mercredi 14 janvier 2009

Jacqueline a rencontré Sophie Duval

Pour illustrer ce post, voici les consignes de Jacqueline : « comme Sophie Duval est une spécialiste de Proust, quelque chose en rapport avec "à la recherche du temps perdu" (ou retrouvé) pourrait être sympa ; sinon, une référence au "Cercle des poètes disparus" ne serait pas mal non plus; ou bien un usuel du bon français. »

En photo : Marcel Proust par Siegfried Woldhek

le 13 janvier 2009

Interviewer Sophie Duval est un vrai bonheur. Elle vous installe confortablement dans son bureau, vous offre un café, vous écoute et entame une conversation à bâtons rompus où vous croisez pêle-mêle – mais pas tant que ça – Rabelais et Dostoïevsky, les grecs et les latins, « La question humaine » de Nicolas Klotz (adaptation cinématographique du récit de l’écrivain contemporain belge d’expression française François Emmanuel Tirtiaux), et on se surprend à penser à notre propre humanité…
Elle ne donne pas dans la facilité et les clichés, ne peste pas contre l’intrusion de l’anglais dans notre langue mais bien plutôt contre la langue de bois et « tous ces mots qui ne veulent rien dire » mais qui « modifient la perspective de ce dont on parle ». C’est que cette agrégée de Lettres modernes, spécialiste de Proust et de l’ironie littéraire sait, elle, de quoi elle parle. Et elle est convaincue que pour bien restituer un texte, il faut avoir une idée précise de ce qu’il véhicule ; la stylistique qu’elle enseigne avec bonheur est alors un ensemble de moyens techniques mis au service de l’étude fine d’un texte, de son sens et de son esthétique.
Ce qui nous ramène à la traduction. Pour Sophie DUVAL, une bonne traduction est celle qui fait ressortir les particularités d’un texte, qui permet de reconnaître le style d’un auteur. Elle savoure celles d’André Marcovitch, qui a voulu restituer la voix de Dostoïevsky, « et on l’entend quand on le lit », dit-elle. L’acte traducteur s’est accompagné de la même verve gaie que l’original, grâce à une langue plus familière, une syntaxe plus lâche. Elle reconnaît au traducteur « une marge de liberté à l’intérieur de la restitution » pour autant qu’il garde l’essentiel : l’esprit du texte ; se déclare favorable aux notes de bas de page, habitude de lecture qui ne la gêne point dans sa démarche de lectrice, au contraire : elle parle avec gourmandise de la « version bilingue » du Rabelais – version translation, avec texte originel et en regard passage au français moderne, accompagné de notes de langue qui donnent des explications culturelles sur le sens symbolique du mot.
Enfin, cerise sur le gâteau, Sophie DUVAL a une qualité première : elle consulte notre blog, nous connaît par nos textes de présentation, et dit avoir conscience qu’au-delà de la fonction information, cet outil semble avoir une incidence sur nos relations et « cimenter nos rapports ». Elle en veut pour preuve la solidarité et les échanges qui se manifestent dans notre groupe, ce qui ne laisse pas de la surprendre et de la ravir : un contrepoids « au vocabulaire de l’entreprise qui envahit notre société et la « déshumanise » ?
Aucun danger de cette sorte en tout cas avec Sophie DUVAL, qui pratique l’ellipse et l’épure comme personne et nous a offert, dans un langage aussi clair et direct que celui de son enseignement, une heure de convivialité, en bon français. Tradabordo la remercie.

Jacqueline

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