de nos deux chambres de faux étudiants à Paris, chaque carte postale ouvrant une petite fenêtre sur Braque, ou Ghirlandaio ou Marx Ernst contre les moulures bon marché et les papiers peints criards, pour autant nous ne nous y chercherions pas. Nous préférions nous rencontrer sur le pont, à la terrasse d'un café, dans un ciné-club ou accroupis près d'un chat dans une cour du quartier latin. Nous marchions sans nous chercher mais en sachant que nous marchions pour nous rencontrer. Oh Magicienne, dans chaque femme te ressemblant s'entassait comme un silence assourdissant, une pause acérée et cristalline qui finissait par s' écrouler tristement comme un parapluie mouillé que l'on ferme. Justement un parapluie, Magicienne, peut-être te souviendrais-tu de ce vieux parapluie que nous sacrifiâmes dans un fossé du Parc Montsouris, une fin d'après-midi glaciale de mars. Nous le jetâmes parce que tu l'avais trouvé Place de la Concorde, un peu cassé déjà, et tu l'avais beaucoup utilisé, surtout pour l'enfoncer dans les côtes des gens, dans le métro et les autobus, toujours maladroite et distraite, pensant à des oiseaux peints ou à un petit dessin que formaient deux mouches au plafond de la voiture , et cette après-midi quand il plut à verse, orgueilleuse, tu voulus ouvrir ton parapluie alors que nous entrions dans le parc, et entre tes mains se déchaîna une catastrophe d'éclairs froids et de nuages noirs, de lambeaux de toile déchirés retombant parmi les éclats des baleines défaites et nous riions comme des fous tandis que nous nous trempions, pensant qu'un parapluie trouvé sur une place devait mourir dignement dans un parc, qu'il ne pouvait finir dans le circuit ignoble des ordures ou sur le bord d'une allée ; alors, je l'enroulai du mieux possible, nous le portâmes tout en haut du parc, près du petit pont au-dessus du chemin de fer, et de là le jetai de toutes mes forces au fond du fossé herbu et mouillé tandis que tu lançais un cri dans lequel je crus vaguement reconnaître une imprécation de walkyrie. Au fond du fossé il s'enfonça comme un bateau qui succombe à l'eau verte et grondante , à la mer qui est plus félonesse en été qu'en hiver, à la vague perfide, Magicienne, suivant les citations que nous récitâmes durant un long moment, amoureux de Joinville et du parc, enlacés et pareils à des arbres mouillés ou à des acteurs de cinéma de quelque mauvais film hongrois. Et il est resté là, minuscule et noir, comme un insecte écrasé. Et il ne bougeait plus, aucun de ses ressorts ne s'étirait comme avant. Terminé. C'est fini. Oh Maga! Et nous n'étions pas contents.

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Brigitte nous propose sa traduction :

