samedi 17 janvier 2009

Et vous, comment débroussaillez-vous ?, 2

En photo : Fusees & Torpedoes par Blue Temora

Vous vous souvenez sans doute de cette question et du sondage que j'ai lancé sur le sujet "Comment travaillez-vous votre premier jet ?". Il n'est pas encore terminé… mais presque, puisqu'en sept heures avant la clôture, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de changements à attendre. Cela donne les résultats suivants :

Premier jet rapide = 9 voix
Je prends tout mon temps = 6 voix

Or cette fois, enfin !, j'ai de la chance, puisque Brigitte commente la question posée. Pourquoi j'ai de la chance ? Eh bien parce que je vais éviter une nouvelle séance de "déboutonnage" en public. Après les états d'âme de la traductrice-mère Lepage… ça aurait fait beaucoup en une seule semaine.
Je laisse donc bien volontiers la parole à Brigitte pour un petit bilan personnel :

Au récent sondage qui nous interrogeait sur la façon dont nous abordions un texte avant d’entamer sa traduction, j’avais répondu sans hésitation « Premier jet rapide ».
Il est vrai que j’ai toujours procédé ainsi face à une traduction quelle qu’elle soit : thème ou version, texte court ou texte long.
Mon premier jet est, en quelque sorte, ma réaction spontanée face au texte, je dirai presque « mon réflexe primaire », comme un geste d’écriture automatique.
Après avoir pris connaissance du titre du texte, de l’ouvrage dont il est extrait, de son auteur et de sa date qui peuvent être des « indices » facilitant la compréhension du contexte, et aussitôt achevée une première lecture globale, je « me jette » littéralement « à corps perdu » dans sa traduction et je « jette » sur le papier ou l’écran de mon ordinateur une première trace.
Ce « premier jet rapide » ressemble donc bien souvent à un « infâme brouillon » qui, pour un lecteur « étranger et non averti », pourrait être qualifié « d’imbroglio incompréhensible », d'une suite désordonnée de mots, de phrases, d’expressions enchevêtrées pêle-mêle et dépourvue de sens…
Eh bien non, pas du tout : je traduis au fil des lignes et j’y mets simplement et de manière très « brute » tout ce qui me vient à l’idée : synonymes pour un même mot, plusieurs expressions pour en traduire une seule, des phrases retournées dans tous les sens, j’y inclus les mots espagnols en caractères gras lorsque j’en ignore le sens ou lorsque j’ai le moindre doute, je souligne les passages qui me semblent d’emblée les plus ardus à traduire.
Une fois cette première mouture réalisée, je l’imprime toujours car j’ai besoin de visualiser – même une première ébauche d’un texte – « couchée sur le papier ».
Et je « me lis » à voix haute (la musique du texte est importante) ou mieux encore, si je le peux, je fais lire à quelqu’un d’autre – quelqu’un d’attentif qui ignore le texte de départ en espagnol mais qui saura repérer ou me faire pointer du doigt des incorrections : certains mots ou phrases qui ne seraient pas immédiatement compréhensibles par le lecteur, les répétitions de mots ou de sons qui seraient passées inaperçues.
Puis, je laisse « reposer » quelques temps, je laisse « mijoter » et « mûrir » tout en continuant à y réfléchir bien sûr… (oui, car mon texte est toujours quelque part dans un petit coin de ma tête et ne me laissera de repos que lorsque je serai arrivée au dernier mot !)
Après ce petit temps de « maturation », le véritable « travail de fourmi » pourra alors commencer et là, oui, effectivement, je prends tout mon temps : alors je reprends tout, absolument tout, méthodiquement, du premier au dernier mot, phrase après phrase, en essayant de ne rien négliger, en observant la ponctuation, l’usage des temps, la tonalité du texte, je me représente, je visualise, j’imagine les gestes, la scène, je repère les niveaux de langue des protagonistes… et j’entreprends la recherche des mots inconnus, la vérification des autres, j’aligne les synonymes car un mot équivalent s’avère parfois plus juste, plus cohérent avec le texte ou le contexte.
Je réalise ainsi souvent plusieurs moutures successives… « jusqu’à épuisement » si je puis dire – mais est-ce vraiment possible ? – jusqu’au moment crucial, et parfois le plus difficile, du choix ultime.
Curieusement, après des heures, voire des jours de recherches et de travail sur un texte, il m’arrive parfois, de revenir finalement « à la case départ » et d’y puiser à nouveau la tournure, l’expression juste ou le bon mot dans « mon premier jet ».
Ce « premier jet rapide » est donc pour moi indispensable. Et s’il peut paraître davantage comme « un cri du cœur », une « réaction à chaud », une première impression sur un texte, il n’en est pas pour autant signe de précipitation ou d’erreur.
ET VOUS, COMMENT DEBROUSSAILLEZ-VOUS ?
AU SUIVANT !

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