Rencontrerais-je la Magicienne ? Tant de fois il m’avait suffi de m’approcher, en arrivant par la rue de Seine, de l’arche qui donne sur le Quai de Conti, et à peine la lumière couleur de cendre et d’olive qui flotte sur le fleuve me permettait de distinguer les formes, que déjà sa silhouette mince s’inscrivait sur le Pont des Arts, parfois allant d’un bord à l’autre, parfois arrêtée sur le parapet de fer, penchée au-dessus de l’eau. Il était si naturel de traverser la rue, de gravir les marches du pont, de franchir son étroite ceinture et de m’approcher de la Magicienne qui souriait, n’affichant pas la moindre surprise, convaincue comme moi qu’une rencontre fortuite était la chose la moins fortuite qui soit dans nos existences, et que les gens qui se fixent des rendez-vous précis sont les mêmes qui ont besoin de papier à lignes pour écrire ou qui pressent par le bas un tube de dentifrice.
Mais elle n’était sans doute pas sur le pont à cette heure. Son fin visage à la peau translucide devait-il sans doute apparaître sous de vieux porches dans le ghetto du Marais, peut-être était-elle en train de bavarder avec une marchande de frites ou de manger une merguez chaude sur le boulevard Sébastopol. Quoi qu’il en soit, je montai sur le pont, et la Magicienne ne s’y trouvait pas. A ce moment, la Magicienne n’était pas sur mon chemin, et bien que nous connaissions nos adresses respectives, chaque fissure de nos deux chambres de faux étudiants à Paris, chaque carte postale ouvrant une petite lucarne sur Braque ou Ghirlandaio ou Max Ernst contre les moulures bon marché ou les papiers criards, même comme ça nous n’irions pas nous chercher jusque chez nous. Nous préférions nous retrouver sur le pont, à la terrasse d’un café, dans un ciné-club ou accroupis auprès d’un chat dans quelque cour intérieure du quartier latin.
Nous marchions sans nous chercher tout en sachant que nous marchions pour nous trouver.
Ô Magicienne, dans chaque femme te ressemblant s’accumulait comme un silence assourdissant, une pause affilée et cristalline qui finissait par s’effondrer tristement, comme un parapluie mouillé qui se referme. Justement, tiens, un parapluie, Magicienne, peut-être te souviens-tu de ce vieux parapluie que nous avions sacrifié dans un fossé du Parc Montsouris, un soir glacial de mars. Nous l’avions jeté parce que tu l’avais trouvé sur la place de la Concorde, déjà un peu cassé, et tu t’en étais beaucoup servi, dans le métro et dans les autobus, surtout pour le planter dans les côtes des gens, toujours maladroite et distraite, rêvant à des oiseaux peints ou à au graffiti fait par deux mouches au plafond de la voiture, et cet après-midi-là, il avait plu à verse et tu avais voulu ouvrir, très fière, ton parapluie quand nous étions entrés dans le parc, et entre tes mains, une catastrophe d’éclairs froids et de nuages noirs s’était produite, des lambeaux de toile déchirée tombant parmi des éclats de baleines disloquées, et nous avions ri comme des fous alors que nous nous trempions jusqu’aux os, estimant qu’un parapluie trouvé sur une place devait mourir dignement dans un parc, qu’il ne pouvait entrer dans le cycle dégradant d’une poubelle ordinaire ou d’un caniveau ; alors je l’avais rafistolé de mon mieux, nous l’avions emporté sur les hauteurs du parc, près du petit pont de chemin de fer, et de là je l’avais jeté de toutes mes forces au fond du fossé d’herbe mouillée, pendant que toi tu proférais un cri où je crus reconnaître vaguement une incantation de walkyrie. Et, au fond du fossé, il sombra tel un vaisseau qui succombe à l’eau verte et houleuse, à la mer qui est plus félonesse en été qu’en hiver*, à la vague perfide, Magicienne, selon nos énumérations longuement détaillées, amoureux de Joinville et du parc, enlassés et semblables à des arbres mouillés ou aux acteurs d’un mauvais film hongrois. Et il était resté dans l’herbe, minuscule et noir, comme un insecte écrasé. Et il ne bougeait pas, aucun de ses ressorts ne se détendaient plus comme avant. Terminé. C’était fini. Ô Magicienne, et nous n’étions pas contents.

* en Français dans le texte.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Une lecture attentive de la correction m’a amenée à me poser un certain nombre de questions :
tout d’abord, j’aimerais savoir pourquoi « la Maga » a été traduit "a secas" par Maga : pensant qu’il s’agissait d’un surnom, je l’ai traduit…

Ensuite, j’ai du mal à retrouver la syntaxe de la deuxième phrase espagnole dans la version française : qu’est-ce qui peut justifier la traduction de « y apenas » par « pour qu’aussitôt » (que j’avais, pour ma part, réservé à la traduction de « ya su silueta… ») ?

Pour traduire « delgada » - « su silueta delgada se incribía», « entrar en su delgada cintura » - ne pouvait-on pas garder le même adjectif en français, dans la mesure où la Maga est clairement associée au Pont des Arts ?

Pourquoi avoir remplacé « ghetto del Marais » par « quartier » ?

Quant à la présence des passés simples, dans la seconde moitié de la traduction, elle m’a paru quelque peu artificielle.

"Last but not least", la traduction de « no estábamos contentos » par « nous étions heureux » : l’erreur (coquille ?) se trouve dans le texte initial ou final ?

Tradabordo a dit…

Pour la Maga… Il s'agit d'un personnage mythique de la littérature latino-américaine et on ne le traduit pas (ne pas tirer de généralité de ce cas particulier) ; d'ailleurs, j'ai jeté un rapide coup d'œil sur Google – en tapant Cortázar et Marelle", en français exprès évidemment – et personne ne parle de magicienne, etc. Je t'accorde que dans notre traduction, nous aurions pu laisser le "la", pour faire cette sorte de jonction entre un surnom au départ et un "prénom" à l'arrivée. Mais alors… avec une minuscule ou une majuscule ?

Tradabordo a dit…

Pour le deuxième point… En regardant attentivement les traductions des uns et des autres sur le blog, je vois que les interprétations sont partagées (Olivier penche de mon côté, Brigitte du tien). Là aussi, il faudra qu'on s'interroge sérieusement sur la question…
Pour l'heure, je pense qu'il était intéressant d'associer son arrivée sur les lieux de la rencontre amoureuse avec l'apparition de la lumière, comme révélateur du décor sur lequel (la) Maga pourrait s'inscrire et évoluer.
Cela dit, je reconnais qu'après ta remarque, je ne suis plus sûre de rien. Cela se produit souvent : on se fait une idée du texte, on avance gentiment… sans la moindre hésitation et paf, un regard extérieur vient tout remettre en cause.
Histoire que la réputation de tradabordo ne souffre pas, il faut que nous trouvions une solution. Ce qui m'embêterait, ce n'est pas la présence d'un CS, mais des mots laissés en suspens, orphelins de leur traducteur… Notre troupe d'élite est-elle de celles qui désertent un champ de bataille ? Alors nous sommes priés de se creuser la tête là-dessus pour la prochaine fois. Et le traducteur « officiel » que dit-il ? Je n'ai pas Marelle chez moi… mais ça vaudrait le coup de regarder, ne serait-ce qu'à titre indicatif. Tu l'as ?

Tradabordo a dit…

« delgada ». Oui tu as raison… Sans doute avons-nous commis le péché de réécriture…

Tradabordo a dit…

Pour « Ghetto du Marais », nous avons beaucoup réfléchi… et là, il nous a semblé que nous ne pouvions pas tout à fait le traduire comme il a certainement été traduit à l'époque de sa parution originale. Ce qui était alors presque exclusivement un quartier juif (d'où la référence riche au ghetto) et clairement identifié dans les mentalités ainsi, est devenu majoritairement homosexuel et clairement identitifié comme cela dans les mentalités… Le lecteur français actuel pencherait donc vers cette interprétation, malgré lui, sans penser à faire un saut en arrière. Il ne faut pas non plus oublier que la lecture va vite…
Qu'en penses-tu ?
Nous sommes évidemment ouverts aux arguments en faveur de "ghetto". Je t'accorde que c'est un point épineux.

Tradabordo a dit…

Pour le passe simple… c'est vrai qu'il y a un problème. En cours, nous avions d'ailleurs opté pour le plus-que-parfait. J'avoue avoir un peu triché en recopiant. Pour des raisons que je t'expliquerai en cours, la prochaine fois. J'espère que les étudiants du groupe 2 de CAPES ne vont pas m'en vouloir. Cela dit, tu as raison, le passé simple n'est pas adapté. Au-delà de la question de l'artificialité, ce qui va dans le sens du plus-que-parfait, c'est surtout l'antériorité de l'"événement parapluie" par rapport au temps du récit. Ce qui, dans la même logique, interdit également le passé composé, si c'est à cela que tu avais pensé.

Tradabordo a dit…

Pour l'adjectif final… il y a un problème, lié à un trou de mémoire de ma part, comme je l'ai dit dans mon petit topo de présentation. Dans ma traduction, je m'étais contentée de traduire littéralement la V.O. Or en cours, un étudiant a fait une remarque très judicieuse… qui expliquait parfaitement ce qu'avait voulu dire l'auteur. De retour chez moi, j'ai eu beau essayé de me souvenir de ce qu'il avait dit, peine perdue. Je lui envoie un mail de ce pas pour lui demander de me rafraîchir la mémoire.
Et toi, que proposes-tu ?

Tradabordo a dit…

Je termine en te remerciant d'avoir joué le rôle de la mouche du coche ! Vraiment, j'adore ces discussions sur les traductions que nous faisons. Évidemment, c'est une sacrée mise à nue… mais très très très très utile.

Tradabordo a dit…

Voilà, j'en reviens après consultation de notre talentueux traducteur du groupe 2 de CAPES au fameux adjectif final.
Rapide parenthèse avant de lui céder la parole pour dire qu'effectivement j'avais oublié le "no"… Donc ce n'était pas une coquille dans le texte de départ… Désolée !

Je laisse donc la parole à notre jeune ami [et je le remercie de son aide] :
« Si je me souviens bien, nous avions proposé plusieurs réponses pour "contentos" et tu avais répondu que pour le concours il faudrait, afin de ne pas réveiller chez le correcteur un possible instinct de tortionnaire, se contenter de l'adjectif "heureux". Et moi je proposais "satisfaits". "Satisfaits" car ce parapluie adopté par Maga place de la Concorde, rescapé d'une fin propre aux simples objets (comme le "tacho de basura" ou "el cordon") va être par les deux amants sacralisé. Cette fin digne qu'ils lui concoctent, petit rituel aux accents de vaudou nordique (le cri de Valkyrie, ces guerrières nordiques au service d'Odin...) qui devrait se clore par un noble passage vers l'Au-delà, selon eux, est, en fin de compte, assez décevante... Ce parapluie finira par n'être qu'un insecte, "minimo y negro" et voilà nos deux amants bien marris par ce qui se devait d'être une mort digne. Donc "satisfait". Pour "un vie après le concours", bien entendu... »

Anonyme a dit…

Je reviens à notre passionnante discussion d’hier, même si je n’ai pas grand chose à ajouter aux remarques tu as faites : d’abord, je pense qu’on devrait conserver « la Maga » tel quel en français, afin de souligner d’une part sa valeur de surnom et d’autre part la référence à ce personnage mythique dont tu parles (et que je ne connaissais pas…), deux raisons qui « ancrent » le terme dans la culture latino-américaine et le rendent emblématique; ensuite, je crois qu’on devrait opter pour des plus-que-parfait dans l’épisode du parapluie, même si je trouve que le passé simple – par son double aspect, à la fois semelfactif et conclusif (merci à S. Duval pour ses cours de stylistique !) - correspond parfaitement à la scène décrite. Quant à la syntaxe problématique de la 2° phrase, il faudrait peut-être regarder une traduction « officielle » pour confronter nos différentes propositions ; j’irai jeter un œil à la BU, à la rentrée (en espérant que le livre ne se trouve pas au 3° étage…).

Affaire à suivre, donc.

Sergio a dit…

Salut les amis, je suis très content de retrouver ce blog, je travaille en ce moment sur un texte autour de Cortazar et justement, je cherchais à comprendre pourquoi diable on a traduit en français "La Maga" par "La Sibylle".
Je penche plus pour "Maga" tout simple, parce que, à, mon sens, ce n'est pas plus qu'un sobriquet poétique, (comme "Osita/oursine" dans "Les autonautes..."). C'est une pratique très courante chez nous (en Argentine), et Cortazar n'insiste pas plus que ça sur sa qualité de "magicienne".
D'ailleurs, mon texte tourne autour des "Cronopes" et là, par contre, j'ai trouvé carrément des contre sens ahurissants dans la traduction française.

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Sergio Chuki Aquindo